Correspondance 1812-1876, 4/1859/CDXLIX



CDXLIX

À SON ALTESSE LE PRINCE NAPOLÉON (JÉRÔME),
À PARIS


Nohant, 25 août 1859.


Chère Altesse impériale,

Je vous remercie de cœur : avec vous, on est obligé si vite et si bien, qu’on est deux fois plus touché et reconnaissant.

Oui, je devine tout ce que vous ne me dites pas, et j’ai souffert pour vous. Mais le temps éclaire toutes choses et justice se fera.

Pourtant, j’aurais été bien heureuse de vous voir et j’aurais besoin de causer avec vous pour reprendre espérance et courage à propos de cette pauvre Italie. J’ai une peur affreuse des conférences diplomatiques et de ces fameuses puissances, qui se croient le droit de trancher des questions de vie et de mort pour un peuple qu’elles regardaient tranquillement mourir et qu’elles n’ont rien fait pour aider à renaître, — tout au contraire !

Vous avez une consolation : c’est que votre mission en Toscane a porté de bons fruits ; l’admirable unité des vœux, exprimés si noblement et si habilement aussi, a reçu de vous, j’en suis sûre, une bonne impulsion et de sages conseils. Nous vous sommes peut-être redevables aussi du bienfait de l’amnistie.

Bien qu’on affecte peut-être de ne pas vous écouter, je crois que ce que vous savez dire en de certains moments laisse des traces.

S’il en est ainsi, votre rôle est le plus beau de tous, puisque vous faites le bien sans gloriole et sans intérêt personnel.

Merci pour ce que vous me dites du préfet de Châteauroux, et merci surtout de la bonne amitié que vous voulez bien me conserver. Comptez sur un cœur très fidèle.

GEORGE SAND.