De l’Imitation de Jésus-Christ (Brignon)/Livre 3/23

Traduction par Jean Brignon.
Bruyset (p. 182-185).


CHAPITRE XXIII.
De quatre choses qui servent beaucoup à la paix du cœur.
Le Maistre.

MOn fils, je veux vous apprendre le moyen de parvenir à la paix & à la vraye liberté.

Le Disciple.

Faites-moi, Seigneur, cette grace : car je vous écouterai avec plaisir.

Le Maistre.

Attachez-vous donc à faire la volonté d’autrui plûtôt que la vôtre.

Aimez toûjours mieux avoir peu, qu’avoir beaucoup.

Cherchez par tout la derniere place, & soyez bien aise de voir les autres audessus de vous.

Desirez enfin & priez sans cesse que la volonté divine s’accomplisse en vous.

Qui gardera bien ces préceptes, joüira d’un parfait repos.

Le Disciple.

Seigneur, ce peu de paroles renferment tout ce qu’il y a de plus parfait : tout ce que vous me dites est court, mais plein de sens, & d’une admirable instruction.

Si je l’observois fidélement, je ne serois pas sujet comme je le suis, à m’inquietter pour peu de chose.

Car toutes les fois que je sens du trouble dans mon cœur, je trouve que ce désordre ne vient que de n’avoir pas suivi vos maximes.

Mais vous, ô mon Dieu, qui pouvez tout, vous qui desirez avec ardeur nôtre avancement spirituel, augmentez en moi vôtre grace, afin que je puisse mettre en pratique ce que vous m’enseignez, & me sauver en le pratiquant.

Seigneur, ne vous éloignez pas de moi ; Soyez toujours prêt à me secourir[1] ; parce qu’il me vient mille sortes de pensées & de craintes, qui me troublent & n’affligent.

Que dois-je faire pour m’en délivrer, & pour empêcher qu’elles ne me nuisent ?

Le Maistre.

Je marcherai devant vous : j’humilierai les superbes sur la terre : j’ouvrirai les portes de la prison ; & je vous découvrirai ce que j’ai de plus secret[2].

Le Disciple.

Faites, Seigneur, ce que vous me dites, & chassez de mon esprit toutes ces pensées mauvaises.

Mon unique consolation dans mes peines, est de pouvoir recourir à vous, esperer en vous, implorer votre assistance, & attendre patiemment qu’il vous plaise de me visiter.

O mon Jesus, répandez votre divine clarté dans mon ame.

Arrêtez les égaremens de mon esprit ; soûtenez-moi contre les attaques de l’ennemi qui me presse.

Combattez fortement pour moi : reprimez la violence de mes passions, plus difficiles à dompter que les bêtes les plus féroces, afin que par vôtre grace, j’obtienne la paix, & que je vous louë continuellement dans votre véritable Sanctuaire, c’est-à-dire, dans une conscience bien pure.

Commandez à la tempête de cesser ; dites à la mer qu’elle s’appaise ; défendez à l’aquilon de souffler ; & incontinent tout sera calme.

Communiquez moi vôtre lumiere ; faites-moi connoître vôtre verite : car sans cela je serai toûjours comme une terre inculte & abandonnée.

Répandez sur moi vos benedictions ; faites couler dans mon cœur la rosée celeste ; inspirez-moi les sentimens d’une tendre devotion ; arrosez si bien cette terre seche, qu’elle soit capable de produire d’excellens fruits.

Relevez mon ame accablée du poids de ses pechez : faites qu’elle porte les esperances & ses affections audessus des choses visibles ; & que commençant à goûter les plaisirs du Ciel, elle se dégoûte de ceux de la terre.

Attachez-moi tellement à vous, que je n’aye que du mépris pour les douceurs passagéres, qui se trouvent dans les créatures, Car nul bien créé ne peut remplir mes desirs, ni me rendre heureux.

Unissez-moi si étroitement avec vous, par les liens de la charité, que rien ne m’en puisse separer : car vous avez dequoi satisfaire pleinement ceux qui vous aiment, & sans vous tout est vain, tout est dégoûtant.

  1. Psal. 90. 12.
  2. Isai. 45. 21.