Correspondance 1812-1876, 3/1852/CCCXXXIX


CCCXXXIX

À M. CHARLES DUVERNET, À LA CHÂTRE


Nohant, 22 janvier 1852.


Cher ami,

Je vais à Paris après m’être assurée des intentions qu’on pouvait avoir à mon égard. Elles sont rassurantes, on m’a même expédié un laissez-passer signé Maupas. Je ne veux pas écrire le principal but de mon voyage ; je te le dirai si je te vois auparavant ou au retour. Mais tu peux le deviner. Si je ne réussis pas, je n’aurai du moins rien empiré, et j’aurai fait mon devoir à mes risques et périls.

Je suis dans l’embarras et dans l’inquiétude pour ce billet de six mille francs. Nécessairement, quoique l’affaire reste bonne et solide, les événements ont imprimé un temps d’arrêt à la vente, juste au moment où les bénéfices, consacrés jusqu’ici à payer tous les frais, allaient devenir nets pour moi. Quelque bien qu’elle aille durant le mois prochain, le caissier doute que je puisse restituer les six mille francs au 8 mars. J’en avais trois mille de réservés sur ma bourse particulière ; mais ce voyage qu’il faut que je fasse me les laissera-t-il intacts ? J’en doute, si, comme il est probable, ma négociation prend un certain temps. Donc, le plus sûr, c’est que tu me fasses renouveler le billet à ton beau-père en payant l’intérêt. — S’il marque la plus légère défiance ou contrariété (ce qu’à Dieu ne plaise je ne voudrais t’attirer !), déplace ma dette et fais-la porter sur quelque autre point pour un an. J’ignore si les événements ont rendu ces transactions difficiles. S’il en était ainsi et qu’on craignît que je ne fusse exilée ou emprisonnée, — j’ai maintenant la certitude du contraire, — je pourrais offrir une délégation sur mes fermages de Nohant, en cas de départ sérieux.

Bonsoir, cher ami. J’embrasse mille fois Eugénie. Si tu arrives avant que je sois partie, viens me voir. Il me semble que cela serait utile, et cela me ferait grand plaisir.

G. S.


Voulez-vous donner l’hospitalité à mon pauvre Marquis[1] ?

Si vous avez des livraisons détachées de mon édition illustrée, renvoyez-les-moi, je vous envoie tout ce qui a paru broché. Un exemplaire pour vous, un pour Muller, un pour madame Fleury.

  1. Petit chien havanais.