Cours d’agriculture (Rozier)/LUETTE

Hôtel Serpente (Tome sixièmep. 309-310).
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LUETTE. Médecine Rurale. Winslow, célèbre anatomiste, nous apprend que la cloison, qu’on peut aussi appeller le voile, & même la valvule du palais, est terminée en bas, par un bord libre & flottant, qui représente une arcade particulière, située transversalement au-dessus de la base, ou racine de la langue. La portion la plus élevée, ou corps glanduleux, molasse, irrégulièrement conique, dont la base est attachée à l’arcade, & dont la pointe pend librement en-bas, est ce qu’on appelle communément luette.

Cette partie est sujette à l’inflammation, rarement est-elle enflammée essentiellement ; pour l’ordinaire elle participe de celle qui attaque les amygdales, & les parties voisines de la gorge.

Les signes qui nous font connoître cette maladie, sont la tumeur & la rougeur qu’on apperçoit à la luette, en faisant bien ouvrir la bouche à celui qui en est attaqué. En outre, la respiration est plus gênée & beaucoup plus difficile ; le malade ne peut respirer que par les narrines ; la déglutition est aussi très-douloureuse ; il crache sans cesse, & ressent une douleur vive dans l’intérieur de l’oreille.

Tous ces symptômes ne sont effrayans, qu’autant que la fièvre qui survient est très-forte. Si au contraire, l’inflammation de la luette n’est point accompagnée de fièvre, elle cède bientôt aux gargarismes adoucissans & rafraîchissans, au repos, & à un régime de vie approprié. La saignée est tout au moins inutile ; il faudroit, au contraire, y avoir recours, si la fièvre survenoit, & même la répéter plusieurs fois si elle acquerroit un certain degré de force & de violence.

Il est très-rare que la luette soit seule attaquée d’inflammation, indépendamment des autres parties voisines ; mais sa chute arrive plus communément. Cet accident est bientôt connu, si on fait ouvrir la bouche à ceux qui en sont attaqués, & si l’on comprime la base de la langue avec le bout d’une cuiller ; il est toujours causé par le relâchement de ses fibres. On pare à cette légère incommodité d’une manière très prompte & très-efficace. Pour y parvenir avec facilité, on comprime la langue à sa racine, & avec l’extrémité d’une cuiller qu’on enduit d’un corps gras ou huileux, & qu’on a le soin de saupoudrer de poivre commun, grossièrement concassé ; on va toucher la luette qui se contracte sur le champ, & revient à son point naturel, par l’impression que le poivre fait sur elle.

Ce remède, tout simple qu’il est, seroit très-nuisible, & ne devroit pas être employé, si la luette venoit à s’abattre par inflammation. Il vaut mieux alors s’en abstenir, & employer des moyens plus doux, tels que les gargarismes raffraîchissans, avec lesquels on peut combiner les astringents suivans, la racine de grande consoude, les feuilles de plantin, les balaustes, l’eau rose.

La luette est quelquefois recouverte de boutons qui ont un caractère malin, & qui donnent aussi une suppuration de mauvais caractère : une pareille maladie tient presque toujours à l’infection générale de la masse des humeurs ; on l’observe assez souvent dans les maladies vénériennes invétérées, après des gonorrhées dont on a trop tôt arrêté l’écoulement. Il faut alors s’occuper de la maladie primitive, regarder l’éruption de ces boutons comme symptomatique. Si on applique un traitement convenable à la maladie essentielle, on les voit bientôt disparoître. M. AMI.