Correspondance de Voltaire/1772/Lettre 8601

8601. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
14 anguste.

Nous touchons, mon cher ange, au grand anniversaire de la Saint-Barthélemy. C’est une belle époque.

Voici un bouquet qu’on m’a envoyé pour cette fête[1]. Il me semble qu’on ne peut tirer un parti plus honnête de cette belle époque : l’abbé de Caveyrac en saura quelque gré à l’auteur.

Il me semble que Lekain avait quelque envie d’essayer une promulgation des Lois de Minos à Bordeaux : il m’en a fait écrire par le directeur de la troupe. J’ai été effrayé de la proposition, et j’ai fait de fortes remontrances contre les Lois. Je me flatte toujours (car on aime à se flatter) que notre avocat[2], à force de limer son plaidoyer, le rendra un peu supportable pour Fontainebleau. Il commence à être moins mécontent de lui, et il ne croit pas qu’il y ait une seule ligne qui puisse alarmer la police : il la croit bien plus ébouriffée de l’aventure du procureur et du commis pousse-cul, qui ont été mis en prison au sujet des Du Jonquay[3]. C’est une étrange affaire que ce procès-là. Je vous prie de lire cette seconde édition de l’Essai sur les Probabilités[4] ; elle est beaucoup plus ample que la première, et je me crois pour le moins égal à maître Petit-Jean[5].

Mille tendres respects à mes anges.


Du 15.

J’ai le bonheur d’avoir chez moi M. le chevalier de Buffevent, et, par malheur, c’est pour peu de temps. Je suis bien indigne de sa conversation, car je suis très-malade.

  1. Tome VIII, page 194.
  2. Duroncel ; voyez lettre 8515.
  3. Le procureur s’appelait Lachauve, voyez tome XXVIII, pages 506 et 507 ; le commis pousse-cul, Desbrugnières, voyez ibid., page 507.
  4. Tome XXVIII, page 496.
  5. Personnage de la comédie des Plaideurs.