Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 7/1379

Louis Conard (Volume 7p. 30-31).

1379. À SA NIÈCE CAROLINE.
Croisset, samedi, 2 heures [21 juin 1873].

« Écris-moi ici » ! ici où ? Il faut que je devine que tu es à l’Hôtel Frascati. Nous sommes « légers, bien légers ! »

Eh bien, moi aussi, mon loulou, j’ai fait un voyage ! Moi aussi, je me promène en bateau à vapeur ! Moi aussi, je m’amuse ! J’ai été hier à La Bouille !!! et cette petite excursion m’a semblé délicieuse.

Charpentier est arrivé hier à 11 heures et demie. Après le déjeuner, nous nous sommes mis à notre affaire, et voici ce que nous avons décidé. Il publiera, en appendice, l’assignation près du juge d’instruction, le réquisitoire de Pinard, la plaidoirie de Sénard et le jugement. Rien de plus. Pas un mot des critiques. Je trouve cela plus digne. Je lui ai, par la même occasion, vendu Salammbô qui paraîtra cet hiver.

Ledit Charpentier n’a pas cessé de caresser Julio et Putzel. Je crois que la vue de Croisset, qui était splendide hier, ne m’a pas nui dans son opinion, et tout à l’heure, en partant, il m’a remercié, avec effusion, de mon « hospitalité ».

Comme il faisait une chaleur à crever, à 3 heures nous avons pris le bateau pour aller à La Bouille, d’où nous étions revenus à 7 heures et demie. Il a, et j’ai comme lui, beaucoup admiré les rives de la Seine.

Après le dîner, lecture du Sexe faible, qui l’a fait rire. Mais il m’a fait sur le troisième acte la même observation que Mme Commanville ! et d’une façon tellement claire, que maintenant je comprends ce qu’il faut y mettre. Il ne doute pas d’un très grand succès. Ainsi soit-il !

J’ai re-écrit à Carvalho, hier, pour lui dire que je l’attendais.

Voila tout, ma chérie. Je compte sur vous mardi à midi. Profitez du bon temps.

Ton vieux bonhomme d’oncle.