Correspondance 1812-1876, 6/1871/DCCC


Texte établi par Calmann-Lévy,  (Correspondance Tome 6 : 1870-1876p. 112-113).


DCCC

À MADAME ARNOULD-PLESSY, À PARIS


Nohant, 28 mars 1871.


Chère grande fille,

Nous étions inquiets de vous, malgré les nouvelles rassurantes et vos courtes lettres. Vous savoir au milieu des hasards de l’invasion, au milieu de la guerre, chose horrible où ceux qui vous défendent sont parfois autant à craindre que ceux qui vous attaquent, c’était une douleur de plus pour nous, au milieu de tant de douleurs.

Enfin vous êtes à Paris, où un autre genre de danger vous poursuit, celui de troubles sans cesse renouvelés, mais qui, du moins, n’ont pas, j’espère, à vous menacer personnellement. Écrivez-nous, ne nous laissez plus si longtemps sans savoir, à coup sûr, ce qui vous concerne.

La perte de famille dont vous avez reçu l’annonce était, moralement parlant, consommée depuis longtemps[1]. Il n’y avait plus ni intelligence, ni sentiment de la vie. Mes enfants avaient plaidé à temps pour obtenir le résultat qu’un arrangement avait fini par leur assurer, c’est-à-dire pour arranger les choses de façon que la gouvernante eût tout intérêt à prolonger les jours du valétudinaire. Autrement, il eût été bien à plaindre.

Nous nous portons tous bien ; nos enfants sont superbes ; voilà tout le bonheur dont on puisse se vanter à l’heure qu’il est. Nous vous embrassons de tous nos cœurs.

G. SAND.

  1. La mort de M. Dudevant.