De l’Imitation de Jésus-Christ (Brignon)/Livre 3/02

Traduction par Jean Brignon.
Bruyset (p. 121-123).


CHAPITRE II.
L’ame prie Dieu qu’il lui fasse entendre sa parole interieure.
Le Disciple.

PArlez, Seigneur, car voici vôtre serviteur qui écoute. Je suis vôtre serviteur : ouvrez-moi l’esprit, afin que je puisse comprendre ce qui est de vôtre Loi[1].

Faites-moi goûter vôtre divine parole, faites-là tomber doucement comme une rosée, dans mon cœur[2].

Le peuple d’Israël disoit autrefois à Moïse : Parlez-nous vous-même, & nous vous écouterons. Que le Seigneur ne nous parle point, de peur qu’il nous fasse mourir[3].

Ce n’est pas là, ô mon Dieu, ce n’est pas là ce que je souhaite : je vous demande plutôt humblement & avec instance comme Samuël, qu’il vous plaise de me parler, parce que vôtre serviteur écoute.

Que ce ne soit ni Moise, ni aucun autre Prophéte qui me parle : parlez-moi vous-même, ô mon Seigneur & non Dieu, de qui les Prophétes n’ont été que les organes. Vous pouvez m’instruire pleinement sans eux : mais sans vous, ils ne peuvent rien apprendre. Leurs paroles sont du bruit : mais elles frappent l’oreille, sans toucher le cœur.

Ce qu’ils disent, est tres-bien dit ; mais rien ne fait impression dans l’ame, si vous ne parlez.

Ils donnent la lettre : mais vous l’expliquez. Ils proposent des Mystéres : mais vous les développez.

Ils enseignent ce qu’il faut faire : mais vous aidez à l’accomplir.

Ils montrent la voye qu’il faut suivre : mais vous donnez des forces pour y marcher.

On entend leurs instructions : mais vos lumieres seules penetrent le cœur.

Ils arrosent l’arbre ; mais la fécondité vient de vous.

Ils prêchent vos veritez : mais vous les imprimez dans l’esprit de leurs auditeurs.

Que ce ne soit donc point Moïse qui me parle, que ce soit vous, ô éternelle verité : de peur qu’étant averti au dehors, & point touché au dedans, je ne meure sans avoir fait aucun bien.

Que je ne sois point condamné pour avoir oüi vôtre parole, & ne l’avoir pas gardée, pour l’avoir connuë, & ne l’avoir pas aimée, pour y avoir crû, & n’y avoir pas obéi !

Parlez, Seigneur, voici vôtre serviteur qui écoute. Parlez je vous en conjure : car vos paroles donnent la vie éternelle.

Dites-moi un mot, qui serve à ma consolation, à l’amendement de ma vie, à l’honneur & à la gloire de votre saint Nom.

  1. 1 Reg. 3. 9. Psal. 118. 125.
  2. Deut. 32. 2.
  3. Exod. 20. 19.