Dans la rue (Bruant)/Galvaudeux

Ernest Flammarion (Volume IIIp. 113-117).


GALVAUDEUX


Su’ la grand’ route qui m’attire
Et qu’j’aim’comm’ si qu’a s’rait à moi,
J’marche au soleil… On peut rien m’dire,
Mon faffe est en règle. Et pis, quoi ?…

Ej’ fais pas d’mal. Ej’ suis la route :
J’vas où qu’a veut… J’vas où qu’a va…
Toujours tout droit. Quéqu’ça peut m’foute
Que j’soye ici… ailleurs… ou là !…


J’suis ben partout… Ej’ me contente
D’un chignon d’pain à chaque r’pas,
Avec un verr’ d’eau, v’là ma rente…
J’suis heureux pisque j’turbin’pas !

J’m’en fous que l’pain i’ soye en grève
Pourvu qu’on m’en donne un morceau.
Vrai, ça vaut pas la pein’ qu’on s’crève
Pour en manger et boir’ de l’eau.


Dans l’temps j’me r’butais tout’ l’année,
Chez des bourgeois qu’ avaient du bien,
Et qui m’prenaient à la journée.
Au jour d’aujord’hui j’fous pus rien.

Travailler c’est pas mon affaire,
Et si j’avais pus tôt pensé
Qu’c’était si beau de ne rien faire,
Ya longtemps qu’j’aurais commencé.