Correspondance 1812-1876, 4/1858/CDXXVIII



CDXXVIII

À SON ALTESSE LE PRINCE NAPOLÉON (JÉRÔME)


Nohant, 12 mars 1858.


Chère Altesse impériale,

J’ai reçu amicalement votre envoyé. Je ne savais rien : je n’aurais pas voulu que mon pauvre ami s’adressât à vous qui avez tant à faire et qui faites plus que nous ne pouvez. Cependant, puisque ce brave cœur a eu confiance dans le vôtre, sans connaître votre situation, vous n’avez pas voulu qu’il eût espéré en vain et vous êtes un ange, voilà qui est bien certain. Vous placez, du reste, votre confiance dans un bien digne homme, vous le sauvez d’une situation où l’a mis son inépuisable charité, et sur laquelle spéculaient de mauvaises gens. Il en est comme fou de reconnaissance et de joie, et, moi, j’en suis profondément attendrie ; car, bien que vous lui disiez que c’est tout simple, je sais bien que les questions d’argent ne sont pas simples du tout en ce moment, dans quelque proportion qu’elles nous touchent. Tenez, vraiment vous êtes un être que l’on doit chérir autant qu’on l’estime, et la manière dont vous faites les choses est sublime de simplicité, puisque vous voulez que ce soit simple absolument.

Moi, je vous remercie pour mon compte : vous m’ôtez un des gros chagrins de ma pauvreté ; car je voulais racheter le petit avoir de mon pauvre vieux voisin pour le lui laisser, et je ne pouvais pas !

Soyez-en donc béni et croyez que je vous en aime davantage, si c’est possible.

GEORGE SAND.