Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 5/0702
Que faut-il te souhaiter pour ta bonne année, mon bibi ? Imagine tout ce que tu pourras de meilleur et de plus extravagant et sois sûre que je le désire pour toi.
Donc je te souhaite :
Bonne santé ;
Bonne humeur ;
Des progrès miraculeux dans tous les arts que tu cultives avec distinction ;
Un trésor que tu trouveras et qu’il ne faudra pas rendre ;
De beaux sermons pendant le Carême ;
Soixante-douze mille mètres de moire antique ;
Un camée pour mettre en bague ;
Quinze milliards de paires de gants beurre frais, etc.
Moi aussi, mon pauvre loulou, je m’ennuie de ta gentille personne et il me tarde de vous revoir toutes les deux. Mais dans cinq ou six semaines, je ne serai pas loin de mon départ. Salammbô sera terminée et je pousserai un grand ouf !…
Je mets sur le compte des lettres que tu avais à écrire pour le jour de l’an le peu de détails que tu me donnes. Ta lettre était bien aimable, mais bien courte.
Ton ami le père Calame[1] est mieux portant que jamais. Je lui ai fait cadeau ce matin de cinquante centimes. Il porte avec lui dans son panier une bouteille d’eau-de-vie, non qu’il en boive, mais tous les petits verres qu’on lui offre, il les verse dans ladite bouteille, qu’il compte vider quand il sera tout à fait rétabli. Je trouve cela d’un bon sens extrêmement comique…
Je devais aller, aujourd’hui, dîner chez le père Lormier ; mais Julie m’a écrit que le repas aurait lieu à l’Hôtel-Dieu. Je vais donc à six heures vêtir ma pelisse et m’embarquer sur l’Union qui ne naviguera pas demain, sans doute, car la Seine est à moitié gelée.
Comment allez-vous passer votre soirée ? Je voudrais bien vous voir. Je pense à vous et je vous embrasse.
Ton vieil oncle, qui est sans doute ton meilleur ami.
- ↑ Un mendiant qui servait de modèle à Caroline Hamard.