Correspondance 1812-1876, 5/1867/DCLI



DCLI

À GUSTAVE FLAUBERT, À CROISSET


Paris, mardi 1eroctobre 1867.


D’où crois-tu que j’arrive ? De Normandie ! Une charmante occasion m’a enlevée il y a six jours. Jumièges m’avait passionnée. Cette fois, j’ai vu Étretat, Yport, le plus joli de tous les villages, Fécamp, Saint-Valery, que je connaissais, et Dieppe, qui m’a éblouie ; les environs, le château d’Arques, la cité de Limes, quels pays ! J’ai donc repassé deux fois à deux pas de Croisset et je t’ai envoyé de gros baisers, toujours prête à retourner avec toi au bord de la mer ou à bavarder avec toi, chez toi, quand tu seras libre. Si j’avais été seule, j’aurais acheté une vieille guitare et j’aurais été chanter une romance sous la fenêtre de ta mère. Mais je ne pouvais te conduire une smala.

Je retourne à Nohant et je t’embrasse de tout mon cœur.

Je crois que les Bois-Doré vont bien, mais je n’en sais rien. J’ai une manière d’être à Paris, le long de la Manche, qui ne me met guère au courant de quoi que ce soit. Mais j’ai cueilli des gentianes dans les grandes herbes de l’immense oppidum de Limes avec une vue de mer un peu chouette. J’ai marché comme un vieux cheval : je reviens toute guillerette.