Correspondance de Voltaire/1766/Lettre 6361

Correspondance : année 1766GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 44 (p. 305).

6361. — À M. DE CHABANON.
2 juin.

Je vous donne avis, mon cher confrère, que je vous renvoie par M. Tabareau votre très-belle esquisse. Vous trouverez peu de remarques : la principale est que cette pièce demande le plus grand soin. C’est une peinture qui exige une infinité de nuances. Vous vous êtes imposé la nécessité de développer tous les sentiments du cœur humain dans le rôle d’Eudoxie : tendresse maternelle, regrets de la mort de son premier époux, devoir qui la lie à son nouveau mari, horreur pour ce meurtrier, désir d’une juste vengeance, amour de la patrie, tout s’y trouve.

Si tant de mouvements tragiques sont bien ménagés, si l’un ne fait pas tort à l’autre, vous aurez certainement le succès le plus grand et le plus durable. Ce n’est pas là une de ces pièces[1] que la singularité des événements multipliés et le prestige des coups de théâtre font réussir ; tout dépendra du style et de la chaleur des sentiments. Courage, mon cher confrère ; enfermez-vous six mois, vous trouverez au bout de ce temps des lauriers pour toute votre vie. J’y prends l’intérêt le plus tendre.

  1. Il s’agit d’Eudoxie ; voyez lettre 6356.