Correspondance avec Élisabeth/Élisabeth à Descartes - Berlin, 5 décembre 1647

- Descartes à Élisabeth - Egmond, 20 novembre 1647 Correspondance avec Élisabeth - Descartes à Élisabeth - Egmond, 31 Janvier 1648


Monsieur Descartes,

Puisque j'ai reçu, il y a quelques jours, la traduction française de vos Méditations Métaphysiques, que vous m'avez envoyée, je suis obligée de vous en rendre grâce par ces lignes, encore que je ne saurais exprimer mon sentiment de reconnaissance de vos bontés, sans en demander une nouvelle pour excuser l'incommodité que je vous donne à lire et répondre mes lettres qui vous détournent si souvent de méditations utiles, pour des sujets qui, sans la partialité d'ami, ne vous sauraient être considérables; mais j'ai reçu tant de preuves de celle que vous avez pour moi, que j'y présume assez pour ne faire difficulté de vous dire avec quelle satisfaction j'ai lu la traduction susdite, puisqu'elle rend vos pensées d'autant plus miennes que je les vois bien exprimées en une langue dont je me sers ordinairement, encore que je croie les avoir comprises auparavant.

Mon admiration s'augmente toutes les fois que je relis les objections qu'on vous a faites, comment il est possible que des personnes, qui ont employé tant d'années à la méditation et à l'étude, ne sauraient comprendre des choses si simples et si claires, que la plupart, en disputant du vrai et du faux, semblent ne pas connaître comment il les faut discerner, et que le sieur Gasendus, qui est en la plus grande réputation pour son savoir, a fait, après l'Anglais, des objections moins raisonnables que tous les autres.

Cela vous montre combien le monde a besoin du Traité de l'Erudition, que vous avez autrefois voulu faire. Je sais que vous êtes trop charitable pour refuser une chose si utile au public, et que, pour cela, le n'ai pas besoin de vous faire souvenir de la parole que vous en avez donnée à

Votre très affectionnée amie à vous servir,

Élisabeth.