Correspondance 1812-1876, 6/1872/DCCCLXXVI


Texte établi par Calmann-Lévy,  (Correspondance Tome 6 : 1870-1876p. 254-256).


DCCCLXXVI

AU MÊME


Nohant, 7 novembre 1872.


Cher ami,

Nos lettres se croisent. Je reçois la vôtre ce matin. Que de choses vous faites pour moi ! Sans doute, tout est au mieux, vous êtes meilleur juge que moi des dispositions des artistes, et si Lafontaine vous paraît devoir être préféré, préférons-le, et allons de l’avant ! S’il lui faut huit jours de réflexion et d’étude, donnons-lui huit jours. Mais je ne demande pas à passer en décembre, ni même au commencement de janvier. Ce serait, au contraire, une nécessité que je ne subirais pas sans regret.

La seule chose qui me préoccupe un peu, c’est de savoir lequel, de Berton revenant à la raison, ou de Lafontaine s’embarquant avec espoir et courage, porterait ce rôle difficile. Vraiment, je ne sais pas. Je craindrais moins Berton, et j’espère plus de Lafontaine. Il aura des choses à lui ; seulement aura-t-il le fiato[1] jusqu’au bout ? C’est le grand intérêt de Duquesnel de peser cela. Quant à vous, vous êtes comme moi devant cette question mais, si vous avez confiance, je vous suivrai.

Je serai dimanche à Paris pour la lecture, ou lundi, ou tel autre jour qu’on voudra dans la semaine. Mais, si le retard devait être plus considérable, envoyez-moi un télégramme avant dimanche. Je tiens à être à la lecture, et à la collation des rôles ; c’est mon ouvrage, cela. Pour les répétitions et la mise en scène, je ne m’y entends pas beaucoup, tant que ce n’est pas débrouillé et que les rôles s’ânonnent. Je m’en reviendrai donc ici, pour retourner à vous quand on aura vraiment besoin de moi.

Je tiens aussi à voir la distribution, qui n’est pas faite, que je sache. Le portrait que vous m’envoyez est très beau, et, si la personne a du talent, c’est bien la femme qu’il faut. Le général, qui ? Le grand-père, on me propose quelqu’un que je ne connais pas et on me refuse Clerh, dont je ne doute pas. Pour le reste, je ne sais rien.

Donc, à dimanche. Vous me trouverez chez moi à cinq heures et demie. Puis-je espérer vous emmener dîner chez Magny ?

À vous de cœur, cher bon ami. Lolo vous rend sa confiance. Amitiés de tous.


Pierre pourra-t-il lire ? Tâchez qu’on ne lise pas au foyer des acteurs : on y attrape la mort.

  1. Le souffle.