Correspondance 1812-1876, 4/1858/CDXLV



CDXLV

À MADAME ARNOULD-PLESSY, À PARIS


Nohant, 29 décembre 1858.


Oui, certainement, ma belle et bonne, ce que vous avez pensé et écrit, n’importe sur quoi, m’intéressera toujours vivement. Envoyez !

J’ai reçu de madame Bignon une lettre digne d’un ange. Elle a un désir, c’est de faire publier par souscription les cinq pièces que son mari a faites et qui ont du mérite, je les connais. Elle me demande de faire une préface, je suis tout à elle.

D’autre part, Émile Aucante (qui me dit, par parenthèse, que vous avez été excellente pour lui, ce dont je vous remercie) pense que cette souscription ne sera pas couverte. Je ne crois pas qu’il ait raison. Il me semble qu’elle le sera, ne fût-ce que par les acteurs de Paris. Je les ai toujours vus généreux et spontanés dans ces sortes de choses, et il s’agit peut-être d’un millier de francs à rassembler ! Qu’en dites-vous ? Émile me donne, sur la position d’argent de cette pauvre sainte femme, des détails moins rassurants que les vôtres. Elle n’a peut-être pas voulu tout vous dire. Je crois que la représentation à son bénéfice ne serait pas à perdre de vue. Il ne s’agit pas de lui faire des rentes… Pauvre femme ! elle ne peut pas vivre, mais d’empêcher que la misère n’ajoute à l’horreur de son sort. Elle est pleine de foi et de soumission. Oui, vraiment on en a canonisé qui ne la valaient pas !

Et votre pauvre Eugène malade là-bas ? Vous avez dû bien souffrir, chère femme ; mais vous êtes rassurée. Merci d’avance à lui pour le tabac qu’il envoie et merci à votre amie, pour les belles pantoufles tout en or que j’ai reçues il y a deux jours.

Maurice a fini son travail de bénédictin sur la comédie italienne. Il va bientôt vous porter mes tendresses et vous dire que nous vous aimons tendrement.

GEORGE SAND.