Démoniana ou Nouveau choix d’anecdotes/L’honnête Démon


L’HONNÊTE DÉMON.

ANECDOTE.

Un nègre, retournant, au commencement de la nuit, à Lyon où il demeurait, rencontra auprès d’une haie, un paysan qui fondait en larmes. Il s’en approche, ému de pitié, et lui demande le sujet de ses pleurs. — « J’allais acheter une vache, répondit le paysan ; et deux voleurs viennent de me prendre mon argent et mon habit. — « Sont-ils loin ? De quel côté ont-ils tourné ? — Ils peuvent être au plus à deux portées de fusil, et ils ont pris ce petit chemin qui tourne à droite. »

Le nègre se dépouille aussitôt de ses vêtemens, les donne à garder au paysan, en lui recommandant de l’attendre, et se met à courir sur les traces des voleurs. Il les atteint bientôt, à l’entrée d’un petit bois, et leur crie d’une voix menaçante : — « Coquins, rendez l’argent et l’habit que vous venez de voler à un malheureux paysan, où je vous entraîne dans les enfers. »

Les brigands, effrayés de ces paroles, et sur-tout de la figure noire et hideuse qui les poursuit, et qu’ils prennent pour le diable, le prient en tremblant de ne pas s’approcher d’eux… Ils vident leurs poches, posent à terre leurs effets et se sauvent à toutes jambes, en se recommandant à tous les saints du paradis… Le prétendu diable les laisse s’échapper, ramasse les effets abandonnés, et retourne auprès du paysan, à qui il rendit les objets volés, et avec qui il partage la bourse des voleurs.