De l’Imitation de Jésus-Christ (Brignon)/Livre 1/10

Traduction par Jean Brignon.
Bruyset (p. 18-20).


CHAPITRE X.
Qu’il faut retrancher les paroles superfluës.

FUiez autant qu’il se peut le tumulte du monde ; car quoy qu’on n’ait pas l’intention mauvaise, on ne peut s’entretenir des choses du siécle, qu’on n’en ait l’esprit occupé & embarrassé.

Ces sortes d’entretiens soüillent bientôt l’ame, & l’empêchent de s’élever librement à Dieu.

O que je voudrois avoir souvent gardé le silence, & ne m’être point trouvé dans les compagnies !

Mais d’où vient que nous aimons tant la conversation, quoy que nous n’en sortions presque jamais purs & innocens ?

La cause de cette demangaison de parler est que nous cherchons à dissiper nos chagrins, en déchargeant notre cœur les uns aux autres, & tâchant de nous soulager ainsi des pensées fâcheuses qui troublent nôtre repos.

Nous n’avons point de plus grand plaisir que de nous entretenir des choses que nous aimons, que nous desirons, ou que nous sentons qui nous sont contraires.

Mais helas ! nous n’y gagnons rien la plûpart du temps. Car cette consolation exterieure que nous attendons des creatures, nous prive de l’interieure, que le Createur nous peut donner.

Il faut donc veiller & prier, si l’on veut avoir de quoy s’occuper utilement.

S’il est à propos de parler, il ne faut rien dire qui ne soit d’édification.

L’intemperance de la langue vient souvent du peu de soin que l’on a de profiter en vertu.

Après tout, les Conferences spirituelles n’aident pas peu à avancer dans la voye de la perfection ; lors que des personnes animées du même esprit, se joignent ensemble pour parler des choses de Dieu.