Correspondance de Voltaire/1765/Lettre 6118

Correspondance : année 1765GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 44 (p. 70-71).

6118. — À M.  LE COMTE D’ARGENTAL.
23 septembre.

Or, mes anges, voilà donc mon ami Fabry agent par intérim de la parvulissime république de Genève. Mais, quand vous voudrez, vous m’enverrez les roués ; et, en attendant, permettez que je vous adresse ce petit mot pour le duc de Vendôme.

Je viens de lire le sublime Éloge de Descartes, par M. Thomas. J’aime mieux lire, je vous jure, le panégyriste que le héros. C’est un homme d’un rare mérite que ce Thomas ; et ni Thomas d’Aquin, ni Thomas Didyme, ni Thomas de Cantorbéry, n’approchent de lui.

Il avait bien voulu m’envoyer son ouvrage, et le paquet, contre-signé Praslin, était resté chez ce pauvre Montpéroux pendant sa dernière maladie.

Vous voyez donc bien que je reçois mes paquets contre-signés, à moins que les résidents ne soient morts, et que c’est pure malice si vous ne m’envoyez pas les roués, et pure malice encore si Lekain ne me fait pas tenir sa vieille Adélaïde : car, encore une fois, je suis très en peine de savoir laquelle des trois copies est la passable.

Vous vous souciez fort peu de savoir que l’impératrice de Russie, la bonne amie de l’abbé Bazin, voulait avoir des filles pour enseigner le français aux petites filles de son empire. Plusieurs étaient déjà parties. Le conseil de Genève a trouvé cela fort mauvais ; et, sans aucun respect pour l’impératrice, il a fait arrêter ces filles dans l’État de Berne, qui a favorisé leur enlèvement. L’auguste et ferme Catherine sera très-courroucée, et moi je le suis aussi. Cette action me paraît brutale et tyrannique. Je ne prends plus le parti du conseil genevois que pour mes dîmes.

Voici un placet pour Lekain, sur lequel je vous demande votre protection.