Cours d’agriculture (Rozier)/MULET, MULE

Hôtel Serpente (Tome sixièmep. 733-735).


MULET, MULE. Le mulet est un quadrupède, pour l’ordinaire, engendré d’un âne & d’une jument, quelquefois d’un étalon & d’une ânesse. La croupe de cet animal est affilée & pointue, sa queue & ses oreilles tiennent beaucoup de celles de l’âne ; pour le reste, il ressemble au cheval. Il tient de l’âne la bonté du pied, la sûreté de la jambe & la santé ; il a les reins très-forts, & il porte des fardeaux plus considérables que le cheval. On donne le nom de mule à la femelle de cet animal. Nous allons traiter un peu au long de l’un & de l’autre.


CHAPITRE PREMIER.

Parallèle du mulet avec le Bardeau.


En conservant, dit M. de Buffon, le nom de mulet à l’animal qui provient de l’âne & de la jument, nous appellerons bardeau celui qui a le cheval pour père & l’ânesse pour mère. Personne n’a jusqu’à présent observé les différences qui se trouvent entre ces deux animaux d’espèce mélangée ; c’est néanmoins l’un des plus sûrs moyens que nous ayons pour reconnoître & distinguer les rapports de l’influence du mâle & de la femelle, dans le produit de la génération

Le bardeau est beaucoup plus petit que le mulet, il paroît donc tenir de sa mère l’ânesse, les dimensions du corps ; & le mulet, beaucoup plus grand & plus gros que le bardeau les tient également de la jument sa mère ; la grandeur & la grosseur du corps, paroissent donc dépendre plus de la mère que du père, dans les espèces mélangées. Maintenant, si nous considérons la forme du corps, ces deux animaux, pris ensemble, paraissent être d’une figure différente ; le bardeau a l’encolure plus mince, le dos plus tranchant, en forme de dos de carpe, la croupe plus pointue & avalée, au lieu que le mulet a l’avant-main mieux fait, l’encolure plus belle & plus fournie, les côtes plus arrondies, la croupe plus pleine, & la hanche plus unie. Tous deux tiennent donc plus de la mère que du père, non-seulement pour la grandeur, mais aussi pour la forme du corps. Néanmoins, il n’en est pas de même de la tête, des membres & des autres extrémités du corps. La tête du bardeau est plus longue, & n’est pas si grosse à proportion que celle de l’âne ; & celle du mulet est plus courte & plus grosse que celle du cheval. Il tiennent donc pour la forme & les dimensions de la tête, plus du père que de la mère. La queue du bardeau est garnie de crins, à-peu près comme celle du cheval : la queue du mulet est presque nue, comme celle de l’âne ; ils ressemblent donc à leur père par cette extrémité du corps. Les oreilles du mulet sont plus longues que celles du cheval, & les oreilles du bardeau sont plus courtes que celles de l’âne ; les autres extrémités du corps appartiennent donc aussi plus au père qu’à la mère : il en est de même de la forme des jambes, le mulet les a sèches comme l’âne ; & le bardeau les a plus fournies : tous deux ressemblent donc par la tête, par les membres, & par les autres extrémités du corps, beaucoup plus à leur père qu’à leur mère.


CHAPITRE II.

Des moyens pour avoir de beaux & bons mulets.


Pour avoir des mulets pour la parade & pour voyager, on se sert des ânes, les plus gros & les mieux corsés qu’on peur trouver, & on leur fait sauter des jumens espagnoles. Ces animaux ainsi accouplés, produisent des mulets superbes, d’une couleur qui tire ordinairement vers le noir. On en fait venir encore de plus forts, en leur faisant sauter des jumens flamandes ; cette espèce est ordinairement aussi vigoureuse que les plus forts chevaux de carosse ; ils résistent même à des travaux plus rudes, sont nourris à moins de frais, & sont exposés à moins de maladies.


CHAPITRE III.

Des soins qu’il faut avoir pour se procurer de bons mulets, relativement à l’usage auquel on les destine.


Les mulets servent à la selle, à la charrette ou à la charrue ; leur pas est doux & aisé, & leur trot n’est pas si fatiguant que celui du cheval. En général, avant que de faire propager ces animaux, il faut savoir quel service on prétend en tirer ; on choisit en conséquence ses jumens ; car il est de fait, que le mulet tient plus de la mère que du père ; si les mulets, donc, sont destinés à la selle, il faut choisir une jument alongée & légère, tandis que l’on doit choisir les jumens les plus fortes &, les plus massives, quand on les destine à la charrette ou au labourage.


CHAPITRE IV.

Ce qu’il y a à rechercher dans la mule & le mulet, pour qu’ils soient bons.


Une mule bonne & propre au travail doit avoir le corsage gros & long, les pieds petits, les jambes menues & sèches, la croupe pleine & large, la poitrine ample, le col long & voûté, la tête sèche & petite.

Le mulet, au contraire, doit avoir les jambes un peu grosses & rondes, le corps étroit, la croupe pendante vers la queue. Les mulets sont plus forts, plus puissans, plus agiles que les mules, & vivent plus long-tems.


CHAPITRE V.

Du climat le plus propre au mulet. De la durée de sa vie. De son âge. De la manière de le nourrir & de connoître l’âge.


Le mulet est un animal d’autant plus précieux, qu’il vient & se maintient vigoureux dans toutes sortes de climats. Ceux qui sont nés dans les pays froids sont toujours les meilleurs ; l’expérience prouve qu’ils vivent plus long-tems que ceux qui viennent dans les pays chauds. On en élève beaucoup en Auvergne, en Poitou, dans le Mirebalais. Il y en a de très-beaux en Espagne : on en fait des attelages de carrosses.

Quant à la durée de la vie de cet animal, & à la manière de le nourrir, elle est la même que pour le cheval. (Voyez cet article, tom. III. pag. 236.)


CHAPITRE VI.

Des maladies auxquelles le mulet est sujet.


On trouve dans le dictionnaire économique, plusieurs recettes contre les maladies des mulets. Il en est sur-tout une contre la fièvre que nous ne saurions approuver. Il faut, dit-on, leur donner à manger des choux verds. Quelle peut être la raison d’une pareille indication ? Ne vaudroit-il pas mieux consulter l’expérience, & dire, si la manière de vivre des mulets est la même que celle du cheval, si les causes des maladies qui affligent l’un & l’autre de ces animaux, dépendent également de la manière peu convenable dont ils sont soignés ou conduits ; si l’état de servitude & de contrainte dans lequel on les tient perpétuellement, état si opposé à leur nature, sont la source ordinaire de leurs maladies ; si les signes, la marche, les progrès de ces maladies, sont à-peu-près les mêmes, pourquoi n’emploieroit-on pas les mêmes remèdes ? Ainsi Voyez Cheval, en ce qui concerne la division des maladies, & chaque maladie en particulier suivant l’ordre du dictionnaire, quant au traitement qui leur est propre. M. T.


Fin du Tome Sixième.