Correspondance de Voltaire/1765/Lettre 6085

Correspondance : année 1765GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 44 (p. 42-43).

6085. — À M. DUPONT.
16 auguste.

Mon cher ami, j’ai langui longtemps ; et je suis toujours étonné de vivre. Quand mes forces sont un peu revenues, Mlle Clairon est arrivée ; on a joué des tragédies sur mon petit théâtre de Ferney ; mon ermitage a été tout bouleversé. Je n’ai point écrit. Je réponds enfin à une ancienne lettre de vous, où vous me dites que vous mettez vos enfants dans l’Église. Je vous souhaite les biens de l’Église, à vous et à vos enfants ; mais je suis fâché qu’au lieu d’en faire des prêtres vous n’en ayez pas fait des hommes. La fortune force toujours nos inclinations. J’ai toujours le château de Montbéliard pour point de vue ; et vous pouvez être bien sûr qu’une de mes plus grandes consolations sera de vous y voir.

L’impératrice de Russie a écrit une lettre charmante au neveu de l’abbé Bazin[1], et m’a chargé de la lui rendre. Elle a fait présent de quinze mille livres à M. Diderot, et de cinq mille livres à Mme Calas ; le tout avec une politesse qui est au-dessus de ses dons. Vous voyez bien qu’elle n’a pas fait tuer son mari, et que jamais, nous autres philosophes, nous ne souffrirons qu’on la calomnie. Bonsoir, mon cher ami. Mme Denis vous fait mille compliments ; frère Adam aussi.


Voltaire.

  1. C’est la lettre 6059.