Correspondance de Voltaire/1772/Lettre 8498

Correspondance : année 1772GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 48 (p. 48-49).
8198. — À M. DELACROIX[1].
À Ferney, 22 mars.

Vous pardonnerez, monsieur, à un vieux malade de ne vous avoir pas remercié plus tôt. J’ai connu autrefois plusieurs auteurs du Spectateur anglais ; vous me paraissez avoir hérité[2] de Steele et d’Addison. Pour moi, je ne puis plus être ni spectateur ni même auditeur. Je perds insensiblement la vue et l’ouïe, et je me prépare à faire le voyage du pays dont personne ne revient, où les uns disent que tout est sourd et aveugle, et où

les autres prétendent que l’on voit et que l’on entend les plus belles choses du monde ; mais tant que je resterai dans ce pays-ci, et que mes yeux verront un reste de lumière, je lirai votre ouvrage avec autant d’estime que de reconnaissance.

J’ai l’honneur d’être bien sincèrement, monsieur, votre, etc.

Le vieux Malade de Ferney.

  1. Jacques-Vincent Delacroix, né en 1743, mort à Versailles en 1830, avocat de la famille Véron ; voyez tome XXVIII, page 479.
  2. Delacroix avait publié, de 1771 a 1773, six volumes in-12, sous le titre de : le Spectateur français.