Cours d’agriculture (Rozier)/ARPENTAGE

Hôtel Serpente (Tome premierp. 676-701).


ARPENTAGE. Par ce terme on désigne un art qui apprend à mesurer la superficie des terres, à en prendre les différentes dimensions, à les décrire & à les tracer exactement sur un plan.


PLAN du Travail sur l’Arpentage.


CHAP. I. Utilité, nécessité & agrément de l’Arpentage.
CHAP. II. Principes de Géométrie-pratique, nécessaires à l’Arpenteur.
CHAP. III. Des instrumens nécessaires à l’Arpenteur.
Sect. I. Des instrumens propres à mesurer les distances.
Sect. II. Des instrumens propres à prendre & à mesurer les angles.
Sect. III. Des instrumens propres à rapporter les mesures & les figures sur un plan.
CHAP. IV. De l’Arpentage, proprement dit.
Sect. I. Mesurer un Terrain régulier & irrégulier, accessible & inaccessible.
Sect. II. Tracer le plan d’un Terrain dont on a pris les mesures.
Sect.. III. Trouver l’aire d’un Terrain en perches & toises quarrées.


CHAPITRE PREMIER.

Utilité, nécessité & agrément de l’Arpentage.


L’utilité de cet art, & les avantages précieux que l’on peut en retirer lorsqu’il est employé avec soin & exactitude, n’ont pas besoin d’être exposés avec emphase pour en faire sentir tout le prix. La propriété & la jouissance tranquille & indépendante de son bien, est un des plus beaux droits du citoyen, de quelque classe qu’il soit : rien ne l’assure mieux que les lignes de démarcation, les bornages & les plans que l’arpentage fixe. En vain un voisin avide des possessions qui environnent son domaine, cherche-t-il à augmenter son revenu, en voulant envahir le champ qui excite ses desirs ; un arpentage bien fait, qui confirme & accorde les différens articles des titres, qui reconnoît les points de séparation que le tems sembloit avoir effacés, qui redresse ou replace des bornes que la cupidité avoit dérangées ou arrachées, sera toujours la sauve-garde du foible que l’on veut dépouiller, & une digue inébranlable que la justice opposera à l’avidité ou aux chicanes encore plus dangereuses de l’homme puissant. De quel intérêt n’est donc pas pour le laboureur & le colon, une science qui peut lui assurer la tranquillité de la jouissance !

Est-il nécessaire, demandera-t-on, que l’homme, dont toute la vie se passe à cultiver la terre, sache l’arpentage ? Non ; cela n’est pas nécessaire, mais infiniment utile. Dans tous les pays on trouve à la vérité des arpenteurs d’office, d’après les travaux desquels seuls on prononce ensuite. Qu’il seroit heureux si l’on pouvoit avoir une confiance entière dans leur probité & leur délicatesse, & être sûr que, fidèles aux sermens qu’ils ont faits, ils ne distinguent pas le riche qui les paye en secret ou les effraye par son autorité & ses menaces, du pauvre, qui n’a pour lui que ses titres & son bon droit ! La plus petite erreur de calcul, un angle mal pris de plus ou moins de degrés, entraînent des conséquences très-considérables, des procès embrouillés, des chicanes perpétuelles, & des pertes irréparables pour le foible, à qui on enlève son héritage avec tout l’appareil de la justice & de la loi ; désordre affreux que rien ne peut excuser ni prévenir, parce qu’il est fondé d’un côté sur l’ignorance, & de l’autre sur l’abus du pouvoir remis entre des mains perverses & infidèles.

Les curés, les grands propriétaires, les gros fermiers ayant reçu en général une éducation plus relevée, ayant souvent passé une partie de leur jeunesse dans des colléges, sont plus à même de profiter des élémens d’arpentage que nous nous croyons obligés de donner ici. Ils sont les pères & les protecteurs des simples paysans qui les entourent ; c’est donc à eux à les éclairer & à veiller sur leurs intérêts, & surtout à tâcher de prévenir toutes disputes, toute altercation, tous moyens de procès, fléau terrible, qui fait plus de ravage dans la fortune du paysan, que la grêle & les épizooties : une récolte plus abondante, de nouveaux troupeaux bien soignés réparent les pertes que des accidens occasionnent, & rien ne rétablit le désordre, la ruine totale où jette un procès intenté à faux, mal commencé, mal conduit, & plus mal défendu. Non-seulement la science de l’arpentage est une science nécessaire aux grands colons, aux curés, aux seigneurs de paroisses, mais dans bien des cas elle devient un objet d’agrément & de délassement, dont les moyens sont honnêtes, & la fin toujours utile. L’arpentage a un ressort plus étendu que l’on ne croit communément ; tout ce qui tient à l’art de mesurer, diviser & calculer une superficie quelconque, est digne de ses regards ; il donne des principes sûrs, trace des procédés exacts, & s’appuie sur des démonstrations invariables. Ainsi en s’y livrant on ne craint point de se reprocher un jour d’avoir perdu du tems à une étude vaine, futile & oiseuse, comme tant d’autres, auxquelles nous ne sacrifions malheureusement que trop d’instans dans la vie.

L’arpentage, né de la nécessité & de la chicane, a pour but de fixer & de limiter une étendue de terrain, d’en connoître la superficie, & d’en tracer en petit les dimensions. On peut donc réduire à trois parties différentes entr’elles, mais ne faisant qu’un tout, un ensemble, toutes les opérations de cet art. La première consiste à prendre les mesures d’un terrain, & y faire toutes les observations nécessaires, à l’aide de certains instrumens, comme piquets, chaînes, cordes, perches, toises, graphomètre, planchette, alidade, &c. C’est à proprement parler, l’arpentage. La seconde partie enseigne l’art de tracer sur le papier, & de réduire en petit toutes les mesures & les observations faites sur le terrain même, ou d’en faire le plan, ce qui s’opère par le moyen du rapporteur & de l’échelle de l’arpenteur. Enfin, la troisième partie s’occupe à trouver l’aire du terrain mesuré, c’est-à-dire sa contenance en perches, toises, pieds, &c. ; ici le calcul seul agit & donne des résultats pour tous les cas possibles.

On sent facilement qu’avant d’en venir là il faut nécessairement posséder l’arithmétique, & au moins les premières notions de la géométrie-pratique. Nous supposons ici que l’on sait les quatre règles d’arithmétique, l’addition, la soustraction, la multiplication & la division ; d’après cela, nous allons donner le plus brièvement & le plus clairement que nous pourrons, les élémens de géométrie-pratique absolument nécessaires à quiconque veut faire de l’arpentage, ou son amusement, ou son étude sérieuse.




CHAPITRE II.

Principes de Géométrie-pratique, nécessaires à l’Arpenteur.


Définitions.

1. Dans l’arpentage on ne considère que les surfaces.

Une surface est une grandeur dont on ne considère que la longueur & la largeur. Ainsi quand on arpente une terre, on ne la prend que pour une surface qui, plus elle aura de longueur & de largeur, & plus elle contiendra d’arpens.

2. La ligne est une grandeur considérée seulement par rapport à sa longueur, indépendamment de sa largeur ; & le point est une grandeur considérée indépendamment de sa longueur & de sa largeur. Quand on mesure l’éloignement de deux tours, par exemple, on ne les considère que comme deux points. Les points terminent la ligne, qui n’est qu’une suite de points, & les lignes terminent la surface, qui n’est qu’une suite de lignes placées les unes à côté des autres.

3. La ligne droite BC, Fig. 1, Pl. 21, va directement, & par le plus court chemin, d’un point B à un autre C ; la ligne courbe BHC se détourne, & ne va point directement du point B au point C.

4. L’angle est la rencontre de deux lignes qui se touchent en un point, & qui ne forment pas une seule ligne ; les lignes ED & FD forment un angle au point D, Fig. 2.

5. Le cercle est une ligne courbe dont tous les points sont également éloignés d’un point commun, nommé centre. BCFAD, Fig. 3, est un cercle dont le point E est le centre. Cette ligne courbe se nomme aussi circonférence, & la ligne BA, qui passe par le centre E, diamètre. On appelle rayon ou demi-diamètre, les lignes qui vont de la circonférence au centre, comme CE, BE, AE, DE.

6. Une ligne est parallèle à une autre, lorsqu’elle conserve avec elle toujours la même distance, de façon qu’elles ne peuvent jamais se rencontrer. Ainsi la ligne AB est parallèle à la ligne CD, Fig. 4.

7. Une ligne AB, Fig. 5, est perpendiculaire sur CD lorsqu’elle ne penche pas plus d’un côté que d’un autre, & qu’elle fait avec elle un angle droit ; & elle est oblique lorsqu’elle est inclinée à l’horizon CE, Fig. 3, & tombe obliquement sur la ligne AB.

8. Une partie d’une circonférence, comme AD, (Fig. 3), est appelée arc.

9. Toute circonférence, ou tout cercle, se divise en 360 parties égales ou degrés ; ainsi le demi-cercle contient 180 degrés, le quart 90, & le demi-quart 45.

10. L’ouverture des angles (4) se connoît par le nombre de degrés qu’ils renferment, ou par l’arc que les deux lignes formant l’angle contiennent. Ainsi pour connoître l’ouverture de l’angle AED, Fig. 3, dont E est le sommet, prenez le sommet de cet angle pour centre d’un cercle que vous décrirez à volonté, & que vous diviserez en 360 degrés : comptez ensuite combien de degrés contient l’arc AD ; s’il en contient 40 ou 50, vous conclurez que l’angle AED est de 40 ou 50 degrés.

11. L’angle droit AEF, Fig.3, a 90 degrés, & est mesuré par le quart de la circonférence ; il se nomme rectangle. L’angle obtus CEA a plus de 90 degrés, & s’appelle obtus angle ; l’angle aigu CEB en a moins, & se nomme acutangle.

12. Un triangle est une figure composée de trois angles & de trois côtés ; DEF, Fig. 2, est un triangle. Lorsque ses trois côtés sont égaux, c’est un triangle équilatéral ; lorsqu’il n’a que deux côtés égaux, il est isocèle ; & scalène lorsque tous les trois sont inégaux. Dans un triangle on distingue la base EF, le sommet D, & les côtés DE & DF. Dans deux triangles que l’on compare ensemble, leurs côtés semblables sont nommés homologues ; ainsi, Fig. 9, les côtés AC & ac, AB & ab, BC & bc des triangles 1 & 2, sont homologues.

13. Un quadrilatère est une figure qui a quatre côtés, chacun sur une ligne droite. Lorsque ces côtés sont égaux & perpendiculaires l’un sur l’autre, & les angles droits par conséquent, c’est un quarré, comme ABCD, Fig. 6. Le quarré long a tous ses angles droits, mais il n’a que les côtés opposés égaux, comme ACIK. Le lozange a ses côtés opposés égaux, mais deux de ses angles opposés sont aigus, & les deux autres obtus comme DEIF ; les angles EF sont obtus, & DI aigus ; le trapèze a deux côtés parallèles, & deux autres qui ne le sont pas, comme le trapèze ABCD, Fig. 13.

14. Une diagonale est une ligne droite tirée d’un angle d’un quadrilatère régulier à l’angle qui lui est directement opposé, comme BC. Fig 6.

15. Un polygone est une figure qui a plusieurs côtés ; quand elle en a cinq, elle se nomme pentagone ; six, hexagone ; sept, eptagone ; huit, octogone ; neuf, eneagone ; dix, décagone ; onze, ondécagone ; & douze, dodécagone, &c.


Opérations.

16. Mener une ligne droite d’un point à un autre.

Prenez une règle bien juste, appliquez-la exactement sur les deux points, comme C & D, Fig. 5, & tirez une ligne de C en D, vous aurez une ligne droite (3).

17. Diviser une ligne droite CD, Fig. 5, en deux parties égales.

Du point C, comme centre, à un intervalle quelconque, décrivez avec un compas l’arc supérieur TV, & l’arc inférieur LM : du point D, comme centre, décrivez avec la même ouverture de compas l’arc supérieur NS, & l’inférieur OI : des points d’intersection des deux arcs supérieurs A, & inférieurs G, tirez la ligne AG, elle coupera la ligne CD en deux parties égales au point B.

18. Mener une perpendiculaire sur une ligne droite, d’un point connu, comme A, Fig. 5.

Du point A, comme centre, décrivez un arc quelconque qui coupera la ligne CD en deux parties égales, en E & F. De ces points, comme centres, décrivez les arcs inférieurs IO & LM ; & de G point d’intersection, & de A tirez la ligne AB qui sera perpendiculaire à CD.

19. Pour élever une perpendiculaire sur cette même ligne du point B, il faut décrire de ce point une portion de cercle EF, qui coupe cette ligne en deux parties égales, & de ces points EF tracez les arcs supérieurs NS, TV ; de leur point d’intersection A, tracez la ligne AB, vous aurez la perpendiculaire que vous cherchez.

20. S’il falloit mener une perpendiculaire sur l’extrémité de la ligne CB au point B, il suffiroit de prolonger cette ligne jusqu’en D, & d’opérer comme on l’a vu plus haut. (18, 19.)

21. Tirer une ligne parallèle à une autre ligne, Fig. 4.

Soit la ligne CD, sur laquelle on veut mener une parallèle du point E ; de ce point, comme centre, décrivez un arc quelconque FH. De ce point H, avec la même ouverture du compas, décrivez l’arc EG ; prenez ensuite sur l’arc FH une partie égale à l’arc EG ; enfin, par le point E & le point F, tirez la ligne AB ; elle sera parallèle à CD.

22. Trouver le centre d’un cercle.

Soit le cercle AEBF, Figure 7, dont on veuille trouver le centre. Prenez à volonté deux points de la circonférence EF de ce cercle, & par ces deux points, tirez la corde EF ; divisez cette ligne en deux parties égales au point K (17) : sur ce point, élevez la perpendiculaire AB (18), que vous diviserez en deux parties égales (17) au point C ; ce point sera le centre du cercle.

23. Diviser un angle en deux parties égales.

Soit l’angle DBE, Figure 8, à diviser en deux parties. Du sommet B, comme centre, décrivez l’arc DE ; de ces deux points, menez la perpendiculaire BF (18), elle coupera cet angle en deux parties égales.

24. Faire un angle égal à un autre angle.

Soit l’angle BAC, Fig. 9, auquel on veut en faire un autre semblable. Du point A, comme centre, décrivez l’arc BC ; du point a de la ligne ac, décrivez avec la même ouverture de compas l’arc indéterminé bc : prenez sur ce dernier arc la même étendue que l’arc BC ; & du point b, tirez la ligne ba, vous aurez l’angle bac égal à l’angle BAC.

25. On sent facilement que pour faire de ces deux angles des triangles égaux, il s’agit seulement de tirer les lignes droites BC & bc aux points b & c égaux aux points B & C, & ces deux figures seront parfaitement égales. Ainsi deux angles ou deux triangles seront égaux, lorsqu’ils auront leurs côtés homologues égaux, & les angles opposés à ces côtés, égaux.

26. Faire un quadrilatère égal & semblable à un autre quadrilatère ABCD, Fig. 10.

Tirez une ligne indéfinie ab ; portez-y la longueur AB du quadrilatère que vous voulez imiter. Des points a & b, comme centre, décrivez les petits arcs c & d (18, 19 & 24), avec des ouvertures de compas prises sur le premier quadrilatère ; déterminez encore sur lui les points c & d correspondans aux points C & D : tirez les lignes ac, cd & db, & vous aurez un quadrilatère absolument semblable au premier.

27. Tracer une figure égale & semblable à une autre figure d’un nombre quelconque de côtés, en ligne droite.

Quelque nombre de côtés en ligne droite qu’ait une figure régulière ou irrégulière, pour en faire une qui lui soit semblable & égale, partagez la figure donnée en triangles, qui pris deux à deux aient un côté commun ; ensuite copiez ces triangles les uns après les autres, comme il a été dit (24, 25) : liez-les ensemble à mesure, ainsi qu’ils les seront dans la figure, & vous en aurez une seconde égale & semblable à la première.

28. Réduire une grande figure, comme celle d’un champ ou d’un terrain, en une plus petite figure égale & semblable.

Pour résoudre ce problême, on se sert d’une échelle de proportion ou de parties réduites, dont chaque division représente des perches, des toises ou des pieds, Fig. 11. Voici comme on la construit.

Tirez sur une règle de bois dur & bien sec, ou sur une règle de cuivre les deux parallèles AB & CD, que vous diviserez en neuf parties égales (17), ce qui formera neuf toises artificielles équivalentes à neuf toises réelles. L’intervalle de la première toise commencera depuis E jusqu’à 1 ; la seconde sera 1 2, la troisième 2 3, &c. Divisez l’intervalle des deux lignes AB & CD en six parties égales par les parallèles 1 5, 2 4, 3 3, &c. Divisez le quarré AECF en douze parties égales par les lignes inclinées A 12, 1 11, 2 10, &c. enfin, tirez la grande diagonale C 12, & vous aurez une échelle géométrique qui pourra vous servir à mesurer des toises, des pieds & des pouces, & à réduire de grandes figures en petites.

En voici l’usage. La ligne EB & ses parallèles désignent le nombre des toises : le quarré AECF mar que les six pieds dont la toise est composée par les lignes 1 5, 2 4, 3 3, &c. & les lignes A 12, 1 11, 2 10, &c. les pouces dont les pieds sont composés ; la diagonale CE coupe ces lignes de pouce en pouce. Ainsi, si l’on veut prendre une mesure, par exemple, de trois toises deux pieds, on pose une pointe du compas sur la ligne 3 3 au point où la ligne 2 4 la coupe, & on porte l’autre pointe sur cette même ligne jusqu’à l’endroit où la diagonale C E la coupe, & on aura la mesure que l’on cherche. On sent facilement que si l’on a besoin de pouces, on les trouvera par les lignes inclinées, & ainsi des autres mesures.

Il est une autre espèce d’échelle que l’on trace sur un plan, & qui en exprime les mesures réduites ; la figure 12 représente cette échelle : c’est une ligne que l’on divise en parties égales représentant de toises d’après la proportion de l’échelle géométrique qui a servi à faire le plan. La première toise est toujours divisée en six pieds.


Des surfaces.

29. Aire, ou surface, ou étendue, ou superficie est la même chose.

Trouver l’aire ou l’étendue d’un quarré & d’un rectangle, ABCD, Fig. 10.

On connoît l’aire de cette figure en multipliant sa base par sa hauteur, ou sa hauteur par sa base. Ainsi, si la base CD de ce quadrilatère a 20 pieds & sa hauteur AC 10, il aura 200 pieds d’aire ou d’étendue, parce que 20 multiplié par 10 fait 200.

30. Trouver l’aire d’un triangle, EDF, Fig. 2.

Le triangle étant la moitié d’un quadrilatère de même base & de même hauteur, il est clair que pour en trouver l’aire, il faut multiplier sa base par la moitié de sa hauteur, ou vice versâ. Ainsi, si le triangle EDF a 10 pieds de base & 4 de hauteur, il aura 20 pieds de superficie.

Avec la solution de ces deux problêmes & un peu d’intelligence, il sera facile de trouver l’aire de toute figure régulière & irrégulière, en la réduisant en quadrilatères & en triangles, dont on calculera les aires. Il faut cependant avoir soin de la diviser dans le moins de triangles qu’il se pourra, afin d’avoir moins de calcul à faire. On additionnera ensuite ces différentes valeurs, & la somme totale sera l’aire de la figure que l’on cherche. Pour exemple, supposons la figure irrégulière ABCDEF, Fig. 13 : je la divise en quatre triangles ABF, BCF, CDF, DEF, dont je mesure & j’additionne les différens aires.

31. Il est bien des cas où l’on peut réduire une figure tout à la fois en triangles & en trapèzes (13), ce qui abrège beaucoup l’opération. L’aire du trapèze se connoît en additionnant les deux côtés parallèles ensemble, & prenant la moitié de leur valeur, que l’on multiplie par la perpendiculaire qui les unit. Ainsi, dans la figure 13, la ligne BC du trapèze ABCD, étant supposée de 15 toises, sa parallèle AD de 25, & la perpendiculaire CG de 10, l’aire de cette figure sera de 200 toises ; parce que les lignes BC & AD valent 40, dont la moitié 20, multipliée par la ligne CG qui vaut 10, fait 200.

Telles sont les notions générales de géométrie que l’on doit absolument posséder lorsqu’on veut arpenter avec exactitude. On peut en chercher les démonstrations & les explications dans les divers livres de géométrie qui traitent de la trigonométrie ou géométrie pratique.

Passons au détail des instrumens propres à l’arpenteur & à leurs usages.


CHAPITRE III.

Des instrumens nécessaires à l’Arpenteur.


L’objet de l’arpenteur étant non-seulement de mesurer les distances, mais encore de prendre & de mesurer les différens angles que forme un terrain, & de les rapporter sur un plan, il a besoin de trois espèces d’instrumens. Dans la première classe sont les piquets, les cordeaux, la chaîne & la toise ; dans la seconde, sont le graphomètre, la boussole, la planchette & l’alidade ; & dans la troisième, sont le rapporteur & l’échelle de l’arpenteur.


Section première.

Des instrumens propres à mesurer les distances.


32. Les piquets A, Fig. 14, sont de petits morceaux de bois dur, de deux à trois pieds de long, pointus par un bout & arrondis par l’autre ; les piquets de fer valent mieux. On en fait aussi de huit à dix pieds de haut, que l’on nomme alors jalon B ; ils sont fendus par le haut, afin de pouvoir y insérer une carte ou un morceau de papier dedans, & être distingués de loin. Il faut les choisir en général très-droits ; on en sentira la nécessité quand on parlera de leur usage.

33. Les cordeaux, Fig. 15, doivent être de bonne ficelle, d’une grosseur convenable, & nouée, s’il se peut à chaque pied. On les fait ordinairement de la longueur de la perche usitée dans le pays où l’on est. On met un anneau à chaque extrémité.

34. La chaîne, Fig. 16, est composée de plusieurs pièces de gros fil de fer ou de laiton, recourbées par les deux bouts, réunies les unes avec les autres par de petits anneaux. Chacune de ces pièces a un pied de long, y compris les petits anneaux qui se joignent ensemble. On la fait ordinairement de la longueur de la perche du lieu où l’on veut s’en servir, ou bien de quatre, cinq, dix, douze toises de long : on distingue les toises par un plus grand anneau. Ces sortes de chaînes à tiges de fer & à anneaux sont fort commodes, en ce qu’elles ne se nouent point comme les autres, & que les anneaux indiquent tout de suite les différentes divisions.

35. La toise est une grande règle de bois divisée en six pieds, dont le dernier pied est divisé en douze pouces. On fait encore ces toises brisées en pieds ou en deux ou trois morceaux qui se vissent les uns dans les autres.

36. La perche est une mesure arbitraire dans les différentes provinces de France, c’est-à-dire, qu’elle varie pour le nombre de pieds qu’elle doit contenir. Le Roi, par un édit de 1696, a fixé la perche royale à vingt-deux pieds. Il seroit bien à souhaiter que cette mesure fût adoptée généralement dans toute la France. Jusqu’à quand verra-t-on cette étonnante variété dans nos poids & mesures, qui jette une nuit si obscure & si difficile à éclairer sur presque toutes les opérations ? Jusqu’à ce que cette réforme soit faite, il faut se régler sur les mesures en usage dans le pays.


Section II.

Des instrumens propres à prendre & à mesurer les angles.


Nous ne parlerons que des cinq les plus en usage ; le graphomètre, la boussole, l’équerre de l’arpenteur, la planchette & l’alidade ; & encore ces cinq peuvent se réduire à l’emploi de la planchette & de l’alidade seules.

37. Le graphomètre, ou demi-cercle de l’arpenteur, Figure 17, est composé d’un limbe demi-circulaire GLF, divisé en 180 degrés (9), & quelquefois divisé en minutes, diagonalement ou autrement. La base de ce demi-cercle, ou son diamètre FG, porte à ses deux extrémités deux pinnules. Au centre du demi-cercle ou demi-diamètre, est un écrou K, un pivot avec une alidade ou règle mobile garnie de deux autres pinnules IH. Le tout est monté sur un genou A porté par un support à trois pieds B.

38. Comme nous aurons souvent occasion de parler de pinnules & de pieds ou supports, nous allons en donner la description, afin qu’on en saisisse mieux l’usage.

Les pinnules, Fig. 18, sont des petites plaques de cuivre bien dressées : celle par laquelle on regarde a une fente longue & étroite LL, & bien perpendiculaire avec la règle qui la porte ; celle qui est du côté de l’objet a une ouverture quarrée assez large, afin de donner un plus grand champ pour appercevoir les environs de l’objet. Au milieu de cette ouverture, il y a un filet de cuivre très-délié & limé bien droit II, ou simplement un crin, afin de couper verticalement l’objet & répondre juste à la fente de l’autre pinnule. Afin que l’on puisse indifféremment approcher l’œil de telle pinnule que l’on veut, & observer aussi bien d’un côté que de l’autre, on fait à chaque pinnule une ouverture quarrée II, & une fente étroite LL, l’une au dessus de l’autre, mais opposées. Ces pinnules doivent être exactement posées aux extrémités & dans la ligne de foi ou de vision. Quelquefois, elles font corps avec les règles de métal ; d’autres fois, elles n’y adhérent que par des vis C, & des écrous D.

39. Le genou A, Fig. 19, est composé d’une boule de cuivre B, renfermée entre deux coquilles de même métal A, bien polies & arrondies intérieurement. Ces coquilles sont serrées plus ou moins par le moyen d’une vis C, & pressent par conséquent la boule renfermée entr’elles. Elles doivent être échancrées de manière que la boule puisse se mouvoir & s’incliner librement dans différens sens.

40. Les pieds qui supportent les instrumens sont de deux espèces. La première espèce est un simple bâton, Fig. 20, de cormier, ou d’autre bois dur garni d’un fer pointu par le bout qui entre en terre, & l’autre bout est arrondi pour que la virole E, Fig. 19, y entre bien juste, ou bien tourné en vis pour être vissé dans cette même virole.

On rencontre des terrains où il ne seroit pas possible d’enfoncer le support dont on vient de parler ; on en a inventé un autre qui s’étend seulement sur le terrain sans y entrer, & peut en prendre toutes les inclinaisons. Il est composé de quatre pièces. La première A, Fig. 21, est un morceau de bois taillé en figure triangulaire, dont une des extrémités est surmontée d’une vis propre à entrer dans la virole E, Fig. 19 : aux trois côtés de cette tige triangulaire, on attache, par le moyen des vis, les trois pieds B, C, D, garnis de pointes de fer à leurs extrémités. La position de ces trois pieds leur donne toute liberté de se mouvoir autour de leur axe, c’est-à-dire autour des vis. L’écartement & le rapprochement de ces pieds élèvent ou abaissent l’instrument à volonté : quand il est fixé à la hauteur propre, on serre alors les trois vis, ce qui assujettit les pieds dans une situation fixe. L’opération étant faite, on resserre ces trois pieds les uns contre les autres, ce qui n’en forme plus qu’un. On doit préférer ce support à tous les autres, & pour sa commodité & pour sa solidité. Il peut être adapté facilement à tous les instrumens dont l’arpenteur se sert.

Continuons-en la description.

41. La boussole, Fig. 22, est un instrument composé d’une aiguille aimantée NS, portée sur un pivot ; elle tourne librement au milieu d’un limbe circulaire divisé en 360 degrés. Aux extrémités du diamètre NS, sont deux pinnules PQ, par lesquelles on peut fixer les objets. La boussole ne peut servir avec quelque exactitude qu’à orienter les différentes positions par rapport aux quatre points cardinaux du monde : aussi l’a-t-on réunie avec la planchette A, Fig. 24.

42. L’équerre de l’arpenteur, Fig. 23, est un cercle de cuivre d’une bonne épaisseur, & de quatre, cinq ou six pouces de diamètre. On le divise en quatre parties égales par deux lignes qui s’entrecoupent au centre à angles droits. Aux quatre extrémités de ces lignes & au milieu du limbe, on met quatre fortes pinnules bien perpendiculairement fendues sur ces lignes, avec des trous au dessous de chaque fente pour mieux découvrir les objets en campagne. On évide ce cercle pour le rendre plus léger. Il est monté ordinairement sur le pied que nous avons décrit, Fig. 20. Pour s’assurer de la justesse des pinnules, il faut regarder deux objets éloignés & opposés, successivement avec les différentes pinnules. S’ils se rencontrent bien exactement dans l’alignement des fentes, c’est une preuve de la justesse de l’instrument.

43. La planchette, Fig. 24, est un parallélogramme de bois dur, bien sec & bien uni, long d’environ quinze pouces & large de douze, garni de quatre règles BCDE, les trois premières en buis & la dernière en cuivre. On peut se contenter de faire graver sur la planchette même les degrés que portent ces quatre règles. La règle E au point E, est le centre des degrés d’un demi-cercle, qui sont tracés sur les trois règles BCD. Sur ces trois règles sont donc inscrits ces degrés, & immédiatement au dessous est une seconde division intérieure qui exprime le complément des degrés supérieurs à 360 degrés, afin de n’être pas obligé de faire la soustraction. Sur la règle de cuivre E sont gravés 200 ou plus de degrés ou parties égales qui représentent des pieds ou des toises. Le bord de cette division se nomme ligne de conduite. Ces quatre règles peuvent servir de châssis, Fig. 25, s’ouvrant & se fermant sur la planchette par le moyen de deux petits gonds. Quand on veut s’en servir, on passe une feuille de papier sous le châssis, qui la retient étendue, fixe, & pour ainsi dire collée sur la planchette, de sorte que l’on peut tirer exactement dessus toutes les lignes dont on a besoin. Si la planchette n’a point de châssis, on attache la feuille de papier avec un peu de cire molle ; mais ce n’est ni aussi sûr ni aussi commode.

Sur un des côtés de cet instrument, on fixe communément une boussole A (41), qui sert à orienter & l’instrument & le plan que l’on y trace. Le tout est attaché à un genou monté sur un support à trois branches (39 & 40), qui laisse la liberté de le faire tourner ou de le fixer.

44. L’alidade, Fig. 26, qui accompagne toujours & nécessairement la planchette, est une règle de métal un peu plus longue que la diagonale de la planchette, & qui porte à ses deux extrémités deux pinnules (38) bien centrées sur la ligne de conduite. Ordinairement l’alidade est divisée en parties égales ou degrés.


Section III.

Des instrumens propres à rapporter les mesures & les figures sur un plan.


Ces instrumens se réduisent au compas, à la règle, à l’échelle de proportion & au rapporteur.

Les deux premiers sont trop connus, & leur usage est si commun, qu’il est absolument inutile d’en parler ici. Seulement il faut avoir soin que les branches du compas soient aussi égales qu’il est possible.

Voyez (28) la description, la construction & l’usage de l’échelle de proportion.

45. Le rapporteur, dont on se sert pour rapporter & tracer sur le papier les angles pris sur le terrain avec le graphomètre & l’équerre de l’arpenteur, consiste en un limbe demi-circulaire ACB, Fig. 27, de cuivre, d’argent, de corne ou d’autre matière semblable. Ce limbe est divisé en 180 degrés & terminé par le diamètre AB, au milieu duquel est une petite entaille 0, qui est le centre du rapporteur & des degrés qui y sont tracés. Ordinairement la division de cet instrument est double ; l’extérieure marque les degrés, & l’intérieure leur complément, comme sur la planchette (43) : la perfection du rapporteur consiste dans la justesse & la précision des divisions.

Il ne suffit pas d’avoir détaillé les divers instrumens nécessaires à l’arpenteur, il faut encore faire connoître la manière de s’en servir avec le plus d’avantage.


CHAPITRE IV.

De l’Arpentage proprement dit.


On peut se proposer plusieurs objets en arpentant la superficie d’un terrain ; ou simplement de mesurer son contour & d’en connoître les différentes dimensions, ou de faire le plan de ce terrain, & de le représenter en petit, non-seulement d’après ses dimensions & ses bornes, mais encore y distinguer les différentes parties qui le composent, comme bois, vignes, prés, terres labourables, taillis, &c. ou enfin d’en trouver l’aire en perches & en toises pour en statuer la valeur par le produit. Ces trois objets demandent des opérations particulières, qui formeront le sujet de trois sections différentes.


Section première.

Mesurer un terrain régulier & irrégulier, accessible & inaccessible.


Rarement le terrain dont on se propose de lever les dimensions, offre-t-il une figure régulière & des lignes droites : le plus souvent une forme indéterminée, des angles multipliés, une surface en pente, ou entrecoupée par des taillis, des fossés, &c. augmentent la difficulté & nécessitent des opérations compliquées. Les instrumens que nous venons de décrire, les principes que nous donnerons, les procédés simples que nous allons détailler pourront lever tous les embarras, & conduire à des résultats qui mériteront la plus grande confiance.

46. Mesurer une ligne droite & un parallélogramme régulier sur la terre avec la chaîne.

Quand il s’agit de mesurer une longue ligne droite AB, Fig. 28, sur le terrain, on se sert de la chaîne dont nous avons parlé (34). Deux personnes la portent ; celle qui va devant porte plusieurs piquets (32) : lorsque la chaîne est bien étendue en ligne droite, & bien alignée, un des porteurs pose un piquet E à l’extrémité de la chaîne, afin que l’autre qui va derrière puisse connoître où la chaîne a fini. Quand il est arrivé à ce piquet B, il s’arrête, & fait entrer le piquet dans l’anneau de la chaîne : dans ce tems-là, le premier pose un nouveau piquet F à l’extrémité de la chaîne qu’il tient, & le laisse en terre. Cette nouvelle opération finie, le dernier arrache le piquet E, & tous les deux marchent jusqu’à ce que le dernier rencontre le nouveau piquet F, où il s’arrête, & répète la même opération ; après quoi il arrache ce piquet & continue, &c. jusqu’à ce que le premier soit arrivé en B, extrémité de la ligne AB. À la fin de l’opération, on compte le nombre de piquets ramassés, qui indique le nombre de fois que la chaîne a été étendue. Or, comme la chaîne a une mesure déterminée, comme de quatre ou cinq toises, on voit facilement que la ligne AB, contenant tant de fois la chaîne, doit contenir tant de toises. La chaîne étant divisée par pieds, indique en même tems les pieds en plus ou en moins : ainsi, si l’on a trois chaînes & quart, si la chaîne est de six toises, on aura dix-neuf toises trois pieds, &c.

Quand on mesure, on doit avoir pour principe d’apporter la plus grande exactitude ; & comme dans l’arpentage l’usage de la chaîne est indispensable, on doit se faire une loi inviolable de ne pas se pardonner la plus petite négligence.

Si le terrain à mesurer est un parallélogramme régulier comme ABCD, Fig. 28, vous tracez sur un papier la figure à peu près telle qu’elle est ; puis vous mesurez les côtés avec la chaîne, & vous écrivez sur le brouillon le nombre de toises que vous avez trouvées sur chaque côté ; enfin, avec l’échelle des parties (28), vous prenez exactement dessus la grandeur réduite, indiquée par le nombre de toises trouvées.

La chaîne seule ne peut suffire que pour mesurer des terrains réguliers, ou, pour parler plus juste, elle ne doit servir qu’à mesurer des lignes droites : on doit employer dans tous les cas, ou le graphomètre, ou l’équerre d’arpenteur, ou simplement la planchette qui réunit les avantages de tous les deux. Cependant, comme il est possible que l’on soit pourvu de ces deux instrumens, nous allons donner les moyens de s’en servir utilement ; mais nous donnerons toujours la préférence à la planchette, à cause de sa sûreté & de sa commodité.

47. Mesurer un terrain avec le graphomètre.

L’emploi du graphomètre, ou demi-cercle d’arpenteur, Fig. 17, bien entendu, est d’une très-grande ressource ; mais il demande beaucoup d’usage & de pratique, & un peu de géométrie trigonométrique. Cependant nous tâcherons de l’expliquer si simplement, que tout le monde sera en état de s’en servir.

Pour lever le plan du champ ACDEB, Fig. 29, dont on peut appercevoir facilement tous les angles, on commence par choisir son côté le plus long en ligne droite comme AB, dont on mesure le nombre de toises avec la chaîne ; puis on fait planter des jalons (32) à chacun de ses angles, le plus d’aplomb qu’il est possible. On fait ensuite sur un brouillon une figure à peu près semblable à celle du champ, & l’on écrit à la ligne AB le nombre de toises trouvées sur le terrain. Placez le graphomètre à la place du piquet A, en sorte que bornoyant (c’est-à-dire, regardant à travers des pinnules) par les pinnules immobiles du diamètre GF, Fig. 17, vous voyez le piquet B, Figure 29 ; ensuite l’instrument demeurant ferme en cette situation, tournez l’alidade mobile HI, Fig. 17, de façon que par ses pinnules, vous puissiez voir le piquet C, Fig. 29. Remarquez quel angle fait la ligne de foi de l’alidade avec le côté AB, & marquez sur votre brouillon le nombre de degrés de l’angle BAC ; tournez ensuite l’alidade, de sorte que vous puissiez voir le piquet D, & écrivez les degrés de l’angle BAD : tournez encore l’alidade vers le piquet E, & marquez le nombre de degrés de l’angle BAE. Toutes les fois que l’on bornoie de nouveaux objets, il faut avoir l’attention d’examiner si l’instrument est toujours dans l’alignement du piquet B.

Cette première opération étant faite, on transporte le graphomètre & son pied à la place du piquet B, & on replante le piquet A. Là, on répète sur tous les piquets la même opération que l’on a faite à la première station ; & l’on marque sur le brouillon la valeur de chaque angle ABC, CBD, ABE.

Enfin, mettez au net la figure, en traçant exactement avec le rapporteur (45) tous les angles dont la valeur est marquée aux extrémités de la ligne AB, Fig. 29, d’où vous tirerez autant de lignes droites, & de leurs intersections CDE d’autres lignes AC, CD, DE, EB, qui formeront le plan proposé.

Ce procédé ne peut avoir lieu que lorsqu’on peut distinguer facilement tous les angles ; mais il est des cas où cela n’est pas possible, comme lorsqu’on veut lever le plan d’un bois, d’un taillis, d’un terrain très-spacieux, dans lesquels il se rencontre des buttes assez élevées ou des bâtimens, comme un château ou un village si considérables, qu’ils empêchent de distinguer les jalons ; alors il faut nécessairement faire le plan en dehors, c’est-à-dire, faire autant de stations qu’il y a d’angles différens visibles de trois en trois. Ainsi, supposons que la Figure 29 représente un terrain occupé par de grands arbres, il est clair que du point A l’on ne distinguera pas les jalons D & E ; il faut donc s’y prendre autrement.

D’abord, plantez les jalons ACDEB, de façon que du jalon A on puisse distinguer les jalons C & B ; que de C, on puisse voir D & A ; que de D, on puisse voir C & E ; que de E, on puisse voir D & B ; enfin, que de B, on puisse voir A & E. Il faut faire en sorte de ne mettre des jalons que le nombre absolument nécessaire : quand on les multiplie trop, on multiplie aussi les opérations, & le travail devient alors trop compliqué. Placez ensuite le graphomètre au point A ; par les pinnules immobiles, bornoyez le jalon B, & par les mobiles le jalon C. Tracez sur un brouillon la ligne AB avec le nombre de toises qu’elle contient ; prenez la valeur de l’angle CAB, que vous ferez à peu près semblable sur votre brouillon, & écrivez sa valeur ; enfin, mesurez la ligne AC, & exprimez-la sur le papier. Cette première opération faite, transportez votre graphomètre au point C, & replantez le jalon A. De ce point C, répétez la même chose sur les jalons A & D ; prenez la valeur de l’angle ACD, & la longueur des lignes AC & CD. Tracez sur votre brouillon cet angle & ces lignes avec leur valeur. Aux points D, E & B, faites exactement les mêmes opérations, & vous aurez la valeur de tous les angles & de toutes les lignes que contient ce terrain. Il ne s’agit plus que de réunir toutes ces observations, & de les porter sur le papier ; & voici comme on doit s’y prendre.

Tirez à volonté une ligne indéfinie comme AB ; prenez, par le moyen d’une échelle de partie, sur cette ligne la distance mesurée, par exemple, 60 toises, & sur le point A placez le centre O d’un rapporteur, Fig. 27, de façon que la ligne du diamètre AB couvre la ligne AB, Fig. 29 ; ensuite on prendra sur la circonférence de ce rapporteur un arc égal à l’angle CAB, que je suppose être juste de 90 degrés, ou un angle droit ; tracez alors la ligne indéfinie AC : sur le brouillon, elle contient 28 toises ; prenez sur la règle la grandeur des 28 toises réduites, & portez-la sur la ligne AC. Reportez au point C le centre du rapporteur, & son diamètre sur la ligne AC : prenez l’angle DCA de 120 degrés ; & d’après cette ouverture, tirez la ligne indéfinie CD, sur laquelle vous porterez les 52 toises, comme vous l’avez déjà fait pour les lignes BA & AC. Transportez de nouveau le rapporteur au point D ; cherchez l’angle CDE de 110 degrés ; tirez la ligne DE de 50 toises. Au point E, faites l’angle DEB de 76 degrés, & tirez la ligne EB, qui, menée jusqu’au point B, devra contenir 36 toises comme sur le terrain, & faire l’angle ABE de 144 degrés, si votre opération est bien faite. Ainsi vous aurez en petit la figure exacte du terrain dont vous avez mesuré les différentes dimensions.

Le graphomètre a un très-grand avantage, en ce qu’il porte un alidade mobile qui met à même de mesurer tous les angles qui se rencontrent, & que l’on n’est pas obligé de tâtonner comme avec l’équerre de l’arpenteur.

48. Mesurer un terrain avec l’équerre de l’arpenteur.

L’équerre de l’arpenteur, Fig. 23, est composée, comme nous l’avons dit (41), d’un limbe circulaire de métal, chargé de deux alidades immobiles garnies de pinnules, & qui se coupent à angle droit au centre : avec cet instrument, on ne peut donc prendre que des angles droits, & l’on est toujours obligé d’y ramener toutes les dimensions du terrain. Voici comme on peut procéder.

Soit le terrain ABCDE, Fig. 30, où l’on peut entrer, & aux angles duquel on peut librement aller. Après avoir planté des jalons bien aplomb à tous les angles, on mesurera la ligne AC, & les perpendiculaires qui tombent des angles sur cette ligne, & l’on écrira séparément ces mesures sur le brouillon, que l’on fera à vue d’œil. Pour trouver le point F, extrémité d’une des perpendiculaires, on plantera des jalons à discrétion sur la ligne AC, & l’on mettra le pied de l’instrument sur la même ligne, de manière qu’à travers deux alidades opposées, on puisse voir deux des jalons plantés sur cette ligne, & à travers les deux autres alidades le jalon E. Si dans cette station le point E n’est point visible, on reculera ou l’on avancera l’instrument jusqu’à ce que les lignes AF, EF fassent un angle droit en F. Mesurez avec la chaîne la ligne AF de sept toises & la ligne FE de dix ; écrivez ces mesures sur le brouillon, comme on les voit sur cette figure. On trouvera de la même manière le point H, où tombe la perpendiculaire DH, dont on mesurera & écrira la longueur, douze toises, avec celle de FH de quatorze toises. On mesurera ensuite HC de huit toises, qui fait un angle droit avec HD ; on aura donc par parties toute la ligne AC. Ayant mesuré toute cette ligne, il ne s’agit plus que de trouver le point G, où tombe la perpendiculaire BG, & de la mesurer. On trouvera ce point de la même manière que tous les autres, & on finira par porter la longueur de cette ligne de dix toises.

Pour avoir la figure exacte de toutes ces mesures, tirez sur un papier la ligne AC de la grandeur de vingt-neuf toises, par le moyen de l’échelle des parties. Élevez aux points FGH, les perpendiculaires FE, BG & HD (18), auxquelles vous donnerez juste le nombre de toises qu’elles ont sur votre brouillon, aux points ED & B ; tirez enfin par ces points les lignes AE, ED, DC, CB, BA, & vous aurez la figure exacte que vous cherchez.

Entre les mains d’un homme habitué à se servir de l’équerre de l’arpenteur, cet instrument peut encore être employé à mesurer un terrain garni de bois, d’eau ou de maisons ; seulement l’opération est plus longue. Plantez des piquets à tous les angles EFGHI, Fig. 31 ; ensuite comme cet instrument ne donne que des angles droits, tâchez d’inscrire la figure du terrain dans un rectangle, que vous mesurerez ; soustrayant ensuite les triangles & les trapèzes qui se trouveront ajoutés autour de ce plan, le reste sera la surface du terrain proposé.

Du point E, prolongez avec votre équerre la ligne EF, jusqu’à ce qu’elle rencontre par une perpendiculaire à peu près le piquet G : cherchez la perpendiculaire GK ; & quand vous l’aurez trouvée, prolongez-la jusqu’à ce que vous puissiez y faire tomber la perpendiculaire HL. Plantez des piquets aux points K & L ; prolongez la ligne LH jusqu’à la hauteur du point E. Sur cette ligne, cherchez sa perpendiculaire NI qui parte du piquet I ; enfin, en retournant au point E, tracez la perpendiculaire ME ; ce qui étant fait, vous aurez un triangle qui renfermera le terrain que vous cherchez : vous le mesurerez exactement avec la chaîne. Pour soustraire les triangles & les trapèzes que vous avez ajoutés, & trouver la vraie figure, prenez exactement la valeur des lignes FK, KG, GL, HL, HN, NI, NM, ME, que vous porterez sur votre brouillon, où vous aurez tracé un rectangle dont les côtés sont parfaitement égaux à ceux du rectangle que vous aurez trouvé. Des points EFGHI correspondans aux piquets, tirez les lignes EF, FG, GH, HI, IE, qui vous donneront une figure semblable au terrain.

L’embarras principal de l’équerre de l’arpenteur, est de ne pouvoir donner que des angles droits, & de nécessiter par conséquent plusieurs opérations : le graphomètre lui est donc préférable ; mais l’un & l’autre exigent deux travaux ; celui qui se fait sur le terrain même, & celui que l’on est obligé de faire chez soi : en mettant au net le brouillon, la planchette évite ce double travail.

49. Mesurer un terrain avec la planchette.

Étant arrivé sur le terrain ABCD, Fig. 32, à mesurer, on commence par planter des jalons dans tous les angles, & on établit sa planchette (43) à un de ses angles, de façon qu’elle soit bien d’aplomb, & dans la verticale de ce point, autant qu’on pourra. Si c’est une planchette sans châssis, on attachera dessus une feuille de papier avec de la cire ou du pain à cachetter ; si elle est à châssis, on mettra entre-deux une feuille de papier, & on fixera le tout solidement. Avec un crayon ou de l’encre, on fera un point a correspondant sur le papier : on posera sur ce point l’alidade mobile, de façon que l’on puisse voir le piquet B à travers les pinnules ; quand on l’aura trouvé, fixant avec la main l’alidade sur la planchette, on tirera la ligne indéfinie ab sur le papier : visant ensuite le piquet D, on tracera la ligne ad, & enfin la diagonale ac dans l’alignement du piquet C. On sent facilement que si la figure a plus de quatre angles, on tirera autant de lignes qu’il se trouvera d’angles. On mesurera les lignes AB, AC, AD ; on écrira leur valeur sur le même papier le long de ces lignes ; ensuite replaçant le piquet A, on transportera la planchette au piquet C, on la mettra de niveau, & on la posera de façon que le point c du papier corresponde au point C du terrain ; ensuite avec l’alidade, on mettra la ligne ca du papier dans l’exacte direction de CA du terrain, & l’on fixera le tout. Du point C on visera le piquet D, & on tirera la ligne cd ; on en fera autant pour le piquet B, & on tirera la ligne cb, ce qui vous donnera en petit la figure abcd parfaitement semblable à la figure du terrain. Pour terminer l’opération, on mesurera les lignes CB & CD, & votre plan avec toutes ses dimensions sera achevé.

Si le terrain dont on veut lever le plan est un bois, ou disposé de façon que l’on ne puisse pas appercevoir les jalons placés diagonalement, on procédera par le contour du terrain. On posera, par exemple, la planchette au dessus du point A, & on tracera l’angle bad égal à BAD du terrain ; ensuite on ira au piquet B, en mesurant la distance AB. On fera l’angle abc égal à celui ABC du terrain, & ainsi d’un angle à un autre angle, pour en prendre l’ouverture & leur distance entre eux ; de cette façon, étant revenu au piquet A d’où l’on étoit parti, on le trouvera au même endroit a, où il sera déterminé sur le papier par la première station ; alors on aura l’exacte figure du terrain que l’on cherche.

Si le terrain a des angles très-multipliés comme dans la Figure 33, il est assez facile d’en faire le plan, même par une seule station, pourvu que du centre du terrain, on puisse découvrir facilement les piquets placés à tous les angles. Fixez la planchette au centre à peu près du terrain ; prenez sur le papier le point o pour représenter ce centre, mettant le bord de l’alidade à ce point ; dirigez les pinnules vers les différens angles du champ A, B, C, D, E, F, G, H, K, & tirez le long de son bord des lignes indéfinies, dirigées à chaque angle, c’est-à-dire, les lignes oa, ob, oc, od, oe, of, og, oh, ok : mesurez sur le terrain les lignes OA, OB, OC, &c. & après les avoir prises sur une échelle, portez-les sur les lignes correspondantes du papier. Les extrémités de ces lignes donneront des points, lesquels étant joints par d’autres lignes ab, be, cd, de, ef, fg, gh, hk, ka, représenteront en petit la figure du terrain cherchée.

50. Manière de changer le papier qui est sur la planchette.

Il arrive souvent que, lorsqu’on a de très-grandes surfaces à mesurer, le plan excède les dimensions de la planchette, & qu’il s’étend au-delà du papier ; il faut nécessairement changer la feuille de papier, & en substituer une nouvelle. Voici la manière de faire ce changement avec exactitude. Supposons que HKMZ, Fig. 34, soient les limites de la planchette, de manière qu’ayant tracé le champ de A en B, & de-là en C jusqu’en D, la place vienne à manquer, la ligne DE s’étendant au-delà du papier ; tirez la partie de la ligne DE que le papier pourra contenir, par exemple la partie DO, & au moyen des divisions qui sont sur le bord du châssis, tirez par le point O la ligne PQ parallèle au bord de la planchette HM ; & par le même point O, tirez ON parallèle à MZ. Après cela ôtez la feuille de papier, & placez-en une nouvelle, Fig. 35 ; tirez sur cette feuille une ligne RS proche l’autre bord, auquel elle soit parallèle ; placez ensuite la première feuille sur la planchette, de manière que la ligne PQ soit exactement couchée sur la ligne RS, ce qui s’exécutera facilement en pliant cette feuille sur la ligne PQ ; enfin, tirez sur la nouvelle feuille la partie de la ligne OD que la planchette pourra contenir, & du point O sur la nouvelle feuille, prolongez le reste de la ligne OD jusqu’en E, & du point E continuez le relevé des angles & des distances F, G, A, comme nous l’avons indiqué.

Il y a quantité d’autres opérations aussi intéressantes qu’amusantes, que l’on peut faire avec la planchette & les autres instrumens ; comme de mesurer la distance de deux endroits dont l’un est inaccessible, ou qui le sont tous les deux ; de trouver la hauteur d’une tour, d’un clocher, &c. mais la résolution de ces problêmes n’étant pas directement du ressort de l’arpentage, nous ne nous y arrêterons pas. Il en est d’autres qui lui appartiennent plus essentiellement, comme celui de lever la situation de plusieurs villages à la fois, de dresser la carte d’un pays, ou simplement d’établir les principaux points d’un terrier : ces objets sont trop intéressans pour que nous les négligions.

51. Établir la situation respective de différens points principaux, Fig. 36.

On choisit d’abord un terrain bien uni AB pour y mesurer en toises, ou, bien mieux, en pieds une ligne AB. À l’une des extrémités A, on établit la planchette de niveau, (nous nous servirons de la planchette pour cette opération, comme plus commode ; on peut également employer le graphomètre) & on la fixe ; alors on marque sur le papier le point a dans le vertical du point de station A. De ce point a avec l’alidade, on dirige une ligne dans la direction du clocher du village C, de la tour D, de la croix E, du chêne F, de la chapelle G, de la justice H ; & enfin on trace une dernière ligne dans la direction de la base AB, où au bout B on aura planté un jalon. Cela fait, on mesurera depuis A, & dans la direction AB, la plus grande longueur que l’on pourra ; on prendra sur l’échelle pareil nombre de pieds, afin de déterminer le point b correspondant au point B du terrain. On transportera ensuite la planchette du point A, où l’on fera mettre un jalon au point B ; là, mettant la planchette de niveau, le point b sur le point B, & la ligne ba dans la direction précise de la base BA, on dirigera du point b sur chacun des objets C, D, E, F, G, H, qu’on a vu du point A ; dans le point où se fera la section des rayons dirigés de a & de b sur le même objet, on en aura la position sur la planchette ; c’est ainsi que l’on déterminera les points c, d, e, f, g, h, représentant le lieu des objets C, D, E, &c.

On sent parfaitement que, plus la ligne de base AB aura d’étendue, plus les angles dont elle sera la base auront d’ouverture, & plus il sera aisé de les mesurer ; il faut donc lui donner le plus de longueur que l’on pourra, en conservant son niveau qui est une de ses qualités essentielles.

51. Tracer un plan sur la terre, Fig. 37.

Pour tracer un plan sur le terrain qui soit semblable à un plan décrit sur le papier, comme bcde, fixez ce plan sur la surface de la planchette ; & ayant choisi un endroit commode sur un terrain comme A, faites que le centre de l’alidade réponde perpendiculairement comme en a ; ensuite de ce point comme centre, tournez l’alidade vers un des angles du plan proposé, comme vers l’angle b, en sorte que vous ayez la ligne ab ; faites tracer sur la terre, en partant du point A, la ligne AB ; mesurez sur l’échelle, Fig. 14, ou sur une échelle quelconque de parties égales, la distance de a en b, & comptez autant de pieds ou de toises sur la ligne AB ; le point B représentera le point b du plan proposé, où vous ferez planter un piquet. Tournez ensuite l’alidade vers l’angle c, & faites pour cet angle la même opération qui a été faite pour l’angle b, pour avoir de la même manière sur le terrain la représentation de l’angle c en C où vous ferez planter un piquet. Faites-en de même pour les angles e & d, vous aurez sur la terre leurs représentations aux points E & D ; tirez enfin les lignes BC, CD, DE, EB, & le plan proposé bcde, se trouvera tracé sur le terrain, & représenté par le plan BCED.


Section II.

Tracer le plan d’un terrain dont on a pris les mesures.


La planchette, comme nous l’avons vu, est le seul instrument qui fasse en petit le plan exact du terrain que l’on a mesuré ; tous les autres instrumens ne donnent que les différens angles & la mesure des lignes sans les assembler, tels qu’ils sont effectivement. Il faut donc encore que l’arpenteur sache l’art de décrire sur un papier ou une grande carte, & réunir tous ces angles & toutes ces lignes, de façon qu’ils ne représentent plus qu’une figure générale ; c’est ce que l’on appelle lever un plan ; & cette partie de l’arpentage est aussi essentielle que l’autre. À quoi serviroit, en effet, d’avoir mesuré un terrain sous toutes ses dimensions, si l’on ne connoît pas les moyens de les représenter, & si l’on ne les exécute pas avec exactitude & propreté ? Ces deux points sont essentiels, & ils vont nous occuper.

Une règle, un compas, un crayon, une échelle de parties, & un rapporteur, voilà les instrumens nécessaires à l’exactitude du plan ; un peu de dessin, & trois ou quatre couleurs gommées, en font un plan lavé.

Tout le monde connoît la règle, le compas & les crayons. Voyez par rapport à l’échelle & au rapporteur, les articles 28 & 45.

À l’article graphomètre (47) nous avons donné un procédé simple & facile pour faire le plan d’un terrain mesuré avec cet instrument ; en voici un aussi exact pour faire le plan d’un terrain levé avec la planchette.

53. Porter sur une carte un plan levé avec la planchette, Fig. 38.

Je suppose que le plan à copier soit celui du terrain représenté par la Figure 33, composé des angles a, b, c, d, e, f, g, h, k, comme il a été fait par le centre du terrain ; tracez-le aussi par le même moyen, l’opération sera beaucoup plus facile. Commencez avant tout à faire une échelle de parties, où les toises seront réduites au point que vous voudrez, par exemple, à une ligne par toise, ce qui vous servira de règle pour toutes les divisions de ce plan. Quand le plan sera terminé, vous copierez cette règle, afin qu’elle serve de mesure perpétuelle. Si votre terrain est isolé, & que vous ne vouliez faire que son plan, sans faire attention aux champs voisins, tracez deux lignes 1234 au crayon, qui se coupent à angles droits (18) au centre de votre brouillon ; prenez ensuite un point central O sur la carte, Fig. 38, qui sera coupé par deux lignes perpendiculaires 1234, tirées seulement au crayon, afin de pouvoir les effacer ensuite (toute ligne, tout trait au crayon, s’efface avec de la mie de pain frais) ; posez ensuite le rapporteur de façon que son centre soit sur le centre O du brouillon, & son diamètre sur la ligne 12, & cherchez sur le brouillon l’angle IOK ; les rayons qui partent de la circonférence du rapporteur à son centre, expriment cette valeur par leurs ouvertures ; il se trouve être de quarante-cinq degrés. Portez sur le point O de la carte le centre du rapporteur ; placez sur la ligne 12 son diamètre, & avec la pointe de votre crayon faites un point sur le papier vis-à-vis du quarante-cinquième degré ; ôtez votre rapporteur, & avec la règle tirez la ligne indéfinie KO au crayon. Dans le brouillon, cette ligne a 34 toises ; prenez cette grandeur sur l’échelle, & portez-la sur la tige KO ; les 34 toises finiront au point K : faites-y une marque avec le crayon. Cette première opération faite, cherchez l’angle KOA, dont vous avez déjà un des côtés K ; placez le diamètre de votre rapporteur sur cette ligne de votre brouillon, & son centre toujours sur le point O ; vous trouverez que cet angle a quarante-quatre degrés. Portez l’ouverture de cet angle sur votre papier en opérant exactement, comme vous avez fait pour l’angle IOK ; tirez au crayon la ligne indéfinie AO ; cherchez ensuite le nombre de toises que contient cette ligne sur le brouillon, elle est de 42 toises ; portez-les sur la ligne du plan, elles finiront au point A : faites une marque à ce point. De ce point & de celui K, tirez à l’encre la ligne KA, qui représentera le premier côté du terrain & sa vraie grandeur.

(Si cette ligne étoit contiguë à un autre champ STKA dont vous eussiez déjà la figure, vous n’auriez pas besoin de faire toute l’opération que je viens de détailler ; la ligne commune aux deux champs vous serviroit de base pour les opérations suivantes. Il s’agiroit seulement de trouver le point central O ; & voici comment on y parviendroit facilement. Du point A comme centre, avec une ouverture de compas égale au nombre de toises que contient la ligne AO, tracez l’arc ab ; ensuite du point K comme centre, avec une ouverture égale au nombre de toises que contient la ligne KO, décrivez l’arc cd qui coupera le premier au point du centre cherché ; tirez au crayon les lignes AO & KO, & continuez d’opérer comme nous allons le dire.)

Pour trouver la ligne AB, mettez le diamètre du rapporteur sur la ligne AO du brouillon, & prenez l’angle AOB qui est de cinquante-trois degrés & demi ; portez-le sur le plan en posant le diamètre du rapporteur sur la ligne A ; tirez la ligne indéfinie OB que vous ferez de cinquante toises, comme elle se trouve être sur le terrain, & tracez la ligne AB qui vous donnera le second côté de votre terrain. Pour avoir le troisième, le quatrième, le cinquième, &c. répétez exactement la même opération, ayant toujours soin, pour prendre les angles, de poser le diamètre du rapporteur sur la dernière ligne tracée du centre à la circonférence. Quand vous aurez toutes les lignes qui circonscrivent le champ dont vous levez le plan, effacez avec de la mie de pain toutes les lignes tracées au crayon, il ne restera plus que les traits noirs, & votre figure paroîtra avec toute son exactitude. Toutes les lignes ponctuées, Fig. 38, indiquent les lignes faites au crayon pendant l’opération.

Quelquefois il arrive que le dernier angle KOH ne se trouve pas d’accord sur le plan avec celui qui est tracé sur le brouillon ; dans ce cas, il faut tout recommencer, car cela prouve qu’on s’est trompé dans quelqu’endroit. Les lignes noires s’effacent avec le gratoir. Comme cela fait un mauvais effet, il vaut mieux tracer d’abord toute sa figure au crayon, pour être le maître de pouvoir l’effacer dans le besoin ; ensuite si elle est juste quand tout est terminé, tracer à l’encre les lignes nécessaires.

Rarement a-t-on une seule figure à tracer ; un plan terrier contient toujours une surface de terrain divisée en grand nombre de pièces de terre : il faut les assembler & les réunir sur le plan, comme elles le sont réellement dans la nature. Ayant fait le plan d’un champ, on continue en allant successivement d’un champ à un autre, en se servant de leurs côtés communs, &, par ce moyen, on les lie tous les uns aux autres. Lorsque le plan total, ou la carte générale est faite, il est nécessaire de l’orienter, c’est-à-dire, d’en indiquer les quatre points cardinaux par signes ou par écrit. La boussole A qui accompagne la planchette, Fig. 24, remplit cet objet dans l’opération sur le terrain ; il ne faut jamais négliger d’exprimer sur le brouillon la situation d’un champ ; on la rapporte sur le plan.

Communément l’on place dans un des coins du plan le signe indicatif de la position ; c’est un cercle coupé au centre par deux perpendiculaires. À l’extrémité de la ligne qui désigne le nord, on met une fleur-de-lis, comme on le voit dans toutes les cartes de géographie.

Un arpenteur qui veut joindre la propreté à l’exactitude, ne se borne pas à représenter simplement la figure d’un bien ; il peut encore chercher à exprimer ce que chaque partie produit isolément ; il doit être en état de faire sentir les différens objets dont il a levé le plan. Quelques notions de dessin le mettront à même d’exécuter avec facilité tout ce qu’il entreprendra. Un détail circonstancié de cette partie de l’arpentage nous mèneroit trop loin ; on peut consulter les livres qui traitent du dessin : mais pour la commodité de ceux qui voudront travailler d’après les préceptes que nous avons donnés, & qui au simple trait voudroient joindre ou le dessin ou les couleurs, nous ne pouvons nous dispenser de donner les détails suivans.

L’encre dont on se sert communément est l’encre de la Chine délayée dans de l’eau. Les couleurs seules nécessaires sont le carmin, la gomme-gutte, le verd de vessie, le verd d’eau & le bleu : avec elles & l’encre de la Chine, on peut représenter toutes les productions d’un pays. On délaye ces couleurs avec un peu d’eau nette, dans laquelle on a fait dissoudre un peu de gomme arabique. L’encre de la Chine, la gomme-gutte, le verd de vessie & le verd d’eau se débitent chez les épiciers tout préparés ; le carmin, le bleu sont les seules couleurs qu’il faut gommer soi-même, en les broyant & les mêlant bien avec de l’eau gommée jusqu’à ce qu’elles fassent une pâte. Lorsque l’on veut s’en servir, on en délaye avec un peu d’eau nette, & on la verse dans un autre vase, où on lui donne la force nécessaire.

Chaque objet demande sa couleur particulière ; les montagnes, les rochers & les carrières se font avec autant de carmin que de gomme-gutte & un peu d’encre de la Chine ; les ravins, les chemins creux, les encaissemens comportent encore la même couleur. Pour le trait du dessin, voyez les figures gravées Planche 21, pag. 678.

Les chemins, digues & chaussées se représentent avec des ombres coupées d’encre de la Chine pâle au dehors des chemins ; & le long de leurs parties opposées, on peut y substituer un peu de verd adouci. Le fond des chemins étant de couleur rousse, il convient d’en mettre une teinte fort légère entre les lignes qui déterminent la largeur ; ordinairement les chemins royaux, les digues & les chaussées se tracent par des lignes d’encre de la Chine parallèles.

On fait sentir les talus qui bordent les canaux, les rigoles & les fossés, avec de la couleur des montagnes mêlée de verd.

Les rivières, les canaux, les étangs, en général toute masse d’eau, se font avec du verd d’eau ; & dans leur intérieur, une petite ombre coupée d’encre de la Chine le long de leur bord opposé au jour, fait sentir la profondeur de la surface qui contient l’eau. La direction du cours de l’eau est indiquée ordinairement par une flèche dont la pointe est tournée du côté où se porte la pente de l’eau.

Les prés, gazons, boulingrins, pâtures, &c. tout terrain couvert d’herbes, se font avec de la couleur d’eau & de la gomme gutte mêlées ensemble, pour avoir une teinte verte plus ou moins foncée ; on en met une couche avec un pinceau sur tout le pré, & avec la plume on la charge discrétement & par places, de petits points d’un verd plus fort, parmi lesquels on exprime des petites touffes d’herbes. Les prés artificiels se font de la même manière, excepté qu’on les sillonne comme des terres labourées.

Les friches, les terrains arides, s’expriment avec une couleur mêlée de jaune, de verd & de rouge pâle, que l’on pointille avec la même couleur plus foncée.

Les bois de haute futaie, les taillis, les arbres, s’expriment en formant des masses de têtes d’arbres ou de feuillées, au dessous desquelles on tire des traits pour représenter des troncs, ou bien on imite des masses de tiges grouppées pour les taillis. Quand ce sont des avenues que l’on veut représenter, on dispose ses arbres dans l’alignement de l’avenue ; on colore ces arbres avec des verds gais ; on ombre ces feuillées sur leur droite, pour leur donner du relief ; au bas des tiges, on pose les ombres que les grouppes doivent causer sur les parties vides & les places vagues que l’on laisse irréguliérement.

Pour exprimer des terres labourées, on fait dans l’étendue de chacune, & avec la plume ou le pinceau, des traits ou sillons de même couleur. Quand il y a plusieurs champs labourables qui se suivent immédiatement, on les sillonne en différens sens & avec différentes nuances, avec des verds plus ou moins jaunes, plus ou moins bleus, avec une couleur rousse, &c. Les terres labourées sur le penchant d’une montagne, doivent avoir leurs sillons comme par échelons parallèles entr’eux, & suivant le contour de la montagne ; car c’est ainsi que l’on mène la charrue, & non pas de bas en haut.

Les haies & les buissons se font avec la plume comme des petites feuillées ; on les ombre & on les colore comme des têtes d’arbres.

Les vignes à échalas se font par rangées exactes, mais dans différens sens pour différentes pièces de vignes contiguës les unes aux autres. On exprime les échalas à la plume & à l’encre de la Chine par des traits perpendiculaires au plan, & les ceps avec du verd de vessie, ou autre, employant la plume pour faire une espèce de serpent ou de zigzag autour de chaque échalas. La teinte générale d’une vigne est de couleur rousse, ou d’un verd presque jaune, mais très-clair.

Les maisons, les édifices remarquables, les bâtimens particuliers dont la figure est tracée sur le plan, s’expriment par une couche de carmin pâle, mise bien uniment dans chacune de ces figures. En pointillant de carmin les bords opposés au jour, on donne plus de grâce au plan ; quelquefois on figure le comble de ces édifices, lorsqu’ils sont remarquables, comme châteaux, églises, &c. & alors, dans leur partie éclairée, on ne met qu’un filet de rouge adouci, & une couche de bleu exprime les ardoises dont ils sont couverts.

Au reste, le goût, plus que tous les préceptes, doit guider la main de celui qui lave ou colorie un plan. Nous avons fait graver quelques-uns des objets dont nous venons de parler, pour servir de modèle pour faire les traits à la plume que l’on peut enluminer ensuite avec des couleurs.


Section III.

Trouver l’aire d’un terrain en perches & toises quarrées.


Le terrain a été mesuré, toutes ses dimensions sont connues : le plan en est tracé, lavé & enluminé sur une carte ; mais ce n’est pas cela seul que peut & doit se proposer quiconque s’occupe de l’arpentage : la valeur de ce même terrain & ce qu’il contient en arpent, perches, toises, &c. est d’une trop grande importance pour qu’il ne l’ait pas essentiellement en vue. Si les mesures étoient communes & uniformes, la manière d’estimer cette valeur seroit par-tout la même ; mais par malheur rien ne varie autant en France que les mesures en général : d’une province à l’autre, c’est une nouvelle étude à faire, & étude souvent d’autant plus embrouillée, que ce n’est pas quelquefois une seule portion de cette mesure qui varie, mais toutes les portions relatives. Le pied de roi qui devroit être uniforme, n’est pas le même d’une province à l’autre, & souvent d’une partie de province à l’autre. Les dénominations des grandes divisions varient pareillement : en Normandie, les terres se divisent en acre de cent soixante perches quarrées ; dans l’Agenois en carterées ; dans l’Anjou en journaux de cent perches quarrées de vingt-cinq pieds ; dans le Beaujolois & Lyonois en bicherées ; dans le Bordelois en reges ; en Dauphiné & d’autres provinces, en séterées ; dans une partie du Beauvoisis en mines de terre ; dans le Languedoc en saumées ; aux environs de Nantes en boisselées, hommées, ondains, &c. &c. presque toutes ces premières mesures se subdivisent en arpens, perches, toises. Voyez le mot Mesure, où nous donnerons une table des rapports de toutes les mesures linéaires de France comparées ensemble.

L’arpent, en général, est composé de cent mesures quarrées, communément appelées perches quarrées.

La perche royale a été fixée pour les biens du roi, à vingt-deux pieds courans de douze pouces ; elle varie dans toute la France depuis dix-huit jusqu’à vingt-huit pieds. Il est donc de l’intérêt de l’arpenteur de s’instruire avant tout, sur le lieu où il opère, de la valeur de la perche usitée ; il doit même en faire mention, afin de prévenir toutes contestations. Il est bon aussi de l’exprimer dans le plan terrier sur l’échelle des parties.

La perche quarrée, quelle que soit sa valeur, est le produit du nombre de ses pieds multipliés par eux-mêmes : ainsi, si la perche courante est de dix-huit pieds, la perche quarrée sera de trois cents vingt-quatre, ou de dix-huit multiplié par dix-huit qui égale trois cents vingt-quatre.

La toise courante a six pieds de longueur, & la toise quarrée a trente-six pieds de superficie. Le quarré, ou la superficie quarrée d’un terrain, est égal au produit de sa base multipliée par sa hauteur ; ainsi, si nous supposons un champ quadrangulaire qui ait une perche en tout sens, il aura une perche quarrée de superficie. D’après ce principe, la table suivante contient en pieds & en toises quarrées l’étendue de l’arpent, selon les différentes longueurs de la perche augmentée d’un pied, depuis dix-huit jusqu’à vingt-huit. Cette table sera utile & aux arpenteurs & aux propriétaires, parce qu’elle peut servir & à réduire en perches quarrées un arpent quelconque, & à connoître quelle portion de l’arpent contient le plus petit champ.


La Perche ayant La Perche quarrée contient
pieds. en Pieds. en Toises. Pieds
18 324 9 0
19 361 10 1
20 400 11 4
21 441 12 9
22 484 13 16
23 529 14 25
24 575 16 0
25 625 17 13
26 676 18 28
27 729 20 9
28 784 21 28
La Perche ayant L’Arpent quarré contient
Pieds. en Pieds. en T. qu. Pieds
18 32400 900 0
19 36100 1002 28
20 40000 1111 4
21 44100 1225 0
22 48400 1344 16
23 52900 1469 16
24 57600 1600 0
25 62500 1736 4
26 67600 1877 28
27 72900 2025 0
28 78400 2177 28


Nous allons donner quelques exemples de la réduction en arpens de la superficie de différens champs, afin qu’on en fasse l’application, & qu’ils servent de modèle dans des cas semblables.

1o. Supposons un pré parfaitement quarré, dont un des côtés CD, Fig. 10, a 50 toises de longueur ; ce quarré aura 2 500 toises de superficie, ou 90 000 pieds quarrés d’étendue. Si la perche de l’arpent du lieu a 18 pieds de longueur, on verra dans la table précédente que l’arpent contient 32 400 pieds quarrés ; ainsi, divisant par ce nombre les 90 000 pieds ci-dessus, on trouvera que ce pré contient deux arpens & 25 200 pieds. Si on divise ce reste par 324 pieds contenus dans la perche quarrée, on trouvera 77 perches  ; d’où il résulte que ce pré a deux arpens, 77 perches , ou deux arpens , deux perches. .

2o. Imaginons une pièce de vigne formant un rectangle de 80 toises de long sur 40 de large BIDK, Fig. 6, elle aura 3 200 toises superficielles, ou 115 200 pieds quarrés ; & si la perche de l’endroit a 19 pieds de longueur, la table ci-devant montre que l’arpent composé de cette perche contient 1 002 toises 28 pieds, ou 36 100 pieds quarrés ; ainsi divisant l’étendue de 3 200 toises, ou 115 200 pieds par l’un des deux nombres précédens, on aura trois arpens, 19 perches, & 341 pieds, ou de perche, ou à peu près.

3o. Soit un bois formant un parallélogramme ou un lozange DEFI, Fig. 6. Pour avoir la superficie de ces figures, il faut multiplier l’un de ses côtés par sa distance perpendiculaire, ou par la perpendiculaire au côté qui lui est opposé. Supposons qu’ici la perpendiculaire EN ait 31 toises 3 pieds, & que le côté DF sur lequel tombe cette perpendiculaire soit de 68 toises ; ce lozange aura 2 142 toises, ou 77 112 pieds de superficie. Si la perche du canton a vingt pieds de longueur, en faisant toutes les opérations précédentes, on connoîtra que ce bois contient un arpent 92 perches trois pieds, ou un arpent , 17 perches , environ.

4o. Supposons une possession triangulaire, Fig. 2, dont on veut avoir l’étendue réduite en arpens. Nous avons dit que l’on connoît l’aire d’un triangle en multipliant l’un de ses côtés, sa base, par exemple, par la moitié de sa hauteur. Dans cet exemple, la base EF a 225 toises deux pieds, & la hauteur ED 62 toises quatre pieds six pouces ; ce terrain contiendra 7 069 toises, ou 154 514 pieds quarrés. Si la perche du territoire a 21 pieds de longueur, on voit dans la table que la perche quarrée contient 441 pieds, & que l’arpent en contient 44 100 ; cela étant, les multiplications étant faites, on trouvera cinq arpens 77 perches 57 pieds, ou cinq arpens , deux perches , ou environ.

5o. Il s’en faut bien que les champs, en général, soient des quarrés ou rectangles parfaits, des lozanges ou des parallélogrammes réguliers ; ils sont plutôt d’une infinité de figures différentes ; ce sont autant de polygones. Nous avons montré que les surfaces des polygones sont égales à celles de tous les triangles dont ils peuvent être composés (30) ; ainsi pour connoître la superficie d’un tel champ, il faut le diviser en triangles, mesurer l’aire de ces triangles, additionner toutes ces sommes en toises ou en pieds, & par la table que nous avons donnée, on pourra réduire son étendue en arpens & en parties d’arpent.

Telles sont toutes les opérations qui doivent être familières à quiconque, à la campagne, veut faire de l’arpentage ou un objet d’occupation utile, ou un simple sujet de délassement & d’amusement. La base de tout le travail doit être l’exactitude dans les mesures des distances & des angles : nous le répétons en finissant comme en commençant, parce que nous sommes convaincus par expérience, que l’on n’aura jamais que des à peu près qui pourront même conduire à des erreurs considérables, si l’on n’est pas exact jusque dans les détails les plus minutieux. M. M.