Correspondance 1812-1876, 2/1840/CC


CC

À M. CHOPIN, À PARIS


Cambrai, 13 août 1840.


Cher enfant,

Je suis arrivée à midi bien fatiguée ; car il y a quarante-cinq lieues et non trente-cinq de Paris jusqu’ici. Nous vous raconterons de belles choses des bourgeois de Cambrai. Ils sont beaux, ils sont bêtes, ils sont épiciers ; c’est le sublime du genre. Si la Marche historique ne nous console pas, nous sommes capables de mourir d’ennui des politesses qu’on nous fait. Nous sommes logés comme des princes ; mais quels hôtes, quelles conversations, quels dîners ! nous en rions quand nous sommes ensemble ; mais, quand nous sommes devant l’ennemi, quelle piteuse figure nous faisons ! je ne désire plus vous voir arriver ; mais j’aspire à m’en aller bien vite, et je commence à comprendre pourquoi vous ne voulez pas donner de concerts. Il serait possible que Pauline Viardot ne chantât pas après-demain, faute d’une salle. Nous repartirions peut-être un jour plus tôt. Je voudrais être déjà loin des Cambrésiens et des Cambrésiennes.

Bonsoir. Je vais me coucher, je tombe de fatigue.

Aimez votre vieille comme elle vous aime.

G. S.