Correspondance 1812-1876, 6/1873/DCCCXCIX


Texte établi par Calmann-Lévy,  (Correspondance Tome 6 : 1870-1876p. 293-294).


DCCCXCIX

À GUSTAVE FLAUBERT, À CROISSET


Nohant, 30 août 1873.


Où se retrouver, à présent ? où es-tu niché ? Moi j’arrive d’Auvergne avec toute ma smala, Plauchut compris. C’est beau, l’Auvergne ; c’est joli surtout. La flore est toujours riche et intéressante, la promenade rude, le logement difficile. J’ai tout supporté très bien, sauf les deux mille mètres d’élévation du Sancy, qui, mêlant un vent glacé à un soleil brûlant, m’ont flanqué quatre jours de fièvre. Après cela, j’ai repris le courant et je reviens ici continuer mes bains de rivière jusqu’aux gelées.

De travail quelconque, de littérature à quelque degré que ce soit, il n’a pas été plus question que si aucun de nous eût jamais appris à lire. Les poâtes du cru me poursuivaient avec des livres et des bouquets. J’ai fait la morte et on m’a laissée tranquille. J’en suis quitte, en rentrant chez moi, pour envoyer un exemplaire de moi, n’importe quoi en échange. Ah ! que j’ai vu de beaux endroits et des combinaisons volcaniques bizarres, où il eût fallu entendre lire ton Saint Antoine dans un cadre digne du sujet ! À quoi servent ces joies de la vision et comment se traduisent plus tard les impressions reçues ? on ne le sait pas d’avance, et, avec le temps et le laisser aller de la vie, tout se retrouve et s’enchâsse.

Quelles nouvelles de ta pièce ? As-tu commencé ton livre ? As-tu choisi une station d’étude ? Écris-moi, ne fût-ce qu’un mot. Dis-moi que tu nous aimes toujours comme nous t’aimons tous ici.

G. SAND.