Contes secrets Russes/Le soldat et le Petit-Russien
LVIII
LE SOLDAT ET LE PETIT-RUSSIEN
n soldat, logé chez un Petit-Russien, noua une
intrigue avec la femme de son hôte. Celui-ci s’en
étant aperçu, cessa d’aller travailler au dehors et ne
quitta plus sa demeure. Le soldat eut alors recours
à la ruse : il changea de costume et vint un soir
cogner à la fenêtre de l’izba. « Qui est là ? » demanda
la Petite-Russienne. — « C’est Babé, » répondit
le soldat. — « Quel Babé ? — Celui qui
φουτ les Petits-Russiens ! Le maître de la maison
est-il chez lui ? — Qu’est-ce que tu lui veux ? —
Eh bien ! ordre a été donné de φουτρε tous les
Petits-Russiens ! Ouvre vite la porte ! » Le mari,
qui entend ces paroles, ne sait où se fourrer ; il
prend une pelisse, s’en enveloppe et se cache sous un banc. La femme ouvre la porte, le soldat entre
en criant : « Où est donc le maître de la maison ?
— Il n’est pas ici. » Le soldat se mit à le chercher
sur le poêle, dans la soupente, dans tous les
coins ; à la fin, quelque chose sous le banc attira
son attention. « Et cela, qu’est-ce que c’est ? —
C’est un veau, » répondit la femme. À ces mots,
le Petit-Russien fit entendre le mugissement de
l’animal qu’il était censé être. « Eh bien ! puisque
le maître de la maison est absent, tu vas le remplacer :
couche-toi là ! — Ah ! mon Dieu, ne
peux-tu pas attendre que mon mari soit revenu ?
— Tu l’as belle à me dire d’attendre ! Il faut que
je passe dans toutes les maisons du village et, si
j’en néglige une seule, je recevrai trois cents
coups de bâton sur le dos. Couche-toi donc vite,
je n’ai pas le temps de causer avec toi. » La
Petite-Russienne s’abandonna aux caresses du soldat,
qui la pressa au point de la faire péter. Quant il
l’eut βαισέε, il s’en alla.
Le mari sortit alors de sa cachette. « Eh bien ! femme, » dit-il, « je te remercie d’avoir pris cette peine pour moi ; tu n’as pas pu y tenir et tu t’es mise à péter, mais moi, je crois bien que j’aurais χιέ ! Oh ! femme, tu es intelligente, mais je suis encore plus intelligent que toi : tu as parlé de veau, et moi j’ai mugi comme un veau ! »