Correspondance de Voltaire/1772/Lettre 8511

Correspondance : année 1772GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 48 (p. 60-61).
8511. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
3 avril.

Mes anges ont voulu des changements, les voilà. S’ils n’en sont pas contents, M. Duroncel est homme à en faire d’autres ; c’est un homme très-facile en affaires ; un peu goguenard, à la vérité, mais dans le fond bon diable.

Il croit que le quinqué se moque de lui quand le quinqué lui propose de nommer aux premières dignités de la Crète[1]. Il dit que c’est au jeune candidat, qui a lu la pièce, à nommer les grands officiers de la cour de Teucer. C’est à ce jeune candidat qu’on peut transférer l’ancien droit des Guèbres. Songez, au reste, que mon avocat est un pauvre provincial, qui n’a pas la moindre connaissance des tripots de Paris. Amusez-vous ; faites comme il vous plaira. Notre Duroncel dit que, si on ne plaide pas sa cause à Paris, il l’ira plaider à Varsovie ; que Teucer est frère de lait de Stanislas Poniatowski ; que sûrement Stanislas finira comme Teucer, et que Pharès, évêque de Cracovie, passera mal son temps.

Pour moi, mes anges, je n’entends rien à tout cela. Tout ce que je sais, c’est que si jamais on me soupçonnait de connaître seulement M. Duroncel, je serais sifflé à triple carillon par une armée de Pompignans, de Frérons, de Cléments, et tutti quanti.

Sur ce, j’attends vos ordres, et je vous supplie très-instamment d’engager votre ami à mander à M. d’Albe[2] que je lui serai

inviolablement attaché jusqu’à mon dernier soupir, tout comme à vous si j’ose le dire.

  1. C’est-à-dire distribuer les rôles.
  2. Le duc de Choiseul ; voyez lettres 8496 et 8508.