Correspondance 1812-1876, 4/1857/CDX



CDX

À M. CHARLES-EDMOND, À PARIS


Nohant, 13 juin 1857.


Cher ami, ce n’est pas un roman historique, c’est un roman d’époque et de couleur du temps de Louis XIII[1]. Le roman historique promet des faits sérieux, des personnages importants, des récits de grandes choses. Ce n’est pas là ce que je fais, et ce titre, annoncé dans la Presse, promettrait des aventures plus graves que celles que je mets en scène. Comme il serait difficile de faire saisir au lecteur la distinction que je vous explique, sans périphrase trop longue, faites, je vous prie, retrancher de l’annonce le mot historique. Il vaut mieux tenir plus qu’on ne promet que de promettre plus qu’on ne tiendra. J’ai fait la chose, à mon point de vue, et j’ai beaucoup cherché pour rester dans l’exactitude historique des moindres coutumes, idées et manières d’agir du temps qui me sert de cadre. Je n’ai pas rattaché ma fable à un point historique qui ne soit rigoureusement exact. Mais tout cela ne fait pas un roman de Walter Scott. On n’en fait plus !

Que devenez-vous ? Et la petite fillette ?

Venez-vous bientôt nous voir ? mon amie de la rue des Saints-Pères[2] est-elle triste ou malade ? Je n’ai pas de ses nouvelles depuis pas mal de jours, et, quand elle se tait, je n’ose pas trop l’interroger.

Bonsoir, cher ; à vous de cœur.

GEORGE SAND.

  1. Les Beaux Messieurs de Bois-Doré.
  2. Madame Arnould-Plessy.