Correspondance de Voltaire/1765/Lettre 6071


6071. — À CATHERINE II[1],
impératrice de russie.
24 juillet 1765, près de Genève.

Madame, je n’ai pas manqué de chercher le neveu de l’abbé Bazin pour lui communiquer la lettre dont Votre Majesté impériale m’a honoré. C’est un homme retiré et obscur, mais votre gloire est venue jusqu’à lui ; elle lui est chère ; il connaît l’étendue de votre génie, de votre esprit, de votre courage. Il vous admire d’avoir su réduire les prêtres à être utiles et dépendants. Si je n’étais pas si vieux que je le suis, je demanderais à Votre Majesté la permission d’assister avec lui au premier carrousel qu’on ait vu dans vos climats. Falestris ne donna jamais de carrousel : elle alla cajoler Alexandre ; mais Alexandre serait venu vous faire sa cour.

On n’a point encore incendié le livre de l’abbé Bazin. On croit qu’il l’a composé dans vos États, car la vérité vient du Nord, comme les colifichets viennent du Midi.

Au reste, madame, le neveu Bazin m’a dit qu’il avait été très-attaché à Mme  la princesse de Zerbst, mère de Votre Majesté[2] ; il dit qu’elle était aussi fort belle et pleine d’esprit, et que, si elle vivait, elle serait prête à mourir de joie en voyant les succès de sa fille. Il y a un meilleur parti à prendre, c’est celui d’en être longtemps témoin. Que Votre Majesté impériale me permette de me joindre au petit Bazin pour me mettre à vos pieds.

Je suis avec un profond respect, madame, de Votre Majesté impériale le très-humble et très-obéissant serviteur.


Voltaire.

  1. Collection de Documents, Mémoires et Correspondances relatifs à l’histoire de l’empire de Russie, tome X, page 39.
  2. Voyez la note 4, tome XXXVII, page 26.