Démoniana ou Nouveau choix d’anecdotes/Anecdotes sur les Prodiges et les Feux-Follets
ANECDOTES
sur
LES PRODIGES ET LES FEUX-FOLLETS.
— Il ne faut pas se hâter de croire les choses surnaturelles : autrement on s’expose à se tromper. Le bruit courut, en 1590, qu’un jeune enfant de la Silésie avait une dent d’or. Tout le monde s’étonna de cette merveille ; on en fit mille histoires ; on annonça que cette dent miraculeuse était un bon signe ; on disputa longuement sur ce sujet. Mais enfin, un orfèvre ayant examiné cette dent, il se trouva que c’était une dent ordinaire, à laquelle on avait appliqué une feuille d’or avec beaucoup d’adresse… Mais, voilà le monde : on se dispute, on fait des contes, et on finit par examiner.
— Un homme qui se faisait passer pour un faiseur de miracles, abattit la bosse d’un bossu en lui passant la main sur le dos. Tous les assistans crièrent au prodige ! mais quelqu’un ayant voulu examiner le bossu, on découvrit que la bosse était formée par une vessie enflée…
— Quand Sylla entra à main armée en Italie, on vit dans l’air, en plein jour, deux grands boucs noirs qui se battaient, et qui, après s’être élevés bien haut, s’abaissèrent à quelques pieds de terre, et disparurent en fumée. L’armée de Sylla s’épouvantait de ce prodige, quand on lui fit remarquer que ces prétendus boucs n’étaient que des nuages épais formés par les exhalaisons de la terre. Ces nuages avaient une forme qu’on s’avisa de trouver semblable à celle du bouc, et qu’on aurait pu comparer également à tout autre animal.
— Si les exhalaisons humides de la terre produisent des nuages noirs, les exhalaisons sèches produisent des flammes légères qu’on appelle, dans les campagnes, feux-follets, ardens ou lutins. On s’imagine que ces flammes sont des démons nocturnes. On conte qu’ils détournent les voyageurs de leur route et les conduisent dans les marais. La vérité est, que ces feux sont naturellement poussés vers les lieux humides et vont s’éteindre dans l’eau. Si le voyageur les suit, qu’il ait la vue troublée et qu’il se jette à la rivière, il n’y a rien là de surnaturel. Mais les feux-follets ne doivent pas effrayer ; et ce ne sont pas des démons. D’ailleurs, il y a, dans les campagnes, de mauvais plaisans qui font eux-mêmes le rôle de lutins. Dans un village de la Brie, un paysan, revenant de nuit à sa maison, aperçut devant lui un feu-follet. Il aurait pu passer son chemin : un véritable feu-follet ne l’en aurait point empêché. Mais il remarqua que le lutin courait après lui… Comme ce paysan ne s’épouvantait pas vite, il courut à son tour sur le follet, qui se mit à fuir. Mais enfin, il l’atteignit ; et il reconnut que c’était un de ses voisins qui avait voulu lui faire peur, en portant une lanterne sur sa tête.