De l’Angélus de l’aube à l’Angélus du soir/Tu seras nue

De l’Angélus de l’aube à l’Angélus du soir : 1888-1897Mercure de France. (p. 153-154).

TU SERAS NUE…


Tu seras nue dans le salon aux vieilles choses,
fine comme un fuseau de roseau de lumière,
et, les jambes croisées, auprès du feu rose,
tu écouteras l’hiver.

À tes pieds, je prendrai dans mes bras tes genoux.
Tu souriras, plus gracieuse qu’une branche d’osier,
et, posant mes cheveux à ta hanche douce,
je pleurerai que tu sois si douce.

Nos regards orgueilleux se feront bons pour nous,
et, quand je baiserai ta gorge, tu baisseras
les yeux en souriant vers moi et laisseras
fléchir ta nuque douce.


Puis, quand viendra la vieille servante malade et fidèle
frapper à la porte en nous disant : le dîner est servi,
tu auras un sursaut rougissant, et ta main frêle
préparera ta robe grise.

Et tandis que le vent passera sous la porte,
que la pendule usée sonnera mal,
tu mettras tes jambes au parfum d’ivoire
dans leurs petits étuis noirs.