De l’Angélus de l’aube à l’Angélus du soir/C'était affreux

De l’Angélus de l’aube à l’Angélus du soir : 1888-1897Mercure de France. (p. 213-214).

C’ÉTAIT AFFREUX…


À Mlle M. R.


C’était affreux ce pauvre petit veau qu’on traînait
tout à l’heure à l’abattoir et qui résistait,

et qui essayait de lécher la pluie
sur les murs gris de la petite ville triste.

Ô mon Dieu ! Il avait l’air si doux
et si bon, lui qui était l’ami des chemins en houx.

Ô mon Dieu ! Vous qui êtes si bon,
dites qu’il y aura pour nous tous un pardon

— et qu’un jour, dans le Ciel en or, il n’y aura
plus de jolis petits veaux qu’on tuera,


et, qu’au contraire, devenus meilleurs,
sur leurs petites cornes nous mettrons des fleurs.

Ô mon Dieu ! Faites que ce petit veau
ne souffre pas trop en sentant entrer le couteau…