Correspondance de Voltaire/1772/Lettre 8521

8521. — À M. LE DUC DE LA VRILLIÈRE[1].
À Ferney, 13 avril.

Monseigneur, pardonnez-moi ma surprise ; je ne m’attendais pas que l’affaire inconnue et très-embrouillée des ex-jésuites dans le désert, non moins inconnu, du pays de Gex, serait si parfaitement mise au net dans tous ses détails par un ministre d’État, chargé d’un nombre si prodigieux d’affaires importantes. Vous avez démêlé toute cette affaire beaucoup mieux que moi, et vous avez la bonté de m’en écrire, dans le temps que je tremblais de vous excéder par mes sollicitations pour mon curé ; votre indulgence est extrême.

Un avocat au conseil présentera la requête comme vous voulez bien le prescrire. Je crois que le sieur Hugonet n’est pas indigne de la grâce qu’il attend de vous. Il ne m’en coûtera qu’un peu d’argent pour lui obtenir un établissement honnête. Ce sera à vous seul que j’en aurai l’obligation. La colonie qui est à Ferney est composée d’autant de catholiques que de protestants ; l’union singulière qui règne entre eux tous fait voir combien le curé est sage, et que vous ne pouvez mieux placer vos bontés.

Je fais mille vœux, monseigneur, avec toutes les provinces qui sont de votre département, pour que vous jouissiez longtemps d’une santé qui leur est si précieuse, et que vous passiez l’âge du cardinal de Fleury dans un ministère où vous n’avez fait que du bien. Votre tête et votre cœur valent mieux que la main que vous avez perdue.

J’ai l’honneur d’être, avec un profond respect et un attachement et une reconnaissance sans borne, monseigneur, votre très-obéissant et très-obligé serviteur.

  1. Éditeurs, de Cayrol et Francois.