Dans la rue (Bruant)/Texte entier

Aristide Bruant (Volume Ip. 3-5).

ARISTIDE BRUANT


Dans la Rue


CHANSONS & MONOLOGUES


« ..........
T’es dans la ru’, va, t’es chez toi.»



DESSINS DE STEINLEN



PARIS
Aristide BRUANT
Auteur Éditeur
84, Boulevard Rochechouart, 84
Tous droits réservés


ÉDITION DÉFINITIVE

5ème mille

Une musique de scène est éditée spécialement pour chacun des monologues Philosophe. — Bonne Année. — Fantaisie-Triste. — Sonneur. — Récidiviste. — Les vrais dos. — Amoureux. — Côtier. — Soulaud. — Jaloux. — Gréviste. — Casseur de gueules. — Lézard. — Grelotteux.

Les chansons À la Villette et À Montpernasse se chantent sur l’air de À Batignolles.

L’accompagnement pour piano de tous les morceaux — chansons et monologues — contenus dans ce volume, est publié séparément et se trouve chez les principaux éditeurs de musique.

PHILOSOPHE

Va, mon vieux, va comme j’te pousse,
À gauche, à doit’, va, ça fait rien,
Va, pierr’ qui roule amass’ pas mousse,
J’m’appell’ pas Pierre et je l’sais bien.

Quand j’étais p’tit j’m’app’lais Émile,
À présent on m’appelle Éloi ;
Va, mon vieux, va, n’te fais pas d’bile.
T’es dans la ru’, va, t’es chez toi.

Va, mon vieux, pouss’-toi d’la ballade
En attendant l’jour d’aujord’hui,
Va donc, ya qu’quand on est malade
Qu’on a besoin d’pioncer la nuit ;
Tu t’portes ben, toi, t’as d’la chance,
Tu t’fous d’la chaud, tu t’fous d’la foid,
Va, mon vieux, fais pas d’rouspétance,
T’es dans la ru’, va, t’es chez toi.

De quoi donc ?… on dirait d’un merle,
Ej’viens d’entende un coup d’sifflet !…
Mais non, c’est moi que j’lâche eun’ perle,
Sortez donc, Monsieur, s’i’ vous plaît…
Ah ! mince, on prend des airs de flûte,
On s’régal’ d’un p’tit quant-à-soi…
Va, mon vieux, pèt’ dans ta culbute,
T’es dans la ru’, va, t’es chez toi.


D’abord ej’comprends pas qu’on s’gêne,
Ej’suis ami d’la liberté,
J’fais pas ma Sophi’, mon Ugène,
Quand ej’pète, ej’dis : j’ai pété.
Et pis nous somm’ en République,
On n’est pus su’l’pavé du roi ;
Va, va, mon vieux, va, pouss’ta chique,
T’es dans la ru’, va, t’es chez toi.




À BATIGNOLLES


\relative c'' {
  \clef treble
  \key bes \major
  \time 6/8
\partial 4. d8^\markup { Ritournelle } d4 d8
  \bar "||" 
\once \override Score.RehearsalMark.font-size = #-6
\mark \markup { \musicglyph #"scripts.segno" }
  \tempo \markup { \fontsize #-2 \smaller Andantino.}   
  <f, f'>4 <f c'>8 <f d'>4 <f ees'>8
  <f d'>4 <f bes>8 <f c'>4 <f d'>8
<f c'>4.~ <f c'>4 <bes, d f bes>4\fermata \bar "||"
  \set Staff.midiInstrument = #"piccolo"
  \autoBeamOff
  bes'8^\markup { Chant. } bes4 c8 | d4 d8 f4 f8
d4.~ d4 r8 | r4 bes8 bes4 c8 | d4 d8 f4 f8 | d4.~ d4 r8
r4 d8 d4 d8 | f4 c8 d4 ees8 | d4 bes8 c4 d8
c4.~ c | bes4\fermata \bar "||"
  \set Staff.midiInstrument = #"piano"
  d8^\markup { Ritournelle } d4 d8
    \bar "|." 
\once \override Score.RehearsalMark.font-size = #-6
\mark \markup { \musicglyph #"scripts.segno"}
}

\addlyrics {
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _
_ _ _ 
Sa ma -- man s’ap -- pe -- lait Flo -- ra,
A con -- nais -- sait pas son pa -- pa,
Tout’ jeune on la mit à l’é -- cole,
À Ba -- ti -- gnol -- les.
}

\layout {
  \context {
    \Score
    \remove "Bar_number_engraver"
  }
line-width = #80
indent = 1\cm
\set fontSize = #-2
}

Sa maman s’appelait Flora,
A connaissait pas son papa,
Tout’jeune on la mit à l’école,
        À Batignolles.

A poussa comme un champignon,
Malgré qu’alle ait r’çu pus d’un gnon,
L’soir, en faisant la cabriole,
        À Batignolles.

Alle avait des magnièr’s très bien,
Alle était coiffée à la chien,
A chantait comme eun’ petit’ folle,
        À Batignolles.


Quand a s’balladait, sous l’ciel bleu,
Avec ses ch’veux couleur de feu,
On croyait voir eune auréole,
        À Batignolles.


Alle avait encor’ tout’s ses dents,
Son p’tit nez, oùsqu’i pleuvait d’dan,
Était rond comme eun’ croquignolle,
        À Batignolles.


A buvait pas trop, mais assez,
Et quand a vous soufflait dans l’nez
On croyait r’nifler du pétrole,
        À Batignolles.

Ses appas étaient pas ben gros,
Mais je m’disais : Quand on est dos,
On peut nager avec eun’ sole,
        À Batignolles.

A gagnait pas beaucoup d’argent,
Mais j’étais pas ben exigeant !…
On vend d’l’amour pour eune obole,
        À Batignolles.


Je l’ai aimée autant qu’j’ai pu,
Mais j’ai pus pu lorsque j’ai su
Qu’a m’trompait, avec Anatole.
        À Batignolles.




Ça d’vait arriver, tôt ou tard,
Car Anatol’ c’est un mouchard…
La marmite aim’ ben la cass’role,
        À Batignolles.


Alors a m’a donné congé,
Mais le Bon Dieu m’a ben vengé :
A vient d’mourir de la variole.
        À Batignolles.


La moral’ de c’tte oraison-là,
C’est qu’les p’tit’s fill’s qu’a pas d’papa,
Doiv’nt jamais aller à l’école,
        À Batignolles.



À LA VILLETTE


Il avait pas encor’ vingt ans,
I’ connaissait pas ses parents,
On l’app’lait Toto Laripette,
            À la Villette.

Il était un peu sans façon,
Mais c’était un joli garçon :
C’était l’pus beau, c’était l’pus chouette,
            À la Villette.



Il était pas c’qu’y a d’mieux mis,
Il avait pas des beaux habits,
I’ s’rattrapait su’ sa casquette,
            À la Villette.


Il avait deux p’tits yeux d’souris,
Il avait deux p’tits favoris
Surmontés d’eun’ fin’ rouflaquette,
            À la Villette.

Yen avait pas deux comm’ lui pour
Vous parler d’sentiment, d’amour ;
Y avait qu’lui pour vous fair’ risette,
            À la Villette.

Il avait un gros chien d’bouvier
Qu’avait eun’ gross’ gueul’ de terrier,
On peut pas avoir eun’ levrette,
            À la Villette.


Quand i’ m’avait foutu des coups,
I m’demandait pardon, à g’noux,
I m’app’lait sa p’tit’ gigolette,
            À la Villette.


De son métier i’ faisait rien.
Dans l’jour i’ balladait son chien,
La nuit i’ rinçait la cuvette,
            À la Villette.


I’ f’sait l’lit qu’i’ défaisait pas,
Mais l’soir, quand je r’tirais mon bas,
C’est lui qui comptait la galette,
            À la Villette.


Quéqu’fois, quand j’faisais les boul’vards,
I’ dégringolait les pochards.
Avec le p’tit homme à Toinette,
            À la Villette.

I’ m’aimait autant que j’l’aimais,
Nous nous aurions quittés jamais
Si la police était pas faite,
            À la Villette.

Ya des nuits oùsque les sergots
Les ramass’nt, comm’ des escargots,
D’la ru’ d’Flande à la Chopinette,
            À la Villette.

Qu’on l’prenn’ grand ou p’tit, rouge ou brun,
On peut pas en conserver un :
I’s s’en vont tous à la Roquette,
            À la Villette.


La dernier’ fois que je l’ai vu,
Il avait l’torse à moitié nu,
Et le cou pris dans la lunette,
            À la Roquette.



(Se chante sur l’air de À Batignolles)


BONNE ANNÉE

Moi, ça m’emmerde l’jour de l’an :
C’est des giri’s, c’est des magnières,
On dirait qu’on est des rosières
Qui va embrasser sa maman.


C’en est des fricassé’s d’museau :
Du p’tit môme à la trisaïeule,
Les gén’rations s’lich’nt la gueule…
En d’dans ça s’dit : Crèv’ donc, chameau !

Su’l’boul’vard on n’est pus chez soi :
Ya ’cor’ pus d’mond’ que les dimanches,
Autour d’un tas d’baraqu’ en planches,
Des magnièr’s de nich’ oùsqu’on voit :

Des poupé’s, des sing’s, des marrons
Glacés, des questions nouvelles,
Des dragé’s, des porichinelles,
J’te vas en fout’, moi, des bonbons !

Tas d’prop’ à rien, tas d’saligauds,
Avec vos môm’, avec vos grues,
Vous m’barrez l’trottoir et les rues,
J’peux pus ramasser mes mégots !

C’est qu’il a du mal, el’trottoir,
Pour caler les jou’ à son monde :
J’peux pus compter su’ ma gironde,
On me l’a ramassé’ l’aut’soir.


Et faudrait qu’j’ay’ el’cœur content ?
Ah ! nom de Dieu ! c’est rien de l’dire ;
J’étais ben pus chouett’ sous l’empire…
Ça m’emmerdait pas l’jour de l’an !



À MONTPERNASSE

Alle avait pus ses dix-huit ans,
All’ ’tait pus jeune d’puis longtemps,
Mais a faisait encor’ la place,
            À Montpernasse.

En la voyant on savait pas
Si c’était d’la viande ou du gras
Qui ballottait su’ sa surface,
            À Montpernasse.


Alle avait quéqu’s cheveux graisseux,
Perdus dan’ un filet crasseux
Qu’avait vieilli su’ sa tignasse,
            À Montpernasse.

Alle avait eun’ robe d’reps noir,
L’matin ça y servait d’peignoir,
La nuit ça y servait d’limace,
            À Montpernasse.

A travaillait sans aucun goût ;
Des fois a faisait rien du tout,
Pendant qu’ j’étais dans la mélasse,
            À Montpernasse.


En vieillissant a gobait l’vin,
Et quand j’la croyais au turbin,
L’soir, a s’enfilait d’la vinasse,
            À Montpernasse.

Pour boire a m’trichait su’ l’gâteau,
C’est pour ça qu’ j’y cardais la peau
Et que j’yai crevé la paillasse,
            À Montpernasse.

Depuis que j’l’ai pus j’me fais vieux,
Et pendant qu’a m’attend aux cieux,
J’rends quéqu’s servic’ à Camescasse,
            À Montpernasse.

(Se chante sur l’air de À Batignolles)


MARCHE DES DOS


\relative c'' {
  \clef treble
  \key a \major
  \tempo "Mt. de marche."
  \time 4/4
  \set Staff.midiInstrument = #"piccolo"
  \autoBeamOff
\partial 8 cis8^\markup { \italic Couplet. } 
  \bar "||" cis4. cis8 d cis b d
cis4. ( b8 a4) b8. cis16 | cis4 b8. cis16 cis4 a8. b16
b2 r4 b8. cis16 | b4~ b8. fis16 fis4 b8. cis16
b2~ b4 b8. cis16 | dis4 dis dis dis8. dis16
% {page suivante}
\time 2/4
e2 \bar "||" 
  a,8^\markup { \italic Couplet. } a a4
  \tempo "Allegro."
  b8 b b4
cis8 e cis a | b e e4 | d8. fis16 d8 b
cis4 (a) | d8. fis16 d8 b | cis4 (a)
a8 a a4 | b8 b b4 | cis8 e cis a | b e e4
d8. fis16 d8 b | cis4 cis8 d | e4 e | a,4 r \bar "|."
}

\addlyrics {
À bas la ro -- mance et l’i -- "dyl - le,"
Les oi -- seaux, la fo -- rêt, le buis -- son,
Des mar -- lous, de la gran -- de "vil - le,"
Nous al -- lons chan -- ter la chan -- "son :"

V’là les dos, viv’nt les "dos !"
C’est les dos les gros,
Les beaux,
À nous les mar -- "mi - tes !"
Gran -- des ou pe -- "ti - tes ;"
V’là les dos, viv’nt les "dos !"
C’est les dos les gros,
Les beaux,
À nous les mar -- mit’ et vi -- vent les "dos !"
}

\layout {
  \context {
    \Score
    \remove "Bar_number_engraver"
  }
line-width = #120
}

\relative c'' {
  \clef treble
  \key a \major
  \set Staff.midiInstrument = #"piccolo"
  \autoBeamOff
  \time 2/4
e2 \bar "||" 
  a,8^\markup { \italic Couplet. } a a4
  \tempo "Allegro."
  b8 b b4
cis8 e cis a | b e e4 | d8. fis16 d8 b
cis4 (a) | d8. fis16 d8 b | cis4 (a)
a8 a a4 | b8 b b4 | cis8 e cis a | b e e4
d8. fis16 d8 b | cis4 cis8 d | e4 e | a,4 r \bar "|."
}

\addlyrics {
"son :"

V’là les dos, viv’nt les "dos !"
C’est les dos les gros,
Les beaux,
À nous les mar -- "mi - tes !"
Gran -- des ou pe -- "ti - tes ;"
V’là les dos, viv’nt les "dos !"
C’est les dos les gros,
Les beaux,
À nous les mar -- mit’ et vi -- vent les "dos !"
}

\layout {
  \context {
    \Score
    \remove "Bar_number_engraver"
  }
  line-width = #120
}


À bas la romance et l’idylle,
Les oiseaux, la forêt, le buisson,
Des marlous, de la grande ville,
Nous allons chanter la chanson !

        V’là les dos, viv’nt les dos !
        C’est les dos les gros,
            Les beaux,
        À nous les marmites !
        Grandes ou petites ;
        V’là les dos, viv’nt les dos !
        C’est les dos les gros,
            Les beaux,
        À nous les marmit’ et vivent les dos !

Marlous, nos marmites sont belles,
Le bourgeois les adore, à genoux,
Et Paris, qui compte avec elles,
Est forcé d’compter avec nous.

        V’là les dos, viv’nt les dos !
        C’est les dos les gros,
            Les beaux,
        À nous les marmites !
        Grandes ou petites ;
        V’là les dos, viv’nt les dos !
        C’est les dos les gros,
            Les beaux,
        À nous les marmit’ et vivent les dos !


Le riche a ses titres en caisse,
Nous avons nos valeurs en jupon,
Et malgré la hausse ou la baisse,
Chaque soir, on touche un coupon.
 
        V’là les dos, viv’nt les dos !
        C’est les dos les gros,
            Les beaux,
        À nous les marmites !
        Grandes ou petites ;
        V’là les dos, viv’nt les dos !
        C’est les dos les gros,
            Les beaux,
        À nous les marmit’ et vivent les dos !

Le pante a beau fair’ des largesses,
Il ne peut être aimé comme nous.
Il a beau fader nos gonzesses,
Il n’sait pas leur foutre des coups.

        V’là les dos, viv’nt les dos !
        C’est les dos les gros,
            Les beaux,
        À nous les marmites !
        Grandes ou petites ;
        V’là les dos, viv’nt les dos !
        C’est les dos les gros,
            Les beaux,
        À nous les marmit’ et vivent les dos !


La rousse a beau serrer les mailles
Du filet qu’elle tend aux déchus,
Nous savons, grâce à nos écailles,
Glisser entre ses doigts crochus.
 
        V’là les dos, viv’nt les dos !
        C’est les dos les gros,
            Les beaux,
        À nous les marmites !
        Grandes ou petites ;
        V’là les dos, viv’nt les dos !
        C’est les dos les gros,
            Les beaux,
        À nous les marmit’ et vivent les dos !

Pourtant, les jours de guillotine,
Quand la loi raccourcit un marlou,
Nous allons lui chanter mâtine,
Pendant qu’on lui coupe le cou.

        V’là les dos, viv’nt les dos !
        C’est les dos les gros,
            Les beaux,
        À nous les marmites !
        Grandes ou petites ;
        V’là les dos, viv’nt les dos !
        C’est les dos les gros,
            Les beaux,
        À nous les marmit’ et vivent les dos !


RONDE DES MARMITES


\relative c'' {
  \clef treble
  \key a \major
  \tempo \markup { \fontsize #-4 \smaller Allegro.}
\set Score.tempoHideNote = ##t
    \tempo 4 = 120
  \time 6/8
  \bar "||"  
\once \override Score.RehearsalMark.font-size = #-4
\mark\markup { \musicglyph #"scripts.segno" }
a4.^\markup { Piano } b4 cis8
a4. (e4) r8 | e'4 d8 cis4 b8 | cis4 d8 e4 r8 | a,4. b4 cis8
a4. (e4) r8 | e'4 d8 cis4 b8 a4 r8\fermata \bar "||"
  \set Staff.midiInstrument = #"piccolo"
  \autoBeamOff
  e4^\markup { Chant. 1er Couplet. } e8 | a4 a8 cis4 b8
a4 r8 e'4. | a,4 b8 b4. (a4) r8 e4 e8 | a4 a8 cis4 b8
a4 r8 e'4. | a,4 b8 b4. (a4) r8 b4 b8 | e4 d8 cis4 d8
b4 r8 e4 d8 | cis4 b8 a4 cis8 | b4.~ b4 r8 \bar "||" \break
% {page suivante}
a4.^\markup { REFRAIN. } b4 cis8 | a4. (e4) r8 | e'4 d8 cis4 b8 | cis4 d8 e4 r8
e4 d8 cis4 d8 | b4~ b r8 b | e4 d8 cis4 d8 | b4.~ b4 r8
e4 d8 cis4 b8 | cis4 d8 e4 r8 | e4 d8 cis4 b8 | cis4 d8 e4 r8
a,4. b4 cis8 | a4. (e4) r8 | e'4 d8 cis4 b8 | a4 r8 r4 r8
\bar "|." 
\once \override Score.RehearsalMark.font-size = #-4
\mark \markup { \musicglyph #"scripts.segno" }
}

\addlyrics {
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ 
La nuit tous les chats sont gris,
Dan -- sons la "ron - de !"
La nuit tous les chats sont gris,
Dan -- sons la "ron - de !"
Fai -- sons le tour de Pa -- ris,
De Mont -- martre à Mont -- Sou -- ris.

Dan -- sons la "ron - de"
Des mar -- mi -- tes de Pa -- ris,
O -- "hé !" les sou -- "ris !"
Les ron -- geu -- ses de "monde !"
Fai -- sons sau -- ter a -- vec nous
Nos mi -- chets et nos mar -- lous.
Dan -- sons la "ron - de !"
Pa -- ris est à "nous !"
}

\layout {
  \context {
    \Score
    \remove "Bar_number_engraver"
  }
line-width = #100
indent = 2\cm
\set fontSize = #-2
}


La nuit tous les chats sont gris,
            Dansons la ronde !
La nuit tous les chats sont gris,
            Dansons la ronde !
Faisons le tour de Paris,
De Montmartre à Mont-Souris.

            Dansons la ronde
            Des marmites de Paris,
            Ohé ! les souris !
            Les rongeuses de monde !
            Faisons sauter avec nous
            Nos michets et nos marlous.
            Dansons la ronde !
            Paris est à nous !


Nous consolons les cocus,
            Dansons la ronde !
Nous consolons les cocus,
            Dansons la ronde !
En tout temps on les a vus
Nous apporter leurs écus.

            Dansons la ronde
            Des marmites de Paris,
            Ohé ! les souris !
            Les rongeuses de monde !
            Faisons sauter avec nous
            Nos michets et nos marlous.
            Dansons la ronde !
            Paris est à nous !

À l’heure des assassins,
            Dansons la ronde !
À l’heure des assassins,
            Dansons la ronde !
Nous endormons, sur nos seins,
Les sergents et les roussins.

            Dansons la ronde
            Des marmites de Paris,
            Ohé ! les souris !
            Les rongeuses de monde !
            Faisons sauter avec nous
            Nos michets et nos marlous.
            Dansons la ronde !
            Paris est à nous !


Nous nous foutons bien des lois,
            Dansons la ronde !
Nous nous foutons bien des lois,
            Dansons la ronde !
Les ducs, les princes, les rois
Se réchauffent sous nos toits !

            Dansons la ronde
            Des marmites de Paris,
            Ohé ! les souris !
            Les rongeuses de monde !
            Faisons sauter avec nous
            Nos michets et nos marlous.
            Dansons la ronde !
            Paris est à nous !

Petit poisson grandira,
            Dansons la ronde !
Petit poisson grandira,
            Dansons la ronde !
Et tant que Paris sera
La marmite bouillira !

            Dansons la ronde
            Des marmites de Paris,
            Ohé ! les souris !
            Les rongeuses de monde !
            Faisons sauter avec nous
            Nos michets et nos marlous.
            Dansons la ronde !
            Paris est à nous !


La nuit tous les chats sont gris,
            Dansons la ronde !
La nuit tous les chats sont gris,
            Dansons la ronde !
Faisons le tour de Paris,
De Montmartre à Mont-Souris.

            Dansons la ronde
            Des marmites de Paris,
            Ohé ! les souris !
            Les rongeuses de monde !
            Faisons sauter avec nous
            Nos michets et nos marlous.
            Dansons la ronde !
            Paris est à nous !




À SAINT-LAZARE


\relative c'' {
  \clef treble
  \key bes \major
  \time 2/4
\partial 4. bes8 a bes
  \bar "||" 
\once \override Score.RehearsalMark.font-size = #-4
\mark \markup { \musicglyph #"scripts.segno" }
  d, <d a'> g <d fis> | <d g> <d bes'> a' <d, bes'>
<c d>8. <d a'>16 <d a'>4 | <d g>8\fermata \bar "||"
  \set Staff.midiInstrument = #"piccolo"
  \autoBeamOff
  d^\markup { Chant. } g bes | a d, g bes
a d, g bes | d2 (d8) d, g bes
a d, g bes | a d, g bes | d2
(d8) d d d | f f ees d | c g g g
bes2 (a8) g g a | bes c bes a
g d g bes | a2 (g8) \bar "||"
  \set Staff.midiInstrument = #"piano"
  bes^\markup { Ritournelle } [ a bes]
    \bar "|." 
\once \override Score.RehearsalMark.font-size = #-4
\mark \markup { \musicglyph #"scripts.segno" }
}

\addlyrics {
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _
C’est de d’la pri -- son que j’t’é -- cris,
Mon pauv’ Po -- "ly - te,"
Hi -- er je n’sais pas c’qui m’a pris,
À la vi -- "si - te ;"
C’est des ma -- la -- di’s qui s’voient pas
Quand ça s’dé -- "cla - re,"
N’em -- pêch’ qu’au -- jour -- d’hui j’suis dans l’tas,
À Saint- La -- "za - re !"
}

\layout {
  \context {
    \Score
    \remove "Bar_number_engraver"
  }
line-width = #70
indent = 1\cm
\set fontSize = #-3
}


C’est de d’la prison que j’t’écris,
            Mon pauv’ Polyte,
Hier je n’sais pas c’qui m’a pris,
            À la visite ;
C’est des maladi’s qui s’voient pas
            Quand ça s’déclare,
N’empêch’ qu’aujourd’hui j’suis dans l’tas,
            À Saint-Lazare !

Mais pendant c’temps-là, toi, vieux chien,
            Quéqu’tu vas faire ?
Je n’peux t’envoyer rien de rien,
            C’est la misère.
Ici, tout l’monde est décavé,
            La braise est rare ;
Faut trois mois pour faire un linvé,
            À Saint-Lazare.

Vrai, d’te savoir comm’ça, sans l’sou,
            Je m’fais eun’bile !…
T’es capab’ de faire un sal’coup,
            J’suis pas tranquille.
T’as trop d’fierté pour ramasser
            Des bouts d’cigare,
Pendant tout l’temps que j’vas passer,
            À Saint-Lazare.


Va-t’en trouver la grand’ Nana,
            Dis que j’la prie
D’casquer pour moi, j’y rendrai ça
            À ma sortie.
Surtout n’y fais pas d’boniments,
            Pendant qu’je m’marre
Et que j’bois des médicaments,
            À Saint-Lazare.

Et pis, mon p’tit loup, bois pas trop,
            Tu sais qu’t’es teigne,
Et qu’quand t’as un p’tit coup d’sirop
            Tu fous la beigne ;
Si tu t’faisais coffrer, un soir,
            Dan’ eun’bagarre,
Ya pus personn’ qui viendrait m’voir
            À Saint-Lazare.

J’finis ma lette en t’embrassant,
            Adieu, mon homme,
Malgré qu’tu soy’ pas caressant,
            Ah ! j’t’ador’comme
J’adorais l’bon Dieu comm’papa,
            Quand j’étais p’tite,
Et qu’j’allais communier, à
            Saint’-Marguerite.



À LA ROQUETTE


\relative c'' {
  \clef treble
  \key bes \major
  \time 6/8
\partial 2 ees8^\markup { Ritournelle } d4 ees8
  \bar "||" 
\once \override Score.RehearsalMark.font-size = #-4
\mark \markup { \musicglyph #"scripts.segno" }
  d4 c8 bes4 a8 | g4 fis8 g4 bes8
a4. \acciaccatura bes8 a4. | g4 \bar "||"
  \set Staff.midiInstrument = #"piccolo"
  \autoBeamOff
  g8^\markup { Chant. } g4 a8 | bes4 c8 bes4 a8
g4 g8 bes4 c8 | d4.~ d | d4 g,8 g4 a8
bes4 c8 bes4 a8 | g4 g8 bes4 c8 | d4.~ d
d4 r8 d d d | ees4 d8 c4 ees8 | d4 c8 bes4 c8
d4.~ d | d4 r8 g, g g | bes4 c8 bes4 c8
d4 ees8 d4 c8 | bes4. (a g4)
  \bar "||"
  \set Staff.midiInstrument = #"piano"
  ees8^\markup { Ritournelle } d4 ees8
    \bar "|." 
\once \override Score.RehearsalMark.font-size = #-4
\mark \markup { \musicglyph #"scripts.segno" }
}

\addlyrics {
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _
_ _ _ _
En t’é -- cri -- vant ces mots j’fré -- mis
Par tout mon ê -- tre,
Quand tu les li -- ras j’au -- rai mis
L’nez à la f’nê -- "tre ;"
J’suis ré -- veil -- lé, de -- puis mi -- nuit,
Ma pauv’ Toi -- net -- te,
J’en -- tends comme eune es -- pèc’ de bruit,
À la Ro -- "quet - te."
}

\layout {
  \context {
    \Score
    \remove "Bar_number_engraver"
  }
line-width = #75
indent = 1\cm
\set fontSize = #-3
}


En t’écrivant ces mots j’frémis
            Par tout mon être,
Quand tu les liras j’aurai mis
            L’nez à la f’nêtre ;
J’suis réveillé, depuis minuit,
            Ma pauv’ Toinette,
J’entends comme eune espèc’ de bruit,
            À la Roquette.

L’Président n’aura pas voulu
            Signer ma grâce,
Sans dout’ que ça yaura déplu
            Que j’me la casse ;
Si l’on graciait à chaqu’ coup
             Ça s’rait trop chouette,
D’temps en temps faut qu’on coupe un cou,
            À la Roquette.

Là-haut, l’soleil blanchit les cieux,
            La nuit s’achève,
I’s vont arriver, ces messieurs,
            V’là l’jour qui s’lève.
Maint’nant j’entends, distinctement,
            L’peupe, en goguette,
Qui chant’ su’ l’air de « L’Enterr’ment »,
            À la Roquette.


Tout ça, vois-tu, ça n’me fait rien,
            C’qui m’paralyse
C’est qu’i’ faut qu’on coupe, avant l’mien,
            L’col de ma ch’mise ;
En pensant au froid des ciseaux,
            À la toilette,
J’ai peur d’avoir froid dans les os,
            À la Roquette.

Aussi j’vas m’raidir pour marcher,
            Sans qu’ça m’émeuve,
C’est pas moi que j’voudrais flancher
            Devant la veuve ;
J’veux pas qu’on dis’que j’ai eu l’trac
            De la lunette,
Avant d’éternuer dans l’sac,
            À la Roquette.



V’LÀ L’CHOLÉRA QU’ARRIVE


\relative c'' {
  \clef treble
  \key a \major
  \time 2/4
  \tempo "Allegro"
  \set Score.tempoHideNote = ##t
  \tempo 4 = 110
a8 a16 a a8 r | b8 b16 b b8 r | cis8 cis16 cis cis8 e | cis4 (a8) e'
fis fis fis fis | e cis a cis | e4 e | a, r8\fermata \bar "||"
  \set Staff.midiInstrument = #"piccolo"
  \autoBeamOff
  a8^\markup { \italic Coupt. }
  \tempo \markup { \fontsize #-2 \smaller Lento.}
  \time 3/4
  \set Score.tempoHideNote = ##t
  \tempo 4 = 90 
a b cis cis cis e | cis\fermata cis e cis a b | b2.
(a4) r r8 a | a b cis cis cis e | cis\fermata cis e cis a b
b2.
  \bar "||"
  \time 2/4
  a4 r
  \set Score.tempoHideNote = ##t
  \tempo 4 = 110 
  b8^\markup { \italic Refrain. } b16 b 
  \tempo \markup { \fontsize #-2 \smaller Allegro.}
  b8 r | cis cis16 cis cis8 r
% {page suivante}
b8 b16 b b8 e | cis4 (a8) e' | fis fis fis fis
e cis a cis | b4 b | b r | a8 a16 a a8 r
b8 b16 b b8 r | cis cis16 cis cis8 e | cis4 (a8) e'
fis fis fis fis | e cis a cis | e4 e | a, r
    \bar "|." 
\once \override Score.RehearsalMark.font-size = #-4
\mark \markup { \musicglyph #"scripts.segno" }
}

\addlyrics {
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _
_ _ _ _ _ _
Pa -- raît qu’on at -- tend l’cho -- lé -- ra,
La chose est po -- si -- "ti - ve."
On n’sait pas quand il ar -- ri -- v’ra,
Mais on sait qu’il ar -- ri -- ve.
V’là l’cho -- lé -- "ra !" V’là l’cho -- lé -- "ra !"
V’là l’cho -- lé -- ra qu’ar -- "ri - ve !"
De l’une à l’au -- tre riv'
Tout le monde en crè -- "v’ra !"
V’là l’cho -- lé -- "ra !" V’là l’cho -- lé -- "ra !"
V’là l’cho -- lé -- ra qu’ar -- "ri - ve !"
De l’une à l’au -- tre riv'
Tout le monde en crè -- "v’ra !"
}

\layout {
  \context {
    \Score
    \remove "Bar_number_engraver"
  }
line-width = #100
indent = 2\cm
\set fontSize = #-2
}


Paraît qu’on attend l’choléra,
La chose est positive.
On n’sait pas quand il arriv’ra,
Mais on sait qu’il arrive.

V’là l’choléra ! V’là l’choléra !
V’là l’choléra qu’arrive !
De l’une à l’autre rive
Tout le monde en crèv’ra !
V’là l’choléra ! V’là l’choléra !
V’là l’choléra qu’arrive !
De l’une à l’autre rive
Tout le monde en crèv’ra



Les pharmaciens vont, répétant :
Il vient !… la chose est sûre ;
Ach’tez-nous du désinfectant…
Du sulfat’, du chlorure.

V’là l’choléra ! V’là l’choléra !
V’là l’choléra qu’arrive !
De l’une à l’autre rive
Tout le monde en crèv’ra !
V’là l’choléra ! V’là l’choléra !
V’là l’choléra qu’arrive !
De l’une à l’autre rive
Tout le monde en crèv’ra !

Les sacristains et les abbés
Répètent des cantiques
Pour attirer les machabé’s
Dans leurs sacré’s boutiques.

V’là l’choléra ! V’là l’choléra !
V’là l’choléra qu’arrive !
De l’une à l’autre rive
Tout le monde en crèv’ra !
V’là l’choléra ! V’là l’choléra
V’là l’choléra qu’arrive !
De l’une à l’autre rive
Tout le monde en crèv’ra !


On rassemble des capitaux
Pour fabriquer des bières.
On vendra des cercueils, en gros,
À la port’ des cim’tières.

V’là l’choléra ! V’là l’choléra !
V’là l’choléra qu’arrive !
De l’une à l’autre rive
Tout le monde en crèv’ra !
V’là l’choléra ! V’là l’choléra !
V’là l’choléra qu’arrive !
De l’une à l’autre rive
Tout le monde en crèv’ra !

Tous les matins, avant midi,
Dans une immense fosse,
On apport’ra les refroidis
Qu’on empil’ra par grosse.

V’là l’choléra ! V’là l’choléra !
V’là l’choléra qu’arrive !
De l’une à l’autre rive
Tout le monde en crèv’ra !
V’là l’choléra ! V’là l’choléra !
V’là l’choléra qu’arrive !
De l’une à l’autre rive
Tout le monde en crèv’ra !


L’bon Dieu, du haut du Sacré-Cœur,
Chante, avec tout’ sa clique,
Et les cagots reprenn’nt en chœur :
Crève la République !!!



\relative c'' {
  \clef treble
  \key a \major
  \time 4/4
  \tempo "Lento"
  \set Score.tempoHideNote = ##t
  \tempo 4 = 90
  \set Staff.midiInstrument = #"piccolo"
  \autoBeamOff
cis2^\markup { \italic (Verset). } cis | cis2. b4 | b2 (a) | cis cis
cis2. b4 | b2 (a) b (a4) gis (fis1)
a4 gis a b | cis2 gis4 a | b2 (a4) gis | a2 (gis) | fis1\fermata
  \bar "||"
  \time 2/4
  \set Score.tempoHideNote = ##t
  \tempo 4 = 110 
  a8^\markup { \italic Refrain. } a16 a 
  \tempo "Allegro"
  a8 r | b8 b16 b b8 r | cis cis16 cis cis8 e
cis4 (a8) e' | fis fis fis fis | e cis a cis | b4 b
b r | a8 a16 a a8 r | b8 b16 b b8 r | cis cis16 cis cis8 e
cis4 (a8) e' | fis fis fis fis | e cis a cis | e4 e | a, r
    \bar "|."
}

\addlyrics {
\override LyricText #'font-shape = #'italic 
Par -- ce, Do -- mi -- ne,
Par -- ce po -- pu -- lo tu -- "o ;"
Ne in æ -- ter -- num i -- ras -- ca -- ris no -- bis.
\override LyricText #'font-shape = #'normal 
V’là l’cho -- lé -- "ra !" V’là l’cho -- lé -- "ra !"
V’là l’cho -- lé -- ra qu’ar -- "ri - ve !"
De l’une à l’au -- tre riv'
Tout le monde en crè -- "v’ra !"
V’là l’cho -- lé -- "ra !" V’là l’cho -- lé -- "ra !"
V’là l’cho -- lé -- ra qu’ar -- "ri - ve !"
De l’une à l’au -- tre riv'
Tout le monde en crè -- "v’ra !"
}

\layout {
  \context {
    \Score
    \remove "Bar_number_engraver"
  }
line-width = #120
}


FANTAISIE TRISTE

FANTAISIE TRISTE


I’ bruinait… L’temps était gris,
On n’voyait pus l’ciel… L’atmosphère,
Semblant suer au-d’ssus d’Paris,
Tombait en bué’ su’ la terre.

I’ soufflait quéqu’chose… on n’sait d’où
C’était ni du vent, ni d’la bise,
Ça glissait entre l’col et l’cou
Et ça glaçait sous not’ chemise.


Nous marchions d’vant nous, dans l’brouillard,
On distinguait des gens maussades.
Nous, nous suivions un corbillard
Emportant l’un d’nos camarades.

Bon Dieu ! qu’ça faisait froid dans l’dos !
Et pis c’est qu’on n’allait pas vite ;
La moell’ se figeait dans les os,
Ça puait l’rhume et la bronchite.

Dans l’air yavait pas un moineau,
Pas un pinson, pas un’ colombe,
Le long des pierr’i’ coulait d’l’eau,
Et ces pierr’s-là… c’était sa tombe.

Et je m’disais, pensant à lui
Qu’j’avais vu rire au mois d’septembre
Bon Dieu ! qu’il aura froid c’tte nuit !
C’est triste d’mourir en décembre.

J’ai toujours aimé l’bourguignon,
I ’m’sourit chaqu’fois qu’i’ s’allume ;
J’voudrais pas avoir le guignon
D’m’en aller par un jour de brume.


Quand on s’est connu l’teint vermeil,
Riant, chantant, vidant son verre,
On aim’ ben un rayon d’soleil…
Le jour oùsqu’on vous porte en terre.



BELLEVILLE-MÉNILMONTANT


\relative c'' {
  \clef treble
  \key bes \major
  \time 2/4
\partial 4 bes8 c
  \bar "||" 
\once \override Score.RehearsalMark.font-size = #-7
\mark \markup { \musicglyph #"scripts.segno" }
  d d d d | d4 f8 ees
d4 c | bes\fermata \bar "||"
  \set Staff.midiInstrument = #"piccolo"
  \autoBeamOff
  bes8^\markup { Chant. } c | d d d d
d4 d8 d | f ees d ees | c4 a8 bes
c c c c | c c bes c | d4~ d
bes bes8 c | d d d d | d d d d
f ees d ees | c4 a8 bes | c c c c 
c c f ees | d4 c | d d8 ees | f4 f | bes,
\bar "||"
  \set Staff.midiInstrument = #"piano"
  bes8^\markup { Ritournelle } c
    \bar "|." 
\once \override Score.RehearsalMark.font-size = #-7
\mark \markup { \musicglyph #"scripts.segno" }
}

\addlyrics {
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _
_ _  
Pa -- pa c’é -- tait un la -- pin
Qui s’ap -- p’lait J.- B. Cho -- pin
Et qu’a -- vait son do -- mi -- ci -- le,
À Bell’ -- vil -- "le ;"
L’soir, a -- vec sa p’tit’ fa -- mil -- le,
I s’bal -- la -- dait, en chan -- tant,
Des hau -- teurs de la Cour -- til -- le,
À Mé -- nil -- mon -- tant.
À Mé -- nil -- mon -- tant.
}

\layout {
  \context {
    \Score
    \remove "Bar_number_engraver"
  }
line-width = #120
indent = 1\cm
\set fontSize = #-2
}


Papa c’était un lapin
Qui s’app’lait J.-B. Chopin
Et qu’avait son domicile,
        À Bell’ville ;
L’soir, avec sa p’tit’ famille,
I s’balladait, en chantant,
Des hauteurs de la Courtille,
        À Ménilmontant.


I’ buvait si peu qu’un soir
On l’a r’trouvé su’ l’trottoir,
Il’tait crevé ben tranquille,
        À Bell’ville,
On l’a mis dans d’la terr’ glaise,
Pour un prix exorbitant,
Tout en haut du Pèr’-Lachaise,
        À Ménilmontant.

Depis, c’est moi qu’est l’sout’neur
Naturel à ma p’tit’ sœur,
Qu’est l’ami’ d’la p’tit’ Cécile,
        À Bell’ville,
Qu’est sout’nu’ par son grand frère,
Qui s’appelle Éloi Constant,
Qu’a jamais connu son père,
        À Ménilmontant.


Ma sœur est avec Éloi,
Dont la sœur est avec moi,
L’soir, su’ l’boul’vard, ej’la r’file,
        À Bell’ville ;
Comm’ ça j’gagn’ pas mal de braise,
Mon beau-frère en gagne autant,
Pisqu’i’ r’fil’ ma sœur Thérèse,
        À Ménilmontant.

L’Dimanche, au lieu d’travailler,
J’mont’ les môm’au poulailler,
Voir jouer l’drame ou l’vaud’ville,
        À Bellville ;
Le soir, on fait ses épates.
On étal’ son culbutant
Minc’ des g’noux et larg’ des pattes,
        À Ménilmontant.


C’est comm’ ça qu’c’est l’vrai moyen
D’dev’nir un bon citoyen :
On grandit, sans s’fair’ de bile,
        À Bell’ville,
On cri’ : Viv’ l’Indépendance !
On a l’cœur bath et content,
Et l’on nag’, dans l’abondance,
        À Ménilmontant.


SONNEUR


Yen a des tas qui sont des sa —
-lauds : Grands, moyens, p’tits, gros, gras, maigre’ ;
I’s font des métiers… j’fous pas d’ça,
Moi, j’fous nib ed’ nib, ej’ suis pègre.

Pègr’… mais pas pègre à la mi’ d’pain :
Pègre d’naissanc’, d’autor et d’riffe,
Pègre d’la haute et j’colle un paing
Au pantrio, quand i’se r’biffe.


Et quand i’ veut r’piquer au tas
Ou quand i’ veut gueuler je l’scionne…
J’y crèv’ la peau, je l’ fous en bas ;
Des fois, pour m’amuser, je l’ sonne…

Ben oui, je l’ sonne ! Et pis après ?
J’attrap’ les deux oreill’s du gonce
Et pis j’y cogn’ la têt’ su’ l’ grès,
Pas su’ l’ pavé d’ bois… ça s’enfonce.

Tandis que l’ pavé d’grès, c’est dur…
Mêm’ quand on n’a pas les mains lourdes,
Après quat’ cinq coups on est sûr
Que l’ sang y sort par les esgourdes.


À MONTROUGE


\relative c'' {
  \clef treble
  \key bes \major
  \tempo \markup { \fontsize #-2 \smaller Dolce.}
  \time 2/4
d8 ees f d | f4. g8 | ees d c4 | d4. f8
d4 r | c4. f8 | bes,4 r
  \bar "||" 
\once \override Score.RehearsalMark.font-size = #-2
\mark \markup { \musicglyph #"scripts.segno" }
  \set Staff.midiInstrument = #"glockenspiel"
  <bes, ees>2^\markup { \italic Cloches (2 Heures) } | <bes ees> \break
r4\fermata
  \set Staff.midiInstrument = #"piccolo"
  \autoBeamOff
  bes'8^\markup { Chant. } c | bes4~ bes | bes8 f bes c | bes4~ bes
r8 f bes c | d4 d | d bes | c~ c | r d8 c
bes4~ bes | c8 c d ees | d4 f8 d | c4\fermata bes
    \bar "|." 
\once \override Score.RehearsalMark.font-size = #-2
\mark \markup { \musicglyph #"scripts.segno" }
}

\addlyrics {
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _
_ _ _ _ _ _ _  
Mon da -- ron vo -- yait tout en noir,
I’ f’sait l’croq’ mort dans l’As -- som -- moir,
C’est pour ça qu’on l’app’ lait Ba -- zouge,
À Mont -- rou -- ge.
}

\layout {

  \context {
    \Score
    \remove "Bar_number_engraver"
}

line-width = #120
indent = 1\cm
\set fontSize = #-4
}


on daron voyait tout en noir,
I’ f’sait l’croq’mort dans « L’Assommoir »
C’est pour ça qu’on l’app’lait Bazouge,
            À Montrouge.

J’en connais qui voient tout en blanc,
I’s en boulott’nt, i’s ont pas d’sang !
Moi j’en ai, mais j’vois tout en rouge,
            À Montrouge.


C’est mon blot, moi, v’là mon pépin :
J’saigne un goncier comme un lapin…
Ya pas gras les nuits qu’Bibi bouge,
            À Montrouge.


J’ai l’foi’ chaud, dans ma peau l’sang bout,
Quand j’vois roug’ dans l’noir ej’ crèv’ tout !
Gare au pant’ qui veut suiv’ ma gouge,
            À Montrouge.


C’est Rosa… j’sais pas d’où qu’a vient,
Alle a l’poil roux, eun’ têt’ de chien…
Quand a passe on dit : v’là la Rouge,
            À Montrouge.

Quand a tient l’michet dan’ un coin,
Moi j’suis à côté… pas ben loin……
Et l’lend’main l’sergot trouv’ du rouge
            À Montrouge.


RÉCIDIVISTE

Comment, v’là d’jà ménuit qui sonne !
Ej’ croyais pas qu’il’ tait si tard,
C’est vrai qu’on rencont’ pus personne
Et qu’on n’entend pus grand pétard.
Vrai, si j’étais propriétaire,
J’irais ben m’ coucher un moment…
Mais je n’suis mêm’ pas locataire…
V’là porquoi que j’ cherche un log’ment :

Un coin d’ chambe, eun’ soupente, eun’ niche,
Eun’ machine oùsqu’on est chez soi,
Oùsque quand i’ pleut on s’en fiche,
Oùsqu’on a chaud quand i’ fait foid ;

Quand j’étais p’tit ej’ me rappelle
Que c’était comm’ ça chez moman…
Aujord’hui, forcé d’fair’ flanelle…
V’là porquoi que j’cherche un log’ment.


Les jours ed’ beau j’ai ben la r’ssource
Ed’ me faire un lit su’ un banc,
C’est d’la choquotte, après eun’ course,
Ed’ s’étend’ su’l’ dos ou su’l’ flanc,
Mais pas moyen d’ dormir tranquille,
Oh ! là là ! qué chambardement !…
C’est des poivrots, des sergents d’ville..
V’là porquoi que j’ cherche un log’ment.

Coucher sous les ponts, ça m’dégoûte,
On y trouve eun’ merde à chaqu’ pas,
Et moi qu’j’ador’ casser eun’ croûte
Avant d’m’endormir, ej’ peux pas :
Pour un rien mon cœur es’ dérange,
On se r’fait pas l’tempérament…
J’aim’ pas c’tte odeur-là quand ej’ mange,
V’là porquoi que j’ cherche un log’ment.


Mais j’ai mon plan, ej’ suis mariolle :
Quand les jug’ auront assez d’moi
Et qu’i’s auront soupé d’ ma fiole,
Faura ben qu’i’s m’appliqu’nt la loi ;
Vous savez ben, la loi nouvelle
Qui condamne l’ gouvernement
À m’envoyer à la Nouvelle…
V’là porquoi que j’ cherche un log’ment.



À LA GLACIÈRE


\relative c'' {
  \clef treble
  \key bes \major
  \time 2/4
\partial 4. d8^\markup { Ritournelle } d d
  \bar "||" 
    \once \override Score.RehearsalMark.font-size = #-7
    \mark \markup { \musicglyph #"scripts.segno" }
  \tempo \markup { \fontsize #-4 \smaller Andantino.}
  bes bes c c | d d f f 
d d c c | bes\fermata \bar "||"
  \set Staff.midiInstrument = #"piccolo"
  \autoBeamOff
  d8^\markup { Chant. } d d
bes bes c c | d\fermata d d d | f f d d 
c\fermata c d c | bes c d ees | d f d bes
c4~ c | bes8
\bar "||"
  \set Staff.midiInstrument = #"piano"
  d8^\markup { Ritournelle } [d d]
    \bar "|." 
        \once \override Score.RehearsalMark.font-size = #-7
        \mark \markup { \musicglyph #"scripts.segno" }
}

\addlyrics {
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _
_ _ _ _ _ _
C’é -- tait l’pus beau, c’é -- tait l’pus gros,
Comm’ qui di -- rait l’Emp’ reur des dos,
I’ gou -- ver -- nait à la bar -- rière,
À la Gla -- ciè -- re.
}

\layout {
  \context {
    \Score
    \remove "Bar_number_engraver"
  }
  line-width = #120

  indent = 1\cm
  \set fontSize = #-4
}


C’était l’pus beau, c’était l’pus gros,
Comm’ qui dirait l’Emp’reur des dos,
I’ gouvernait à la barrière,
            À la Glacière.

Son pér’, qu’est mort à soixante ans,
L’avait r’levée aussi dans le temps ;
Sa mère avait été daufière,
            À la Glacière.


Lui, quand il était tout petit,
I’f’sait des galipet’s dans l’lit
D’la Bièv’, qu’est eun’joli’rivière,
          À la Glacière.

Plus tard i’conduisit les veaux,
Après i’fit trotter les ch’vaux,
En s’agrippant à leur crinière,
          À la Glacière.


Quand i’fallait r’cevoir un gnon,
Ou bouffer l’nez d’un maquignon
Il était jamais en arrière,
            À la Glacière.

I’ racontait, avec orgueil,
Qu’i’ s’avait fait crever un œil,
Un soir, au coin d’eun’ pissotière,
            À la Glacière.


              I’ parlait aussi d’un marron…
              D’eun’ nuit qu’on yavait sonné l’front
              Ça yavait r’tourné la caf’tière,
                          À la Glacière.

I’ vient d’tomber comme un César,
Comme un princ’ du sang, comme un czar
On l’a crevé la s’main’ dernière,
            À la Glacière.

C’est pas un gros, c’est un p’tit mac
Qui ya mis d’ l’air dans l’estomac.
En y faisant eun’ boutonnière,
            À la Glacière.

C’était l’pus beau, c’était l’pus gros,
Comm’ qui dirait l’Emp’reur des dos,
I’ gouvernait à la barrière,
            À la Glacière.



LES VRAIS DOS


Ça s’appell’ des genss’ à son aise,
Mais c’est pas eux qu’est les malins ;
Si c’est toujour’ eux qu’a la braise,
C’est toujour’ eux qui s’ra les daims.

I’s sont frusqués avec des p’lures
Qu’on leur-z-y fait esprès pour eux,
L’hiver i’s s’coll’nt dans des fourrures…
Dame ! ya pas qu’ nous qu’est des frileux !


Quand ça jou’, qu’ça gagne ou qu’ça perde,
Ça s’en fout… et ça fait un foin !…
Leux gonzess’s aussi fait sa merde,
Ah ! si j’en t’nais eun’ dan’ un coin !…


Ma gosse, à moi, c’est eun’ gironde,
Mais a crân’ pas comm’ ces femm’s-là,
D’ailleurs faut qu’a parle à tout l’ monde
Pisque c’est l’ métier qui veut ça.


Quand on n’est pas braiseux d’ naissance,
Pour viv’ faut ben truquer un peu…
Ces gonc’s-là, c’en a t’i’ d’ la chance,
Ça mange et ça boit quand ça veut.

Et pis ça nous appell’ les dos…
Ah ! nom de Dieu ! j’ suis pas bégueule !
Mais si ’yavait pas tant d’ sergots
Minc’ ! que j’ leur-z-y cass’rais la gueule !



À LA BASTILLE


\relative c'' {
  \clef treble
  \key bes \major
  \time 2/4
\partial 4. d8^\markup { Ritournelle } d d
  \bar "||" 
    \once \override Score.RehearsalMark.font-size = #-7
    \mark \markup { \musicglyph #"scripts.segno" }
  \tempo \markup { \fontsize #-4 \smaller Andantino.}
  bes bes c c | d d f f
d d c c | bes\fermata \bar "||"
  \set Staff.midiInstrument = #"piccolo"
  \autoBeamOff
  d8^\markup { Chant. } d d
bes bes c c | d\fermata d d d | f f d d
c\fermata c d c | bes c d ees | d f d bes
c4~ c | bes8 \bar "||"
  \set Staff.midiInstrument = #"piano"
  d8^\markup { Ritournelle } [ d d]
    \bar "|." 
       \once \override Score.RehearsalMark.font-size = #-7
       \mark \markup { \musicglyph #"scripts.segno" }
}

\addlyrics {
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _
_ _ _ _ _ _
Son pa -- pa s’ap -- pelle A -- bra -- ham,
Il est l’en -- fant du ma -- ca -- dam,
Tout comm’ sa môme en est la fille,
À la Bas -- til -- le.
}

\layout {
  \context {
    \Score
    \remove "Bar_number_engraver"
  }
  line-width = #100
  indent = 1\cm
  \set fontSize = #-4
}


Son papa s’appelle Abraham,
Il est l’enfant du macadam,
Tout comm’ sa môme en est la fille,
            À la Bastille.



À quinze ans a s’app’lait Nini,
All’ ’tait grosse et grass’ comme un I,
A f’sait des travaux à l’aiguille,
            À la Bastille.


Quand alle eût seize ans révolus,
A s’app’lait… je n’me l’rappell’ pus,
A s’prom’nait autour de la grille,
            À la Bastille.

On la rencontrait tous les soirs,
Parfois l’éclat d’ses grands yeux noirs
Faisaient pâlir la lun’ qui brille,
            À la Bastille.


Maint’nant a sert dan’ eun’ maison
Où qu’on boit d’la bière à foison,
Et du champagne qui pétille,
            À la Bastille.


Ses tables sont un rendez-vous :
Les jeunes, les vieux y vont tous ;
I’ faut voir comme a les étrille,
            À la Bastille.

Mais si ses clients sont nombreux,
I’ paraît qu’i’s sont tous heureux :
Alle est si bonne et si gentille,
            À la Bastille.


Pour eun’ thune a r’tir’ son chapeau
Pour deux thun’ a r’tir’ son manteau.
Pour un sigue on la déshabille,
            À la Bastille.


Alle a pas encore eu d’amant,
Alle a qu’ son père et sa maman,
C’est ell’ qui soutient sa famille,
            À la Bastille.

Son papa s’appelle Abraham,
Il est l’enfant du macadam,
Tout comm’ sa môme en est la fille,
            À la Bastille.




AMOUREUX


H’u !… nom de Dieu ! me v’là cinglé.
Depis tantôt que j’me trimballe
C’est toujours moi qu’ j’ai régalé,
Et j’suis rond… mais rond comme eun’ balle.



Quand j’vas rentrer, Cécil’ gueul’ra,
A tap’ra su’son p’tit Francisque,
Mais pisque c’est ell’ qui trinq’ra,
J’suis pas pressé, moi, qu’est-c’ que j’ risque ?


H’u ! nom de Dieu !… v’là qu’ j’ai l’hoquet !
Ça s’rait du prop’ que j’dégobille ;
Si j’ trouve encore un mastroquet
D’ouvert, je m’ paye eun’ petit’ fille.
Ça m’ débarbouill’ra l’cœur et pis
D’abord, ej’ suis rond comme un disque,
J’ m’arrondirai pas pus que j’suis.
H’u ! pis j’m’en fous, moi, qu’est-c’ que j’ risque ?


H’u !… nom de Dieu !… ça va pas mieux :
C’est c’bon Dieu d’hoquet qui m’tracasse ;
Ej’ vas m’ payer eun’ demi’ d’vieux.
Ça me r’mettra l’ cœur à sa place.
Eun’ demi’ d’vieux… c’est pas de r’fus,
Dame, ej’ suis raid’ comm’l’obélisque,
Sûr, ej’ me raidirai pas pus.
H’u !… pis j’m’en fous, moi, qu’est-c’ que j’ risque ?


H’u !… nom de Dieu !… j’ suis amoureux !
Mais ce soir, Cécil’ f’ra la rosse :
Madam’ ne veut pas m’ rende heureux
Quand j’suis plein… alle a peur d’un gosse


J’en ai soupé du boniment
Ej’ vas m’ payer eune odalisque,
Après, si a devient maman,
Cell’-là, j’ m’en fous, h’u !… qu’est-c’ que j’ risque ?




LA NOIRE


\relative c' {
  \clef treble
  \key bes \major
  \time 6/8
\partial 4. f8^\markup { Piano } f f
  \bar "||" 
     \once \override Score.RehearsalMark.font-size = #-7
     \mark \markup { \musicglyph #"scripts.segno" }
  \tempo \markup { \fontsize #-2 \smaller Allegro.}
  \set Score.tempoHideNote = ##t
    \tempo 4 = 120
  bes4 bes8 d4 d8
f4 f8 c d c | bes4 f'8 c d c
bes4\fermata \bar "||"
  \set Staff.midiInstrument = #"piccolo"
  \autoBeamOff
  f8^\markup { Chant. } bes4 c8
d4 c8 bes4 c8 | d4 d8 f4 ees8
d4 c8 bes4 d8 | c4\fermata f,8 bes4 c8
d4 c8 bes4 c8 | d4 d8 f4 ees8
d4 c8 bes4 d8 | c4\fermata r8 c d ees | f4 f8 ees4 d8
% {page suivante}
c4 r8 c d ees^\markup { \italic rall } | f4 f8 ees4 d8
  c4\fermata r8 f,^\markup { Refrain } f f
  \tempo \markup { \fontsize #-2 \smaller Allegro.}
bes4 bes8 d4 d8 | f4 r8 bes, bes bes | bes4. (c
f,) f8 f f | bes4 bes8 d4 d8 | f4 r8 ees ees ees
d4 d8 c4 c8 | bes4 r8
 \bar "||"
  \set Staff.midiInstrument = #"piano"
  f8^\markup { Piano } [f f]
    \bar "|." 
      \once \override Score.RehearsalMark.font-size = #-7
      \mark \markup { \musicglyph #"scripts.segno" }
}

\addlyrics {
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _
_ _ _ _ _ _ _ _
La Noire est fil -- le du can -- ton
Qui se fout du qu’en di -- ra- t-on.
La Noire est fil -- le du can -- ton
Qui se fout du qu’en di -- ra- t-on.
Nous nous fou -- tons de ses ver -- tus,
Puis -- qu’elle a les té -- tons poin -- tus.

Voi -- là pour -- quoi nous la chan -- "tons :"
Vi -- ve la "Noi - re !"
Voi -- là pour -- quoi nous la chan -- "tons :"
Vi -- ve la Noire et ses té -- "tons !"
}

\layout {
  \context {
    \Score
    \remove "Bar_number_engraver"
  }
  line-width = #120
  indent = 1\cm
  \set fontSize = #-2
}


À mon Régiment, le 113e de ligne.


V’là l’ cent-treizièm’ qui passe,
Bon Dieu ! Quel Régiment !… »


La Noire est fille du canton
Qui se fout du qu’en dira-t-on.
Nous nous foutons de ses vertus,
Puisqu’elle a les tétons pointus.

Voilà pourquoi nous la chantons :
Vive la Noire et ses tétons !


Elle a deux sourcils et deux yeux
Qui sont plus noirs que ses cheveux,
Dans les yeux brille un éclair blanc
Qui vous fait pétiller le sang !

Voilà pourquoi nous la chantons :
Vive la Noire et ses tétons !


Son haleine, comme sa peau,
A des senteurs de fruit nouveau.
Quand on aspire, entre ses dents,
On croit respirer du printemps.

Voilà pourquoi nous la chantons :
Vive la Noire et ses tétons !


La Noire n’a qu’un seul amant
Qui s’appelle le Régiment.
Et le Régiment le sait bien,
La Noire a remplacé le chien…

Voilà pourquoi nous la chantons :
Vive la Noire et ses tétons !


Frères, jurons, sur ses appas,
Que Bismarck n’y touchera pas.
Pour elle, à l’ombre du Drapeau,
Nous nous ferons crever la peau.

Voilà pourquoi nous la chantons
Vive la Noire et ses tétons !


À GRENELLE


\relative c'' {
  \clef treble
  \key bes \major
  \time 4/4
bes4.^\markup { Piano } f8 bes8. f16 bes8. f16
  \tempo \markup { \fontsize #-4 \smaller Allegro.}
\set Score.tempoHideNote = ##t
    \tempo 4 = 120
  bes4 f' d bes | f f8. f16 f4 f
bes d f r
  \bar "||" 
     \once \override Score.RehearsalMark.font-size = #-7
     \mark \markup { \musicglyph #"scripts.segno" }
bes,4. f8 bes8. f16 bes8. f16 | bes4 f' d bes | f f8. f16 f4 f
bes4 bes8. bes16 bes4 r\fermata \bar "||"
  \set Staff.midiInstrument = #"piccolo"
  \autoBeamOff
   \set Score.tempoHideNote = ##t
    \tempo 4 = 100
  \time 6/8
  r4^\markup { Chant. } bes8 c4 bes8
  \tempo \markup { \fontsize #-4 \smaller Moderato.}
  d4 bes8 c4 bes8 | d4.~ d
r4 d8 d4 d8 | d4 f8 ees4 d8 | c4.~ c | r4 c8 a4 bes8
c4 c8 bes4 c8 | d4\( d8\) f4 ees8 | d4. (c) | bes4 r8 r4 r8
    \bar "|."
       \once \override Score.RehearsalMark.font-size = #-7 
       \mark \markup { \musicglyph #"scripts.segno" }
}

\addlyrics {
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _
_ _ _ _ _ _ _
Quand j’vois des fill’s de dix- sept ans,
Ça m’fait pen -- ser qu’ya ben long -- temps,
Moi aus -- si j’l’ai é -- té pu -- cel -- le,
À Gre -- nel -- le.
}

\layout {
  \context {
    \Score
    \remove "Bar_number_engraver"
  }
  line-width = #120
  indent = 1\cm
  \set fontSize = #-4
}

Quand j’vois des fill’s de dix-sept ans,
Ça m’fait penser qu’ya ben longtemps,
Moi aussi j’ l’ai été pucelle,
        À Grenelle.


Mais c’est un quartier plein d’soldats
On en renconte à tous les pas,
Jour et nuit i’s font sentinelle,
        À Grenelle.

J’en ai t’i’connu des lanciers,
Des dragons et des cuirassiers,
I’s m’ montraient à m’ tenir en selle
        À Grenelle.

Fantassins, officiers, colons
Montaient à l’assaut d’ mes mam’lons,
I’s m’ prenaient pour eun’ citadelle,
        À Grenelle.

Moi j’ les prenais tous pour amants,
J’commandais tous les régiments,
On m’app’lait mam’ la colonelle,
        À Grenelle.

Mais ça m’rapportait que d’ l’honneur,
Car si l’amour ça fait l’bonheur,
On fait pas fortune avec elle,
        À Grenelle.


Bientôt j’ m’aperçus qu’mes beaux yeux
Sonnaient l’extinction des feux,
On s’mirait pus dans ma prunelle,
        À Grenelle.



Mes bras, mes jambes, mes appas,
Tout ça foutait l’camp, à grands pas,
J’osais pus fair’ la p’tit’ chapelle,
        À Grenelle.

Aujord’hui qu’ j’ai pus d’ position,
Les régiments m’ font eun’ pension :
On m’ laiss’ manger à la gamelle,
        À Grenelle.


Ça prouv’ que quand on est putain,
Faut s’établir Chaussé’-d’Antin,
Au lieu d’ se faire eun’ clientèle,
        À Grenelle.



CÔTIER

Psit !… viens ici, viens que j’t’accroche,
V’là l’omnibus, faut démarrer !
Ruhau !… r’cul’ donc, hé ! têt’ de boche !
Tu vas p’t’êt’ pas t’ foute à tirer
Au cul ? T’en as assez d’la côte ?
T’as déjà soupé du métier ?
Mais tu peux pus en faire un aute,
Te v’là comm’ moi ; te v’là côtier.


Dia ! quéqu’ tu f’sais dans ta jeunesse ?
T’as p’t’êt’ ben couru à Longchamp
T’as p’t’êt’ été l’cheval d’Ernesse
Quand i’ la donnait dans les camps ;
Hein, mon colon, ta f’sais ta gueule,
Tu marquais l’pas aux porte-sac,
Aujord’hui, c’est moi que j’t’engueule ;
Psit ! viens ici, hé ! Cavaignac.


Quéqu’ tu r’gard’ ? eun’ jument qui pisse
Ça t’fait donc encor’ de l’effet ?
Vrai, j’t’aurais pas cru si novice,
Les femm’s !… tiens… (il crache) v’là l’effet qu’ça m’fait.


Viens, mon salaud, viens, guide à gauche,
T’es trop vieux, va, pour dérailler,
D’ailleurs, c’est pour ça qu’on t’embauche :
Tu n’es pus bon qu’à travailler.


Ça t’étonn’ ?… ben vrai, tu m’épates :
C’est la vi’… faut porter l’licou
Tant qu’on tient un peu su’ ses pattes
Et tant qu’on peut en foute un coup.
Et pis après, c’est la grand’ sorgue,
Toi, tu t’en iras chez Maquart,
Moi, j’irai p’t’êt’ ben à la morgue,
Ou ben ailleurs… ou ben aut’ part.




À LA MADELEINE


\relative c'' {
  \clef treble
  \key bes \major
  \time 2/4
\partial 4 d4^\markup { Ritournelle } 
  \bar "||" 
    \once \override Score.RehearsalMark.font-size = #-7
    \mark \markup { \musicglyph #"scripts.segno" }
  \tempo \markup { \fontsize #-4 \smaller Lento.}
  bes c | bes d | bes c bes\fermata \bar "||"
  \set Staff.midiInstrument = #"piccolo"
  \autoBeamOff
  d^\markup { Chant. } | bes c | bes d | f ees
d d | f4. d8 | d2 | c4\fermata d
bes c | bes d | f ees | d d
f d | c2 | bes4\fermata \bar "||"
  \set Staff.midiInstrument = #"piano"
  d4^\markup { Ritournelle } 
    \bar "|." 
      \once \override Score.RehearsalMark.font-size = #-7
      \mark \markup { \musicglyph #"scripts.segno" }
}

\addlyrics {
_ _ _ _ _ _ _ _ 
Moi, je n’gob’ pas 
El’ son du glas 
D’l’é -- glis’ du Mai -- ne, 
J’aim’ cent fois mieux 
Les chants jo -- yeux 
Ed’ la Mad’ -- lei -- ne.
}

\layout {
  \context {
    \Score
    \remove "Bar_number_engraver"
  }
  line-width = #60
  indent = 1\cm
  \set fontSize = #-4
}

Moi, je n’ gob’ pas
El’ son du glas
D’ l’églis’ du Maine,
J’aim’ cent fois mieux
Les chants joyeux
Ed’ la Mad’leine.


Ya des chouett’s gens
Qu’a des argents
Et d’ la bedaine ;
Ya pas d’ lapins,
Ya qu’ des rupins,
À la Mad’leine.


Pis ya des dos
Qu’a l’ dos pus gros
Qu’ les dos du Maine ;
Et par dessus
Des pardessus,
À la Mad’leine.


I’s ont des Louis
Qu’a beaucoup d’ louis,
Sans beaucoup d’ peine,
Car, à l’écart,
A font leur quart,
À la Mad’leine.


Quand i’s crèv’ront,
I’s s’en iront
L’ cul dans la laine,
Comm’ tous les mac-
chabé’s qu’a l’ sac,
À la Mad’leine.


Moi, quand j’ crèv’rai,
Ej’ m’en irai
Sans qu’on amène
L’ corps et l’ corbi-
-llard à bibi,
À la Mad’leine.




SOULAUD

Ah ça, pleut-i’ pas ou c’ qu’i’ pleut ?
Sûr i’ pleut !… j’parie eun’ chopine.
I’ fait si tell’ment noir qu’on peut
Pas seul’ment voir si i’ lansquine.

Cré nom de Dieu ! c’est épatant !
Pleut-i’ ? Pleut-i’ pas ? c’est un combe !
Je n’sens rien de rien et pourtant
Nom de Dieu ! j’entends ben qu’ça tombe.

Sûr i’ pleut ! Mêm’ que ça coul’ dru :
Ça dégringol’ par la gargouille.
Jusqu’à présent j’ai toujours cru
Qu’quand i’ tombe d’ l’eau ça vous mouille.



Et j’suis pas mouillé… j’suis soulaud.
Tiens ! Qu’est-c’ que j’sens là l’long d’ma cuisse ?
Ah ben ! c’est moi qui lâche d’ l’eau…
Alors i’ pleut pas !… c’est que j’ pisse !


À MONTMERTE


\relative c'' {
  \clef treble
  \key bes \major
  \time 2/4
  \tempo \markup { \fontsize #-4 \smaller Moderato.}
\partial 4. d8 c bes
  \bar "||" 
    \once \override Score.RehearsalMark.font-size = #-7
    \mark \markup { \musicglyph #"scripts.segno" }
  f f' ees d | c g' f ees | d4 <ees, f c'> | <d f bes>8
  \bar "||"
  \set Staff.midiInstrument = #"piccolo"
  \autoBeamOff
d' c bes | f bes d bes | d d c bes | f bes d bes
d r d ees | d2 (c8) ees d c | g c ees c
ees ees d c | g c ees c | f r f ees | d4 (c bes8) r r4
    \bar "|." 
      \once \override Score.RehearsalMark.font-size = #-7
      \mark \markup { \musicglyph #"scripts.segno" }
}

\addlyrics {
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _
_ _ _ _
Mal -- gré que j’soye un ro -- tu -- rier, 
Le der -- nier des fils d’un Poi -- rier 
D’la ru’ "Ber - the," 
De -- puis les temps les plus an -- ciens, 
Nous ha -- bi -- tons, moi z-et les miens, 
À Mont -- "mer - te."
}

\layout {
  \context {
    \Score
    \remove "Bar_number_engraver"
  }
  line-width = #120
  indent = 1\cm
  \set fontSize = #-4
}

Malgré que j’soye un roturier,
Le dernier des fils d’un Poirier
            D’la ru’ Berthe,
Depuis les temps les plus anciens,
Nous habitons, moi-z-et les miens,
            À Montmerte.


L’an mil-huit-cent-soixante et dix,
Mon papa qu’adorait l’trois-six
            Et la verte,
Est mort à quarante et sept ans,
C’qui fait qu’i’ r’pose d’puis longtemps,
            À Montmerte.

Deux ou trois ans après je fis
C’qui peut s’app’ler, pour un bon fils,
            Eun’ rud’ perte :
Un soir, su’ l’ boul’vard Rochechouart,
Ma pauv’ maman se laissait choir,
            À Montmerte.


Je n’fus pas très heureux depuis,
J’ai ben souvent passé mes nuits
            Sans couverte,
Et ben souvent, quand j’avais faim,
J’ai pas toujours mangé du pain,
            À Montmerte.


Mais on était chouette, en c’temps-là,
On n’sacrécœurait pas sur la
            Butt’ déserte,
Ej’ faisais la cour à Nini,
Nini qui voulait fair’ son nid,
            À Montmerte.


Un soir d’automne, à c’qu’i’ paraît
Pendant qu’la vieill’ butte r’tirait
            Sa rob’ verte,
Nous nous épousions, dans les foins,
Sans mair’, sans noce et sans témoins,
            À Montmerte.



Depuis nous avons des marmots :
Des p’tit’s jumell’s, des p’tits jumeaux
            Qui f’ront, certe,
Des p’tits Poirier qui grandiront,
Qui produiront et qui mourront,
            À Montmerte.

Malgré que j’soye un roturier,
Le dernier des fils d’un Poirier
            D’la ru’ Berthe,
Depuis les temps les plus anciens,
Nous habitons, moi-z-et les miens,
            À Montmerte.


JALOUX


Polyt’ c’est un copain à moi :
Un chouette, un zigard, un vieux frère,
Mais i’ chahut’ ma ménagère,
Et par moment, ça m’ fout un froid.

C’est pas qu’j’ay’ l’cœur à la tendresse.
Mais j’suis jaloux. Vous comprenez :
Ej’ veux pas qu’on r’trouss’ ma gonzesse,
V’là porquoi qu’j’ai Polyt’ dans l’nez.



À LA CHAPELLE


\relative c'' {
  \clef treble
  \key bes \major
  \time 2/4
  \set Staff.midiInstrument = #"piccolo"
  \autoBeamOff
  \compressEmptyMeasures
R2*2 \bar "||" R2*4
  \bar "||" 
\once \override Score.RehearsalMark.font-size = #-7
\mark \markup { \musicglyph #"scripts.segno" }
R2*3 r4\fermata \bar "||"
bes8^\markup { Couplet. }  bes c
d d bes c | d\fermata bes bes c
d d bes c | d\fermata d f d
c d ees c | bes d f d | c4~ c | bes r
    \bar "|." 
\once \override Score.RehearsalMark.font-size = #-7
\mark \markup { \musicglyph #"scripts.segno" }
}

\addlyrics {
Quand les heur’ a tomb’nt comm’ des glas,
La nuit quand i’ fait du ver -- glas
Ou quand la neige a s’a -- mon -- celle,
À la Cha -- pel -- le,
}

\layout {
  \context {
    \Score
    \remove "Bar_number_engraver"
  }
line-width = #80
indent = 1\cm
\set fontSize = #-4
}


Quand les heur’ a tomb’nt comm’ des glas,
La nuit quand i’ fait du verglas
Ou quand la neige a s’amoncelle,
            À la Chapelle,

On a frio, du haut en bas,
Car on n’a ni chaussett’s, ni bas ;
On transpir’pas dans d’la flanelle,
            À la Chapelle.

On a beau s’payer des souliers.
On a tout d’mêm’ frisquet aux pieds,
Car les souliers n’ont pas d’semelle,
            À la Chapelle.

Dans l’temps, sous l’abri, tous les soirs,
On allumait trois grands chauffoirs,
Pour empêcher que l’peupe i’ gèle,
            À la Chapelle.


Alors on s’en foutait du froid !
Là-d’ssous on était comm’ chez soi,
El’ gaz i’ nous servait d’ chandelle.
            À la Chapelle.

Mais l’ quartier d’venait trop rupin
Tous les sans-sou, tous les sans-pain
Radinaient tous, mêm’ ceux d’ Grenelle,
            À la Chapelle.


Et v’là porquoi qu’ l’hiver suivant
On n’ nous a pus foutu qu’ du vent,
Et l’ vent n’est pas chaud, quand i’ gèle,
            À la Chapelle.


Aussi, maint’nant qu’on n’a pus d’ feu,
On n’se chauff’ pus, on grinche un peu…
I’ fait moins froid à la Nouvelle
            À la Chapelle.



GRÉVISTE

Parigo, quoi !… des Batigneule’,
Toujours prêt à coller un paing,
Mais j’comprends pas qu’on s’cass’ la gueule
Pour gagner d’ quoi s’y fout’ du pain.
El’ travail… c’est ça qui nous crève,
Mêm’ les ceux qu’est les mieux bâtis,
V’là porquoi que j’m’ai mis en grève…
            Respec’ aux abattis.


J’tiens à ma peau, moi, mes brave homme,
Tous les matins j’en jette un coup
Dans les journal et j’y vois comme
Les turbineurs i’s s’cass’ el’ cou…
Moi !… j’m’en irais grossir la liste
Ed’ ceux qu’on rapporte aplatis ?..
Pus souvent… ej’ suis fataliste…
            Respec’ aux abattis.

Tenez, ya quéqu’ chos’ qui m’dépasse :
C’est les travail à la vapeur,
Tôt ou tard i’ faut qu’on y passe,
Là, c’est réglé, gnya pas d’erreur :
Des gens qui n’est mêm’ pas malade !
L’matin i’s s’lèv’nt, les v’là partis…
El’ soir i’s sont en marmelade…
            Respec’ aux abattis.


Ben ! et ceux qu’on voit su’ la Seine
Enfoncer des pieux… qué métier !…
En v’là des gonciers qu’ont d’ la peine :
I’s tir’ à six su’ un bélier !
Moi, ces travails-là, ça m’épate,
J’touchr’ai jamais un pilotis,
J’aurais peur de m’casser eun’ patte.
            Respec’ aux abattis.

Au lieu d’ gueuler après les mines
D’fair’ des discours et d’ discuter
Su’ les fabriqu’ et les usines,
Moi j’dis qu’on f’rait mieux d’inventer
Des travails dont qu’ personne n’crève…
Jusque-là, vous êt’ avertis,
J’marche pas… J’continu’ ma grève…
            Respec’ aux abattis.



CASSEUR DE GUEULES

CASSEUR DE GUEULES


I’s ont la gueule et la vi’ dures
Ceux qu’on appell’ les princ’s du sang,
Pourtant, paraît qu’on prend des m’sures
Pour les expulser. Bon Dieu ! d’sang-
Dieu !… Des m’sur’s… j’en connais qu’eun’ seule :
Pour nous débarrasser d’ tout ça :
I’ faut leur-z-y casser la gueule…
Ya qu’un vrai moyen… c’est çui-la.

C’est comm’ les curés : Des Jean-fesse,
Un tas d’clients qui foutent rien
Que d’ licher du pive à la messe ;
Ça vaut pas les quat’ fers d’un chien,
I’s ont beau fair’ les bons apôtres,
Faut leur casser la gueule aussi.
Pis faut casser la gueule aux autres,
Si ’ya besoin d’ quéqu’un… m’voici !


J’ tap’rai dans l’ tas d’ ceux qu’a pas d’ blouse,
J’ cass’rai la gueule aux proprios,
À tous les gens qu’a d’la galtouze
Qu’il a gagné’ dans des agios.
D’abord, moi, j’ai pas l’ rond, j’ suis meule,
Aussi, rich’s, nobl’ eq cætera,
I’ faut leur-z-y casser la gueule…
Et pis après… on partag’ra !



LÉZARD

On prend des magnièr’ à quinze ans,
        Pis on grandit sans
            Qu’on les perde :
Ainsi, moi, j’aim’ ben roupiller
        J’ peux pas travailler,
            Ça m’emmerde.
..................

...............

J’en foutrai jamai’ eun’ secousse,
        Mêm’ pas dans la rousse
            Ni dans rien.
Pendant que l’soir ej’ fais ma frape,
        Ma sœur tait la r’tape
            Et c’est bien :


Alle a pus d’ daron, pus d’ daronne,
        Alle a pus personne,
            Alle a qu’ moi.
Au lieu d’ sout’nir ses père et mère,
        A soutient son frère,
            Et pis, quoi ?


Son maquet, c’est mon camarade,
        I’ veut ben que j’ fade
            Avec eux.
Aussi j’ l’aim’, mon beau-frère Ernesse,
        Il est à la r’dresse
            Pour nous deux.


Ej’ m’occup’ jamais du ménage,
        Ej’ j’suis libe, ej’ nage
            Au dehors,
Ej’ vas sous les sapins, aux buttes,
        Là j’allong’ mes flûtes
            Et j’ m’endors.


...............
...............
On prend des magnièr’ à quinze ans,
        Pis on grandit sans
            Qu’on les perde :
Ainsi, moi, j’aim’ ben roupiller,
        J’ peux pas travailler,
            Ça m’emmerde.



GRELOTTEUX

Vrai… ’ya des mois qu’on n’a pas d’ veine.
Quand j’ dis des mois, j’ sais pas c’ que j’ dis :
J’ m’ai toujours connu dans la peine,
Sans un pélot, sans un radis…


Ça s’rait pas trop tôt que j’ boulotte,
J’ vas tomber malade, à la fin,
I’ fait chaud et pourtant j’ grelotte !
C’est-i’ la fiève ou ben la faim ?

Nom de Dieu ! j’ suis pas à mon aise,
C’est épatant… j’ sais pas c’ que j’ai,
Avec ça j’ai la gueul’ mauvaise…
C’est pourtant pas c’ que j’ai mangé.
Si j’aurais mangé d’la gib’lotte
Ça sentirait meilleur : c’est fin,
C’est bon, c’est chaud… ah ! c’ que j’ grelotte !
C’est-i’ la fiève ou ben la faim ?

Allons bon, v’là mes dents qui claquent !…
J’ sais pas c’ que j’ai, c’est épatant :
J’entends les os d’ mes jamb’s qui plaquent
Cont’ les parois d’ mon culbutant.
J’ suis foutu si j’ai la tremblotte,
J’ suis pus daufier, j’ suis pas dauphin,
J’ peux pas m’ soigner… ah ! c’ que j’ grelotte !
C’est-i’ la fiève ou ben la faim ?


Et pis j’ sens la sueur qui m’ coule,
A fait rigol’ dans l’ creux d’ mon dos ;
J’ vas crever, j’ai la chair de poule,
C’est fini… tirez les rideaux.
Bonsoir la soc’…, mon vieux Alphonse,
I’ vaut p’t’ êt’ mieux qu’ ça soy’ la fin ;
Ici-bas, quoiqu’ j’étais ? un gonce…
Là-haut j’ s’rai p’t’ êt’ un séraphin.




DANS LA RUE


\relative c'' {
  \clef treble
  \key a \major
  \time 2/4
  \tempo \markup { \fontsize #-4 \smaller Allegro.}
\partial 4. a8 a b
  \bar "||" 
    \once \override Score.RehearsalMark.font-size = #-7
    \mark \markup { \musicglyph #"scripts.segno" }
  cis e cis e cis e b e cis e b e
a,\fermata \bar "||"
  \set Staff.midiInstrument = #"piccolo"
  \autoBeamOff
  a a  b | cis cis cis b | b a a b
cis cis cis b | b a b cis | b a b cis
b\fermata b b cis | d d cis cis | b b cis b
a b a b | cis4 e8 e | cis4 b8 b | a4 r
    \bar "|." 
      \once \override Score.RehearsalMark.font-size = #-7
      \mark \markup { \musicglyph #"scripts.segno" }
}

\addlyrics {
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _
_ _ _ _ _ _
Moi, je n’sais pas si j’suis d’Gre -- nell’ 
De Mont -- martre ou de la Cha -- pell’, 
D’i -- ci, d’ail -- leurs ou de là- "bas ;"
Mais j’sais ben qu’la foule ac -- cou -- rue, 
Un ma -- tin, m’a trou -- vé su’ l’tas 
Dans la ru’,  Dans la ru’.
}

\layout {
  \context {
    \Score
    \remove "Bar_number_engraver"
  }
  line-width = #100
  indent = 1\cm
  \set fontSize = #-4
}




Moi, je n’sais pas si j’suis d’Grenelle,
De Montmartre ou de la Chapelle,
D’ici, d’ailleurs ou de là-bas ;
Mais j’sais ben qu’la foule accourue,
Un matin, m’a trouvé su’ l’tas
                Dans la rue.


Ya ben des chanc’s pour que mon père
Il ay’ jamais connu ma mère
Qu’a jamais connu mon daron,
Mon daron qui doit l’avoir eue,
Un soir de noc’, qu’il était rond.
                Dans la rue.


J’m’ai jamais connu d’aut’ famille
Que la p’tit’ marmaill’ qui fourmille,
Aussi quand ej’ m’ai marida,
J’m’ai mis avec un’ petit’ grue
Qui truquait, le soir, à dada,
                Dans la rue.


C’est ça qu’c’était ben mon affaire !…
Mais un beau soir a s’a fait faire :
Les mœurs l’ont fourrée au ballon.
Et, depuis qu’alle est disparue,
J’s’orgue à la paire et j’fais ballon
                Dans la rue.

À présent, où qu’vous voulez qu’j’aille ?
Vous vouderiez-t’y que j’travaille ?
J’pourrais pas… j’ai jamais appris…
Va falloir que j’vole ou que j’tue…
Hardi ! Joyeux ; pas vu… pas pris…
                Dans la rue.


Et pis zut ! et viv’nt les aminches !
Viv’nt les escarp’ et viv’nt les grinches !…
Un jour faudra que j’passe aussi
D’vant la foule encore accourue
Pour voir ma gueule en raccourci,
                Dans la rue.



PILON


PILON


J’ai pus d’dents, pus d’cheveux, pus d’yeux.
J’peux pus marcher, j’suis un pauv’ vieux :
Ej’traîn’ mes pieds dans mes savates.
Ej’tiens pus d’bout su’ mes deux pattes.
Ej’peux pus m’garer du sergot
Qui fait la chasse au mendigot…
Pourtant j’fais du tort à personne :
                Ej’ pilonne.


Ej’pilonne, ej’demand’ des sous
À ceux qu’en a : les ceux qu’est saouls
D’boire et d’manger, les ceux qui rotent
Dans l’nez des vieux comm’ moi qui s’frottent
El’ vente au lieur ed’boulotter,
Merd’ !… V’là un sergot… Faut m’trotter…
Pourtant j’fais du tort à personne :
                Ej’ pilonne.

Ben oui… j’sais ben, c’est défendu,
Ça déplaît à ces Messieurs du
Coin du quai ; à cause ? Ej’m’en doute
Mêm’ pas. Quéqu’ ça peut ben leur foute
Qu’un vieux comm’ moi i’tend’ la main
À ceux qu’i’ rencont’ su’ son ch’min ?
Pourtant j’fais du tort à personne :
                Ej’ pilonne.


Va’cor’falloir trotter plus loin.
J’étais pourtant ben… là… dans c’coin !…
Mais les deux que vl’à c’est d’la rousse.
Rien que d’les voir ça m’fout la frousse :
Malgré qu’j’ay’ mes soixant’-sept ans.
Ces cochons-là, ils m’foutraient d’dans.
Pourtant j’fais du tort à personne :
                Ej’ pilonne.


À MAZAS


À MAZAS


\relative c'' {
  \clef treble
  \key bes \major
  \time 3/4
  \tempo \markup { \fontsize #-4 \smaller Andantino.}
\partial 8 d8
  \bar "||" 
    \once \override Score.RehearsalMark.font-size = #-7
    \mark \markup { \musicglyph #"scripts.segno" }
  d c bes a bes c | d4 d d8\fermata d | d c bes a bes c | d4 <fis, a d> <g bes g'>8
  \bar "||"
  \set Staff.midiInstrument = #"piccolo"
  \autoBeamOff
d'8 | d c bes a bes c | bes4 g r8 g | a bes a g fis g
a4~ a8 r r d | d c bes a bes c | bes4 g r8 g
a bes a g fis g | d'4~ d8 b b b
  \key g \major 
  \time 2/4
  b8 g a g
b4 b | r8 b b b | b g a g | b2 | r8 b d b
a g b d | b4 b | a4. d8 | b4 r | a4. d8 | g,4 r
    \bar "|." 
      \once \override Score.RehearsalMark.font-size = #-7
      \mark \markup { \musicglyph #"scripts.segno" }
  \key bes \major 
  \time 3/4
}

\addlyrics {
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ 
Pen -- dant qu’t’é -- tais à la cam -- pa -- gne 
En train d’te fair’ cau -- té -- ri -- ser,
Au lieur ed’ res -- ter dans mon pa -- gne,
Moi, j’m’ai mis à dé -- va -- li -- "ser ;"
Mais un jour, dans la ru’ d’Pro -- ven -- ce,
J’me suis fait fair’ mar -- ron su’ l’tas,
Et maint’ -- nant j’ti -- re d’la pré -- ven -- ce 
À Ma -- zas, À Ma -- zas.
}

\layout {
  \context {
    \Score
    \remove "Bar_number_engraver"
  }
  line-width = #90
  indent = 1\cm
  \set fontSize = #-4
}

Pendant qu’t’étais à la campagne
En train d’te fair’ cautériser,
Au lieur ed’rester dans mon pagne,
Moi, j’m’ai mis à dévaliser ;
Mais un jour, dans la ru’ d’Provence,
J’me suis fait fair’ marron su’ l’tas,
Et maint’nant j’tire d’la prévence
                À Mazas.


C’est en dévalisant la case
D’un’ gerce, un’ gironde à rupins,
Qu’on m’a fait avec Nib de naze,
Un monte en l’air de mes copains.
Faut y passer, quoi ! c’est not’rente,
Aussi, bon Dieu ! j’me plaindrais pas
Si j’avais d’quoi m’boucher la fente
                À Mazas.

Mais, nom de Dieu ! mince d’purée !
C’est dégoûtant c’que nous cachons :
Des nentill’s, des pois en purée
Et d’l’eau grass’comme à des cochons.
Vrai, j’m’enfil’rais ben un’ bouteille :
À présent qu’t’es sorti’d’là-bas,
Envoy’-moi donc un peu d’oseille
                À Mazas.

Tu dois ben ça à ton ptit homme
Qu’a p’t’êt’ été méchant pour toi,
Mais qui t’aimait ben, car, en somme,
Si j’te flaupais, tu sais pourquoi.
À présent qu’me v’là dans les planques
Et qu’je n’peux pus t’coller des tas,
Tu n’te figur’s pas c’que tu m’manques
                À Mazas.


Faut que j’te d’mande encor’ quéqu’ chose,
Ça s’rait qu’t’aill’s voir un peu mes vieux.
Vas-y, dis, j’t’en pri’, ma p’tit’Rose,
Malgré qu’t’es pas bien avec eux.
Je n’sais rien de c’qui leur arrive…
Vrai, c’est pas pour fair’ du pallas,
Mais j’voudrais bien qu’moman m’écrive
                À Mazas.


Embrassons-nous, ma gigolette,
Adieu, sois sage et travaill’ bien,
Tâch’ de gagner un peu d’galette
Pour l’envoyer à ton pauv’ chien.
Nous r’tourn’rons su’ l’bord de la Seine.
À Meudon, cueillir du lilas.
Après qu’j’aurai fini ma peine
                À Mazas.


GÉOMAY


GÉOMAY

\relative c'' {
  \clef treble
  \key bes \major
  \time 2/4
  \tempo \markup { \fontsize #-4 \smaller Moderato.}
\partial 4 d8\f d | c c d d | bes bes c c | a4.^\markup { \italic tr } bes8 | g4\fermata \bar "||"
  \set Staff.midiInstrument = #"piccolo"
  \autoBeamOff
\tuplet 3/2 { g8 g a } | bes bes bes bes | d4\fermata \tuplet 3/2 { d8 d d }
d c bes a | g4\fermata d'8 c | bes4 (c d\fermata) \tuplet 3/2 { d8 d d }
c c bes bes | a4\fermata \tuplet 3/2 { g8 g a } | bes bes c c | d4 d8 c
bes4 ( c d) g,8 c | bes4 ( a g) r
    \bar "|."
}

\addlyrics {
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _
_ _ _ 
Comme il é -- tait fils de pu -- tain,
I’ sa -- vait pas beau -- coup d’la -- tin,
Ni d’aut’ "cho - se"
I’ sa -- vait juste as -- sez comp -- ter 
Pour sa -- voir c’que peut rap -- por -- ter 
La p’tit’ "Ro - se," La p’tit’ "Ro - se."
}

\layout {
  \context {
    \Score
    \remove "Bar_number_engraver"
  }
  line-width = #90
  indent = 1\cm
  \set fontSize = #-4
}



Comme il était fils de putain,
I’ savait pas beaucoup d’latin,
            Ni d’aut’ chose ;
I’ savait juste assez compter
Pour savoir c’que peut rapporter
            La p’tit’ Rose.



C’était un môme assez costeau
Mais il ’tait avec eun’ cathau
            Qu’était blèche ;
I’la r’levait à la mi’ d’pain,
Il était, au lieu d’êt’ rupin,
            Dans la dèche.


En r’filant la comète, eun’ nuit,
Dans l’ombre il aperçut d’vant lui
            Eun’ guérite :
Tant pis, qu’i’ s’dit, j’vas m’engager :
J’pourrai dormir, boire et manger
            Sans marmite.


Malgré qu’il avait pas d’état,
Ça fit tout d’suite un bon soldat,
            Et pis mince
Qu’i’ mangeait à gueul’ que veux-tu :
Il ’tait nourri, logé, vêtu
            Comme un prince.

Ça f’sait son blot, malheureus’ment,
On la r’lèv’ pas au régiment :
            Nib de braise !
Mais, à Paris, i’ fréquentait
Eun’ vieill’ marchand’ de vins qu’était
            À son aise.

Eun’ nuit qu’il ’tait en permission,
V’là qu’i’ tu’ la vieill’ d’un coup d’scion…
            C’est-i’ bête !
L’aut’ matin Deibler, d’un seul coup,
Place d’la Roquette y a cou-
            -pé la tête.

S’i’ s’rait parti pour el’ Tonkin.
I’ s’s’rait fait crever l’casaquin
            Comm’ Rivière…
Un jour on aurait p’t’êt’ gravé,
Sur un marbre ou sur un pavé,
            L’nom d’sa mère.


LES PETITS JOYEUX



\relative c'' {
  \clef treble
  \key g \major
  \time 2/4
\partial 4 d16^\markup { Sonnerie } b g b
  \bar "||" \mark \markup { \musicglyph #"scripts.segno" }
  d4 d16 b g b | d4 d16 b g b | d b g b d8 d | b g d'16 b g b
d4 d16 b g b | d4 d16 b g b | d b g b d8 d
  \time 4/4
  b4\fermata r8 
  \bar "||"
  \set Staff.midiInstrument = #"piccolo"
  \autoBeamOff
  \tempo "Mouvement de marche"
  g8 g g g g
g d g a b4. b8 | b4 (g8) b b b b b 
d b g b d4. g,8 | a4 r8 g g g g g 
g d g a b4. b8 | b4 (g8) b cis d cis b
a gis a b cis4. a8
  \time 2/4
  d4\fermata g,8^\markup { REFRAIN } d | g4 d g b8 g
b4 g | b r | d8 d d d | d b g b | d4 d,
b'8\fermata (g) g d | g4 d | g b8 g | b4 g | b r
d8 d d d | d b g b | d4 d, | g r
    \bar "|." \mark \markup { \musicglyph #"scripts.segno" }
}

\addlyrics {
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _
_ _ 
C’est nous les p’tits mar -- lous qu’on ren -- cont’ su’ les "but - tes,"
Là oùs -- que le pier -- rot au prin -- temps fait son nid.
Là oùs -- que dans l’é -- té nous fai -- sons des cul -- "bu - tes,"
A -- vec les p’tit’s mar -- mit’s que l’bon Dieu nous four -- nit. 
C’est nous les joy -- eux, 
Les pe -- tits joy -- eux,
Les pe -- tits mar -- lous qui n’ont pas froid aux châsses, 
C’est nous les joy -- eux, 
Les pe -- tits joy -- eux,
Les pe -- tits mar -- lous qui n’ont pas froid aux yeux. 
}

\layout {
  \context {
    \Score
    \remove "Bar_number_engraver"
  }
}


C’est nous les p’tits marlous qu’on rencont’ su’ les buttes,
Là oùsque le pierrot au printemps fait son nid ;
Là oùsque dans l’été nous faisons des culbutes,
Avec les p’tit’s marmit’s que l’bon Dieu nous fournit.

                    C’est nous les joyeux,
                    Les petits joyeux,
    Les petits marlous qui n’ont pas froid aux yeux.


C’est nous qu’on voit passer avec des nœuds d’cravate,
Des bleus, des blancs, des roug’ et des couleur cocu ;
Et si nos p’tit’s gonzess’s traîn’ un peu la savate,
Nous avons des pantoufl’s pour leur-z-y fout’ dans l’cul.

                    C’est nous les joyeux,
                    Les petits joyeux,
    Les petits marlous qui n’ont pas froid aux yeux.



Su’ l’boul’vard estérieur nous faisons not’ mariolle,
Et pis l’soir quand les rosses d’bourgeois sont couchés,
Nous chauffons les morlingu’ aux bons passants en riolle,
Pendant qu’nos p’tit’s marmit’s vid’nt les bours’s des michés.

                    C’est nous les joyeux,
                    Les petits joyeux,
    Les petits marlous qui n’ont pas froid aux yeux.



S’i’ veut ben s’laisser faire, on fait pas d’mal au pantre,
Mais quand i’ veut r’ssauter ou ben fair’ du potin,
On y fout gentiment un p’tit coup d’lingu’ dans l’ventre,
Pour yapprendre à gueuler à deux heur’s du matin.

                    C’est nous les joyeux,
                    Les petits joyeux,
    Les petits marlous qui n’ont pas froid aux yeux.


Quand faut aller servir c’tte bon Dieu d’République
Où qu’tout l’monde est soldat, malgré son consent’ment,
On nous envoi’ grossir les bataillons d’Afrique,
À caus’ que les marlous aim’nt pas l’gouvernement.

                    C’est nous les joyeux,
                    Les petits joyeux,
    Les petits marlous qui n’ont pas froid aux yeux.



Un coup qu’on est-là-bas on fait l’peinard tout d’suite,
On fait pus d’rouspétance, on s’tient clos, on s’tient coi ;
Yen a mêm’ qui finiss’nt par ach’ter eun’ conduite
Et qui d’vienn’ honnête homm’ sans trop savoir pourquoi.

                    C’est nous les joyeux,
                    Les petits joyeux,
    Les petits marlous qui n’ont pas froid aux yeux.


AUX BAT. D’AF.



\relative c'' {
  \clef treble
  \key g \major
  \time 6/8
  \tempo "Mouvement de marche"
\partial 8 d8
  \bar "||" \mark \markup { \musicglyph #"scripts.segno" }
  b4 b8 g4 d'8 | b4 b8 g4 d'8 | b4 b8 g4 g8 | g b g d4 d'8 | b4 b8 g4 d'8
b4 b8 g4 d'8 | b d b d,4 b'8
  \bar "||"
  \set Staff.midiInstrument = #"piccolo"
  \autoBeamOff
  \time 4/4
  r4^\markup { COUPLET } r r8. g16 a8. g16 | b4.. b16 ais8. ais16 ais8. ais16
b2 (g8.) g16 fis8. g16 | a4.. a16 b8. a16 g8. b16 | a8 r r4 r8. g16 a8. g16
b4.. b16 ais8. ais16 ais8. ais16 | b2 (g8) b b b | a4. fis8 g a b cis
  \time 2/4
  d4 r | b8^\markup { REFRAIN } g b g | b4 (g8) r | d' b d b
d4 (b8) r | d8. d16 d8 d | d4 b8 g | d' b g b | d4 r
b8 g b g | b4 (g8) r | d' b d b | d4 (b8) r
d8. b16 g8 b | d4 b8 b | d8. d16 d8 d | b4 (g8) r
d' b g b | d4 b8 b | d8. d16 d8 d 
  \time 6/8 g,4 r8 r4 r8
    \bar "|." \mark \markup { \musicglyph #"scripts.segno" }
}

\addlyrics {
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _
_ 
Mon vieux fran -- gin, tu viens d’bouf -- fer d’la "ca - se,"
T’es t’un gar -- çon comm’ moi, tu n’as pas l’taf,
J’t’é -- cris deux mots et j’pro -- fi -- te d’l’oc -- "ca - se" 
Pour t’en -- voy -- er le re -- frain des Bat. d’Af. 
V’là l’Bat. d’Af. qui "pas - se,"
O -- "hé !" ceux d’la "clas - se !"
Viv’nt les Pan -- ti -- nois 
Qui vont s’ti -- rer dans quéqu’s mois,
À nous les gon -- "zes - ses,"
Vi -- vent nos mé -- "nes - ses !"
On les re -- trou -- v’ra 
Quand la clas -- se quand la "clas - se,"
On les re -- trou -- v’ra 
Quand la clas -- se par -- ti -- ra. 
}

\layout {
  \context {
    \Score
    \remove "Bar_number_engraver"
  }
}


Mon vieux frangin, tu viens d’bouffer d’la case,
T’es t’un garçon comm’ moi, tu n’as pas l’taf,
J’t’écris deux mots et j’profite d’l’occase
Pour t’envoyer le refrain des Bat. d’Af.

                V’là l’Bat. d’Af. qui passe,
                Ohé ! ceux d’la classe !
                Viv’nt les Pantinois
        Qui vont s’tirer dans quéqu’s mois ;
                À nous les gonzesses,
                Vivent nos ménesses !
                On les retrouv’ra
        Quand la classe partira.


Depuis que j’suis dans c’tte putain d’Afrique
À faire l’Jacqu’avec un sac su’l’dos,
Mon vieux frangin, j’suis sec comme un coup d’trique,
J’ai bentôt pus que d’la peau su’les os.

                V’là l’Bat. d’Af. qui passe,
                Ohé ! ceux d’la classe !
                Viv’nt les Pantinois
        Qui vont s’tirer dans quéqu’s mois ;
                À nous les gonzesses,
                Vivent nos ménesses !
                On les retrouv’ra
        Quand la classe partira.



Embrass’ pour moi ma p’tit’ femm’ la Fernande
Qui fait la r’tape au coin d’lav’nu’ d’Clichy ;
Dis-y que j’l’aime et dis-y qu’a m’attende
Encor’ quèqu’ temps et j’vas êt’ affranchi.

                V’là l’Bat. d’Af. qui passe,
                Ohé ! ceux d’la classe !
                Viv’nt les Pantinois
        Qui vont s’tirer dans quéqu’s mois ;
                À nous les gonzesses,
                Vivent nos ménesses !
                On les retrouv’ra
        Quand la classe partira.


Surtout dis y qu’a s’fass’ pas foute au poste,
Qu’a s’piqu’ pas l’nez, qu’a s’fass’ pas d’mauvais sang
Et qu’a m’envoy’ quèqu’ fois des timbres-poste,
Pour me payer des figu’ et du pain blanc.

                V’là l’Bat. d’Af. qui passe,
                Ohé ! ceux d’la classe !
                Viv’nt les Pantinois
        Qui vont s’tirer dans quéqu’s mois ;
                À nous les gonzesses,
                Vivent nos ménesses !
                On les retrouv’ra
        Quand la classe partira.



Souhaite el’ bonjour au père et à la mère,
Dis à ma femm’ qu’a tâche d’les aider…
Faut pas laisser les vieux dans la misère,
Car à leur âge on doit rien s’emmerder.

                V’là l’Bat. d’Af. qui passe,
                Ohé ! ceux d’la classe !
                Viv’nt les Pantinois
        Qui vont s’tirer dans quéqu’s mois ;
                À nous les gonzesses,
                Vivent nos ménesses !
                On les retrouv’ra
        Quand la classe partira.


Mon vieux frangin, je n’vois pus rien à t’dire,
Dis ben des chos’s à tous les barbillons,
Dis au daron qu’i’ n’oubli’ pas d’m’écrire,
Dis à Fernand’ qu’a n’me fass’ pas d’paillons.

                V’là l’Bat. d’Af. qui passe,
                Ohé ! ceux d’la classe !
                Viv’nt les Pantinois
        Qui vont s’tirer dans quéqu’s mois ;
                À nous les gonzesses,
                Vivent nos ménesses !
                On les retrouv’ra
        Quand la classe partira.


À BIRIBI



\relative c' {
  \clef treble
  \key a \major
  \time 6/8
  \tempo "Allegro bien détaché"
\partial 8 e8
  \bar "||" \mark \markup { \musicglyph #"scripts.segno" }
  a4 r8 e^\markup { Sonnerie } a cis
  a4 e8 cis'4 e,8 
  a4 e8 cis'4 e,8
a4\fermata r8 r4 e'8
  a4\mf r8 e a cis
  a4 e8 cis'4 e,8
  a4 e8 cis'4 e,8
  a4 r8
  \set Staff.midiInstrument = #"piccolo"
  \autoBeamOff
e, a b \bar "||" 
  \key c \major
  \time 2/4
  \tempo "Moderato"
  c e d c | b4 (a) | r8 a c d
e\fermata e, a b | c e d c | b4 (a) | r8 a c d
e\fermata e e e | d d c c | b4 (b) | r8 a b c
b\fermata e e e | c d c d | e4 e8 e
c4 d | e r8 e
  \key a \major
  \time 6/8
  cis4.^\markup { rall. } b | a4 r8 r4 r8
    \bar "|." \mark \markup { \musicglyph #"scripts.segno" }
}

\addlyrics {
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _
"Y en" a qui font la mau -- vais’ "tê - te"
Au ré -- gi -- "ment ;"
I’s tir’ au cul, i’s font la "bê - te"
I -- nu -- til’ "ment ;"
Quand i’s veul’nt pus fair’ l’e -- xer "ci - ce"
Et tout l’four -- bi,
On les en -- voi’ fair’ leur ser -- vi -- ce
À Bi -- ri -- bi, À Bi -- ri -- bi.
}

\layout {
  \context {
    \Score
    \remove "Bar_number_engraver"
  }
}


Y en a qui font la mauvais’ tête
                Au régiment ;
I’s tir’ au cul, i’s font la bête
                Inutil’ment ;
Quand i’s veul’nt pus fair’ l’exercice
                Et tout l’fourbi,
On les envoi’ fair’ leur service
                À Biribi.

À Biribi c’est en Afrique
                Où que l’pus fort
Est obligé d’poser sa chique
                Et d’fair’ le mort ;
Où que l’pus malin désespère
                De fair’ chibi,
Car on peut jamais s’fair’ la paire,
                À Biribi.

À Biribi c’est là qu’on marche,
                Faut pas flancher ;
Quand l’chaouch crie : « En avant marche ! »
                I’ faut marcher,
Et quand on veut fair’ des épates,
                C’est peau d’zébi :
On vous fout les fers aux quat’ pattes,
                À Biribi.


À Biribi c’est là qu’on crève
                De soif et d’faim,
C’est là qu’i’ faut marner sans trêve
                Jusqu’à la fin !…
Le soir on pense à la famille,
                Sous le gourbi…
On pleure encor’ quand on roupille,
                À Biribi.

À Biribi c’est là qu’on râle,
                On râle en rut,
La nuit on entend hurler l’mâle
                Qu’aurait pas cru
Qu’un jour i’ s’rait forcé d’connaître
                Mam’zell’ Bibi,
Car tôt ou tard il faut en être,
                À Biribi.

On est sauvag’, lâche et féroce,
                Quand on en r’vient…
Si par hasard on fait un gosse,
                On se souvient…
On aim’rait mieux, quand on s’rappelle
                C’qu’on a subi,
Voir son enfant à la Nouvelle
                Qu’à Biribi.


À LA PLACE MAUBERT



\relative c'' {
  \clef treble
  \key bes \major
  \tempo "Allegro"
  \time 2/4
\partial 4 d8 c
  \bar "||" \mark \markup { \musicglyph #"scripts.segno" }
  bes a g fis | g a bes c
  << { d4 s }
  \\
  { <f, f'>2^\markup { \italic tr } \fermata }
  >>
  <g g'>4 r\fermata \bar "||"
  \set Staff.midiInstrument = #"piccolo"
  \autoBeamOff
\time 3/4
g8 a bes c bes a | bes4 g r
g8 a bes c bes a | bes4 g r \bar "||"
  \time 2/4
  d'8 c bes c
d4 r \bar "||"
  \time 3/4
  d8 d ees d c ees | d4~ d r
bes8 c d c bes c | d4 d r \bar "||"
  \time 2/4
  bes8 a g bes
d4 d8 c | bes4 a | g4 r
    \bar "|." \mark \markup { \musicglyph #"scripts.segno" }
}

\addlyrics {
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ 
Je m’de -- mande à quoi qu’on son -- ge 
En pro -- lon -- geant la ru’ Mon -- ge,
À quoi qu’ça nous sert 
Des es -- quar’s, des es -- ta -- "tu - es,"
Quand on dé -- mo -- lit nos ru -- es,
À la plac’ Mau -- bert, À la plac’ Mau -- "bert ?"
}

\layout {
  \context {
    \Score
    \remove "Bar_number_engraver"
  }
}


Je m’demande à quoi qu’on songe
En prolongeant la ru’ Monge,
        À quoi qu’ça nous sert
Des esquar’s, des estatues,
Quand on démolit nos rues,
        À la plac’ Maubert ?

L’été nous étions à l’ombre,
C’était coquet, c’était sombre ;
        Quand l’soleil, l’hiver,
Inondait la capitale,
L’jour était encor’pus sale,
        À la plac’ Maubert.


Quand on n’avait pas d’marmite,
On bouffait chez l’pèr’ Lafrite
        Pour un peu d’auber :
Le soir on l’vait eun’ pétasse…
Un choléra sans limace,
        À la plac’ Maubert.

Pour trois ronds chez l’pèr’ Lunette,
Où qu’chantait la môm’ Toinette,
        On s’payait l’concert :
Pour six ronds au Château-Rouge,
On sorguait avec sa gouge.
        À la plac’ Maubert.

Aussi, bon Dieu ! j’vous l’demande
Quand yaura pus d’ru’ Galande,
        Pus d’Hôtel Colbert,
Oùsque vous voulez qu’i’s aillent
Les purotins qui rouscaillent
        À la plac’ Maubert ?


Qu’on leur foute au moins des niches,
Comme on en fout aux caniches,
        Qu’i’s soy’ à couvert
Sous quèqu’ chos’ qui les abrite
Quand i’s trouveront pus d’gîte
        À la plac’Maubert.

Car quand i’s r’fil’ront la cloche,
I’s auront tous dans leur poche
        El’ surin ouvert,
Et c’jour-là, mes camarluches,
La nuit gare aux laqu’reauxmuches
        De la plac’ Maubert.


AUX ARTS LIBÉRAUX


C’est rigolo c’qu’on a d’la chance :
Moi, qu’tous les hivers ej’ gelais.
Moi, que j’couch’ dehors ed’ naissance.
Me v’là que j’couch’ dans un palais.
V’là qu’au lieur ed’ filer la cloche
La nuit, avec un tas d’maqu’reaux
Avec qui que j’pass’ pour un broche,
Ej’ demeure aux Arts Libéraux.


Là où qu’on m’salu’ quand que j’rentre.
Là où, quand mêm’ que j’s’rais fauché,
Ej’ suis sûr de m’coller dans l’ventre
Un’ mouis’ par-dessus l’marché.
L’ matin, ça chauff’ la gargamelle,
C’est girond la soupe aux poireaux !
Avant d’m’attacher un’ gamelle,
Ej’ déjeune aux Arts Libéraux.

Vrai, c’est déjà rupin qu’on coupe
À la comèt’, mais nom d’un chien,
On vous fout du coke et d’la soupe
Comm’ si qu’on l’aurait poure rien ;
Et pis on en r’çoit des visites :
Des Présidents, des Généraux.
Des miniss’s qui pay’nt les marmites !
C’est rien bath aux Arts Libéraux,


Quand i’s ont vu que l’thermomètre
Était à quinze au-d’ssous d’zéro,
I’s s’sont dit : « On va leur z-y mettre
Un’ soup’ dans l’ventre et un bras’ro
Oùs qu’i’s pourront s’sécher les fesses
Et s’réchaufter les pectoraux. »
C’est bath : … mais ça manque d’gonzesses.
Yen a pas aux Arts Libéraux.

Mais faut pas chiner la boutique.
Nom de Dieu ! c’est vraiment chouetto !
On peut dir’ que la République
Est un gouvernement costeau.
Dame, au lieur ed’ passer la sorgue
À m’chauffer l’cul aux soupiraux,
Mézigo va bâcher son orgue :
Ej’ demeure aux Arts Libéraux.


FOIES BLANCS


Mon dab est mort ru’ d’la Roquette.
Su’ la place, en face l’p’loton,
On yavait rogné sa liquette,
Coupé les ch’veux, rasé l’menton.
Ma dabuche aussi chassait d’race :
A s’est fait gerber à vingt ans
Pour avoir saigné eun’ pétasse.
Moi, j’marche pas… j’ai les foi’s blancs.

J’suis pourtant pas un imbécile !…
Pour mijoter un coup d’fric-frac
Ya pas deux comm’ mon gniasse au mille…
Mais quand i’ faut marcher, j’ai l’trac !
Nom de Dieu !… c’est-y pas un’ honte !…
Pendant que j’me bats les deux flancs,
Les aut’ i’s font les coups que j’monte.
Moi, j’marche pas… j’ai les foi’s blancs.


C’est pas qu’j’ay’ peur ed’ la grand’sorgue,
J’m’en fous comme d’Colin-Tampon ;
— La fin du monde après mon orgue —
Mais j’peux pas foute un coup d’tampon,
Et quand faut suriner un pante
Ej’ reste là… les bras ballants…
I’s ont beau m’dir’ : Va donc… eh ! tante !
Ej’ marche pas… j’ai les foi’s blancs.

Aussi, vrai, j’me fous d’la turbine
À Deibler et d’tout son fourbi,
Sûr qu’il aura pas la bobine,
La tronch’, la sorbonne à Bibi…
Ma tête !… alle est pas pour sa gouge,
Pour sa vieill’ gouine aux bras tremblants :
A roul’ra pas dans l’panier rouge
Ma tête… alle aura des ch’veux blancs.


MONSIEUR L’ BON


Quand la marmite alle est su’ l’tas.
C’est pour son marlou qu’a trimarde :
Qu’a soy’ lirond’géme ou toquarde,
Faut qu’alle étrenne ou gare aux tas ;
Et dame ! a choisit pas sa gueule…
Quand mêm’ qu’il aurait un bubon…
L’premier qui veut quand alle est meule…
            C’est Monsieur l’bon.


Quand la marmite est à la tour,
El’ marle il est dans la débine…
Pour boulotter faut qu’i’ turbine,
I’ s’en va su’ l’tas, à son tour ;
À coups d’lingue, au coin d’eune impasse…
Qu’i’ soy’ jeune ou qu’i’ soy’ barbon !
Tant pis pour el’ premier qui passe…
            C’est Monsieur l’bon.


Alors el’ marle est arrêté,
Et pis on remmène à la butte
Oùsqu’i’ fait sa dernièr’ culbute,
À la barbe d’la société…
Et pendant que l’bingue i’ s’apprête
À poser son doigt su’ l’bouton,
L’marle i’ dit en passant sa tête :
            V’là Monsieur l’bon !


LES MARCHEUSES



\relative c'' {
  \clef treble
  \key a \major
  \time 2/4
  \set Staff.midiInstrument = #"glockenspiel"
r4^\markup { CLOCHES }
  << { b8 cis 
  \bar "||" \mark \markup { \musicglyph #"scripts.segno" }
  \tempo "dolce"
  a4 b8 cis | a4 b8 ( cis d cis b cis)
  }
  \\
  { d,4 (cis) d cis gis'8 a b a e4 }
  >>
<cis a'>8 \bar "||"
  \set Staff.midiInstrument = #"piccolo"
  \autoBeamOff
  \tempo "Un peu plus vite"
  a' b cis | cis4 r | r8 cis e cis
cis4 r | r8 cis e cis | cis e a, b
b4 r8 cis | b4 a8 cis | b4 a8 e'
cis4 b | e cis | b a | b r8 cis
cis4 e | cis r8 b^\markup { \italic rall } | b4 e
  \tempo "1er Tempo" 
  a, r
  \bar "|." \mark \markup { \musicglyph #"scripts.segno" }
}

\addlyrics {
_ 
A’s sont des tas 
Qu’ont pus d’ap -- pas 
Et qui n’ont pas 
L’sou dans leur bas. 
Pier -- reu -- ses, 
Trot -- teu -- ses, 
A’s mar -- chent l’soir, 
Quand il fait noir, 
Sur le trot -- toir,
Sur le trot -- toir.
}

\layout {
  \context {
    \Score
    \remove "Bar_number_engraver"
  }
}


A’s sont des tas
Qu’ont pus d’appas
Et qui n’ont pas
L’sou dans leur bas.

        Pierreuses,
        Trotteuses,
A’s marchent l’soir,
Quand il fait noir,
    Sur le trottoir.


Les ch’veux frisés,
Les seins blasés,
Les reins brisés,
Les pieds usés.

        Pierreuses,
        Trotteuses,
A’s marchent l’soir,
Quand il fait noir,
    Sur le trottoir.


A’s vont comm’ça,
Par-ci, par-là.
En app’lant l’a-
-mour qui s’en va…

        Pierreuses,
        Trotteuses,
A’s marchent l’soir,
Quand il fait noir,
    Sur le trottoir.



A’s ont pus d’pain,
Car le chopin
N’est pas rupin…
C’est du lapin.

        Pierreuses,
        Trotteuses,
A’s marchent l’soir,
Quand il fait noir,
    Sur le trottoir.


A’s ont pus d’feu,
A’s pri’nt l’bon Dieu
Qu’est un bon fieu
D’chauffer leur pieu.

        Pierreuses,
        Trotteuses,
A’s marchent l’soir,
Quand il fait noir,
    Sur le trottoir.


Christ aux yeux doux,
Qu’es mort pour nous,
Chauff’ la terre oùs-
-qu’on fait leurs trous.

        Pierreuses,
        Trotteuses,
A’s marchent l’soir,
Quand il fait noir,
    Sur le trottoir.


FOSSOYEUR


— Fossoyeur ! l’dernier des métiers !
Qu’j’entends qu’yen a d’aucuns qui disent
I n’ya guèr’ que les héritiers
D’ceux qu’j’enterr’qui n’se formalisent
Pas de c’que j’fais… Eh ben ! j’m’en fous !
Mon métier m’donne d’la jouissance
Assez pour que j’soy’ pas jaloux
D’ceux qu’a la braise et la puissance.


Car j’enterr’ pas qu’les macchabé’s
Qui sentent l’chlore et la charogne,
J’enterr’ les loulous, les bébés ;
C’est ça qu’c’en est d’la chouett’ besogne !
Qu’a crèv’nt sous les baisers d’un roi
Ou qu’a meur’nt sur un lit d’hospice,
Quand a sont blanch’, a sont à moi,
Vos Léontine et vos Alice !

Comm’ des marié’s, couvertes d’fleurs,
Tous les matins on m’en apporte,
Avec leurs parfums, leurs odeurs…
Moi j’trouv’ que ça sent bon, la morte.
J’les prends dans mes bras, à mon tour,
Et pis j’les berce… Et pis j’les couche,
En r’niflant la goulé’ d’amour
Qui s’échappe encor’ de leur bouche….


BAVARDE


Ma mistonne est eun’ chouett’ ménesse,
Alle est gironde et bath au pieu,
C’est c’qu’on appelle eun’ rich’ gonzesse :
Aussi j’l’aim’ ben !… mais, nom de Dieu !
Ya pas moyen qu’a tais’ sa gueule.
C’est toujours à elle à jacter :
A caus’ mêm’ quand alle est tout’ seule
Et v’là pourquoi qu’a m’fait tarter.


C’est pas qu’j’y défend’ qu’a jacasse.
Alle a’eun’ langue… alle a besoin
D’s’en servir… J’veux ben qu’a potasse
Ed’ temps en temps… ed’ loin en loin,
Qu’a caus’ quand alle a rien à faire,
Ou dans l’jour, quand on est couché,
Mais l’soir, qu’a soye à son affaire
Et qu’a caus’ qu’avec el’ miché.

Mais j’t’en fous, faut qu’Madam’ babille,
C’est des cancans, c’est des potins,
C’est la femme à Jul’s qu’est eun’ vrille,
Les sœurs à Pierr’ qu’est des putains,
C’est la grand’ Juli’ monte au chasse
Qui fait des queu’ à son mecton…
Et pendant c’temps-là l’michet passe…
Et tous les soirs alle est carton.


Et pis c’est toujours moi qu’je m’tape,
Et c’est toujours el’ mêm’ refrain :
À quoi qu’ça m’sert qu’a fass’ la r’tape
Pour fout’ peau d’balle et ballet d’crin ?
Aussi, bon Dieu ! c’soir ej’ m’insurge !
J’veux pus passer pour un paquet…
Sûr que j’vas y coller eun’ purge
Si a m’rapport’ pas larant’quet !


COQUETTE


Non… vrai… ça m’fait naquer du fla !
Si ça continu’, gare aux beignes.
J’en ai mon pied de c’loubé-là.
J’vas laisser tomber les châtaignes.
Vous m’direz : — Quoi donc… t’es cocu ?
— Non, c’est ma lesbomb’ qu’est coquette
A dépens’ tout pour sa toilette
Et moi j’ai rien à m’fout’ su’ l’cul.


Vous me r’direz : — Mon vieux cochon,
Quand on veut qu’eun’ marmott’ turbine,
Faut pas qu’alle ay’ l’air d’un torchon
Ni qu’a soy’ trop dans la débine.
— Oui… mais ça m’fait r’naquer du fla
D’avoir l’air d’un mac à la mie,
Quand on s’paye eune anatomie
Et eun’ gueul’ comm’ la cell’ que v’là.

J’en connais des tas… des peinards
Qui s’font casquer par leur lesbombe
Des trottinett’ et des fouit’nards,
Au lieur que moi faut que j’me bombe
Et que j’m’en aill’, clopi, clopant,
Avec mes ribouis en pantouf’e
Pendant que l’vent du Nord i’ souf’e
Par les trous du cul d’mon grimpant.


Et faut qu’Madame aye un jersey,
Et des peign’ en célunoïde
Pour mett’ su’ son casque !… eh ben ! vrai.
J’te vas en foute, Adélaïde !
Si a veut pas s’faire eun’ raison.
Un matin j’y jambonne l’blaire
Et pis après je m’fais la paire
Et j’prends eun’ gonzesse en maison.


CONCURRENCE


J’viens encore d’chopper la môme
Qui marche à côté d’moi… Sacré
Chameau !… p’tit veau !… chaqu’ fois j’la paume
À fair’ des clients pour lentré !…
Sal’ chaudron !… sal’ calorifère !…
Sal’ fourneau ! paillasse à homm’s saouls !
A fait mes michets pour trent’ sous
Quand ej’ suis pas là pour les faire.


Nom de Dieu !… j’fais pas ma sucrée :
Ya dix-huit ans que j’suis putain,
Que j’bats mon quart et la purée
Au coin du faubourg Saint-Martin :
J’comprends quand eun’ gonzesse est meule
Qu’a monte avec des gens qu’est saouls.
Mais qu’a fass’ des homm’ à trent’ sous !…
J’y foutrais mon poing su’ la gueule !


Non… vrai… ces chos’s-là ça m’dépasse !
Faut-i’ qu’eun’ gonzess’ soy’ paquet
D’prendre un franc cinquant’ pour eun’ passe
Quand a peut d’mander larant’quet…
Ah ! faut vraiment qu’a soy’ pas fière !…
Moi, quand ej’ vois des tas d’homm’s saouls
Qui veul’nt pas donner pus d’trent’ sous,
Ej’ les envoye à la barrière.


CRÂNEUSE


J’viens d’rencontrer la femme à Pierre.
C’qu’a fait d’l’harmone ! ah ! nom de d’là !
C’en est flaquant ! ben merde !… en v’là
Un’ marmit’ qui fait sa soupière !
A rouspète, a fait du chichi,
A r’naude, a crâne, a rogne, a gueule,
A tient l’bourvard à ell’ tout’ seule,
Dedpuis Montmartr’ jusqu’à Clichy.


Et c’est du schpromme… et d’la jactance
Et du chambard… et du potin…
Ah ! la salope !… Ah ! la putain !…
J’yen foutrai, moi, d’la rouspétance.
Ah ! charogne ! Ah ! vache d’métier !…
Faut-i’ qu’nous soyons été gnolles
D’laisser marcher, aux Batignolles
Un’ féboss’ qu’est pas du quartier.


Un’ crâneuse, un’ marchand’ d’épates…
Malheur !… si ça fait pas rêver :
On dirait qu’ça va tout crever
Et ça tient pas su’ ses deux pattes !…
Et ça vaut pas l’coup… c’est d’la peau !
Moi j’suis gonzesse d’loucherbéme,
Un soir qu’a m’fra trop lierchéme
J’y fous mon vingt-deux dans la peau.


CONASSE


T’es pas dessalé’ que j’te dis.
T’as trimardé tout’ la soirée
Et te v’là ’cor’ sans un radis.
C’est toujours el’ dix ed’ purée.

Vrai, j’en ai les trip’ à l’envers !
Ça m’fait flasquer d’voir eun’ pétasse
Qui pass’ tous les soirs à travers !
Bon Dieu ! faut-i’ qu’tu soy’s conasse !


Tiens, j’te vas dir’ comment qu’on fait :
C’est pas malin… Tu vas au gonce,
Tu y dis : « T’as eun’ gueul’ qui m’plaît,
Viens-tu chez moi, mon p’tit Alphonse ? »
— I’ dit : « Non. » — Mais c’est du chiquet.
Tu y r’dis : « Viens, mon p’tit Narcisse,
Viens, pour toi ça s’ra qu’larant’quet. »
Et tu l’emmèn’ à la condisse.


Et pis là, tu tap’ au pognon.
Ceux qui s’laiss’ empiler sans s’cousse,
On les appell’ mon p’tit mignon,
On les dégringole à la douce.
Mais les lapins, mais les bécants,
Ceux avec qui qu’ya pas d’affure,
Les emmerdeurs et les croquants,
On les dégringole à la dure :


On leur fait l’coup du culbutant,
On leur fait l’artiche et les poches,
Et quand i’s rouspèt’nt en partant,
Quand i’s font du pet… gare aux broches !
Nous somm’s là !… Et si les bochons
Suffis’nt pas… on a des eustaches
Pour les saigner comm’ des cochons !
À bas les pant’ et mort aux vaches !


SOUPÉ DU MAC


Sûr que j’en ai soupé du mac !
J’en ai plein l’dos, j’en ai mon sac !…
On fout pus qu’nib à la Courtille,
Et faudrait que j’me r’paye un mec,
Que je l’fringu’, que j’yempâte l’bec,
Quand ej’ fais pas pour ma croustille ?


Sûr que non… i’s peuv’nt tous crampser
Si n’ya qu’moi pour les engraisser.
J’en veux pus d’marlou !… ça vous croûte
Tout c’qu’on gagne et tout c’qu’on gagn’ pas…
On n’a jamais l’rond dans son bas…
Ah ! nom de Dieu ! j’sais c’que ça m’coûte !

J’en ai eu deux : deux saligauds,
Deux tant’s, deux filous, deux fagots,
Deux vach’s, deux cochons, deux tapettes
Qui gueulaient… qui m’foutaient des coups
Quand j’m’ach’tais eun’ robe d’cent sous,
Le lend’main d’la paye aux lipettes.


Aussi, sûr que c’est ben fini,
C’est ben marré, c’est n, i, ni…
J’en veux pus d’marlou, ça m’bassine ;
Et pis quand ej’ me f’rai chopper,
J’aurai personne à m’occuper
Si j’me faisais foute à Lourcine.


LES QUAT’ PATTES


Les quat’ patt’s, c’est les chiens d’Paris,
Les voyous, les clebs ed’ barrière,
C’est les ceux qui sont jamais pris…
Qui va jamais à la fourrière.
...............
...............
Car c’est pas des toutous d’Agnès
Ni des cabots d’propriétaires :
C’est mêm’ pas des chiens d’locataires
I’s sont lib’s comm’ Mossieu Barrès.


I’s ont tous des gueul’ à la flan :
C’est des croisés qui sont pas d’race.
Vrai !… c’est pas eux qu’est des chiens d’chasse
Mais pour leur mett’, y a pas plan.


I’s sont d’la ru’, c’est des joyeux…
Oui… mais c’est des joyeux honnêtes,
Et malgré qu’ça soy’ que des bêtes
I’s ont d’la bonté plein les yeux.

Et pis i’s trott’nt… et pis les v’là,
L’blaire au vent, la queue en trompette,
Avec leur trou du cul qui pète
Au museau d’celui qui s’trouv’ là.

Et l’museau répond : « Ça va bien,
J’te r’merci’… n’en v’là d’un’ rencontre !…
Tourn’-toi donc un peu que j’te l’montre,
À mon tour… vas-y, vieux, sens l’mien. »


Ya des fois qu’i’s font du potin,
I’s japp’, i’s piss’, i’s font des magnes…
Dam’ les clébs i’s ont pas des pagnes
Pour plumer avec leur putain.


Et comme en somme i’s sont pas d’bois
y faut qu’i’s fass’nt ça dans la rue,
Sous les yeux d’la foule accourue
Et des bons sergots aux abois.

...............
...............
Ça n’empêch’ qu’i’s sont jamais pris,
Car c’est les clebs ed’ la barrière,
Les quat’ patt’s, quoi ! les chiens d’Paris…
Ceux qui va pas à la fourrière.


FINS DE SIÈCLE


I’s sont comm’ça des tas d’crevés,
Des outils, des fiott’s, des jacquettes,
Des mal foutus, des énervés
Montés su’ des flût’ en cliquettes ;

I’s touss’, i’s crach’, i’s font du foin !
I’s éternu’nt : — Dieu vous bénisse,
Minc’ que vous en avez besoin,
Allez donc dir’ qu’on vous finisse !

Tas d’inach’vés, tas d’avortons
Fabriqués avec des viand’s veules,
Vos mèr’ avaient donc pas d’tétons
Qu’a’s ont pas pu vous fair’ des gueules ?
Vous êt’s tous des fils de michets
Qu’on envoy’ téter en nourrice,
C’est pour ça qu’vous êt’s mal torchés…
Allez donc dir’ qu’on vous finisse !

Et dir’ qu’i’s song’à fair’ du plat !…
Quand on les voit avec un linge
On s’dit : — Sûr que c’tte gonzess’-là
Si a pond a va faire un singe !
Tas d’saligauds, tas d’abrutis,
Bon’ à rien, gonciers d’pain d’épice,
Avant d’songer à fair’ des petits,
Allez donc dir’ qu’on vous finisse !


CHANSON DES MICHETONS



\relative c'' {
  \clef treble
  \key g \major
  \time 2/4
  \tempo "Allegro"
\partial 8 d8
  \bar "||" \mark \markup { \musicglyph #"scripts.segno" }
  b d a d | b d a d | cis d e fis | e4 d8 d | b d a d | b d a d | cis d e fis
\time 3/4
  g4 <g, b d g>8\fermata
  \bar "||"
  \set Staff.midiInstrument = #"piccolo"
  \autoBeamOff
  b b g
  \time 2/4 g b b g
  \time 3/4 g b d a a b
b4 (g8) b b g
  \time 2/4 g b b g
  \time 3/4 g d' cis a b cis
cis4 (d8) d d a
  \time 2/4 a d d a
  \time 3/4 b d d a a b
b4 (g8) d' d a
  \time 2/4 a d d b
  \time 3/4 b d cis a b cis
e4\fermata (d8) r d^\markup { REFRAIN } d
  \time 2/4 g,4 a | b r | b8. a16 b8 c
b4 (b8) r | d8. c16 b8 a | b a g b | a4 a
a d8 d | g,4 a | b r | b8. a16 b8 c | b4 (b8) r
d8. c16 b8 a | b a b c | d4 d | g, r
    \bar "|." \mark \markup { \musicglyph #"scripts.segno" }
}

\addlyrics {
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _
Ya t’i’ rien d’pus bath qu’un mich’ -- "ton ?"
C’est él’ -- vé dans la "hau - te,"
C’est gen -- til, doux comme un mou -- ton,
Et ja -- mais ça ne "r’ssau - te ;"
Ça vous "dit :" mon rat, mon tro -- gnon,
Et, chaqu’ fois qu’ça vous "quit - te,"
Ça vous laisse un peu d’beau po -- gnon 
Pour grais -- ser la mar -- "mi - te."
Et viv’nt les mich’ -- "tons !"
C’est leur bonn’ ga -- "let - te"
Qui fait fair’ ri -- set -- te 
À nos p’tits mec -- tons. 
Et viv’nt les mich’ -- "tons !"
C’est leur bonn’ ga -- "let - te"
Qui fait fair’ ri -- set -- te 
À nos p’tits mec -- tons. 
}

\layout {
  \context {
    \Score
    \remove "Bar_number_engraver"
  }
}


Ya-t-i’ rien d’pus bath qu’un mich’ton ?
    C’est él’vé dans la haute,
C’est gentil, doux comme un mouton,
    Et jamais ça ne r’ssaute ;
Ça vous dit : mon rat, mon trognon,
    Et, chaqu’ fois qu’ça vous quitte,
Ça vous laisse un peu d’beau pognon
    Pour graisser la marmite.

            Et viv’nt les mich’tons !
            C’est leur bonn’ galette
            Qui fait fair’ risette
            À nos p’tits mectons.
            Et viv’nt les mic’htons !
            C’est leur bonn’ galette
            Qui fait fair’ risette
            À nos p’tits mectons.


C’est rupin, c’est urf, c’est poli.
    Ça a des bell’s manières :
Jamais ça n’se mettrait au lit
    Sans laver ses derrières :
Ça s’parfume à l’ylang-ylang,
    Ç’a toujours les pieds propes
Et va met du ling’ qu’est pus blanc
    Qu’celui d’un tas d’salopes.

            Et viv’nt les mich’tons !
            C’est leur bonn’ galette
            Qui fait fair’ risette
            À nos p’tits mectons.
            Et viv’nt les mic’htons !
            C’est leur bonn’ galette
            Qui fait fair’ risette
            À nos p’tits mectons.


C’est des homm’s qui n’est pas brutals,
    Qui sait s’tenir en soce
Et qu’appell’nt des honzontal’s
    Les femm’s qui fait la noce ;
C’est presque tous des beaux garçons
    Remplis d’délicatesses,
Pisqu’i’s port’nt jusqu’à des can’çons
    Pour pas s’tacher les fesses.

            Et viv’nt les mich’tons !
            C’est leur bonn’ galette
            Qui fait fair’ risette
            À nos p’tits mectons.
            Et viv’nt les mic’htons !
            C’est leur bonn’ galette
            Qui fait fair’ risette
            À nos p’tits mectons.


I’s sont pus bath que nos marlous,
    Ça s’raient eux nos ptit’ hommes
Si i’s nous donnaient pas des sous.
    Oui, mais c’est comm’ des pommes !
Des datt’s !! des nèfl’s !!! car, nom de Dieu !
    — Quand mêm’ qu’i’ s’rait l’pus chouette —
On peut pas gober un Mosieu
    Qui vous fout d’la galette.

            Et viv’nt les mich’tons !
            C’est leur bonn’ galette
            Qui fait fair’ risette
            À nos p’tits mectons.
            Et viv’nt les mic’htons !
            C’est leur bonn’ galette
            Qui fait fair’ risette
            À nos p’tits mectons.


AU BOIS DE BOULOGNE



\relative c'' {
  \clef treble
  \key g \major
  \time 2/4
\partial 4. g8^\markup { RITOURNELLE } g a
  \bar "||" \mark \markup { \musicglyph #"scripts.segno" }
  \tempo "Allegretto"
b b b b | b g g a | b b b b | b4 d8 a
a4 d8 b | b4 <d, d'>8 <d c'> | <d b'> (a' <d, g>) r | <g b d g>\fermata
  \bar "||"
  \set Staff.midiInstrument = #"piccolo"
  \autoBeamOff
  \tempo "Moderato"
  g8 g a
b b b b | b g g a | b b b b | b b d a

a8 b g a | a b g a | a2 (a8) a a b
c c c c | c a a b | c c c c | c a b a
g a g a | b\fermata b d c | b4\fermata a\fermata | g8 r r4
    \bar "|." \mark \markup { \musicglyph #"scripts.segno" }
}

\addlyrics {
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _
_ _ _ _ _ _
Quand on cherche un’ femme à Pa -- ris,
Maint’ nant, même en y met -- tant l’prix,
On n’ren -- con -- tre plus qu’des dé -- bris 
Ou d’la cha -- "ro - gne ;"
Mais pour trou -- ver c’qu’on a d’be -- soin,
Il e -- xiste en -- core un bon coin,
C’est au bout d’Pa -- ris… pas ben "loin :"
Au bois d’Bou -- lo - gne.
}

\layout {
  \context {
    \Score
    \remove "Bar_number_engraver"
  }
}


Quand on cherche un’femme à Paris,
Maint’nant, même en y mettant l’prix,
On n’rencontre plus qu’des débris
            Ou d’la charogne :
Mais pour trouver c’qu’on a d’besoin,
Il existe encore un bon coin,
C’est au bout d’Paris… pas ben loin :
            Au bois d’Boulogne.


C’est un bois qu’est vraiment rupin
Quand on veut faire un bon chopin,
On s’y fait traîner en sapin
            Et, sans vergogne,
On choisit tout le long du bois,
Car ya que d’la grenouill’ de choix !
Et ya mêm’ des gonzess’s de rois !!
            Au bois d’Boulogne.


Yen a des tas, yen a d’partout
De la Bourgogne et du Poitou,
De Nanterre et de Montretout,
            Et d’la Gascogne ;
De Pantin, de Montmorencyl
De làl d’où, d’ailleurs et d’ici,
Et tout ça vient fair’ son persil
            Au bois d’Boulogne.


Ça poudroi’, ça brille et ça r’luit,
Ça fait du train, ça fait du bruit,
Ça roul’, ça passe et ça s’enfuit !
            Ça cri’, ça grogne !
Et tout ça va se r’miser, l’soir,
À l’écurie ou dans l’boudoir…
Puis la nuit tapiss’ tout en noir
            Au bois d’Boulogne.


Alors c’est l’heur’ du rendez-vous
Des purotins et des filous,
Et des escarp’ et des marlous
            Qu’ont pas d’besogne,
Et qui s’en vont, toujours par trois,
Derrièr’ les vieux salauds d’bourgeois,
Leur fair’ le coup du pèr’ François
            Au bois d’Boulogne.


AU BOIS DE VINCENNES



\relative c'' {
  \clef treble
  \key a \major
  \time 2/4
  \tempo "Vivace"
\partial 8 e8
  \bar "||" \mark \markup { \musicglyph #"scripts.segno" }
  b e e e | cis e e e | b e b e | cis cis cis e | b e e e 
cis e e e | b e b e | a,
  \bar "||"
  \set Staff.midiInstrument = #"piccolo"
  \autoBeamOff
  a a b | cis cis cis cis | cis a a b
cis cis cis cis | cis cis e b | b cis a b
% {page suivante}
b cis a b | b2 | b8 b b cis | d d d d
d b b cis | d d d d | d b cis b
a b a b | cis\fermata cis e d | cis4 (b a8) r r4
    \bar "|." \mark \markup { \musicglyph #"scripts.segno" }
}

\addlyrics {
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ 
Les ru -- pins i’s s’en vont, l’é -- té,
Aux bains d’mer, cha -- cun d’leur cô -- té
Pour res -- pi -- rer en li -- ber -- té 
Et r’prendre ha -- lei -- ne. 
Moi, j’peux pas m’pa -- yer les bains "d’mer :"
Pour mes six ronds, j’prends l’che -- min d’fer
Et j’vas res -- pi -- rer un bol d’air 
Au bois d’Vin -- "cen - nes !"
}

\layout {
  \context {
    \Score
    \remove "Bar_number_engraver"
  }
}


Les rupins i’s s’en vont, l’été,
Aux bains d’mer, chacun d’leur côté
Pour respirer en liberté
            Et r’prendre haleine.
Moi, j’peux pas m’payer les bains d’mer :
Pour mes six ronds, j’prends l’chemin d’fer
Et j’vas respirer un bol d’air
            Au bois d’Vincennes !


On n’y voit guèr’ de mac au sac ;
Ya quéqu’s rentiers, autour du lac,
Qui promèn’nt leur mal d’estomac
            Et leur bedaine ;
Mais quand arriv’ la bell’ saison,
Ya des ouveriers, à foison,
Qui vient s’les caler, su’ l’gazon,
            Au bois d’Vincennes.


Aussi l’soir, quand i’s sont partis,
On trouv’ des cous d’poulets rôtis,
Des restes d’desserts assortis
            Et d’porcelaine ;
Des boît’ à sardin’s, des litrons
Vid’ ou cassés, des bouts d’citrons,
Des p’tits jornals et des étrons
            Au bois d’Vincennes.


Puis à travers les trognons d’choux,
On voit des grands canonniers roux
Et de tout petits tourlouroux
            Qu’ont rien d’la veine,
Car, avec des airs triomphants,
I’s vont, avec les bonn’s d’enfants,
Dans les p’tits coins, s’asseoir dedans,
            Au bois d’Vincennes.


Une heure après, sous les massifs,
C’est les purotins des fortifs
Qui s’gliss’, avec des airs craintifs,
            Dans la garenne,
Les pauvres gueux sans feu, ni lieu,
Qui trouv’nt de quoi s’faire un bon pieu
Sous l’œil caressant du bon Dieu,
            Au bois d’Vincennes.


TREMPÉ


Ah ! nom de nom de Dieu ! c’qu’i ’pleut !
Qué vache d’temps !… ça… c’est eun’ trompe !…
Un cyclope ! où qu’c’est l’diabl’ qui pompe
Et l’bon Dieu qui piss’ tant qu’i’ peut.
Dans l’eau j’pourrais tirer ma coupe ;
Ah ! c’que j’vas êt’ débarbouillé !
J’ai jamais été si mouillé…
J’suis trempé… trempé comme eun’ soupe !


Sûr que j’vas attraper du mal ;
Demain faudra qu’j’aille à l’hospice.
Allons bon !… v’là l’bon Dieu qui r’pisse…
Eh ! là-haut !… espèc’ d’animal !…
Piss’ donc pas tant… ça m’tomb’ su’ l’naze,
Fais donc attention, vieux sabot,
Nom de Dieu !… ya du mond’ dans l’pot,
Quand tu prends Paris pour ton vase.


Tu t’en fous !… eh ben, moi itou.
Piss’ donc, cochon : piss’ donc, vieill’ bête !
Vas-y… va… piss’-moi su’ la tête,
Piss’-moi dans l’dos, piss’-moi partout :
Mais vrai, tu n’es guère à la sonde :
Tu veux t’fair’ passer pour un fieu,
Et tu profit’s que tes l’bon Dieu
Pour pisser su’ la gueule au monde.


PUS D’PATRONS


J’suis républicain socialisse,
Compagnon, radical ultra,
Révolutionnaire, anarchisse,
Eq’ cœtera… Eq’ cœtera…
Aussi j’vas dans tous les métingues,
Jamais je n’rate un’ réunion,
Et j’pass’ mon temps chez les mann’zingues
Oùsqu’on prêch’ la révolution.


C’est vrai que j’comprends pas grand’chose
À tout c’qu’y dis’nt les orateurs,
Mais j’sais qu’i’s parl’nt pour la bonn’ cause
Et qu’i’s tap’nt su’ les exploiteurs.
Pourvu qu’on chine l’ministère,
Qu’on engueul’ d’Aumale et Totor
Et qu’on parl’ de fout’ tout parterre !…
J’applaudis d’achar et d’autor.


C’est d’un’ simplicité biblique :
D’abord faut pus d’gouvernement.
Pis faut pus non pus d’République.
Pus d’Sénat et pus d’Parlement.
Pus d’salauds qui vit à sa guise.
Pendant qu’nous ont un mal de chien.
Pus d’lois, pus d’armé’, pus d’église.
Faut pus d’tout ça… faut pus de rien !


Alors c’est nous qui s’ra les maîtres,
C’est nous qui f’ra c’que nous voudrons,
Yaura pus d’chefs, pus d’contremaîtres.
Pus d’directeurs et pus d’patrons !
Minc’ qu’on pourra tirer sa flemme.
On f’ra tous les jours el’ lundi !
Oui… mais si n’ya pus d’latronspéme,
Qui qui f’ra la paye l’sam’di ?


EXPLOITÉ


Ya des chos’s qu’est dur’s dans la vie :
Ainsi, moi qui bouff’ pas souvent,
I’m’prend quéqu’fois d’avoir envie
D’faire aut’ chos’ que d’lâcher du vent.


Quand ça m’arriv’ dans la banlieue,
J’pos’ ça n’importe où, ça n’fait rien :
Mais dans Paris faut faire eun’ lieue…
Encor’, des fois, ya pas moyen.

À moins qu’on rentr’ dans eun’ boutique
Comm’ cell’ d’à l’instant d’où que j’sors ;
J’avais besoin d’pousser ma chique,
J’pouvais pas la pousser dehors.


Comm’ j’étais pressé, j’me dépêche,
Ej’ me faufil’ comme un cabot.
Et j’pos’ délicat’ment ma pêche
Dans eune espèce d’lavabo.

À côté gnyavait eun’ cuvette…
Un tas d’ustensil’s, dans les coins,
Où qu’les’gens chic font leur toilette
Quand i’s ont fini leurs besoins.


Comme j’m’en allais, la marchande
Me d’mand’ trois ronds. — C’est chaud, qu’j’y dis ;
Mais quéqu’ vous vouliez que j’marchande ?
Et j’yai été d’mes trois radis.


N’empêch’ que je l’ai trouvé’ dure
Et qu’j’ai soupé d’son p’tit salon :
I’ ne r’verra pus ma figure,
J’f’rais pustôt dans mon patalon.

Si j’ai des besoins légitimes,
J’veux pas qu’on m’prenn’ pour un rupin.
Et dépenser des quinz’ centimes
Quand ej’ n’ai bouffé qu’un p’tit pain.


À LA GOUTTE-D’OR



\relative c'' {
  \clef treble
  \key a \major
  \tempo "Allegro"
  \time 2/4
\partial 4. cis8 cis b
  \bar "||" \mark \markup { \musicglyph #"scripts.segno" }
  a b cis d | cis b <cis, cis'> <d d'>
  << { e' cis d b }
  \\
  { e,4 e }
  >>
  <e a>8\fermata \bar "||"
  \set Staff.midiInstrument = #"piccolo"
  \autoBeamOff
  cis' cis b | a b cis d
cis4 cis | r8 cis cis b | a b cis d | cis4 (cis)
r8 cis e cis | b cis a b | cis4 r
r8 e cis b | cis4 r | r8 e cis b | a4 r
    \bar "|." \mark \markup { \musicglyph #"scripts.segno" }
}

\addlyrics {
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _
En ce temps- là, dans chaqu’ fa -- mil -- le
On blan -- chis -- sait de mère en "fil - le ;"
Main -- te -- nant on blan -- chit en -- cor,
À la Goutt’ d’Or, À la Goutt’ d’Or.
}

\layout {
  \context {
    \Score
    \remove "Bar_number_engraver"
  }
}


En ce temps-là, dans chaqu’ famille
On blanchissait de mère en fille ;
Maintenant on blanchit encor,
            À la Goutt’-d’Or.

Elle était encor’ demoiselle
Grand’maman, la belle Isabelle,
Quand elle épousa l’grand Nestor,
            À la Goutt’-d’Or.


Et maman Pauline était sage
Le jour qu’ell’ se mit en ménage,
Avec papa le p’tit Victor,
            À la Goutt’-d’Or.

À c’tte époqu’-là tout’s les fillettes,
Les goss’lines, les gigolettes
S’ mariaient avec leur trésor,
            À la Goutt’-d’Or.

A’s s’contentaient, l’jour de leur noce,
D’un’ petit’ toilett’ pas féroce
Et d’un’ jeannette en similor,
            À la Goutt’-d’Or.

Leur fallait pas un mari pâle,
Mais un garçon d’lavoir… un mâle…
Bien râblé… même un peu butor,
            À la Goutt’-d’Or.


Aujourd’hui faut à ces d’moiselles
Des machins avec des dentelles
Et des vrais bijoux en vrai or,
            À la Goutt’-d’Or.


Leur faut des jeun’ homm’ en casquettes,
Des rouquins qu’ont des rouflaquettes,
Collé’s sur un’têt’ d’hareng saur,
            À la Goutt’-d’Or.

Et v’là pourquoi tout’s les fillettes,
Les goss’lines, les gigolettes
S’marient pus avec leur trésor,
            À la Goutt’-d’Or.


À SAINT-OUEN



\relative c'' {
  \clef treble
  \key a \major
  \tempo "Moderato"
  \time 2/4
<cis e>8.^> <b d>16 <a cis>8 <e b'>
  <cis' e>8.^> <b d>16 <a cis>8 <e b'>
  <cis' e>8.^> <b d>16 <a cis>8 <e b'>
  <e cis'> <d b'> <cis a'>4
  <a' cis e a>\fermata \bar "||"
  \set Staff.midiInstrument = #"piccolo"
  \autoBeamOff
a8 b | cis8. b16 cis8 d | cis r a b | cis8. b16 cis8 d
cis r e d | cis2 | b4 b8 cis | d8. cis16 d8 e | d4 b8 cis | d8. cis16 d8 e
d4 e8 d | cis2 | b8 r a b | cis8. b16 cis8 d | e4 r | cis4. e8 | cis4 r
b4. e8 | a,4 r
    \bar "|."
}

\addlyrics {
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ 
_ _ _ _ _ _
Un jour qu’i’ fai -- sait pas beau,
Pas ben loin du bord de l’eau,
Près d’la Sei -- "ne ;"
Là où qu’i’ pouss’ des mois -- sons 
De culs d’bou -- teill’ et d’tes -- sons,
Dans la plai -- ne.
Ma mèr’ m’a fait dans un coin,
À Saint- Ouen, À Saint- Ouen.
}

\layout {
  \context {
    \Score
    \remove "Bar_number_engraver"
  }
}


Un jour qu’i’ faisait pas beau,
Pas ben loin du bord de l’eau,
            Près d’la Seine ;
Là où qu’i’ pouss’ des moissons
De culs d’bouteill’ et d’tessons,
            Dans la plaine ;
Ma mèr’ m’a fait dans un coin,
            À Saint-Ouen.

C’est à côté des fortifs,
On n’y voit pas d’gens comifs
            Qui sent’ l’musque.
Ni des môm’ à qui qu’i’ faut
Des complets quand i’ fait chaud,
            C’est un lusque
Dont les goss’s ont pas d’besoin,
            À Saint-Ouen.


À Paris ya des quartiers
Où qu’les p’tiots qu’ont pas d’métiers
            I’s s’font pègre ;
Nous, pour pas crever la faim,
À huit ans, chez un biffin.
            On est nègre…
Pour vivre, on a du tintoin,
            À Saint-Ouen.


C’est un métier d’purotin,
Faut trimarder dans Pantin
            En savates,
Faut chiner pour attraper
Des loupaqu’ ou pour chopper
            Des mill’ pattes ;
Dame, on nag’ pas dans l’benjoin,
            À Saint-Ouen.

Faut trottiner tout’ la nuit
Et quand l’amour vous poursuit,
            On s’arrête…
On embrasse… et sous les yeux
Du bon Dieu qu’est dans les cieux.
            Comme un’ bête,
On r’produit dans un racoin,
            À Saint-Ouen.


Enfin je n’sais pas comment
On peut y vivre honnêt’ment
            C’est un rêve ;
Mais on est récompensé,
Car comme on est harassé,
            Quand on crève…
El’ cim’tière est pas ben loin,
            À Saint-Ouen.


HEUREUX


Fait rien froid… j’ai la gueule en feu…
Et les deux arpions à la glace,
Et l’blair’ qui coul’ comme eun’ Wallace…
S’rait ben temps que j’me chauffe un peu.
J’vas ’core aller av’nu’ Trudaine
Oùsque la Compagni’ des eaux.
Pour remplacer celles d’la Seine,
Fait poser des nouveaux tuyaux.



L’gardien des travaux fait du rif
À ménuit… et comme il est zigue,
I’ laiss’ toujours chauffer mézigue
Et rôtir mon morceau d’lartif.
Presque tout’s les nuits c’est ma rente,
Moi j’gouap’ pas à la faridon,
J’aim’ ben m’chauffer la peau du vente
Quand ej’ n’ai rien d’cuit dans l’bidon.


C’est d’jà rupin, mais c’est pas tout :
Ya les tuyaux oùsque l’on couche,
Pour pas s’enrhumer on les bouche
En pendant un sac à chaqu’ bout ;
Fait chaud là-n’dans comm’ dans eun’ cave,
Et quand on yest bâché… Barca !
Mon vieux salaud, minc’ qu’on l’entrave :
On s’lèv’rait pas pour fair’ caca.


Et pis, doucett’ment on s’endort,
On fait sa carne, on fait sa sorgue,
On ronfle, et, comme un tuyau d’orgue,
L’tuyau s’met à ronfler pus fort…

Alors on sent comme eun’ caresse,
On s’allong’ comm’ dans un bon pieu…
Et l’on rêv’ qu’on est à la messe
Où qu’, dans l’temps, on priait l’bon Dieu.


LES LOUPIOTS


C’est les petits des grandes villes,
Les petits aux culs mal lavés,
Contingents des guerres civiles
Qui poussent entre les pavés.


Sans gâteaux, sans joujoux, sans fringues,
Et quelquefois sans pantalons,
Ils vont, dans de vieilles redingues
Qui leur tombent sur les talons.

Ils traînent, dans des philosophes,
Leurs petits pieds endoloris,
Serrés dans de vagues étoffes…
Chaussettes russes de Paris !

Ils se réchauffent dans les bouges
Noircis par des quinquets fumeux,
Avec des bandits et des gouges
Qui furent des loupiots comme eux.


Ils naissent au fond des impasses,
Et dorment dans les lits communs
Où les daronnes font des passes
Avec les autres et les uns…


Mais ces chérubins faméliques,
Qui vivent avec ces damnés,
Ont de longs regards angéliques,
Dans leurs grands châsses étonnés.

Et, quand ils meurent dans ces fanges,
Ils vont, tout droit, au paradis,
Car ces petits-là sont les anges
Des ruelles et des taudis.


C’est les petits des grandes villes,
Les petits aux culs mal lavés,
Contingents des guerres civiles
Qui poussent entre les pavés.


À LA BASTOCHE



\relative c'' {
  \clef treble
  \key bes \major
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  \tempo 4 = 110
  \tempo "Moderato"
\partial 8 r8 \bar "||"
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  R4*4
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  \tempo "Allegro"
  R2*3
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\time 3/4 
  \tempo "Moderato"
  c \( d d bes c d
  d2 \) r8 d \(
  d d d f d bes

c2 \) r8 c \(
  c d ees ees ees d 
  ees2 \) r8 c

d \( d d d bes c
  c2 \) r8 f,
  bes c d d d bes
 d4~ d8 d bes c
  \time 2/4
  c2 \> (bes8) r r4

    \bar "|." \mark \markup { \musicglyph #"scripts.segno" }
}

\addlyrics {
Il é -- tait né près du ca -- nal,
Par là… dans l’quar -- tier d’l’Ar -- se -- nal,
Sa ma -- man, qu’a -- vait pas d’ma -- ri,
L’ap -- pe -- lait son pe -- tit Hen -- ri…
Mais on l’ap -- pe -- lait la Fi -- "lo - che,"
À la Bas -- "to - che."
}

\layout {
  \context {
    \Score
    \remove "Bar_number_engraver"
  }
    \set fontSize = #-1
}


Il était né près du canal,
Par là… dans l’quartier d’l’Arsenal,
Sa maman, qu’avait pas d’mari,
L’appelait son petit Henri…
Mais on l’appelait la Filoche,
        À la Bastoche.

I’ n’faisait pas sa société
Du géni’ de la liberté,
I’ n’était pas républicain,
Il était l’ami du Rouquin
Et le p’tit homme à la Méloche,
        À la Bastoche.

À c’tte époqu’-là, c’était l’bon temps
La Méloche avait dix-huit ans,
Et la Filoche était rupin :
Il allait, des fois, en sapin,
Il avait du jonc dans sa poche,
        À la Bastoche.


Mais ça peut pas durer toujours,
Après la saison des amours
C’est la mistoufe et, ben souvent,
Faut s’les caler avec du vent…
Filer la comète et la cloche,
        À la Bastoche.

Un soir qu’il avait pas mangé,
Qu’i’ rôdait comme un enragé ;
Il a, pour barbotter l’quibus
D’un conducteur des Omnibus,
Crevé la panse et la sacoche,
        À la Bastoche.


Et sur la bascule à Charlot,
Il a payé, sans dire un mot :
À la Roquette, un beau matin,
Il a fait voir à ceux d’Pantin,
Comment savait mourir un broche
        De la Bastoche.


Il était né près du canal,
Par là… dans l’quartier d’l’Arsenal,
Sa maman, qu’avait pas d’mari,
L’appelait son petit Henri…
Mais on l’appelait la Filoche,
        À la Bastoche.


SOUS LES PONTS


« — Eh bien, répliqua le suave rond-de-cuir, vous irez coucher sous les ponts : il y en a bien d’autres !… (sic)

« L’employé qui envoie coucher le public est, en France, de toutes les administrations. Mais l’envoyer coucher… sous les ponts, c’est un raffinement qui était réservé à la « maternelle » Assistance publique. »

(Écho de Paris.)


Gens de sac, de corde et de mèche,
Tondeurs de chats, baigneurs de chiens,
Raseurs de mouisards dans la dèche,
Bons à tout, pégriots, vauriens,
Nous sommes les rôdeurs de berge,
Sous les tabliers nous grimpons…
La première arche est notre auberge…
C’est nous qui couchons sous les ponts.


Miteux, gougnafiers ou poètes,
Pilons, mendigots, purotains,
Fileurs de cloches… de comètes…
Fils de ribauds, fils de putains ;
Manchots, aveugles, culs-de-jatte,
Fripes, fripouilles et fripons,
Nous sommes les sans-canijatte…
C’est nous qui couchons sous les ponts


À travers la fête et les halles,
Les salopes et les gens saoûls,
Les culs terreux et les culs sales,
La nuit, nous chinons quelques sous
Sur les durs pavés de la ville…
Durs pavés que nous retapons !
Nous sommes les sans domicile…
C’est nous qui couchons sous les ponts.


POUR LES FORTIFS


M’sieu l’ Président d’la république,
Excusez-moi, si j’ vous écris,
Mais, voilà, faut qu’on vous explique
À caus’ des fortifs ed’ Paris…
Qu’on dit qu’on va les fout’ par terre…
C’est pas drôl’ pour le populo,
Et j’ comprends pas que l’ministère
S’ay’ fourré ça dans l’ciboulo…


Au nom des chemineux d’la ville,
Coureurs de ru’s, batteurs d’antifs,
Qui sont des centain’ et des mille…
Faut pas démolir les fortifs !

Les fortifs !… Mais c’est la ballade
Des Pantinois, où chaqu’ lundi
Les ouvriers, en rigolade,
Vont respirer l’air ed’ Bondy
En admirant la bell’ nature…
Et s’allonger sur le gazon,
Sous la fumé’ des trains d’ceinture
Qui leur obscurcit l’horizon…

Au nom des chemineux d’la ville,
Coureurs de ru’s, batteurs d’antifs,
Qui sont des centain’ et des mille…
Faut pas démolir les fortifs !


Les fortifs !… C’est la joi’ des mômes,
Des malheureux p’tits purotains
Qui peuv’nt pas courir dans les chaumes,
Parc’ qu’i’s sont des enfants d’putains ;
Parc’ que jamais leur moman gagne
Assez pour payer les ch’mins d’fer,
Et qu’i’s n’vont pas à la campagne
Mettr’ leur petit cul au grand air…

Au nom des chemineux d’la ville,
Coureurs de ru’s, batteurs d’antifs,
Qui sont des centain’ et des mille…
Faut pas démolir les fortifs !


Les fortifs !… C’est aussi l’asile
Des vaincus, des aînés, des vieux
Qui, n’ayant mêm’ pus d’domicile,
Vienn’nt se coucher… là, sous les cieux…
Et, souvent, dans les nuits sereines,
Su’ l’talus, qui leur sert de pieu,
I’s rêv’nt que c’est la fin d’leurs peines
Et qu’i’s sont partis chez l’bon Dieu…


Au nom des chemineux d’la ville,
Coureurs de ru’s, batteurs d’antifs,
Qui sont des centain’ et des mille…
Faut pas démolir les fortifs !


ROSE BLANCHE



\relative c'' {
  \clef treble
  \key aes \major
  \time 2/4
  \set Staff.midiInstrument = #"piccolo"
  \autoBeamOff
  \tempo "Moderato"
\partial 8 r8
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  r2 | r8 aes aes bes
c bes aes bes | c4 (c8) r | c aes c ees
c4 (c8) c | ees c bes aes \bar "||"
  \time 3/4 bes2 r8 bes
ees des c aes c des | c4 (c8) aes c des \bar "||"
  \time 2/4 ees^\< ees f f \! \bar "||"
\time 4/4 ees4.^\> ( des8 c4) \! r8 aes 
  \tempo "Più lento"
  \bar "||"
  \set Score.tempoHideNote = ##t
    \tempo 4 = 80
  \time 2/4 c4^- ^\> ^\markup { \italic dolciss. } \( bes^- aes^- \) \! r
    \bar "|." \mark \markup { \musicglyph #"scripts.segno" }
}

\addlyrics {
Alle a -- vait, sous sa to -- que "d’mar - tre,"
Sur la butt’ Mont -- "mar - tre,"
Un p’tit air in -- no -- "cent ;"
On l’app’ lait Rose, alle é -- tait "bel - le,"
A sen -- tait bon la fleur nou -- "vel - le,"
Ru’ Saint- Vin -- cent.
}

\layout {
  \context {
    \Score
    \remove "Bar_number_engraver"
  }
    \set fontSize = #-1
}


Alle avait, sous sa toque d’martre,
        Sur la butt’ Montmartre,
        Un p’tit air innocent ;
On l’app’lait Rose, alle était belle,
A sentait bon la fleur nouvelle,
            Ru’ Saint-Vincent.

On n’avait pas connu son père,
        A n’avait pus d’mère,
        Et depuis mil neuf cent,
A d’meurait chez sa vieille aïeule
Où qu’a s’él’vait, comm’ ça, tout’ seule.
            Ru’ Saint-Vincent.


A travaillait, déjà, pour vivre,
        Et les soirs de givre,
        Sous l’froid noir et glaçant,
Son p’tit fichu sur les épaules,
A rentrait, par la ru’ des Saules,
            Ru’ Saint-Vincent.

A voyait, dans les nuits d’gelée,
        La nappe étoilée,
        Et la lune, en croissant,
Qui brillait, blanche et fatidique
Sur la p’tit’ croix d’la basilique,
            Ru’ Saint-Vincent.


L’été, par les chauds crépuscules,
        A rencontrait Jules
        Qu’était si caressant
Qu’a restait, la soirée entière,
Avec lui, près du vieux cim’tière,
            Ru’ Saint-Vincent.

Mais le p’tit Jul’ était d’la tierce
        Qui soutient la gerce,
        Aussi, l’adolescent
Voyant qu’a n’marchait pas au pantre,
D’un coup d’surin lui troua 1’ ventre.
            Ru’ Saint-Vincent.

Quand ils l’ont couché’ sous la planche,
        Alle était tout’ blanche
        Mêm’ qu’en l’ensev’lissant,
Les croqu’-morts disaient qu’la pauv’ gosse
Était claqué’ l’jour de sa noce.
            Ru’ Saint-Vincent.


Alle avait, sous sa toque d’martre,
        Sur la butt’ Montmartre,
        Un p’tit air innocent ;
On l’app’lait Rose, alle était belle,
A sentait bon la fleur nouvelle,
            Ru’ Saint-Vincent.


À PANTRUCHE



\relative c' {
  \clef treble
  \key bes \major
  \time 2/4
  \set Staff.midiInstrument = #"piccolo"
  \autoBeamOff
  \tempo "Andantino"
\partial 4 f8 f | bes c bes a | bes4 bes8 c | d d c bes
  d (d) d d | ees d c bes | f'4 f8 d | c4~ c | bes r \bar "||"
}

\addlyrics {
Bru -- ne fil -- le d’An -- ge -- vins,
Pour tout faire elle é -- tait "bon - ne"
Chez un vieux mar -- chand de vins,
À Cha -- ron -- ne.
}

\layout {
  \context {
    \Score
    \remove "Bar_number_engraver"
  }
    \set fontSize = #-1
}


Brune fille d’Angevins,
Pour tout faire elle était bonne
Chez un vieux marchand de vins,
            À Charonne.

Quand le maître en eut soupé,
Elle erra, sans domicile,
Sur le pavé retapé,
            À Bell’ville.

Un soir elle rencontra
Un boucher, sans gigolette,
Qui voulut l’emmener à
            La Villette.

Mais les bouchers sont brutaux,
Elle reçut des torgnolles
Puis, une nuit, s’enfuit aux
            Batignolles…

Fit rencontre d’un cocher
Qui cherchait une femelle
Et qui l’emmena bâcher
            À Grenelle.


Puis, son ventre ayant grossi,
Elle accoucha, dans un bouge,
Par là… pas trop loin d’Issy…
            À Montrouge.

Pour élever l’innocent,
Elle dut se mettre en carte
Et travailler le passant,
            À Montmart’e.

Et voilà !… Mince d’chopin !…
Faut vraiment être guenuche
Pour venir chercher son pain,
            À Pantruche.


JALOUSE


La mienne a drôles de cheveux,
Drôle de nez, drôles de z’yeux…
Gueule rouge qui vous attire,
Perles blanches dans un sourire,
Petit pied cambré, fine main
Au service du genre humain…
Alle est bâti’ pour fair’ la noce,
                    Ma gosse.

À quatorze ans alle était la
Femme d’ son frèr’… C’est lui qui l’a
Mise au courant de la musique
Et, pour fair’ chanter la pratique,
All’ fut vite au diapason.
Puis alle entra dans eun’ maison
Où qu’alle a gagné son diplôme,
                    Ma môme.


Aujourd’aujord’hui faut la voir
Flirter au salon chaque soir,
Allumant l’un, caressant l’autre,
Faisant du châsse au vieil apôtre
Qui n’en peut plus mais veut encor…
Ah ! c’en est eun’ qui gagne d’l’or !
Alle était né’ pour le commerce,
                    Ma gerce.


Et j’ s’rais heureux comme un poisson
Si j’étais pas si paillasson.
Oui, mais voilà, c’est comm’ des pommes,
A comprend qu’ j’aille avec des hommes
Et qu’ j’ay’ des amis tant que j’veux.
Mais les femm’ a leur saute aux ch’veux ;
Alle est jalous’ comme eun’ tigresse,
                    Ma fesse.


PAILLASSE


Moi, la mienne est née en voiture.
C’est eune espèce d’ romani,
Eun’ bell’ gitane au teint bruni,
Mais alle est paillasse d’ nature :
I’ faut qu’a pagnotte en roulotte,
Comm’ quand all’ ’tait chez ses auteurs ;
Tous les ans, au printemps, a s’trotte…
A fout son camp chez les lutteurs.

Chez les gros… les hercules d’ foire…
Les Marseille et les Bamboula…
Vraiment ça fait naquer du fla…
Rien qu’d’en parler j’en ai la foire…
J’comprends qu’eun’ bergèr’ s’embéguine
Pour des artiss’s ou des dompteurs
Et mêm’des fois pour eun’ coquine…
Mais la mienne y faut des lutteurs.


Et quand c’est la fête à Joinville,
Au Parc, au Trône, à Gentilly,
Et à Montmartre et à Neuilly,
Et à Vincenn’ et à Bell’ville,
A peut pus démarrer des planches ;
A jette l’gant aux amateurs,
A guinche, en tortillant ses hanches,
Su’ l’tremplin… avec les lutteurs.


A me r’vient quand alle est vannée,
À l’automne, après la saison.
Pis a se r’met dans eun’maison
Où qu’a pourrait fair’ tout’ l’année
Avec des michets ben honnêtes :
Des miniss’s et des sénateurs…
Mais quand er’vient l’époqu’ des fêtes,
Faut qu’a r’tourne avec les lutteurs.


BARYTON


Oui, mon vieux, me v’là baryton.
Tous les soirs ej’ chante au caf’ conce,
J’ai d’la gueule et j’attaqu’ dans l’ton…
J’fais la pige à Monsieur Léonce…
Et j’pagnotte à tir’-larigot…
C’tte vi’-là, vois-tu, c’est un rêve !…
Les femm’s veul’nt toutes d’mézigo…
                        J’la r’lève…


Pas au suif… ni à la mi’ d’pain…
Non, au beurr’ : Rien qu’des femm’s du monde !
Chaqu’ nuit c’est un nouveau chopin,
J’navigue d’la brune à la blonde.
Et tu sais… pas plan d’y couper,
L’soir, à la sortie, on m’enlève…
C’est à qui m’aura pour souper…
                        J’la r’lève…

J’étais pas né pour le turbin :
Dans l’temps, quand nous étions arpettes,
Tous les lundis j’allais au bain
Chez Fill’ry, fair’ des galipettes,
Ya pas un métier qui m’allait…
Mais à force d’me mettre en grève
J’ai trouvé celui qu’i’ m’fallait
                        J’la r’lève…


Oui, mon vieux, ej’fais comm’ tu f’rais
Si c’est toi qu’tu s’rais à ma place ;
Tu voudrais pas que j’pay’ les frais
Quand ej’peux passer d’vant la glace.
Non… D’abord on a ça dans l’sang…
L’père Adam, avec la mère Ève,
Mangeait d’la pomm’… moi c’est du blanc…
                        J’la r’lève…


TZIGANE


Rasta, crapule, mendigo,
Aussi bien foutu qu’une entorse,
Aussi crasseux qu’un hidalgo,
Bas du cul et trop court de torse,
Il ne doit pas avoir les fesses
Comme le divin Apollon…
Et pourtant, il plaît aux gonzesses
        Avec son violon.


Le cheveu luisant et collé
Sur des pariétaux de carpe,
Le regard fauve, un peu voilé
Du marlou pègre ou de l’escarpe,
Le front bas, fuyant, aplati
Sous la chevelure trop noire,
Cet automate ouistiti
Bistré, teinté, couleur de foire
Au pain d’épice, vient chez nous
Pour séduire nos gigolettes,
Pour mendigoter nos gros sous
Et pour épater nos tapettes ;
Il va, de l’arrière-boutique
Du mastroquet, dans le salon,
Pour y faire de la musique,
        Avec son violon.


Là, son archet victorieux
S’allonge sur la colophane,
Puis va, descend, remonte aux cieux…
On voit alors notre tzigane
S’agiter sans trêve ni cesse,
Et, nerveux comme un étalon,
Vous enlever une princesse,
        Avec son violon.


VACHE


Oui, moi j’te l’dis, ma pauv’ Alice,
Tu nous courr’ avec ton rouquin…
Il est pus chouett’ que l’beau Narcisse,
Mais n’empêch’que c’est un coquin
Qui fait ses p’tit’s vach’ri’ en douce…
Comm’ça… sans avoir l’air de rien…
Pisque j’te l’dis, moi, je l’sais bien :
Il est des raill’… Il est d’la rousse !


C’est lui qu’a fait poisser Hortense,
La femme à Coco l’Hérissé !…
Oui… oui… Tu fais d’la rouspétance…
Mais aujord’hui tout l’monde l’sait :
On sait qu’i’ n’a pas d’escrupules,
On sait qu’i’ marche avec les mœurs…
Et qu’il est des indicateurs
De la brigade à Mossieu Jules.


Aussi, vois-tu, ma pauv’ Alice,
Malgré qu’i’ soy’ joli garçon,
Pisque ton homme est d’la police
I’ faut l’plaquer comme un chausson…
Qu’il aille au bain… Qu’il aille à Dache…
Qu’il aill’ planquer où qu’i’ voudra…
Tu peux pus t’appuyer c’gonc’-là…
C’est pas un garçon… C’est eun’ vache !


NINI-PEAU-D’CHIEN



\relative c'' {
  \clef treble
  \key bes \major
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  R2*6 \bar "||"
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  bes8 bes c c d4 (d8) r
bes8 bes c c | d4 r | d8 d f f | d4 (d8) r
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bes bes c c | d4 r | d8 d e d | c4 (c8) r
c d e c \bar "||"
  \time 4/4 
  f4 r r8. f16^\markup { \fontsize #-2 REFRAIN } f8. ees16 \bar "||"
  \tempo \markup { All\normal-size-super o }
    \tempo 4 = 130
  d4 d d f
d8 c bes c d4 r | d d8 d f d bes c
d2 (c8) bes a bes | c2 r8 d d f
d2 r8 d f ees | d2 (c bes4) r r2
    \bar "|." \mark \markup { \musicglyph #"scripts.segno" }
}

\addlyrics {
Quand alle é -- tait "p’ti - te,"
Le soir, alle al -- lait,
À Saint’- Mar -- gue -- "ri - te,"
Où qu’a s’des -- sa -- "lait ;"
Main t’nant qu’alle est "gran - de,"
All’ mar -- che, le soir,
A -- vec ceux d’la "ban - de"
Du Ri -- chard- Le -- noir.
À la Bas -- tille
On ai -- me bien
Ni -- ni- Peau- "d’chien :"
Alle est si bonne et si gen -- "til - le !"
On ai -- me bien
Ni -- ni- Peau- d’chien
À la Bas -- "til - le."
}

\layout {
  \context {
    \Score
    \remove "Bar_number_engraver"
  }
    \set fontSize = #-1
}


Quand alle était p’tite,
Le soir, alle allait,
À Saint’-Marguerite,
Où qu’a s’dessalait ;
Maint’nant qu’alle est grande,
All’marche, le soir,
Avec ceux d’la bande
Du Richard-Lenoir.

        À la Bastille
        On aime bien
    Nini-Peau-d’chien :
Alle est si bonne et si gentille !
        On aime bien
    Nini-Peau-d’chien
        À la Bastille.


Alle a la peau douce,
Aux taches de son,
À l’odeur de rousse
Qui donne un frisson…
Et de sa prunelle,
Aux tons vert-de-gris,
L’amour étincelle
Dans ses yeux d’souris.

        À la Bastille
        On aime bien
    Nini-Peau-d’chien :
Alle est si bonne et si gentille !
        On aime bien
    Nini-Peau-d’chien
        À la Bastille.

Quand le soleil brille
Dans ses cheveux roux,
L’géni’ d’la Bastille
Lui fait les yeux doux,
Et, quand a s’promène.
Du bout d’l’Arsenal,
Tout l’quartier s’amène
Au coin du canal.

        À la Bastille
        On aime bien
    Nini-Peau-d’chien :
Alle est si bonne et si gentille !
        On aime bien
    Nini-Peau-d’chien
        À la Bastille.


Mais celui qu’alle aime,
Qu’alle a dans la peau,
C’est Bibi-la-Crème,
Parc’ qu’il est costeau,
Parc’ que c’est un homme
Qui n’a pas l’foi’ blanc.
Aussi faut voir comme
Nini l’a dans l’sang !

        À la Bastille
        On aime bien
    Nini-Peau-d’chien :
Alle est si bonne et si gentille !
        On aime bien
    Nini-Peau-d’chien
        À la Bastille.


LA TERREUR DES FORTIFS


« Cette femme, nommée Marie Ret, dite la « Terreur des Fortifs », mettait souvent la main à la besogne.

« Âgée de vingt-huit ans, grande, élancée, assez jolie, bien qu’elle ait la figure balafrée de coups de couteau, Marie Ret est une véritable héroïne de roman. Très vigoureuse, elle a souvent « expédié son homme » ; sa spécialité était de jeter à l’eau ses victimes.

« Dans son logement on a trouvé plus de trente paires de souliers en cuir jaune, provenant des dépouilles de ses victimes. François, son amant, avait en effet une préférence marquée pour les souliers de cette couleur, et lui et sa maîtresse attaquaient souvent des passants attardés, uniquement pour s’approprier leurs chaussures estivales. »

(Intransigeant).


Grande, élancé’, carne, d’attaque,
Le poing dur et bien attaché ;
Ferme et râblé’, sous la casaque,
Ell’ faisait la chasse au michet,
À coups d’surin ou d’sucre d’pomme,
Et, souvent, la batteus’ d’antifs,
Comme un mâle, abattait son homme…
C’était la Terreur des Fortifs.


Pour affurer la bonn’ gal’touze,
A dégringolait l’poivrio,
Faisant la redingue et la blouse,
Le bourgeois, comme l’ouvrio ;
Mais quand le pauvre homme était meule,
A te l’empoignait par les tifs
Et lui tambourinait la gueule…
C’était la Terreur des Fortifs.

La cible trouée à coups d’lingue
Par les caress’s de ses mectons,
En leur barbotant leur morlingue,
A’ s’vengeait sur les beaux mich’tons…
Et, pour avoir leurs souliers jaunes,
A surinait des gens comifs,
À la barb’ des flics et des launes…
C’était la Terreur des Fortifs.


CHANT D’APACHES



\relative c'' {
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  \tempo "Moderato"
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d4 (d8) bes bes c | d bes d ees bes c | c4 r8 f f ees
d bes d bes d ees | d4 (d8) d d f | e c d c e c
\time 2/4 f4\fermata r8\fermata r16 f,^\markup { \italic REFRAIN }
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  \time 4/4 d2 (c)
  \time 2/4 bes4 r
}

\addlyrics {
Chez un bis -- tro du quar -- tier d’la Vil -- "tou - se,"
Les bar -- bil -- lons trin -- quaient à la san -- té
D’un d’leurs po -- teaux qui dé -- car -- rait d’cen -- "trou - se,"
Et l’on chan -- "tait :" Vi -- ve la li -- ber -- "té !"
O -- "hé !" les a -- "pa - ches !"
À nous les eus -- "ta - ches,"
Les lin -- gues à vi -- ro -- les,
Les lon -- ges d’as -- sas -- sins
Pour le bi -- don des rous -- sins
Et pour le ven -- tre des cass’ -- ro -- les.
}

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    \Score
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  }
    \set fontSize = #-1
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Chez un bistro du quartier d’la Viltouse,
Les barbillons trinquaient à la santé
D’un d’leurs poteaux qui décarrait d’centrouse,
Et l’on chantait : Vive la liberté !

            Ohé ! les apaches !
            À nous les eustaches,
            Les lingues à viroles,
            Les longes d’assassins
            Pour le bidon des roussins
            Et pour le ventre des cass’roles.

Tant pis pour vous, Messieurs de la raclette,
Tant pis pour vous, Messieurs les collégiens,
Faut pas chercher les garçons d’la Villette,
Car leurs couteaux sont pas faits pour les chiens.

            Ohé ! les apaches !
            À nous les eustaches,
            Les lingues à viroles,
            Les longes d’assassins
            Pour le bidon des roussins
            Et pour le ventre des cass’roles.


Quand les flicards veul’nt nous ceinturer d’rifle,
Nous fabriquer, nous conduire à la tour,
Marrons su’ l’tas, ces jours-là ya d’la r’biffe :
On leur-z-y met son vingt-deux dans l’tambour.

            Ohé ! les apaches !
            À nous les eustaches,
            Les lingues à viroles,
            Les longes d’assassins
            Pour le bidon des roussins
            Et pour le ventre des cass’roles.

Faut pas non pus aller s’frotter derrière
Nos p’tit’s bergèr’s qui s’ballad’ icigo…
Ou ben, sans ça, gare à la boutonnière !
Gare au coup d’scion dans l’lidonbem du go !

            Ohé ! les apaches !
            À nous les eustaches,
            Les lingues à viroles,
            Les longes d’assassins
            Pour le bidon des roussins
            Et pour le ventre des cass’roles.


D’abord nous aut’ on fait pas d’politique,
On vot’ toujours pour el’ gouvernement,
On s’ fout du roi comme ed’ la république,
Pourvu qu’on puiss’ travailler tranquill’ment.
Ohé ! les apaches !

            Ohé ! les apaches !
            À nous les eustaches,
            Les lingues à viroles,
            Les longes d’assassins
            Pour le bidon des roussins
            Et pour le ventre des cass’roles.


LA LIONNE


« Ainsi l’avaient surnommée ses amis, les malfaiteurs de la bande de la Goutte-d’Or.

« Cuisinière de son état, elle préparait aux cambrioleurs de succulents repas, arrosés de champagne.

« Au dessert, les chevaliers du cambriolage pinçaient de la guitare, roucoulaient de tendres romances et « La Lionne » ouvrait ses bras à celui de ces Messieurs qui lui paraissait le plus en beauté. Chacun son tour. La jalousie était bannie de cette famille et « La Lionne », adorée de tous, coulait des jours pleins de félicité. »

(Écho de Paris.)


Rouge garce… À la Goutte-d’Or
Elle reflétait la lumière
Du chaud soleil de Thermidor
Qui flamboyait dans sa crinière.
Ses yeux, comme deux diamants,
Irradiaient en vives flammes
Et foutaient le feu dans les âmes…
La Lionne avait cinq amants.

Le Fêlé, la Barre de Fer,
Petit-Louis le grand chef de bande,
Et Dos-d’Azur… et Monte-en-l’Air
Se partageaient, comme prébende,
Les soupirs, les rugissements,
Les râles de la garce rouge
Et cohabitaient dans son bouge…
La Lionne avait cinq amants.


Et tous les cinq étaient heureux.
Mais, un matin, ceux de la rousse,
Arrêtèrent ses amoureux
Dans les bras de la garce rousse.
Ce sont petits désagréments
Assez fréquents dans leur commerce…
Or ils en étaient de la tierce !
La Lionne et ses cinq amants.


LES CHI’-DANS-L’EAU



\relative c'' {
  \clef treble
  \key a \major
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  \autoBeamOff
  \tempo "Moderato"
\partial 4
a8 b | cis4 cis8 b cis d | cis4 cis16 r a8 a b
cis4 cis8 b4 d8 | cis4 r8 cis cis cis | e4 b8 b4 b8
b4 b16 r b8 cis b | a4 a8 a4 cis8 | b4. r8 a b
cis4 cis8 b cis d | cis4 cis16 r a8 a b | cis4 cis8 b4 b8
e4 r8 e, a b | cis4 cis8 d4 b8 | e4. e8 r cis
d4. b 
  \time 2/4 e8 r e8. d16 | cis8 cis b b | a4 r
}

\addlyrics {
C’est leur nom, ya rien à y fai -- re,
Les ma -- te -- lots sont des joy -- eux,
Et si c’nom- là fait leur af -- fai -- re
Ils l’chan -- g’ront pas pour vos beaux yeux.
C’est un nom qu’a du ca -- rac -- tè -- re,
Dam’, quand i’s sont su’ leur ba -- teau,
I’s peuv’nt pas fair’ ça su’ la ter -- re.
Les Chi’- dans- l’eau,
En a -- vant les Chi’- dans- "l’eau !"
}

\layout {
  \context {
    \Score
    \remove "Bar_number_engraver"
  }
    \set fontSize = #-1
}


C’est leur nom, ya rien à y faire,
Les matelots sont des joyeux,
Et si c’nom-là fait leur affaire
Ils l’chang’ront pas pour vos beaux yeux.
C’est un nom qu’a du caractère,
Dam’, quand i’s sont su’leur bateau,
I’s peuv’nt pas fair’ ça su’la terre.
            Les Chi’-dans-l’eau,
        En avant les Chi’-dans-l’eau !

Oui, voilà comme on les appelle,
Mais c’est des chic et des poilus,
Des gonciers qui font pas flanelle,
Des clients comme on n’en fait plus…
Et les jours qu’i’s s’amèn’ au claque,
On sait qu’i’s vienn’nt pas pour la peau :
I’ leur en faut, i’s sont d’attaque
            Les Chi’-dans-l’eau,
        En avant les Chi’-dans-l’eau !


En avant !… V’là les Bitte et Bosse,
I’s arriv’ avec leur pognon…
Leur faut du champagne et d’la soce,
Faut tortiller du troufignon.
En avant la gigue et la bombe !
Leur faut tout c’qu’i’ ya d’pus costeau,
Tout c’qu’i’ ya d’pus chouette en lesbombe
            Aux Chi’-dans-l’eau,
        En avant les Chi’-dans-l’eau !


Quand i’s ont boulotté leur pèze
Et qu’on veut leur parler raison,
Nom de Dieu !… Minc’ de Marseillaise !…
I’s chahut’nt tout dans la maison.
Pis, avant qu’la garde rapplique,
I’s tap’nt su’ la gueule au barbeau…
En criant : — Viv’ la république !
            Les Chi’-dans-l’eau,
        En avant les Chi’-dans-l’eau !


N’empêch’ pas qu’on les gob’ tout d’même,
Autant pour eux comm’ pour leur sac,
Malgré qu’on soy’ des fill’ en brème,
On aim’ les gars qu’a d’ l’estomac…
Quand on crie : — En avant la flotte !
Et qu’i’ faut emporter l’morceau…
I’s n’flasquent pas dans leur culotte,
            Les Chi’-dans-l’eau,
        En avant les Chi’-dans-l’eau !


GALVAUDEUX


Su’ la grand’ route qui m’attire
Et qu’j’aim’comm’ si qu’a s’rait à moi,
J’marche au soleil… On peut rien m’dire,
Mon faffe est en règle. Et pis, quoi ?…

Ej’ fais pas d’mal. Ej’ suis la route :
J’vas où qu’a veut… J’vas où qu’a va…
Toujours tout droit. Quéqu’ça peut m’foute
Que j’soye ici… ailleurs… ou là !…


J’suis ben partout… Ej’ me contente
D’un chignon d’pain à chaque r’pas,
Avec un verr’ d’eau, v’là ma rente…
J’suis heureux pisque j’turbin’pas !

J’m’en fous que l’pain i’ soye en grève
Pourvu qu’on m’en donne un morceau.
Vrai, ça vaut pas la pein’ qu’on s’crève
Pour en manger et boir’ de l’eau.


Dans l’temps j’me r’butais tout’ l’année,
Chez des bourgeois qu’ avaient du bien,
Et qui m’prenaient à la journée.
Au jour d’aujord’hui j’fous pus rien.

Travailler c’est pas mon affaire,
Et si j’avais pus tôt pensé
Qu’c’était si beau de ne rien faire,
Ya longtemps qu’j’aurais commencé.


SOUS LA PLUIE


Cochon d’temps ! Vrai, c’est épatant !
V’là ’core un été-z-à la manque ;
I’ pleut toujours… i’ pleut si tant
Que j’peux pas décarrer d’eun’ planque
Sans êt’ traversé jusqu’aux os !
Quiens !… v’là la plui’ qui m’débarbouille,
A’ m’coul’ jusque dans l’bas d’mon dos…
Et ma rai’ lui sert ed’ gargouille.


Cochon d’temps ! Vrai, c’est épatant !
Ça dégouline et ça dégoutte.
Avec ça… j’ai rien dans l’battant…
C’est dur ed’ trimer su’la route
Par es’ temps-là. Vrai, qué turbin !
Avec ma chaussur’dépiotée,
J’ai l’air ed’ marcher dan’ un bain,
Su’des s’mell’ en galett’ feuill’tée.

Parbleu ! c’est sûr qu’i’ s’en fout bien
C’ui-là qu’a son cul su’ sa chaise,
Au coin d’son feu… Ça n’y fout rien…
Tandis qu’moi, j’ai l’cul mal à l’aise
Dans mon falzar mouillé, crotté
Par l’eau qui gicle des ornières,
Et cell’ qui coule d’chaq’ côté
D’mes jamb’s qu’a l’air ed’ deux gouttières.


Et tous les ans c’est bourrico.
Ça va pus… Ça marche d’traviole…
L’bon Dieu s’a mis ça dans l’coco
Dedpuis qu’il a soupé d’not’ fiole.
Dame, c’t homme, il est dégoûté :
On l’rase avec la politique…
Paraît qu’i’ pleut comm’ ça l’été,
Parc’ qu’i’ n’veut pus d’la république.


RÉVEILLON DES GUEUX


Musique d’ANDRÉ FIJAN.


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Minuit ! c’est l’heure solennelle,
Il va descendre, l’Homme-Dieu !
Dans les lointains, la cloche appelle
Les vagabonds sans feu ni lieu.
Ils s’en vont sous l’immense voûte,
Ils avancent, le ventre creux !
Et les durs cailloux de la route
Font saigner leurs pieds douloureux.


Marchez, les gueux, suivez les Mages
Qui s’en vont, les yeux dans le ciel,
À Jésus porter leurs hommages,
                    Noël !
        Il mourra sur la Croix
Pour vous faire asseoir à sa table
Avec les princes et les rois !
        Marchez vers l’étable,
        Marchez avec eux,
        Marchez, les gueux !

Noël ! Hosannah ! Les archanges
Chantent : Chrétiens, il est minuit ;
Les va-nu-pieds quittent les granges
Et s’orientent dans la nuit,
Vers les cloches qui carillonnent
La gloire du Dieu triomphant !
Marchez, les prêtres réveillonnent.
Il est né, le Divin Enfant…


Marchez, les gueux, suivez les Mages
Qui s’en vont, les yeux dans le ciel,
À Jésus porter leurs hommages,
                    Noël !
        Il mourra sur la Croix
Pour vous faire asseoir à sa table
Avec les princes et les rois !
        Marchez vers l’étable,
        Marchez avec eux,
        Marchez, les gueux !


LE DIMANCHE DU TRIMARDEUR


C’est pas qu’j’ay’ de la r’ligion,
Je n’fréquent’ pas à la messe ;
Et, dedpuis ma communion,
J’ai pas été-z-à confesse.
Pourtant j’fais comme l’bon Dieu :
Tous les septièm’ jours ej’ flanche,
Et j’me r’pose au coin d’mon feu…
Moi je n’marche pas l’dimanche.


L’coin d’mon feu, c’est l’coin d’un bois,
Toujours auprès d’eun’ rivière,
Où qu’tous les sept jours, eun’ fois,
J’fais un bouillon, d’la première,
Avec eun’ tête d’mouton
Dont après je m’paye eun’ tranche…
C’est mon p’tit jour de gueul’ton…
Moi je n’marche pas l’dimanche.

Après j’me fais un café
Allongé d’eun’ petit’ goutte,
Et, quand mon festin-z-est fait,
Au lieu d’rester à rien foute,
Ej’ lav’ mon linge au ruisseau
Pour avoir eun’ chemis’ blanche,
Pis j’me mets les pieds à l’eau…
Moi je n’marche pas l’dimanche.

Le soir, quand l’jour est fini,
J’m’allong’ su’ l’dos, su’ la terre,
Et je r’gard’ dans l’infini,
Où qu’paraît qu’ya notre père.
Malgré que j’n’ay’ pas la foi,
Je m’dis, en faisant la planche :
Notre Père est content d’moi
Pisque j’marche pas l’dimanche.


JEAN DU COGNO

Légende Sénonaise


Or, sous Philippe de Valois,
L’intègre Pierre de Cugnières,
Avocat, défenseur des lois,
Et des coutumes séculières,
Au nom du roi s’est insurgé
Contre les princes du clergé.

        Et c’est pour tout cela
        Que ce bon bougre-là,
        Ce bon bougre de pierre,
        De Pierre de Cugnières,
Bien qu’il ne fût doux comme agneau
Est devenu Jean du Cogno.
        Gloria Domino !

Mais Philippe l’abandonna
Et depuis, dans nos cathédrales,
Le clergé qui ne pardonna,
Contre les parois latérales,
Fit sculpter, très grotesquement,
Le procureur du Parlement.

        Et c’est pour tout cela
        Que ce bon bougre-là,
        Ce bon bougre de pierre,
        De Pierre de Cugnières,
Bien qu’il ne fût doux comme agneau
Est devenu Jean du Cogno.
        Gloria Domino !


Quand les noirs bedeaux éteignaient
Après les chants et les prières,
D’un coup d’éteignoir ils cognaient
Le nez de Pierre de Cugnières
Qui, pendant longtemps résigné,
S’appela Pierre du Cogné.

        Et c’est pour tout cela
        Que ce bon bougre-là,
        Ce bon bougre de pierre,
        De Pierre de Cugnières,
Bien qu’il ne fût doux comme agneau
Est devenu Jean du Cogno.
        Gloria Domino !


Puis tout doucement on en vint
De Pierre à Jean sans qu’on y pense,
Puis, un peu plus tard, il advint
Que l’on changea, sans nulle Offense,
De Cogné l’e final en o
Et cela fit Jean du Cogno.

        Et c’est pour tout cela
        Que ce bon bougre-là,
        Ce bon bougre de pierre,
        De Pierre de Cugnières,
Bien qu’il ne fût doux comme agneau
Est devenu Jean du Cogno.
        Gloria Domino !


PIERRE DE CUGNIÈRES

En 1329, Philippe de Valois, roi de France, voulant faire cesser les conflits de juridiction qui s’élevaient fréquemment entre le clergé et la noblesse, convoqua, dans son palais, une assemblée où se trouvèrent réunis un grand nombre de prélats et de barons de France.

Pierre de Cugnières, écuyer, conseiller du roi, y fit les fonctions d’avocat général et porta la parole. Il exposa les griefs des seigneurs laïques, défendit l’autorité temporelle et soutint les droits du roi contre Roger, archevêque de Sens, ancien garde des sceaux, qui défendait les droits de la papauté.

Philippe crut devoir s’abstenir de prononcer sur-le-champ, mais, par la suite, le clergé eut gain de cause et l’archevêque Roger devint pape, sous le nom de Clément VI.

Quant au brave Pierre de Cugnières, qui avait soulevé contre lui les colères du clergé, on le tourna en ridicule ; sa tête, grotesquement sculptée, fut placée dans beaucoup d’églises et de cathédrales ; on l’appela ironiquement Pierre du Cuignet, du Coignet, du Coignot, et s’il ne fut pas excommunié, ce fut grâce à l’énergique intervention du comte de Sens ; mais, tous les ans, une cérémonie simulant l’excommunication était célébrée devant son effigie.

Jacques Dubreuil rapporte, dans ses Antiquités de Paris, que l’on a donné le nom de Pierre de Cuignet « à une petite et laide figure qui est à Notre-Dame, à un coin du jubé du midi, au-dessus de la figure d’Enfer ; » et voici le premier couplet d’une chanson du temps, composée sur cette caricature de Pierre de Cugnières :

Venez, venez, venez, venez,
Voir maistre Pierre du Cognet.
Sans causes il n’a pas de renom :
C’est une gratieuse imaige ;
Amoureux, doux et mignon,
En un souverain visaige,
Il a un peu faute de nez :
Mais seurement je vous promets
Que ne connûtes onc si doucet.
Le plus godin de tous les laïcs,
C’est maistre Pierre du Cognet.
Venez, venez, venez, etc.

« Dans la cathédrale de Sens, dit M. Francisque Sarcey, il y a, ou du moins, il y avait quand j’étais enfant, une petite figure sculptée sur un des piliers, à une assez grande hauteur. On l’appelait, je ne sais pourquoi, la tête à Cogniot ou Cognot sans i, et c’était une tradition que les bedeaux et autres servants de l’église, quand ils passaient armés de leurs longs éteignoirs, en donnassent un coup sur le nez du pauvre Cogniot. Il me semble même me rappeler que lorsque, tout gamins, nous passions devant le pilier légendaire, nous nous amusions à lancer au visage de la petite statuette des boulettes de mie de pain et de papier mâché ».

Or, la figurine sur le nez de laquelle le petit Sarcey envoyait des boulettes de papier mâché est toujours dans la cathédrale de Sens, et les Sénonais l’appellent, aujourd’hui, Jean du Cogno.


PILI


« Adieu, Pili… petite chienne… »
............
On s’était trouvé dans la rue,
La nuit. Elle était accourue :
« Emmène-moi, je serai tienne,
(Avait dit le bon petit chien,)
Tu verras… je t’aimerai bien,
Veux-tu ?… je ne suis à personne. »
J’avais adopté la mignonne.

Et, pendant quinze ans, chaque jour,
Elle fut la petite bête
Qui vous attend et qui vous fête,
Qui vous dit bonsoir et bonjour.
La petite bête qui lèche
La main… Ah ! les yeux, les bons yeux,
Toujours contents, toujours joyeux,
Les jours d’opulence ou de dèche.


Hélas ! ces bons yeux que j’aimais,
Je ne les verrai plus sourire…
Je les ai fermés pour jamais…
Et je pleure… Ça vous fait rire ?
Vous les…
............
............
............

J’ai perdu mon bon petit chien,
Aussi ma douleur est extrême,
Mais, pour qu’il se repose bien,
Pour qu’il s’endorme doucement,
Je l’ai couché bien chaudement
Et je vais l’enterrer moi-même…
« Adieu, Pili… bon petit chien. »


LES BRAVES GENS


Qu’ils soient ou de rue ou de race,
D’appartements ou de jardins,
Chiens de berger ou chiens de chasse,
Ou culs terreux ou citadins,
Les chiens sont fidèles au maître,
Et, bien qu’ils soient intelligents,
Jamais l’un d’entre eux ne fut traître…
Tous les chiens sont de braves gens.


Tous… Et surtout les quatre pattes,
Les clebs qui ne sont jamais pris,
Qui vont sans maître… sans pénates…
Et, chiens libres dans leur Paris,
Y trouvent le gîte et la soupe…
Ils sont voyous… intransigeants…
Mais ils marchent avec la troupe…
Tous les chiens sont de braves gens.


De braves gens, de bonnes bêtes
Qu’une caresse rend joyeux,
Et dont les grands yeux bien honnêtes
Vous regardent droit dans les yeux ;
Qui, souvent, partagent leur niche
Avec les petits indigents,
Comme Toutou, le bon caniche…
Tous les chiens sont de braves gens.

Chiens de Paris, chiens de province,
Chiens de riches… de purotains,
Chiens de manants ou chiens de prince,
Chiens de bigotes… de putains,
Chiens errants ou chiens à l’attache,
Et vous, courageux chiens d’agents
Qui faites la chasse à l’apache…
Vous êtes, tous, de braves gens !


STATUOPHOBE


(L’Accusé désignant le ministère
public au Président :
)

— Non, mon Président, c’est d’la blague !
Quoiqu’i’ dit, c’ui-là ?… que j’suis fou.
J’suis pas fou… C’est lui qui divague…
Et pis si j’suis fou, quèqu’ ça fout ?
Ça n’fout rien… on s’y habitue…
Puis, d’abord, moi, vous comprenez,
Je n’peux pas voir une statue
Sans vouloir y taper dans l’nez.

(S’adressant au Tribunal : )

J’vous en fais jug’s, messieurs les juges,
Des statu’s !… Yen a t’i’ pas d’trop ?
Yen a bentôt su’ tous les r’fuges !…
Qu’un mossieu dégote un sirop,
Un’ pastille, un’ compote anglaise,
Et qu’i’ claqu’vingt-quatre heur’ après,
On te l’pétrit dans d’la terr’glaise…
On l’fait en marb’, en pierre, en grès.
J’comprends la statu’ d’Charlemagne,
J’comprends aussi celle d’l’emp’reur ;
Entendons-nous, pas c’ui d’All’magne…
Non… l’nôtre, à nous… Ya pas d’erreur.
Avant tout, moi, j’veux qu’on s’explique ;
J’suis Français, Parigo, Chauvin
Et j’marche avec la République.
Mais quand j’ai bu deux verres d’vin
Et qu’m’arrive d’voir, dans la rue,
Un inconnu, que j’connais pas,
Me r’garder du haut d’sa statue,
J’ai des envi’s de l’foute en bas !…
Mais j’veux pas pour ça qu’on m’engueule,
Car si j’mont’ su’ son piédestal
Pour y tambouriner la gueule,
J’demande à qui que j’fais du mal ?


TA GUEULE


Un jour, en correctionnelle,
Mossieu le Président Dupont
Demande comment on l’appelle
À l’accusé qui ne répond.
Alors, le Président, bonhomme,
Reprend : — Voyons, Bibi-la-Peau,
Dites-nous comment l’on vous nomme,

L’ACCUSÉ :
Ta gueule, eh veau !

Le Président eut un sourire…
C’était un réjoui bontemps,
Très amateur du mot pour rire,
Très gai, malgré ses soixante ans :
— Ah ! vraiment ! dit-il, elle est forte !
Mais qu’avez-vous donc dans la peau
Pour vous exprimer de la sorte ?

L’ACCUSÉ :
Ta gueule, eh veau !

Du bout du banc de la défense,
L’avocat, maître Gagnerien,
Criait… réclamait l’indulgence.
Hurlait : — Messieurs, comprenez bien :
Mon client a perdu la tête.
C’est un pauvre bougre… un fourneau…
Il est insolent mais honnête !

L’ACCUSÉ :
Ta gueule, eh veau !

Lors, se levant, le ministère
Public dit à Bibi-la-Peau :
— Je vous conseille de vous taire,
Car c’est vous qui faites le veau…
Et, malgré vos airs de bravache,
On va vous mettre à la raison :

(Au Tribunal : )

Je requiers deux ans de prison…

L’ACCUSÉ :
Ta gueule, eh vache !


PESTAILLES


Sûr que j’m’en fous du choléra
Et pis d’la peste bubonique !
La vrai’ peste… l’phylloxera
C’est ceux d’la boîte… d’la boutique
Du coin du quai. Vous savez bien :
Les mouchards, les cogn’ et les railles
Qui s’occup’nt de tout… et de rien…
                C’est les pestailles.


C’est les roussins quoi !… ces messieurs,
Qui voi’nt tout, d’l’île à la barrière,
Comm’ celui-là qu’avait deux yeux,
L’un par devant, l’autr’ par derrière.
C’est eux qui poiss’nt les pégriots :
Les gros du chichi d’la haut’ banque…
I’s poiss’ aussi les maigriots…
Les p’tits monte-en-l’air à la manque.
On peut pas poisser qu’les rupins,
Faut aussi poisser la friture…
Les barbillons, les marloupins,
Leurs gonzess’s et la fourniture,
I’s poiss’nt les malins, les gogos,
Les honnêt’s gens et les canailles,
I’s poiss’nt tout, mêm’ les mendigots !
                C’est les pestailles.

Mais quand i’ faut donner l’coup d’fion,
Quand i’ faut ceinturer un marle,
Ya des fois qu’i’s poiss’ un coup d’scion ;
(J’en ai foutu… moi que j’vous parle).
Mais i’s m’ont jamais ceinturé…
Ej’gliss’ toujours entre les mailles,
Et quand i’s pass’… ej’crie : Acré !
                V’là les pestailles !!


AH ! LES SALAUDS !



\relative c'' {
  \clef treble
  \key bes \major
  \time 6/8
  \set Staff.midiInstrument = #"piccolo"
  \autoBeamOff
  \tempo "Allegro"
\partial 2 r8 r4 r8
  \compressEmptyMeasures
R4*21
  \bar "||" \time 9/8 r4 r8 r4\fermata f8 bes,4 c8
\bar "||" \mark \markup { \musicglyph #"scripts.segno" }
\time 6/8
  d4 d8 d4 d8 | d4 d8 d4 d8 | f4 d8 bes4 c8
c4\fermata f8 bes,4 c8 | d4 d8 d4 d8 | d4 r8 r4 f8
d4. c | bes4 r8 r4 r8 | R4*9 | r4 f'8 bes,4 c8
\bar "||" \mark \markup { \musicglyph #"scripts.segno" }
}

\addlyrics {
I’s sont des tin’, i’s sont des tas,
Des fils de race et de ras -- tas,
Qui des -- cen -- dent des vieux ta -- bleaux,
"Ah !" les sa -- "lauds !"
I’s sont pres-
}

\layout {
  \context {
    \Score
    \remove "Bar_number_engraver"
  }
    \set fontSize = #-1
}


I’s sont des tin’, i’s sont des tas,
Des fils de race et de rastas,
Qui descendent des vieux tableaux,
                        Ah ! les salauds !

I’s sont presque tous décorés,
I’s ont des bonn’s ball’s de curés,
On leur-z’y voit pus les calots,
                        Ah ! les salauds !

I’s sont presque tous mal bâtis ;
I’s ont les abatis trop p’tits
Et des bidons comm’ des ballots,
                        Ah ! les salauds !

Rapport que tous ces dégoûtants
I’s pass’nt leur vie, i’s pass’nt leur temps
À s’empiffrer des bons boulots,
                        Ah ! les salauds !


Le soir i’s vont dans des salons,
Pour souffler dans leurs pantalons,
Oùsqu’i’s envoy’nt des trémolos,
                        Ah ! les salauds !

Après i’s s’en vont vadrouiller,
Picter, pinter, boustifailler
Et pomper à tous les goulots,
                        Ah ! les salauds !

Ensuite i’s vont dans les endroits
Oùsqu’i’ va les ducs et les rois,
Là où qu’y a qu’les volets d’clos,
                        Ah ! les salauds !

Quand on les rapporte, l’matin,
I’s sent’nt la vinasse et l’ crottin
Qu’i’s ont bu’ dans les caboulots,
                        Ah ! les salauds !


Eh ben ! c’est tous ces cochons-là
Qui font des magn’ et du flafla
Et c’est nous qu’i’s appell’nt soulauds,
                        Ah ! les salauds !

I’s sont des tin’, i’s sont des tas,
Des fils de race et de rastas,
Qui descendent des vieux tableaux,
                        Ah ! les salauds !


ALLELUIA !



\relative c'' {
  \clef treble
  \key d \major
  \time 3/4
  \set Staff.midiInstrument = #"piccolo"
  \autoBeamOff
  \tempo "Allegro Moderato"
  \set Score.tempoHideNote = ##t
    \tempo 4 = 120
\partial 4
  b4
  \bar "||" \mark \markup { \musicglyph #"scripts.segno" }
  b2 cis4 | b (ais) b | cis2 cis4
fis,2 cis'4 | d2 cis4 | b2\fermata b4 | d2 e4
fis4 (e) d | e (d) cis | b2 b4 | d2 e4
fis (e) d | e (d) cis | b2 b4 | b2 cis4
b (ais) b | cis2 cis4 | fis,2 cis'4 | d2 cis4 \bar "||" b2 b4
    \bar "|." \mark \markup { \musicglyph #"scripts.segno" }
}

\addlyrics {
\override LyricText.font-shape = #'italic
Al -- le -- lui -- "a !"
Al -- le -- lui -- "a !"
Al -- le -- lui -- "a !"
\override LyricText.font-shape = #'normal
Pa -- raît qu’au Mou -- lin Rouge un soir,
Un’ grand’ fill’ plat’ comme un ra -- soir,
Cher -- chait c’qu’on cherch’ dans c’tte boit’- là.
\override LyricText.font-shape = #'italic
Al -- le -- lui -- "a !" Al-
}

\layout {
  \context {
    \Score
    \remove "Bar_number_engraver"
  }
    \set fontSize = #-1
}


Paraît qu’au Moulin Rouge un soir,
Un’ grand’ fill’ plat’ comme un rasoir,
Cherchait c’qu’on cherch’ dans c’tte boit’-là.
                    Alleluia !
    Alleluia ! Alleluia ! Alleluia !

Ell’ n’était pas tout c’qu’y’a d’mieux,
Mais comme ell’ n’travaillait qu’dans l’vieux,
Ell’ turbinait, par ci, par là.
                    Alleluia !
    Alleluia ! Alleluia ! Alleluia !

Elle aperçut un vieux, pas beau :
De loin, on aurait dit du veau,
Ça n’empêch’ pas qu’ell’ l’aborda.
                    Alleluia !
    Alleluia ! Alleluia ! Alleluia !

Vide, Monsieur, vide mes mains,
Vide mes pieds, vide mes seins,
Ma taill’, ma gorge et cœtera.
                    Alleluia !
    Alleluia ! Alleluia ! Alleluia !


Quand le Monsieur eut vu tout ça,
On n’sait pasce qu’il en pensa,
Mais il paraît qu’il s’écria :
                    Alleluia !
    Alleluia ! Alleluia ! Alleluia !

Aussi, voulant juger d’plus près,
Tous ces appas, tous ces attraits,
Avec la belle il se trotta.
                    Alleluia !
    Alleluia ! Alleluia ! Alleluia !

La suit’… je n’la connais pas bien…
Mais je connais un pharmacien
Qui prétend que l’vieux en crèv’ra.
                    Alleluia !
    Alleluia ! Alleluia ! Alleluia !


MERCURIALE


Oui, sal’ guenon, oui, v’là c’que j’ai !
Et j’la trouv’ raide et j’la trouv’ dure :
Faut que j’me mette à l’iodure,
Paraît que j’suis bien arrangé !
Tiens, asseois-toi là, sal’pétasse,
Bonne à tout faire et propre à rien,
Er’garde-moi don’ bien en face,
Que j’te dis’ que t’es-t’un’ peau d’chien…


Que j’te dis’ tes quat’ vérités,
Que j’t’engueule et que j’t’abomine :
Canard boiteux, denré’, vermine !
Prends don’ pas tes airs épatés.
Voiri’ !… Choléra sans limace,
Outil d’besoin, chausson, trumeau,
Er’garde-moi don’ bien en face,
Que j’te dis’ que t’es-t’un chameau.

Gadou’ !… Fumier, poussier, torchon,
Chiffon d’pied, morceau d’chaussett’s russes,
Lanterne à poux, caserne à puces,
Gésier d’putois, vessi’ d’cochon.
Rouchi’, vezon, pucier, paillasse,
Viande à corbeau !… Viande à fourgon,
Er’garde-moi don’ bien en face,
Que j’te dis’ que t’es-t’un wagon.

Salé gâté !… Rognur’ d’étal,
Pompe à Richer, boîte à pétrole,
Chair à bubon, chair à cass’role,
Chair à charcut’ri’ d’hôpital.
Ragoût poivré !… Gibier malade,
Dépêch’-toi d’plaquer mézigo
Et d’prendre l’panier à salade
Pour t’en aller à Saint-Lago.


MA ROSSE DE GOSSE


                Ma rosse
                De gosse !…
Y a déjà pas mal de temps,
Quand aile avait sept ou huit ans,
A d’meurait su’ la plac’ du Tertre,
Tout là-haut, là-haut, à Montmertre,
A s’épanouissait, en sautant,
Au pied du Sacré-Palpitant…


                Ma rosse
                De gosse !…
A bazardait aussi des fleurs
Qu’étaient moins fraîch’s que ses couleurs
Des boutons d’rose et d’la violette,
Autour du moulin d’la galette ;
A faisait du plat aux garçons
Et du châsse aux vieux polissons…

                Ma rosse
                De gosse !…
Alle allait quéqu’ fois aux fortifs,
Avec un ruban dans ses tifs
Et des faveurs à sa liquette ;
All’ tait déjà vache et coquette…
A garçonnait dans les fossés,
Alle en avait jamais assez…

                Ma rosse
                De gosse !…
On la rencontrait, en passant,
Dans les coins d’la ru’ Saint-Vincent ;
Mais, de saut d’mouton en culbute,
Alle a dégringolé d’la butte.
Et, du Rochechouart à Clichy,
A fait son truc et son chichi…


                Ma rosse
                De gosse !…
Tous les matins a prend son bain,
A dit, comm’ ça, qu’pour le turbin
I’ vaut mieux avoir la gueul’ fraîche,
Et les pieds blancs, et la peau d’pêche…
On la lich’rait comme un bonbon.
Tant qu’alle est prope et qu’a sent bon…

                Ma rosse
                De gosse !…
Oui… faut voir les michets qu’alle a !…
Et du pèze en veux-tu n’en v’là !…
Qu’a soye en peau, qu’a soye en robe,
Tout l’mond’ la veut, tout l’mond’ la gobe !…
La sacré’ môme… j’la connais,
A veut finir au Chabanais !


P’TIT-GRIS



\relative c'' {
  \clef treble
  \key bes \major
  \time 2/4
  \set Staff.midiInstrument = #"piccolo"
  \autoBeamOff
  \tempo "Risoluto"
\partial 8 r8
  \compressEmptyMeasures
R4*24
  \bar "||" \mark \markup { \musicglyph #"scripts.segno" }
  R4*6
  r8 bes bes c
d bes d f | d4 r | r8 bes bes c | d bes d f | d4 r
r8 d d d | f d bes d | c d bes d | d2
(c8) bes bes c | d bes d f | d4 r | r8 bes bes c
d bes d f | d4 r | r8 d d d | c bes a bes
c a c f | e2 (f8) r r d^\markup { REFRAIN } \bar "||"
  d4 f | d8 c bes d
f d c bes | c2\fermata | d8 f d bes | d4 (c8) r | d f d bes
d4 (c8) r | bes c d ees | d4 r8
  \xNotesOn
  ees^\markup { Parlé } | ees4 ees8 ees
  \time 3/4 a,4 r r
  \xNotesOff
    \bar "|." \mark \markup { \musicglyph #"scripts.segno" }
}

\addlyrics {
C’est en hi -- ver qu’on m’a trou -- vé,
Un beau ma -- tin, sur le pa -- vé,
En -- tor -- til -- lé dans un bout d’lai -- ne,
Près d’la "Sei - ne."
Et j’ai pous -- sé, tout dou -- cett’ -- ment,
Sans sa -- voir pour -- quoi, ni com -- ment,
A -- vec les mô -- mes d’la ra -- caille
Et d’la ca -- "nail - le."
C’est moi P’tit- Gris,
Le p’tit lou -- piot des ru’s d’Pa -- ris,
Et dans la grand’ "vil - le,"
Où que j’me fau -- "fi - le,"
Tous les soirs ej’ "crie :"
D’man -- dez… 
\override LyricText.font-shape = #'italic
La Pa -- "trie !"
}

\layout {
  \context {
    \Score
    \remove "Bar_number_engraver"
  }
    \set fontSize = #-1
}


C’est en hiver qu’on m’a trouvé,
Un beau matin, sur le pavé,
Entortillé dans un bout d’laine,
            Près d’la Seine.
Et j’ai poussé, tout doucett’ment,
Sans savoir pourquoi, ni comment,
Avec les mômes d’la racaille
            Et d’la canaille.

      C’est moi P’tit-Gris,
      Le p’tit loupiot des ru’s d’Paris,
      Et dans la grand’ ville,
      Où que j’me faufile,
      Tous les soirs ej’ crie :
      D’mandez… La Patrie !

J’ai pas jamais appris d’métier,
J’ai toujours vécu, dans l’papier,
Du boniment des journalistes,
            Et des listes
De tous les numéros gagnants,
Et des lot’ri’s d’un tas d’feignants,
Et des vann’ et des balançoires…
            Ohé ! les poires !…

      C’est moi P’tit-Gris,
      Le p’tit loupiot des ru’s d’Paris,
      Et dans la grand’ ville,
      Où que j’me faufile,
      Tous les soirs ej’ crie :
      D’mandez… La Patrie !


L’hiver je m’chauff’ les abattis
Et l’bout du blair, que j’me rôtis,
Au feu du bras’ro qui pétille
            Et qui grille…
L’été quand ej’ cuis dans mon jus,
Quand j’ai trop chaud… que j’n’en peux pus,
Ej’ vas m’offrir un verr’ de glace
            À la Wallace.


      C’est moi P’tit-Gris,
      Le p’tit loupiot des ru’s d’Paris,
      Et dans la grand’ ville,
      Où que j’me faufile,
      Tous les soirs ej’ crie :
      D’mandez… La Patrie !

N’empêch’ que c’est déjà rupin
D’arriver à gagner son pain…
Nous on n’est pas des fils de prince
            Et pis mince !
Qu’i’ vaut mieux fair’ tous ces trucs-là
Que d’boulotter du Panama,
Ou d’voler du pognon aux courses
            Et dans les bourses.

      C’est moi P’tit-Gris,
      Le p’tit loupiot des ru’s d’Paris,
      Et dans la grand’ ville,
      Où que j’me faufile,
      Tous les soirs ej’ crie :
      D’mandez… La Patrie !


LES CULS GELÉS


Bon Dieu !… V’là l’hiver !… Et pis mince !…
Et pis qu’ça souffle !… Et pis qu’ça pince !…
Les purotins sont désolés.
Le vent gicle sous les jaquettes
Et va mordre, sous les liquettes,
            Les pauv’ culs g’lés.


Et pis, v’là la neig’qui s’en mêle !…
Et pis du givre !… Et pis d’la grêle !…
On march’ sur des glaçons pilés…
Ils ont l’nez rouge et les mains gourdes
Et du frio plein les esgourdes,
            Les pauv’ culs g’lés.

Le soir, quand les fontain’s Wallace
Et les ruisseaux sont à la glace,
I’ r’gard’nt passer les gens calés
Engoncés dans des bath pelures…
Pendant qu’i’s attrap’nt des eng’lures.
            Les pauv’ culs g’lés.


I’s s’les roul’nt pas dans des étoiles
Eux autr’… Ils n’ont qu’des philosophes
Ou des ripatons éculés…
Et, les pieds nus dans leurs savates,
Ils ont toujours l’onglée aux pattes,
            Les pauv’ culs g’lés.

I’s sont des centain’ et des mille,
Sans culotte… sans domicile…
Perdus sous les cieux étoilés,
Courbés en deux… les coud’ aux hanches,
Qui vont comm’ ça, dans les nuits blanches,
            Les pauv’ culs g’lés.


SUR LE TAS



\relative c' {
  \clef treble
  \key bes \major
  \time 2/4
  \autoBeamOff
  \tempo "Moderato"
  \set Staff.midiInstrument = #"glockenspiel"
  f2^\markup { Cloche } f2
  \bar "||" \mark \markup { \musicglyph #"scripts.segno" }
  \compressEmptyMeasures
  R2*7
  \bar "||"
  \set Staff.midiInstrument = #"piccolo"
  \time 3/4  a8 c a g f g

a4 a8 bes c bes
  \time 2/4 a4 (g8) r
  \time 3/4 a c a g f g

a4 a8 bes c bes
  a4 (g8) r a bes
  \time 2/4 c4 a8 bes

c4 a8 bes | c4 bes8 a | g4 r8 a | f4 g

a a8 c | a4 g | f r8 c' | c4 a

c a8 c | a4 g | f r | r2
    \bar "|." \mark \markup { \musicglyph #"scripts.segno" }
}

\addlyrics {
_ _
Nous som -- mes les pu -- ro -- tins
De la gran -- de "vil - le,"
Les mar -- lous et les ca -- tins,
Nous som -- mes des "mil - le…"
Nous nais -- sons, nous vi -- vons,
Nous tom -- bons, nous cre -- vons,
En tas,
Su’ l’tas,
Nous cre -- vons su’ "l’tas !"
En tas,
Su’ l’tas,
Nous cre -- vons su’ "l’tas !"
}

\layout {
  \context {
    \Score
    \remove "Bar_number_engraver"
  }
    \set fontSize = #-1
}


Nous sommes les purotins
    De la grande ville,
Les marlous et les catins,
    Nous sommes des mille…

    Nous naissons, nous vivons,
    Nous tombons, nous crevons,
            En tas,
            Su’ l’tas,
    Nous crevons su’ l’tas !

Nous errons, sans feu ni lieu,
    Dans la capitale
Et nous couchons sur un pieu,
    Quand on nous emballe…

    Nous naissons, nous vivons,
    Nous tombons, nous crevons,
            En tas,
            Su’ l’tas,
    Nous crevons su’ l’tas !


On nous trouve sous les ponts,
    Aussi dans les bouges,
En tas avec les fripons
    Et les surins rouges…

    Nous naissons, nous vivons,
    Nous tombons, nous crevons,
            En tas,
            Su’ l’tas,
    Nous crevons su’ l’tas !


Nous n’apprenons pas d’état,
    Mais la République
Nous prend pour être soldat,
    Aux joyeux d’Afrique…

    Nous naissons, nous vivons,
    Nous tombons, nous crevons,
            En tas,
            Su’ l’tas,
    Nous crevons su’ l’tas !


Tout nus nous sommes venus,
    Comme vers de terre…
Nous sommes encor tout nus,
    Quand on nous enterre…

    Nous naissons, nous vivons,
    Nous tombons, nous crevons,
            En tas,
            Su’ l’tas,
    Nous crevons su’ l’tas !