Correspondance 1812-1876, 5/1867/DCXLIII



DCXLIII

À M. RAOUL LAFAGETTE, À PARIS


Nohant, 10 août 1867.


Monsieur,

Puisque, à tant d’éclat et de vigueur dans l’esprit, vous joignez tant de douceur et de modestie, j’irai jusqu’au bout de ma franchise. Je vous dirai : « Attendez encore pour vous faire connaître ; vous êtes si jeune ! » Et, pourtant, ceci est mon sentiment personnel, et il me vient des scrupules en lisant les deux pièces que vous m’envoyez. Il me semble qu’elles ont une réelle valeur. Tenez, allez voir un vrai maître, Théophile Gautier ; allez-y de ma part, avec ma lettre. Il est bon comme ceux qui sont forts, il vous donnera un vrai bon conseil. Vous êtes discret, vous ne lui prendrez que le temps qu’il pourra vous donner ; et vous avez le cœur droit, — cela, j’en suis sûre, — vous profiterez de ce qu’il vous dira. Moi j’ignore absolument comment on s’y prend pour publier des morceaux détachés. Il vous renseignera à cet égard en deux mots, et s’il vous dit, comme moi : « C’est trop tôt ! » croyez-le avec la même aménité que vous me témoignez.

GEORGE SAND.