Correspondance d’Orient, 1830-1831/Préface

J’avais, le projet de publier une relation complète de mon voyage en Orient ; mais l’état de ma santé, et des circonstances malheureuses ne m’ont pas permis d’entreprendre un si grand travail ; je me suis contenté de rassembler toutes les lettres que j’avais écrites à mes amis ; je les ai revues avec beaucoup de soin, et c’est le recueil de ces lettres que je donne, au public. Comme je ne suis ni géographe, ni antiquaire, ni naturaliste, ni érudit, une correspondance familière conviendra peut-être mieux à mes faibles connaissances, qu’un ouvrage grave et méthodique. Peut-être aussi que le style épistolaire qui peut prendre tous les tons, répondra mieux à la grande variété des objets que j’ai eus sous les yeux ; sans rien négliger de ce qui peut faire connaître les pays que j’ai traversés, je me suis attaché surtout à rendre les impressions que j’éprouvais chaque jour, à exprimer tour à tour les admirations, les surprises, que m’a donnés le spectacle si varié de l’Orient ; mes observations, mes descriptions avec tous leurs détails, auront au moins le mérite d’avoir été faites sur les lieux, en présence des peuples dont je parle, à l’aspect des contrées que j’ai parcourues. Ainsi j’espère que cette correspondance familière représentera mieux à mes lecteurs ce que j’ai vu, ce que j’ai senti, que ne pourrait le faire un ouvrage plus sérieux et plus savant.

Je donne dans ce premier volume, les lettres que j’ai écrites depuis mon départ de Toulon, jusqu’à mon arrivée ; sur l’emplacement de l’ancienne Troie. Le second volume sera composé des lettres écrites des rives de l’Hellespont et de Constantinople. Le troisième renfermera ma correspondance sur la route de Constantinople à Jérusalem. Dans le quatrième, le cinquième et le sixième, seront les lettres écrites de la Palestine, de la Syrie et de l’Égypte.

Si j’avais fait ce qu’on appelle un ouvrage, je l’aurais dédié à l’ancien ministre qui m’a donné d’utiles encouragemens il m’eût été doux d’adresser une flatterie au malheur et de parler de ma reconnaissance à travers les grilles d’une prison. Je désire toutefois que M. le prince de Polignac trouve ici l’expression des sentimens qui m’attachent à lui et qu’aucune révolution ne saurait affaiblir ; je m’estimerais heureux si j’avais pu lui apporter des contrées lointaines d’Orient, je ne dis pas une joie mais une distraction, et la meilleure fortune que je puisse souhaiter pour mon livre et pour moi serait occuper pendant quelques heures les studieux loisirs de sa captivité.


MICHAUD.