Correspondance de Voltaire/1766/Lettre 6391

Correspondance : année 1766GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 44 (p. 330-331).
6391. — À M. HENNIN.
À Ferney, 8 juillet.

Tout malade que je suis, mon cher monsieur, il faudra probablement que je reçoive dans ma puante et délabrée maison un prince[1] victorieux : et aimable. Heureusement il est philosophe, monsieur l’ambassadeur l’est aussi, vous l’êtes aussi.

Pouvons-nous sans indiscrétion, Mme Denis et moi, supplier Son Excellence de vouloir bien nous protéger de sa présence, et d’amener M. le prince de Brunswick ? Nous leur donnerons du lait de nos vaches, du miel de nos abeilles, et des fraises de notre jardin. Négociez cette affaire avec Son Excellence ; mettez-moi à ses pieds ; dites-lui qu’après qu’il se sera crevé avec le prince par sa trop bonne chère, il est juste qu’il vienne jeûner le lendemain à la campagne, respirer un air pur, et oublier les tracasseries genevoises et les cuisiniers français.

Je ne sais point le jour, j’ignore la marche de M. le prince de Brunswick ; j’ignore même si son projet est de dîner dans ma caserne. Mettez-moi au fait ; ayez la bonté de le prévenir sur l’état d’un vieillard infirme. Vous me ressuscitez quelquefois par votre gaieté, secourez-moi par vos bontés. Mon cœur et mon estomac vous sont dévoués. V.

  1. Le prince de Brunswick.