De l’Imitation de Jésus-Christ (Brignon)/Livre 4/03

Traduction par Jean Brignon.
Bruyset (p. 306-309).


CHAPITRE III.
Qu’il est utile de communier souvent.
Le Disciple.

Voilà que je viens à vous, Seigneur, dans le dessein de profiter de vôtre don, & de me réjoüir avec vous en ce délicieux banquet que vous avez préparé aux pauvres[1].

Je trouve en vous seul tout ce que je puis, & que je dois desirer.

Vous êtes ma redemption & mon salut, mon esperance & ma force, mon ornement & ma gloire.

Répandez donc aujourd’hui Ô mon Jesus, répandez la joye dans l’ame de vôtre serviteur[2], parce que j’ai élevé mon cœur vers vous.

Ce que je souhaite maintenant de plus, c’est de vous recevoir chez moi avec toute la devotion & tout le respect que je dois ; c’est de mériter que vous me donniez, comme à Zachée, vôtre benediction, & que vous me traitiez comme un vrai enfant d’Abraham.

Mon ame brûle d’envie de s’unir à vôtre Corps, & je n’ai point d’autre passion que de m’attacher à vous.

Donnez vous à moi, & je suis content ; car hors de vous il n’y a point de solide consolation.

Aussi ne puis-je demeurer separé de vous ; & si vous ne me visitez, la vie m’est un rude supplice.

Il faut donc que je m’approche souvent de vous, comme de celui de qui j’attends mon salut ; parce que je crains que les forces ne me manquent dans le chemin, si j’oublie jamais de manger le Pain de vie.

Lorsque vous prêchiez en Judée, & que vous y guerissiez une infinité de malades, vous dites un jour : Je ne puis renvoyer ces gens-ci chez eux sans leur donner à manger, de peur que manquant de forces, ils ne soient contraints de demeurer en chemin[3].

Fortifiez-moi donc maintenant, ô tres-doux Jesus, qui pour la consolation des fideles, avez bien voulu vous renfermer dans le Sacrement.

Vous êtes la nourriture de l’ame, & quiconque vous recevra dignement, aura pour partage & pour recompense la gloire éternelle.

Je vois bien que faisant beaucoup de fautes, & étant sujet à me relâcher, j’ai besoin du frequent usage de la priere, & des Sacremens de la Confession & de la Communion.

C’est par-là que je dois me renouveller, me purifier, & m’échauffer ; de peur que si je m’en abstiens trop long-tems, je n’oublie mes saintes resolutions.

Car l’homme avec tous ses sens est porté au mal dès la jeunesse[4] ; & la malice croîtra toûjours, si vous ne le prévenez de vôtre grace.

L’effet essentiel de la Communion est de l’éloigner du mal, & de l’affermir dans le bien.

Si donc je me sens très-peu de ferveur, si je suis tiéde & indevot, lors même que je communie, ou que je célebre la Messe, quelle seroit ma tiédeur, si je negligeois de me servir du remede que vous me donnez pour m’en preserver, ou pour m’en guérir ?

Que si je n’ai pas les dispositions necessaires pour celebrer tous les jours, je veux du moins me rendre digne de le faire dans les tems qui me sembleront les plus propres pour en profiter.

Car ce qui console le plus une ame fidéle, tant qu’elle est éloignée de vous, & comme bannie dans un corps mortel, c’est de penser souvent à vous, & d’être toûjours en état de vous recevoir avec devotion.

O miracle de bonté, que vous, Dieu & homme, vous de qui tous les esprits ont reçû l’être & la vie, vous daigniez visiter une ame aussi pauvre que la mienne, & qu’afin d’appaiser sa faim, vous vouliez être vous-même sa nourriture !

O l’ame vraiment heureuse, qui se trouve digne de vous recevoir ; & qui en vous recevant est remplie de joye spirituelle ; qui reçoit tout à la fois & un Seigneur si puissant, & un Hoste si aimable, & un Ami si fidéle, & un Epoux, qui en beauté, en noblesse, en toute sorte de perfection, surpasse tout ce qu’il y a de beau, de noble, & de parfait dans le monde !

O Dieu de mon cœur, que le Ciel & la terre, avec ce qu’ils ont de plus charmant, demeurent dans un silence profond devant vous ! qu’ils admirent vôtre Sagesse qui les a créez ! qu’ils avoüent que vôtre beauté passe infiniment la leur, & que la leur n’est que l’ombre de la vôtre !

  1. Psal. 67. 11.
  2. Psal. 85. 4.
  3. Matt. 15. 32. ; Marc. 8. 2.
  4. Gen. 8. 21.