Correspondance de Voltaire/1772/Lettre 8641

8641. — À CATHERINE II[1],
impératrice de russie.
1er octobre.

Comment se peut-il faire qu’il y ait encore chez nos Welches de prétendus raisonneurs et de prétendus politiques qui osent dire que « Pierre le Grand a tout épuisé pour former une armée, une flotte et un port, et que ses successeurs achèveront de tout ruiner pour soutenir l’ostentation de ces vains établissements » ? Ce sont les propres paroles de la page 204 d’un nouveau livre intitulé Histoire philosophique et politique des établissements et du commerce des Européens aux Indes[2]. Il y a d’ailleurs de très-bonnes choses dans ce livre ; mais cette sottise est pillée de ce fou de Jean-Jacques Rousseau, qui s’est avisé de juger souverainement tous les rois du haut de son grenier.

Il me semble que tous vos succès auraient dû apprendre à tous les législateurs à être un peu plus réservés dans leurs discours : quand on étonne tous les sages, on doit confondre tous les sots.

Que Votre Majesté impériale daigne conserver ses bontés à son vieux malade de Ferney.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. De l’abbé Raynal.