Correspondance de Voltaire/1765/Lettre 6198

Correspondance : année 1765GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 44 (p. 149-150).

6198. — À M. DAMILAVILLE.
À Ferney, 25 décembre.

Mon cher frère, connaissez-vous ce proverbe espagnol : De las cosas mas seguras, la mas segura es dudar ; « des choses les plus sûres, la plus sûre est de douter ? » Comment voulez-vous que Mme du Deffant ait ces Mélanges[1] dont vous me parlez, puisqu’ils ne sont pas encore achevés d’imprimer ? Il est vrai que Mme du Deffant a une lettre sur Mlle de Lenclos ; c’est une épreuve du troisième volume, dont j’ai cru pouvoir la régaler, parce qu’elle me demandait avec la dernière instance de quoi l’amuser dans le triste état où elle est.

On ne vous a pas dit plus vrai sur les affaires de Genève. Les deux partis n’ont point promis de prendre les armes : il n’a jamais été question de pareilles extrémités. Tout s’est passé, se passe, et se passera avec la plus grande tranquillité ; et, si j’avais quelque vanité, je pourrais dire que je n’ai pas peu contribué à la bienséance que les citoyens ont gardée dans toutes leurs démarches.

On exagère tout, on falsifie tout, on m’attribue tous les jours des ouvrages que je n’ai jamais vus, et que je ne lirai point. Je me suis résigné à la destinée des gens de lettres un peu célèbres, qui est d’être calomniés toute leur vie.

Adieu, mon cher frère ; conservez votre santé. M. Boursier m’a mandé qu’il vous avait écrit[2].

Je crois qu’Helvétius a dû être bien étonné du prix que Jean-Jacques a mis à sa communion huguenote[3].

  1. Le volume dont il est parlé dans la note 4, page 85.
  2. C’est la lettre 6193.
  3. Voyez une note sur la lettre 6098.