Correspondance de Voltaire/1766/Lettre 6308

Correspondance : année 1766GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 44 (p. 259-260).

6308. — À M.  DAMILAVILLE.
4 avril.

Mon cher ami, il n’y a qu’une pauvre petite lettre à la poste d’Italie pour M.  d’Alembert. Je la lui ai envoyée dans un paquet adressé à M.  d’Argental, qui demeure dans son quartier.

Je saurai demain si vous avez reçu une lettre adressée ; à M. d’Auch[1], ou plutôt à frère Patouillet, auquel il n’avait fait que prêter son nom.

M. Thomas m’a envoyé l’Éloge de M.  le dauphin[2]. Il y a de l’éloquence et de la philosophie. Il n’est pas vraisemblable qu’il ait attribué à ce prince des qualités et des connaissances qu’il n’aurait pas eues ; il se serait décrédité auprès des honnêtes gens. Enfin, de tout ce que j’ai lu sur ce triste événement, il est le seul qui m’ait instruit et qui m’ait fait plaisir. Il y a quelques défauts dans son ouvrage ; mais, en général, c’est un homme qui pense beaucoup, et qui peint avec la parole.

En lisant le Dictionnaire, je m’aperçois que le chevalier de Jaucourt en a fait les trois quarts. Votre ami[3] était donc occupé ailleurs ? Mais, par charité, dites-moi pourquoi ce livre, qui, à mon gré, est nécessaire au monde, n’est pas encore entre les mains des souscripteurs ? Au nom de qui l’examine-t-on ? qui sont les examinateurs ? quelles mesures prend-on ?

Vous m’aviez bien dit que la comédie[4] que vous m’aviez envoyée était meilleure à voir qu’à lire. Bonsoir, mon très-cher philosophe.

  1. Voyez la note 3, page 257.
  2. Voltaire publia peu après un Petit Commentaire sur cet ouvrage de Thomas ; voyez tome XXV, page 471.
  3. Diderot.
  4. Le Philosophe sans le savoir, de Sedaine.