Correspondance de Voltaire/1766/Lettre 6317

Correspondance : année 1766GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 44 (p. 267-268).

6317. — À M.  SUARD[1].

J’ai lu ce que vous avez dit
De mes lambeaux épistolaires ;
Les louanges ne me sont chères
Que par la main qui les écrit.
Combien les vôtres sont légères !
Déjà l’amour-propre aux aguets
Venait me tendre ses filets,
Et me bercer de ses chimères ;
Soudain, avec dextérité,
Une critique délicate,
Et que j’approuve et qui me flatte,
Me vient offrir la vérité.
Que vous la rendez séduisante !
J’ai cru la voir dans sa beauté ;
Elle n’a Jamais d’âpreté
Quand c’est le goût qui la présente.
Sous nos berceaux l’arbre étalé
Doit sa vigueur à la nature ;
Mais il doit au moins sa parure
Aux soins de l’art qui l’a taillé.
J’aime l’éloge et je l’oublie,

Je me souviens de la leçon :
L’un plut à ma coquetterie,
Et l’autre plait à ma raison.


Voudrez-vous bien vous charger de mes compliments pour madame ? Je vous envoie une bouffonnerie que j’ai adressée à Mlle  Clairon. De grâce, ne nommez pas l’auteur. V.

  1. Ch. Nisard, Mémoires et Correspondances historiques et littéraires ; Paris, 1858, page 59.