Correspondance de Voltaire/1766/Lettre 6268

Correspondance : année 1766GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 44 (p. 219-220).

6268. — À M.  DAMILAVILLE.
12 février.

Mon cher frère, je n’ai pas encore pu lire Vingtième[1], et j’en suis bien fâché ; Vingtième me tient au cœur : les relieurs sont bien lents. Je vous envoie une lettre pour un M.  Dorville[2] que je n’avais pas l’honneur de connaître, mais à qui j’ai beaucoup d’obligations. C’est une bonne âme à qui Dieu a inspiré de me peindre au public en miniature. Lisez, je vous prie, la réponse que je lui fais : je voudrais que vous en prissiez une copie, et que vous la fissiez lire à Platon.

Ne pourrais-je point, par votre protection, avoir de Merlin une douzaine d’exemplaires de ce recueil ? je les lui payerais exactement. Il faut que je joue un tour honnête à ce malheureux archevêque d’Auch[3]. Il n’y aurait qu’à mettre pour lui à la poste le premier tome de ce recueil, et insérer à l’article Dieu un gros papier blanc sur lequel il y aurait ces mots : Que la calomnie rougisse, et qu’elle se repente. Faites-lui cette petite correction, je vous en supplie ; je lui en prépare d’autres, car je n’oublie rien.

J’ai grande impatience de savoir ce que vous pensez du mémoire d’Élie. Je vous réponds que je lui donnerai des ailes pour le faire voler dans l’Europe.

Est-il vrai que l’Encyclopédie est débitée dans tout Paris sans que personne murmure[4] ? Dieu soit loué ! On s’avise bien tard d’être juste.

Vous m’aviez promis de petits paquets par la diligence, adressés à MM. Levesque et fils, banquiers à Lyon, avec lettre d’avis. Souvenez-vous de vos promesses, et ne laissez point mourir votre frère d’inanition.

  1. Article de l’Encyclopédie, de Damilaville.
  2. 6266.
  3. Montillet.
  4. On lit dans les Mémoires secrets, au 29 mars 1766 : « Enfin l’Encyclopédie parait tout entière ; il y a dix nouveaux volumes. Par un arrangement bizarre, le libraire les a fait venir de Hollande aux environs de Paris, où ils sont imprimés, et c’est aux souscripteurs à les faire entrer ici à leurs risques, périls et fortune ;