(tome 1p. 462-486).
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1830.


[À Son Excellence le Ministre de l’Intérieur[1].]


5 janvier 1830.

Je soussigné, ai l’honneur d’exposer à Son Excellence le Ministre de l’Intérieur les faits qui suivent.

Lorsqu’au mois de juillet dernier, la Comédie-Française voulut monter le premier drame que j’aie destiné au théâtre, Marion de Lorme, je demandai à M. de Martignac, alors ministre, d’être exempté de la juridiction censoriale, et de n’avoir à subir d’autre examen que la censure même du ministre, faveur qu’il avait déjà accordée à plusieurs auteurs dramatiques. Voici de quelle façon je lui expliquai, et verbalement et par écrit, le tort qu’il pourrait me faire en livrant ma pièce aux censeurs.

« Les censeurs dramatiques sont tous pris dans les rangs littéraires qui nous sont opposés ; ce qui honore le parti de la liberté de l’art auquel je me fais gloire d’appartenir. (Non que je veuille faire rejaillir sur toute l’ancienne école la faute de quelques-uns de ses membres, mais c’est un fait que je constate en passant.) Or, ces censeurs, auteurs dramatiques pour la plupart, tous défenseurs intéressés de l’ancien régime littéraire en même temps que de l’ancien régime politique, sont mes adversaires et au besoin mes ennemis naturels. Qu’est-ce qu’une pièce de théâtre non représentée ? C’est tout ce qu’il y a de plus fragile et de plus incertain au monde. Une scène, un vers, un mot, divulgués et travestis d’avance, peuvent, tous les théâtres le savent, tuer une œuvre dramatique avant même qu’elle ait vécu. D’où il résulte que la censure, qui est une vexation odieuse pour toutes les écoles, est pour nous, hommes de la liberté de l’art, quelque chose de pire encore, un piège, une embûche, un guet-apens. Il m’importerait donc que cinq ennemis avoués ne fussent pas avant la représentation dans le secret de ma pièce, et ne pussent en révéler d’avance les détails aux cabales intéressées à bien diriger leurs coups. Dans ma position, la pire de toutes les cabales, c’est la censure. »

Voilà ce que je disais au ministre d’alors. Ce qu’il avait accordé à d’autres, il jugea à propos de me le refuser. Ma demande fut rejetée.

Seulement, le ministre consentit à ne livrer Marion de Lorme qu’à un seul censeur, et me laissa le choix de ce censeur unique, que je n’eus pas cependant la faculté de choisir hors du bureau de censure. Je désignai un homme de lettres qui me parut offrir le plus de garanties, et avec qui j’avais eu des relations amicales avant qu’il fût censeur. Cet examinateur, comme il s’appelait, me fit de mes défiances contre la censure un reproche presque tendre. — Il concevait, disait-il, tous les inconvénients, tout le danger de vers divulgués, colportés, mutilés, parodiés avant la représentation d’un ouvrage dramatique, mais mes préventions contre la censure m’entraînaient trop loin. Les examinateurs dramatiques, continua-t-il, ne sont plus hommes de lettres. Chargés d’un rôle tout officiel, occupés seulement d’extirper les allusions politiques, ils ne savent pas, ils ne doivent pas même savoir quelle est la couleur littéraire de l’ouvrage qu’ils censurent. Hors de l’affaire ministérielle, ils n’ont rien à voir. Le censeur qui méchamment divulguerait les détails de l’ouvrage qu’il a censuré ne serait, et je cite ses propres expressions, ni moins indigne, ni moins odieux que le prêtre qui révélerait les secrets du confessionnal.

Voilà ce que me disait mon censeur d’alors. Certes, ce langage eût rassuré de moins entêtés que moi sur le compte des hommes et des choses de police. Cependant, M. de La Bourdonnaye survint au ministère, et Marion de Lorme fut proscrite. Fidèle à mes travaux de conscience et d’art, je tâchai de réparer de mon mieux le tort que me faisait le ministre. Je fis Hernani. La Comédie-Française mit sur-le-champ ce drame à l’étude. Il fallut le soumettre à l’examen du pouvoir. Je n’ai aucune faveur à demander au ministère actuel, j’envoyai donc mon drame à la censure, la prenant telle qu’elle est, sans réclamations ni précautions, mais non sans défiance. Je me rappelais cependant les protestations du censeur de Marion de Lorme, et je me disais, sans trop y croire, qu’il existe peut-être des gens qui savent faire honnêtement un métier peu honnête.

Or, depuis que Hernani a été communiqué à la censure, voici ce qu’il advient. Des vers de ce drame, les uns à demi travestis, les autres ridiculisés tout entiers, quelques-uns cités exactement mais artistement mêlés à des vers de fabrique, des fragments de scène enfin, plus ou moins habilement défigurés et tout barbouillés de parodie, ont été livrés à la circulation. Des portions de l’ouvrage, ainsi accommodées, ont reçu d’avance cette demi-publicité tant redoutée à bon droit des auteurs et des théâtres. Les artisans de ces louches manœuvres ont du reste pris à peine le souci de se cacher. Ils ont fait la chose en plein jour, et pour leurs discrètes confidences ils ont choisi tout simplement des journaux. Cela ne leur a pas suffi. Cette pièce qu’ils ont prostituée à leurs journaux, les voilà qui la prostituent à leurs salons. Il me revient de toute part (et il s’est formé à cet égard une espèce de notoriété publique que j’atteste), que des copies frauduleuses d’Hernani ont été faites, que des lectures totales ou partielles de ce drame ont eu lieu en maint endroit, et notamment chez un employé supérieur du ministère de M. de Corbière[2].

Or, tout ceci est grave.

Il est inutile de faire ressortir l’influence que de pareilles menées peuvent avoir, dans le calcul de leurs auteurs, sur un ouvrage dramatique dont le sort se décide en deux heures, et souvent sans appel.

Maintenant d’où peuvent venir ces menées ? Sur quel manuscrit d’Hernani ont pu être faites ces parodies, ces contrefaçons avec variantes, ces copies frauduleuses, ces furtives lectures ; Je prie le ministre de faire attention à ceci.

Il n’existe hors de chez moi que deux manuscrits d’Hernani. L’un est déposé au théâtre. C’est celui sur lequel on répète tous les jours. Dès que la répétition est terminée, ce manuscrit est renfermé sous triple clef. Personne au monde ne peut en avoir communication. Le secrétaire de la Comédie-Française, auquel, dès la réception de la pièce, les plus sérieuses recommandations ont été faites, le tient secret sous la responsabilité la plus sévère. L’autre manuscrit est à la censure.

Or, des contrefaçons circulent. D’où peuvent-elles venir ? je le demande de nouveau. Du théâtre, dont elles ébranlent les espérances, dont elles ruinent les intérêts, du théâtre où la circonspection la plus complète est observée, du théâtre où la chose est impossible, — ou de la censure ?

La censure a un manuscrit. Un manuscrit à sa discrétion, un manuscrit pour son bon plaisir. Elle en peut faire ce qu’elle veut. La censure est mon ennemie littéraire, la censure est mon ennemie politique. La censure est de droit improbe, malhonnête et déloyale. J’accuse la censure[3].

Je prie Son Excellence le Ministre de l’Intérieur de recevoir l’assurance du profond respect avec lequel je suis

Son très humble et très obéissant serviteur.

Victor Hugo[4].


À L. Vitet[5].

Vous êtes bien bon pour ces pauvres vers[6]. Faites-en tout ce que vous voudrez. J’attache le plus haut prix à l’approbation de vos amis du Globe, et donnez-leur ces strophes puisqu’ils les veulent. C’est de grand cœur que je les remets à leur disposition et c’est avec un vrai plaisir que je les sais aussi indulgents que vous. Mais je serai content surtout si vous m’en aimez un peu plus. Car après tout, c’est bien peu de chose, c’est un sou à la quête.

Votre ami,
Victor[7]
Ce 26 janvier [1830].


À Monsieur L. Vitet.

C’est encore moi, et c’est un petit service que je réclame de votre bonne amitié. Il serait ridicule que je parusse avoir moi-même communiqué ces vers au Globe. On peut donner un sou, mais il ne faut pas s’en vanter. Je présume que M. Dubois[8] aura de lui-même fait cette réflexion, mais en tout cas seriez-vous assez bon pour veiller à ce qu’il soit expliqué que c’est par une voie indirecte que ces strophes sont parvenues au Globe. Autrement il ne manquerait pas de gens pour dire que je n’ai fait cette espèce de bonne œuvre poétique (si pareille chose mérite un tel nom) que pour avoir occasion de la publier, et vous savez s’il en est quelque chose. Là est le péril, vous seriez bien bon de m’en préserver.

Pardon et merci. Je n’oublie pas que je dois vous aller prendre pour une répétition. Mais je veux attendre encore un peu. J’ai de la coquetterie pour mes acteurs.

À vous de cœur.
V. H.[9]
Ce 28 janvier.


À Monsieur L. Richard,
14, place du Louvre.


5 février 1830.

Vous me disiez il y a quelque temps, monsieur, chez notre ami commun Achille Devéria, qu’il était à votre connaissance que des lectures, soit partielles, soit totales d’Hernani, avaient eu lieu en plusieurs endroits et que vous teniez ces détails de quelqu’un qui avait assisté à l’une de ces lectures. Vous seriez bien bon et je serais bien reconnaissant si vous me transmettiez des détails plus précis, comme par exemple le nom de la personne chez qui la lecture se serait faite et celui du témoin oculaire qui vous en aurait parlé. S’il vous était possible de m’envoyer ce détail dans le délai le plus court, vous ajouteriez à la reconnaissance que je vous dois déjà pour d’autres preuves de bonne et cordiale amitié.

Votre bien dévoué,
Vor Hugo[10].
À Monsieur Paul Lacroix[11]


27 février [1830], minuit[12].

Mille fois merci, cher et bien excellent ami. Je vous reconnais bien à tout ce que vous faites pour moi. Je vous aurais voulu ce soir au théâtre. Vous auriez ri. La cabale classique a voulu mordre, et a mordu, mais grâce à nos amis elle s’y est brisé les dents. Le 3e acte a été rudoyé, ce qui sera longtemps encore, mais le 4e a fait taire, et le 5e a été admirablement, mieux encore que la première fois. Mlle  Mars a été miraculeuse. On l’a redemandée, et saluée, et écrasée d’applaudissements. Elle était enivrée.

Voilà, je crois, qui ira. Les deux premières recettes ont déjà 9 000 francs, ce qui est sans exemple au théâtre. Ne nous endormons pas pourtant. L’ennemi veille. Il faut que la troisième représentation les décourage, s’il est possible. Aussi, au nom de notre chère liberté littéraire, convoquez pour lundi tout notre arrière-ban d’amis fidèles et forts. Je compte sur vous pour m’aider à arracher cette dernière dent au vieux pégase classique. À mon aide, et avançons !

Je suis assailli de libraires. Envoyez-moi, je vous prie, M. Fournier. Ou bien écoutez ceci. Tout le monde me conseille de ne pas traiter moi-même, vu ma faiblesse et ma facilité en affaires d’argent. On m’engage à choisir un ami pour débattre avec les libraires. Cela vous ennuierait-il bien fort, cher ami, de me rendre ce service[13] ? en auriez-vous le temps ? êtes-vous d’avis surtout que la chose se fasse sans moi ? Votre conseil, votre bon conseil là-dessus.

Dites à votre excellent frère[14] que je compte sur lui pour lundi, quoique Hernani doive terriblement l’ennuyer. Il s’agit de la grande question, et non de moi.

À vous du fond du cœur.

Victor Hugo.

Mettez mes hommages respectueux aux pieds de Mme  Lacroix.


À Monsieur le baron Taylor.

La représentation de ce soir a été vivement défendue et applaudie, mon cher Taylor, et cela grâce au parti que j’ai dû prendre de ne pas diminuer le nombre de mes billets. Il faudrait du reste que je vous visse à ce sujet. Les acteurs sont tous unanimement d’avis que ce serait une grave imprudence de me restreindre du côté des billets que je donne. Notez que ce sont toujours nos mêmes amis qui viennent, et que cela par conséquent ne peut nuire aux recettes qui se maintiennent toujours au delà de 4 000 francs malgré vent et marée, ce qui est admirable. Tâchez donc de trouver un moment pour venir causer de tout cela avec moi. J’irais bien vous chercher, mais j’ai mille soins qui me clouent chez moi jusqu’à six heures tous les jours. Du reste, en attendant que je vous voie, je prendrai toujours les mêmes mesures, n’est-ce pas ? que pour les représentations passées.

Votre ami,
V. H.


10 mars, minuit.

Si vous avez quelque indication de billets mal distribués, mettez-moi sur la trace, vous me rendrez service, ainsi qu’au théâtre.

Je compte sur votre loge pour lundi. N’oubliez pas que cela n’importe

pas moins au théâtre qu’à moi[15].
À Armand Carrel[16].


Ce 15 mars 1830.

J’avais travaillé cette nuit jusqu’à cinq heures du matin et je dormais profondément quand monsieur Armand Carrel est venu[17]. Je regrette bien qu’on ne m’ait pas réveillé, et je le regrette non pour monsieur Carrel, mais pour moi. Je suis trop morose et trop timide à la fois pour que personne ait jamais grand souci de me connaître et pour que j’aie de mon côté grande envie de connaître les autres. Cependant ces occasions de rencontres avec d’autres hommes, que j’évite volontiers par goût de solitude et par tristesse de caractère, je les ai toujours désirées avec monsieur Carrel. Je ne vois pas pourquoi je n’en conviendrais pas ici, quelque avantage que cet aveu lui donne sur moi. Tout ce que je sais de lui, soit par ses ouvrages, soit par ses amis, la nature âpre et forte de son talent et de son caractère, cette vie pleine d’honneur et de courage, de si bonne heure disputée aux tribunaux politiques, tout, jusqu’à cette seule fois où j’ai causé avec lui chez Rabbe et où j’ai eu, m’a-t-on dit, le malheur de le blesser, animés que nous étions tous deux alors d’exaltation politique bien contraire, tout cela m’a inspiré depuis longtemps pour monsieur Carrel une de ces fortes sympathies qui d’ordinaire se résolvent tôt ou tard en amitié.

Et après tout, si opposés que nous puissions aujourd’hui nous sembler l’un à l’autre, peut-être y a-t-il entre nous plus d’analogie que monsieur Carrel ne le croit lui-même. J’ai lutté pendant qu’il luttait ; tandis qu’il remontait le courant politique, je remontais, moi, le courant littéraire. Nous avons été en quelque sorte proscrits en même temps. Seulement son affaire a été plus sérieuse que la mienne, et partant bien autrement belle. Je n’ai été mis hors la loi que par l’Académie.

Voilà du reste huit ans que je supporte la chaleur du jour, huit ans que je poursuis ma tâche, sans m’en laisser distraire par le soin de ma défense personnelle contre mille attaques qui n’ont cessé de pleuvoir sur moi chaque jour. À une époque où tout se fait par les salons et par les journaux, j’ai commencé et continué ma route sans un salon, sans un journal. Toute mon affaire a été de solitude, de conscience et d’art. Et je prie monsieur Carrel de faire attention à ceci : destiné à une grande fortune sous l’Empire, l’Empire et la fortune m’ont manqué. Je me suis trouvé à vingt ans marié, père de famille, n’ayant pour tout bien que mon travail et vivant au jour le jour, comme un ouvrier, tandis que Ferdinand VII mangeait mon revenu englobé dans les siens par le séquestre. Or, depuis cette époque, et la chose est peut-être assez rare pour que je m’en glorifie, obligé de vivre et de faire vivre les miens avec ma plume, je l’ai maintenue pure de toute spéculation, libre de tout contrat mercantile. J’ai fait bien ou mal de la littérature, et jamais de la librairie. Pauvre, j’ai cultivé l’art comme un riche, pour l’art, avec plus de souci de l’avenir que du présent. Obligé par le malheur des temps de faire à la fois une œuvre et une besogne, je puis dire que jamais la besogne n’a taché l’œuvre.

Voilà ce que j’eusse dit, avec détail et parce qu’un homme comme lui en vaut la peine, à monsieur Armand Carrel, si j’avais eu l’honneur de le voir. Il est du reste la première personne pour qui j’aie entr’ouvert de la sorte la porte de ma vie intérieure, et je le prie, quoi qu’il pense de cette lettre, de la tenir secrète entre nous deux.

Quant à Hernani, nous en voilà maintenant bien loin, nous voilà, ce me semble, bien plus haut. Je m’occupe beaucoup plus dans cette affaire de monsieur Armand Carrel que du National. Je sais que les journaux peuvent nuire ou servir matériellement ; mais voilà ma vie assurée pour dix-huit mois, et par conséquent le côté matériel de l’affaire m’inquiète peu. Je ne suis pas fâché du reste, en y réfléchissant, de n’avoir point vu monsieur Armand Carrel puisqu’il a encore un article à faire[18]. Je n’aurais pas voulu qu’il me supposât l’intention de l’influencer, et j’espère qu’il n’en a pas eu la pensée. Plus tard, s’il le veut bien, j’irai le chercher, et, quel que soit son article, lui serrer la main.

Quel que soit son article, dis-je, car je lui en saurai toujours un gré extrême. Sévère, il me plaira par sa franchise ; bienveillant, rien ne saurait m’être plus précieux, car l’estime d’un homme supérieur redonne force et courage contre les hommes médiocres.

Victor Hugo[19].
MM. Abel Desjardins, Lacau, Duberthier, Doudeau, Méchain,
étudiants en droit[20].


16 mars 1830.

De grand cœur, messieurs ; toutes les âmes jeunes sont généreuses, c’est à elles de décider entre mes ennemis et moi. Je me mets avec confiance entre vos mains.

Victor Hugo.


2e galerie.                                                  Entrée par la petite porte
——                                                          à côté de Mme  Chevet,
Cinq entrées.                                               entre quatre et cinq heures.


Monsieur le Proviseur du Collège Bourbon[21],
à Paris.


[Timbre postal : mars 1830.]
Monsieur le Proviseur,

J’ai été vivement touché de la bonté que MM. les élèves du Collège Bourbon ont eue de demander à la Comédie-Française une représentation du drame d’Hernani. Rien ne pouvait plus me flatter que cette marque de sympathie de la jeunesse pour laquelle je travaille et à laquelle j’appartiens. J’en éprouve une véritable reconnaissance, et je vous prie. Monsieur le Proviseur, de vouloir bien en être l’interprète près de messieurs les élèves du Collège Bourbon. Je vous serai personnellement obligé si vous avez la bonté de leur transmettre mes sincères et vifs remerciements.

J’ai l’honneur d’être avec une parfaite considération, Monsieur le Proviseur,

Votre très humble et très obéissant serviteur,
Vor Hugo.
Monsieur Sainte-Beuve,
chez M. Ulric Güttinger, rue Fontenelle, Rouen.


Paris, dimanche, 16 mai 1830.

Vous connaissez toute ma paresse, mon ami, mais il me paraît que vous ne connaissez pas toute mon amitié, puisque vous supposez que j’accepterai votre dispense d’écrire. Je ne sais qu’une raison qui pourrait me déterminer à ne pas vous écrire, c’est la pensée que la privation de mes lettres contribuerait à abréger votre absence, et vous ramènerait quelques jours plus tôt. Mais Güttinguer[22] est avec vous, et si douce compagnie comble tous les vides de votre cœur, heureusement pour vous, malheureusement pour moi.

Si vous saviez, vous, combien vous nous avez manqué dans ces derniers temps ! combien il y a eu de vide et de tristesse pour nous, même en famille comme nous vivons, même au milieu de nos enfants, à emménager ainsi sans vous dans cette déserte ville de François Ier[23] comme, à chaque instant, vos conseils, votre concours, vos soins nous manquaient, et, le soir, votre conversation, et toujours votre amitié ! C’est fini. L’habitude est prise dans le cœur. Vous n’aurez plus désormais, j’espère, la mauvaise volonté de nous quitter, de nous déserter ainsi. Voilà une épreuve qui sera bonne, en cela, du moins, que vous n’en tenterez plus d’autre, et la Normandie nous sauvera de la Grèce[24].

Du reste, nous sommes matériellement bien ici, parfaitement même. Des arbres, de l’air, un gazon sous notre fenêtre, de grands enfants dans la maison pour jouer avec nos petits, M. de Mortemart très aimable qui nous accable d’attentions et de journaux, beaucoup de solitude, plus de Hernanistes, tout serait bien, n’étaient ces deux chambres vides qui font vide pour nous tout le reste de la maison.

Je fais même des vers. Et, à ce propos, votre seconde lettre m’a désappointé. Boulanger était parti pour Rouen ces jours passés. Je croyais qu’il vous y avait vu, et, là-dessus, me voilà, sous les grands arbres des Champs-Élysées, faisant vers sur vers à Sainte-Beuve et à Boulanger, mon peintre et mon poëte, tous deux absents, tous deux à Rouen. Et puis vient une lettre de vous, qui ne me dit rien de Boulanger, et renverse de fond en comble mes deux élégies ! Jugez.

Adieu, mon ami, nous vous embrassons tous et je vous embrasse pour tous. Mais revenez bien vite. Tout ceci aussi pour notre Güttinguer.

Vous avez eu un charmant article de Nisard[25]. Je lui ai écrit pour vous[26].


À Monsieur Sainte-Beuve,
19, rue Notre-Dame-des-Champs.


Ce vendredi soir [4 juin 1830].

Nous y étions, cher ami ! Jugez du chagrin ! — Nous avons des portiers stupides. Ne les écoutez jamais, et montez toujours. — À dimanche, n’est-ce pas ? bien sûr ! Vous devriez venir dîner avec nous.


Monsieur David[28].
20, rue de Vaugirard.


Voilà, cher ami, ce que je vous dois depuis si longtemps. Il y a deux exemplaires pour que la copie vous aide à déchiffrer l’original. J’espère avant la fin de l’année vous les envoyer imprimés[29].

Ce sera une joie pour moi de faire lire à tous que je vous admire et que je vous aime.

Victor.
Juin 21[30].


À Lamartine.


12 juillet 1830.

Vous verrez par la date de ces vers, mon ami, qu’il y a longtemps qu’ils sont faits[31]. Toutes sortes de motifs dont je ne saurais me rendre compte à moi-même, d’abord la paresse de les copier, puis, quand ils ont été copiés, je ne sais quel dégoût, je ne sais quel ennui de moi-même m’ont fait ajourner de semaine en semaine l’envoi que je voulais vous en faire. Les voici enfin. Ne les lisez pas. Voyez-y seulement une marque de ma fidèle, profonde et cordiale amitié.

Voilà les élections à peu près finies. Vous devez en être sorti. J’ai peur que vous ne soyez plus à Mâcon. Vous êtes peut-être déjà parti pour votre promenade annuelle aux eaux d’Aix. À tout hasard, j’adresse cette lettre à Mâcon. Je vous parlerai en détail de vos Harmonies quand vous serez de retour à Paris. Je pense que vous comptez assez sur moi pour être sûr qu’elles n’auraient pas de défenseur plus ardent, si elles avaient besoin de défenseur. Mais le temps de la lutte est heureusement passé pour vous. Vos Harmonies sont applaudies de tous, et c’est justice.

Seulement, j’ai souri plus d’une fois de voir aujourd’hui parmi vos porte-bannières les anciens blasphémateurs de Childe-Harold et des Secondes méditations.

Quant à moi, je vous dirai à vous ce que je dis à tous : vos Harmonies, c’est toujours vous. Génie, génie et génie ! Il faudra cependant que je vous dise aussi mes scrupules, que je vous fasse mes chicanes, puisqu’il paraît que c’est aujourd’hui de bon goût en amitié d’avoir ses restrictions, et qu’on appelle cela dire la vérité. Notre siècle et notre pays surtout sont ainsi faits. L’envie et la jalousie étant au fond de tous les esprits à peu près, on en veut même entre amis. Sans un petit assaisonnement de soulignures et de critiques, l’amitié la plus vraie paraît au bon public fadeur et duperie. Michel-Ange renaîtrait qu’on exigerait de lui qu’il critiquât Raphaël ; et nous ririons de cette sublime adoration de Beethoven pour Mozart. Je me conformerai donc à cette belle loi générale. Mais je vous préviens qu’elle me fait pitié.

Devéria a fait un portrait de vous que j’ai trouvé beau et que je lui ai conseillé de publier. C’est une grave et noble figure qui débarbouillera l’idée étrange que le public devait se faire de vous d’après tous les petits portraits coquets, mignards et décolletés qui couvraient vos éditions.

Adieu. Aimez-moi, vous aimerez un ami.

Victor Hugo.

Ma femme, qui est sur le point d’accoucher, fait mille amitiés à madame

de Lamartine, aux pieds de laquelle vous me mettrez, s’il vous plaît[32].
À Charles Nodier.


Ce 28 juillet 1830, au matin.

Le bon Dieu vient de m’envoyer un grand bonheur, cher Nodier ; ma femme est heureusement accouchée cette nuit d’une grosse fille joufflue et bien portante[33]. Prenez donc votre part de cette joie comme je veux prendre la mienne de toutes les vôtres.

Informez Mme  Nodier de notre bonheur, et dites à Mlle  Marie[34] qu’il lui est né une petite sœur.

Adieu, mon ami, que j’espère bientôt voir. Je suis bien content de ma petite fille. Voilà enfin un de mes ouvrages qui promet de vivre.

Victor.


À Monsieur Sainte-Beuve,
chez M. Ulric Güttinger, à Rouen.


4 août [1830[35]].

Je vous écris ces deux mots à la hâte, cher ami. Nous sommes tranquilles maintenant. La population de Paris s’est admirablement conduite pendant le combat et après la victoire. Espérons que tout ira bien.

Je vais faire mon service de la garde nationale.

Je vous aime plus que je ne puis dire.

Victor.

Embrassez pour moi Güttinguer[36]


À Charles Nodier.


4 août [1830].

Merci, et merci mille fois, cher ami. Nous sommes tranquilles ; tout va bien jusqu’ici et tout ira bien, je l’espère. La population de Paris se conduit admirablement, mais il faut se hâter d’organiser quelque chose.

Embrassez pour moi tous les vôtres.

Votre ami à toujours.
Victor H.
À Monsieur Adolphe de Saint-Valry.


Paris, 7 août 1830.

Merci, cher ami, de votre bonne et amicale lettre. Voilà comme il faut toujours nous écrire et toujours nous aimer. Entre vieux amis comme nous, on n’en est pas aux coquetteries, mais aux bonnes, solides et cordiales affections. Nous n’avons eu du reste qu’à nous louer de votre excellente mère. Elle m’a offert l’hospitalité chez elle, mais je n’ai pas dû accepter, et je n’ai pas accepté. Nous étions toute une maisonnée : trois enfants, deux domestiques, une femme prête à accoucher. Trop est trop, et raisonnablement nous ne pouvions descendre qu’à l’auberge. Et puis votre petite ville de Montfort-l’Amaury est si étrange que je ne sais pas en conscience (ceci entre nous et pour en rire), si je n’aurais pas un peu compromis votre bonne mère avec ma double réputation de libéral politique et de libéral littéraire. Savez-vous que ces braves gens en sont encore à la lune de miel royaliste de 1815, et que quand ils ont dit que M. un tel est libéral, ils ont dit leur plus grave injure et sont au bout de leur indignation ? Jugez ce qu’ils devaient penser de moi, — de moi qui venais interrompre brutalement leurs embrassades et leurs congratulations des ordonnances Polignac en leur disant : Paris a jeté bas les faiseurs de coup d’état. Plus de Polignac[37], plus même de Bourbon ! et ministère et dynastie, l’un coupable, l’autre aveugle, n’ont que ce qu’ils méritent ! — C’était tomber au milieu d’eux comme une bombe de Paris, comme un drapeau tricolore, comme un bonnet rouge. Je ne sais vraiment pas si je n’ai point dû avoir quelques craintes ; on m’avertissait dans l’oreille de ne pas parler, d’être prudent. C’était risible. Vous comprenez maintenant que si j’étais descendu chez votre mère, elle était perdue à tout jamais dans l’esprit de la petite bonne société monarchique de Montfort. Du moins, je n’ai compromis que l’auberge. Elle en perdra peut-être son enseigne de la Fleur de lys.

Nous voici maintenant de retour ici, mon cher ami, contents, mais inquiets ; du reste pensant à vous et vous aimant toujours, ayant foi à l’avenir et foi en vous.

Victor.
À Monsieur Alphonse de Lamartine,
à son château de Saint-Point, près Mâcon.


Paris, 7 septembre 1830.

Entre votre lettre et cette réponse, mon cher ami, il y a une révolution. Le 28 juillet, au moment où j’allais vous écrire, la canonnade m’a fait tomber la plume des mains. Depuis, dans ce tourbillon qui nous enveloppe et nous donne le vertige, il m’a été impossible de rallier trois pensées de poésie et d’amitié. La fièvre prend toutes les têtes et il n’y a pas moyen de se murer contre les impressions du dehors ; la contagion est dans l’atmosphère, elle vous gagne malgré vous : plus d’art, plus de théâtre, plus de poésie en un pareil moment. Les Chambres, le pays, la nation, rien que cela. On fait de la politique comme on respire.

Cependant, ce tremblement de terre passé, j’ai la conviction que nous retrouverons notre édifice de poésie debout et plus solide de toutes les secousses auxquelles il aura résisté. C’est aussi une question de liberté que la nôtre, c’est aussi une révolution : elle marchera intacte à côté de sa sœur la politique. Les révolutions comme les loups ne se mangent pas.

Votre lettre m’a ravi. C’est de bien bonne, douce et cordiale prose, mais j’attends les vers maintenant. N’oubliez pas que vous me les avez promis.

Adieu. Où êtes-vous ? que faites-vous ? quand revenez-vous ? Moi j’avais mes inquiétudes domestiques au milieu de cette révolution sociale. Ma femme était en mal d’enfant pendant que les balles brisaient les ardoises de notre toit. Elle est accouchée, et j’ai quatre enfants à l’heure qu’il est.

Tout cela va bien. Tout cela vous aimera et vous admirera un jour comme je vous aime et vous admire.

Victor Hugo.
Mettez-moi aux pieds de madame de Lamartine.
À Victor Pavie.


17 septembre 1830.

Merci de votre bonne lettre, mon cher Pavie. Je suis heureux de savoir que vous vous portez bien, que vous avez retrouvé bien portants votre bon père, votre bon frère, et que vous pensez toujours un peu à moi dans l’étourdissement des vacances. Ce que vous me dites de ces vers[38] me va au cœur. Je les avais faits pour que vous les sentissiez ainsi. Dites à notre ami Théodore[39] qu’il a sa part de votre vive et belle imagination. Ce que j’ai lu de lui dans le Feuilleton m’a enchanté.

Ma femme est bellement accouchée, un peu après la mitraille et la canonnade, d’une petite fille à petite bouche, dont Sainte-Beuve est le parrain, que nous nommons Adèle et que nous baptisons dimanche. Nous boirons à votre santé.

Moi, cependant, je suis plongé jusqu’au cou dans Notre-Dame. J’empile page sur page, et la matière s’étend et se prolonge tellement devant moi à mesure que j’avance que je ne sais si je n’en écrirai pas la hauteur des tours.

Quant à Marion de Lorme, j’attends que le théâtre se réorganise, et je compte bien que vous serez à Paris. Vous savez que vos applaudissements sont la douceur de mes succès, si succès il y a.

À vous, toujours à vous et aux vôtres.

Victor.


À Victor Cousin[40],
14, rue d’Enfer-Saint-Michel[41].


23 7bre 1830.

Il s’est passé bien des choses, mon cher et honorable ami, depuis que je ne vous ai vu, et parmi celles que j’ai le plus applaudies, votre promotion au conseil de l’Instruction publique n’est pas le moins excellent résultat de notre excellente révolution. Vous êtes du nombre des hommes qui représentent le mieux la pensée du temps, il est bon et juste que vous ayez accès au pouvoir qui dérive de cette pensée et qui ne doit pas oublier son origine s’il veut vivre.

J’ai voulu tous les jours aller vous dire combien je nous félicitais de votre nomination, mais le loisir me manque à un tel point que j’ai compté pour m’excuser sur votre bonne et indulgente amitié. D’ailleurs vous devez être assiégé d’une nuée de solliciteurs, et un ami a mauvaise grâce dans cette cohue. Je viens pourtant m’y mêler aujourd’hui, et c’est en qualité de solliciteur que je vous écris, non pas pour moi, comme vous pensez bien, je n’ai rien à demander au pouvoir que ma part de liberté, c’est-à-dire ma place au soleil de notre commune régénération ; mais pour un homme qui mérite au plus haut point votre bienveillance. Je ne vous dirai pas qu’il existe entre lui et moi des liens de parenté, ce qui importe peu ; mais je vous dirai que c’est un ancien et utile professeur, qu’il est tout chargé de médailles votées et frappées pour lui par les villes où il a enseigné, et qu’il me paraît éminemment propre à la place qu’il sollicite aujourd’hui (celle de secrétaire de l’Académie de Nancy ou Besançon). C’est du reste un homme tout à fait distingué par son éducation et sa fortune ; et il me semble que ce serait pour l’Université un collaborateur digne, indépendant et désintéressé. Permettez-moi donc de vous recommander vivement et spécialement M. Georges.

Maintenant il ne me reste plus qu’à vous serrer la main, et bien cordialement.

Vor Hugo.


Je vous rappelle toujours que vous m’aviez promis avant la révolution de venir un jour dîner avec moi. J’espère que cette promesse n’est pas une des choses qui ont péri dans la chute des Bourbons, et je vous somme de la remplir. Venez le jour que vous voudrez, à six heures. Nous prévoyons

toujours la survenue d’un ami dans notre solitude des Champs-Élysées[42].
À Monsieur Froidefond des Forges,
commandant le 4e bataillon de la 1re légion de la garde nationale de Paris.


Paris, 7 octobre 1830.
Monsieur le commandant et cher camarade,


La lettre que vous me faites l’honneur de m’écrire me surprend fort.

Le principe de tout grade dans la garde nationale, c’est l’élection.

Le pouvoir du général en chef lui-même est subordonné à l’élection, et aurait dû, selon moi, être soumis à la ratification des légions.

J’ai été nommé, par la libre élection de mes concitoyens de la première légion, sous-lieutenant secrétaire adjoint du conseil de discipline.

Vous-même avez proclamé ma nomination en présence de tous les électeurs qui venaient d’y concourir.

Je suis donc sous-lieutenant secrétaire adjoint du conseil de discipline par le fait souverain de l’élection.

Le grade et l’emploi sont indivisibles. Ils viennent de la même source, ils ont la même valeur.

Or, votre lettre m’apprend aujourd’hui que je suis maintenu secrétaire du conseil en cessant d’être officier.

Et que cela résulte d’une décision du général en chef.

Il y a ici évidemment erreur, surprise de la religion du général en chef, usurpation de pouvoir qui ne peut venir du plus illustre et du plus ancien champion de la liberté[43].

Une décision, fût-elle du général en chef, fût-elle du roi, ne peut casser une élection.

Une élection est chose sacrée, irréfragable, souveraine. L’élection, principe actuel de tous les pouvoirs, ne dépend d’aucun.

Que ce soient les galons de sergent ou les épaulettes de colonel, tous les grades de la garde nationale sont égaux en valeur intrinsèque. Tous partent du même principe. Tous doivent être également précieux aux citoyens qui les reçoivent. Il ne leur est pas permis de laisser porter la moindre atteinte à la commission que leurs concitoyens leur ont conférée. C’est un dépôt qu’ils tiennent de l’élection et qu’ils ne peuvent remettre qu’à l’élection, mais intact et vierge de toute lésion.

Voilà de grands principes à propos d’une petite affaire. Mais aujourd’hui tout se tient. Couronne du roi, épaulette du sous-lieutenant ont une consécration pareille, celle de l’élection. Elles émanent également de la souveraineté populaire.

Il y a aujourd’hui violation du principe en ma personne. Le choix de mes concitoyens m’a conféré un grade et un emploi. Il n’est pas de pouvoir au monde qui puisse scinder la commission, et retenir le grade en laissant l’emploi.

Une loi est à intervenir. Nous en discuterons tous les bases. En attendant, tenons-nous-en à la rigueur du principe.

Je déclare que je suis inviolablement pourvu du grade dont vous-même m’avez proclamé revêtu et que prétend révoquer la décision dont vous me faites l’honneur de me prévenir. Cette décision est, de fait comme de droit, nulle et non avenue. Je proteste contre cette décision. Et je vous prie de vouloir bien en provoquer la prompte révocation du général en chef. La publicité d’un pareil fait pourrait être fâcheuse.

Je suis persuadé que notre illustre général me saura gré de cette protestation. Elle prouve ma confiance sans bornes dans sa fidélité aux principes. En appelant son attention aujourd’hui sur une décision qui lui a été surprise, en y résistant au besoin de toutes mes forces, j’agis comme il agirait à ma place. Je me montre, autant qu’il est en moi, son élève. Maintenir le droit de tous est le devoir de chacun. Je vous prie de vouloir bien faire mettre cette lettre sous les yeux du général en chef.

J’ai l’honneur d’être, avec un cordial attachement, monsieur le commandant et cher camarade, votre obéissant serviteur.

Victor Hugo,
Sous-lieutenant secrétaire adjoint
du conseil de discipline, 1re légion, 4e bataillon[44].


À Victor Cousin,
Membre du Conseil de l’Instruction publique[45].


Je viens, mon cher et honorable ami, vous rappeler la promesse que vous m’avez bien voulu faire. Si je n’étais assez malade, c’est en personne que j’irais vous en entretenir. Voici ce dont il s’agit. Vous avez été assez bon pour me faire espérer une chaire de philosophie en province pour M. Noël[46], avocat. C’est un jeune homme très lettré et de la plus réelle distinction. C’était un de vos auditeurs les plus assidus. L’occasion se présente aujourd’hui d’acquitter la bonne parole que vous m’avez donnée. La chaire de philosophie est vacante au collège de Saint-Omer. M. Agnaut, principal du collège, est précisément le beau-frère de M. Noël. Il l’a présenté comme candidat. J’appuie donc sa demande près de vous de la manière la plus instante, et, n’est-ce pas, avec tout espoir de succès. J’attends de votre amitié un mot de réponse. M. Noël est en ce moment en vacance chez ses parents à Calais. Est-il nécessaire, pour le succès de sa demande, qu’il vienne à Paris ? Si l’on pouvait sans inconvénient lui épargner ce déplacement, soyez assez bon pour me le dire. Mais surtout, puisque sa nomination dépend de vous, répondez-moi un bon oui. Je vous assure que jamais vous n’aurez donné emploi à un esprit plus grave, plus intelligent, plus laborieux, plus sincère. C’est un service de plus que vous rendrez aux lettres et à l’enseignement et je vous saurai gré de cette nomination du fond du cœur.

Votre ami,
Vor Hugo[47].
9, rue Jean-Goujon, Champs-Élysées.
Paris, 3 novembre 1830.



À Sainte-Beuve,


[4 novembre 1830.]

Je viens de lire votre article sur vous-même[48] et j’en ai pleuré. De grâce, mon ami, je vous en conjure, ne vous abandonnez pas ainsi. Songez aux amis que vous avez, à un surtout, à celui qui vous écrit ici. Vous savez ce que vous êtes pour lui, quelle confiance il a en vous pour le passé comme pour l’avenir. Vous savez que votre bonheur empoisonne[49] à jamais le sien, parce qu’il a besoin de vous savoir heureux. Ne vous découragez donc pas. Ne faites pas fi de ce qui vous fait grand, de votre génie, de votre vie, de votre vertu. Songez que vous nous appartenez, et qu’il y a ici deux cœurs dont vous êtes toujours le plus constant et le plus cher entretien.

Votre meilleur ami,
V.
Venez nous voir[50].
À Louis Noël[51].


[6 novembre 1830.]

Vous avez raison de compter sur mon amitié ; elle vous appartient en effet ; elle est à vous, vraie, cordiale, profonde. Du jour où je vous ai vu, ma sympathie vous a appartenu ; du jour où je vous ai connu, mon amitié vous a été acquise. Vous êtes, il est vrai, d’une noble, digne et excellente nature ; vous êtes fait pour être aimé sur une base d’estime.

Je vous remercie de la lettre que vous m’avez écrite, et qui nous a été au cœur. Ma femme en a été touchée aux larmes.

Cousin m’écrit que votre nomination est signée... J’ai voulu être le premier à vous l’apprendre. C’est une joie pour moi de penser que mon nom va se mêler à quelque chose d’heureux pour vous. C’est un chagrin aussi quand je pense que j’aurai contribué à vous éloigner de Paris. Mais patience ! je contribuerai, je l’espère, à vous y faire revenir. En attendant, soyez régent de philosophie et surtout philosophe.

Votre ami,
Victor Hugo[52]


À Madame Benjamin Constant.


6 novembre 1830.
Madame,

Votre malheur privé est une calamité publique. La perte qui vous frappe nous frappe tous. Permettez-moi de vous dire qu’il y aura demain au convoi de cet homme illustre au milieu du peuple qui le pleurera un cœur bien profondément affligé. Ce sera le mien, madame. Je n’ai vu que trop peu de fois M. Benjamin Constant[53]. Cependant, je crois pouvoir dire que je l’ai bien connu. C’était une de ces grande âmes qui tiennent trop de place dans un siècle pour que tous les regards, même les plus perdus dans la foule, n’en admirent pas souvent la hauteur, n’en étudient pas constamment les proportions.

Pardonnez-moi, madame, de vous troubler dans votre affliction. Parmi toutes les voix importantes qui s’élèveront pour le glorifier et pour vous consoler, c’est bien peu de chose pour vous et pour lui qu’une voix de plus, qu’une voix obscure, qu’une voix de la foule. Mais j’avais besoin que quelque chose de ma douleur arrivât jusqu’à la vôtre. Et puis je ne suis pas de ceux qui prétendent à vous consoler, madame. Ce malheur nous est tellement propre à tous que j’aurais besoin moi-même de consolation.

Une chose cependant doit, non pas diminuer votre douleur, mais la calmer, s’il est possible, en l’agrandissant, c’est la pensée qu’en France, en Europe, dans le monde entier, tous les yeux ouverts à la lumière pleureront Benjamin Constant avec vous. Il laisse deux veuves, vous et la France.

J’ai l’honneur d’être, madame, avec un profond respect, votre très humble serviteur.

Victor Hugo[54]


À Madame la Duchesse d’Abrantès[55].

Vous me comblez, Madame. Les petites images sont charmantes, la statuette est charmante, la lettre est plus charmante encore. Vous écrivez comme vous parlez, une lettre de vous, c’est vous. C’est spirituel, c’est suprême, c’est bon.

J’avais donné ce chiffon de papier à mon père. Il m’est revenu dans sa succession. Permettez-moi de le mettre à vos pieds. C’est le manuscrit de l’Ode à la Colonne. À qui l’offrirais-je si ce n’est à vous ? Vous êtes une de nos duchesses militaires, et femme du premier ordre en outre, ce qui ne gâte rien. Soyez donc assez bonne pour garder ce griffonnage en souvenir de moi.

J’y joins votre Album, sur lequel je transcris une des strophes de l’Ode.

Maintenant il faut que vous soyez assez aimable pour venir dîner avec nous ainsi que messieurs vos fils, jeudi 19 décembre. Je vous ferai dîner avec l’excellente famille de Bernard de Rasmont qui vous aime et qui vous admire. Répondez-moi un bon oui pour tous les trois. — À six heures.

Adieu. À bientôt, madame la duchesse. Si jamais je vous envoie sous enveloppe l’amitié profonde que j’ai pour vous, je n’écrirai pas dessus : fragile. J’irai vous voir dès que je serai sorti d’un travail infernal qui m’obsède en ce moment, et je mettrai tous mes hommages les plus dévoués à vos pieds.

Victor Hugo.
8 décembre.

Je parlerai à M. le duc d’Abrantès[56] de son livre où il y a d’excellentes qualités de toute sorte et un véritable avenir[57].


À Sainte-Beuve.


Le 8 décembre 1830.

Pouvez-vous croire que je parle de vous légèrement ? J’ai pu vous dire inconstant[58] pour des affaires d’art ou autres misères, mais point pour des affaires de cœur. N’ensevelissons point notre amitié[59] : gardons-la chaste et sainte, comme elle a toujours été. Soyons indulgents l’un pour l’autre, mon ami. J’ai ma plaie, vous avez la vôtre[60] ; l’ébranlement douloureux se passera. Le temps cicatrisera tout ; espérons qu’un jour nous ne trouverons dans tout ceci que des raisons de nous aimer mieux. Ma femme a lu votre lettre. Venez me voir souvent. Écrivez-moi toujours.

Songez qu’après tout, vous n’avez pas de meilleur ami que moi.


À Sainte-Beuve.


24 décembre [1830].

Vous faites bien de m’écrire, mon ami, vous faites bien pour nous tous. Nous lisons vos lettres ensemble ma femme et moi, et nous parlons de vous avec une profonde amitié. Les temps que vous me rappelez sont pleins de douceur[62]. Croyez-vous qu’ils ne reviennent jamais ? Moi, je l’espère. Allez, j’aurai toujours joie à vous voir, joie à vous écrire. Il n’y a dans la vie que deux ou trois réalités, et l’amitié en est une. Mais écrivons-nous, écrivons-nous souvent. Ce sont nos cœurs qui continuent à se voir. Rien n’est rompu.

Victor[63].


À Monsieur David[64].


Toujours admirable, mon cher David ! Je ne sais laquelle de vos six nouvelles médailles est la plus belle. Je vais de l’une à l’autre, et ne saurais choisir. Votre Béranger[65] est superbe. Votre Byron est toute une nouvelle manière qui lutte de beauté avec la première. Il me tarde de vous voir et de vous dire toute ma pensée autrement qu’avec du papier. Je finis comme j’ai commencé. C’est admirable.

V. H.
Ce 25 Xbre[66].


  1. Le comte de Montbel.
  2. M. de Corbière quitta le ministère de l’Intérieur en janvier 1828, mais Victor Hugo parle ici d’un personnage ayant fait partie du ministère en 1827.
  3. L’un des censeurs, M. Brifaut, sans doute blâmé par le ministre, se défendit dans une lettre au Rédacteur du Moniteur, 6 mars 1830.
  4. Brouillon. Archives de la famille de Victor Hugo.
  5. Ludovic Vitet, critique d’art, homme politique, académicien, se destinait à l’enseignement qu’il quitta pour les lettres et entra au Globe en 1826. En 1831 il devint inspecteur des monuments historiques, puis secrétaire général du ministère du Commerce et conseiller d’État. Élu par l’Assemblée législative il siégea à l’extrême droite et fut, le 2 décembre 1851, nommé vice-président par l’assemblée qui essaya d’organiser la résistance au coup d’État. Il abandonna, pendant l’empire, la politique et se consacra aux études d’histoire, d’art et d’archéologie. Ses relations cordiales avec Victor Hugo cessèrent à partir du moment où le poète se rallia à la république.
  6. Le comité de secours de Canteleu avait demandé à Victor Hugo, par l’entremise de l’un de ses organisateurs, L. Vitet, des vers dont on vendrait des exemplaires imprimés pour venir en aide à des milliers d’ouvriers normands réduits au chômage et à la misère. Victor Hugo écrivit ces vers et les envoya à Vitet qui lui demanda l’autorisation de publier d’abord dans le Globe cette poésie intitulée alors l’Aumône et insérée en 1831 dans les Feuilles d’Automne sous le titre : Pour les pauvres. Le Globe la fit paraître le 3 février 1830 sous le titre : Pour les pauvres ouvriers de Bapaume et de Decauville.
  7. Collection de Mme  Aubry-Vitet.
  8. Directeur du Globe, qu’il avait fondé en 1824 avec Pierre Leroux.
  9. Docteur Parturier. Bulletin du Bibliophile, 1933. Collection de Mme  Aubry-Vitet.
  10. Collection Louis Barthou.
  11. Bien connu sous le pseudonyme de bibliophile Jacob, Paul Lacroix publia de nombreux romans historiques, plusieurs ouvrages de bibliographie et des études sur Rabelais, Ronsard, etc.
  12. En rentrant de la seconde représentation d’Hernani.
  13. Le contrat pour l’édition d’Hernani, contrat signé par l’éditeur Marne et Victor Hugo, fait partie de la collection Lacroix que conserve la bibliothèque de l’Arsenal. Lacroix aurait accepté de défendre les intérêts de Victor Hugo.
  14. Jules Lacroix, poète, romancier, et traducteur de plusieurs ouvrages de Shakespeare, Horace, etc. Sa traduction de Sophocle : Œdipe roi, est restée au répertoire du Théâtre-Français.
  15. Collection Louis Barthou.
  16. Armand Carrel, après avoir été secrétaire d’Augustin Thierry, publia quelques études historiques, puis il fonda, en 1830, avec Mignet et Thiers, le National dont il devint rédacteur en chef après la révolution de 1830. Il eut avec Émile de Girardin, en 1836, une polémique de presse qui amena un duel où il trouva la mort.
  17. On ne s’explique pas aisément la visite d’Armand Carrel après son article dans le National du 8 mars sur la première d’Hernani. Il s’y montre ennemi déclaré de la nouvelle école.
  18. Un deuxième article consacré la préface d’Hernani parut dans le National du 24 mars. Carrel y blâme ce principe : « La liberté dans l’art réclamée aux mêmes titres que la liberté dans la société. Tout le mal est dans cette confusion et M. Hugo est la preuve de toutes les extravagances auxquelles un homme capable de faire de belles choses peut être entraîné par elles. » — Le 29 mars, troisième article, plus violent encore, cette fois sur la pièce même. — Un dernier article où Carrel devait analyser les caractères des personnages était annoncé, mais ne fut pas publié.
  19. Copie faite par Mme  Victor Hugo. Archives de la famille de Victor Hugo.
  20. Ces jeunes gens avaient demandé à Victor Hugo des entrées pour une des tumultueuses représentations d’Hernani. Cinquante-deux ans plus tard, l’un des signataires de la demande, M. Lacau, rappelait à Victor Hugo la réponse qu’il avait faite aux cinq « étudiants en droit » et sollicitait une place pour la reprise au Théâtre-Français du drame Le Roi s’amuse. Archives de la Comédie Française.
  21. Actuellement Lycée Condorcet.
  22. Poète et romancier, Güttinguer obtint quelques succès de 1824 à 1826, mais ne devint célèbre qu’en 1837, quand parut son roman : Arthur. En 1825 il écrivit Victor Hugo pour le prier de faire partie de l’Académie de Rouen dont il était l’un des fondateurs. Ce fut l’origine de leurs relations. Insinuant et flatteur, il sut gagner une amitié qui ne s’altéra jamais chez le poète trop confiant pour soupçonner son jeu : d’une part protestant de son dévouement, d’autre part encourageant et servant l’amour de Sainte-Beuve pour Mme  Victor Hugo ; sa correspondance avec le critique met en évidence sa duplicité.
  23. Victor Hugo venait de s’installer rue Jean-Goujon.
  24. Il avait été question pour Sainte-Beuve d’accompagner Lamartine qui aurait été nommé ambassadeur à Athènes, ce qui ne se réalisa pas.
  25. Sur les Consolations. Journal des Débats, 9 mai 1830. — Nisard, journaliste et critique littéraire, adversaire du romantisme, fut toute sa vie hostile à Victor Hugo.
  26. Archives Spoelherch de Lovenjoul.
  27. Archives Spoelherch de Lovenjoul.
  28. Inédite.
  29. À M. David, statuaire. Les Feuilles d’Automne.
  30. Bibliothèque d’Angers.
  31. À M. de Lamartine, 20 juin 1830. Les Feuilles d’Automne.
  32. Mme  Valentine de Lamartine. — Lettres à Lamartine.
  33. Adèle.
  34. Fille de Charles Nodier, Marie était la joie et le charme des soirées de l’Arsenal.
  35. Note de Sainte-Beuve : « Révolution de Juillet. »
  36. Archives Spoelberch de Lovenjoul.
  37. Le prince de Polignac, ministre des Affaires étrangères sous Charles X, se rendit très impopulaire en contresignant les Ordonnances de Juillet 1830 ; il fut traduit devant la Cour des Pairs et condamné à la prison perpétuelle. L’amnistie de 1836 le libéra.
  38. Dicté après juillet 1830, vers publiés d’abord dans le Globe, puis insérés dans Les Chants du Crépuscule, en 1835.
  39. Frère de Victor Pavie.
  40. Victor Cousin, professeur de la faculté des lettres, auteur de nombreux ouvrages de philosophie, académicien, pair de France, conseiller d’État.
  41. Inédite.
  42. Bibliothèque Victor Cousin. Académie.
  43. Général Lafayette.
  44. Archives de la famille de Victor Hugo.
  45. Inédite.
  46. Louis Noël, poëte et professeur, avait connu Victor Hugo au début de 1830, il lui avait envoyé une ode et en avait reçu une invitation à l’aller voir ; il avait été l’un des plus ardents combattants aux représentations d’Hernani ; Victor Hugo s’était intéressé à ce jeune provincial seul à Paris, éloigné des siens, et lui avait ouvert sa maison.
  47. Bibliothèque Victor Cousin. Académie.
  48. Dans le Globe du 4 novembre 1830, sur la deuxième édition de Joseph Delorme (article anonyme).
  49. Il y a là une erreur de lecture ; ne serait-ce pas emprisonne ! Les événements nous empêchent de vérifier sur l’original, les archives Spoelberch de Lovenjoul n’étant pas eacore rentrées au château de Chantilly.
  50. Archives Spoelberch de Lovenjoul.
  51. Louis Noël fut nommé régent de philosophie au collège St-Omer, sur la recommandation de Victor Hugo.
  52. Louis Noël. Correspondance.
  53. Benjamin Constant, homme politique, orateur et publiciste. Son libéralisme intransigeant lui valut l’exil sous Napoléon Ier. Il laissa de nombreux écrits sur la politique et la religion, mais le plus connu de ses ouvrages est un roman : Adolphe.
  54. Brouillon. Archives de la famille Victor Hugo.
  55. Inédite. Veuve du général Junot ; ses Mémoires sur la Révolution obtinrent du succès ; sa correspondance la montre très attachée à Victor Hugo et à sa famille ; le poète, à la mort de la duchesse, publia, dans les Rayons et les Ombres, des vers afin d’obtenir pour elle une sépulture convenable : À Laure, duchesse d’A.
  56. Napoléon, fils aîné de la duchesse.
  57. Collection Luis Barthou.
  58. « Ah ! ne prononcez jamais, je vous en conjure, priez madame Hugo de ne jamais prononcer ce mot d’inconstance qui me revient de toutes parts. »
  59. « Elle est donc tuée irréparablement cette amitié qui fut de ma part un culte, il ne nous reste plus, mon ami, qu’à l’ensevelir avec autant de piété qu’il se peut. »
  60. « ... Si vous saviez à quel supplice de damné je suis livré sans relâche depuis trois ou quatre heures du matin jusqu’au jour. Il y a en moi du désespoir, voyez-vous, de la rage ; des envies de vous tuer, de vous assassiner par moments en vérité (7 décembre 1830). — Gustave Simon. Lettres de Sainte-Beuve à Victor Hugo et à Mme  Victor Hugo. Revue de Paris, 1er janvier 1905.
  61. Archives Spoelberch de Lovenjoul.
  62. « Quand je pense dans quels termes d’intimité et de confiance nous étions tous, il y a un an à pareille époque, ce retour m’est bien douloureux. » (13 décembre 1830.) Gustave Simon. Lettres de Sainte-Beuve à Victor Hugo et à Mme  Victor Hugo. Revue de Paris, 1er janvier 1905.
  63. Archives Spoelberch de Lovenjoul.
  64. Inédite.
  65. L’illustre chansonnier fut toute sa vie pour Victor Hugo d’un dévouement désintéressé et inlassable.
  66. Bibliothèque d’Angers.