Contes et légendes annamites/Légendes/036 Histoire de Giao

Contes et légendes annamitesImprimerie coloniale (p. 100-101).


XXXVI

HISTOIRE DE GIÂO.



Au village de Phan lang, dans la province de Binh thuàn, vivaient les époux Giâo[1]. Ils n’avaient pas d’enfants. Ils allèrent habiter au milieu de la forêt pour y faire des défrichements. Au bout de deux ans leurs défrichements étaient très beaux. Le mari dit à sa femme de préparer poules, canards, vin, arec et bétel pour faire le sacrifice aux esprits de la terre. Le sacrifice et le repas finis, la femme sortit un instant dans le jardin ; elle vit accourir un éléphant et, d’effroi, tomba à la renverse. Quand elle se releva, elle n’avait plus son vêtement. Elle rentra dans la maison et raconta l’aventure à son mari, mais celui-ci n’ajouta pas foi à ses paroles et prétendit qu’elle était sortie pour aller à quelque rendez-vous. La femme se mit en colère et défia son mari de sortir, disant que s’il ne voyait rien d’extraordinaire, elle conviendrait de tout. Le mari y consentit.

À peine était-il dans le jardin, qu’un éléphant vint de la forêt, le saisit et lui arracha la tête ; l’homme poussa un cri et tomba mort. La femme, qui avait tout vu à travers la porte, s’enfuit épouvantée jusqu’au village pour appeler au secours. Elle raconta tout ce qui s’était passé. Les autorités du village ne savaient qu’en penser et résolurent d’en référer au huyèn. Celui-ci, ne sachant non plus à quel avis s’arrêter, fit venir tous les vieillards du village et leur demanda si jamais, à leur connaissance, il était arrivé rien de pareil.

L’un d’eux, âgé de près de cent ans répondit : « Ce pays est un pays d’éléphants, de tigres, de cerfs et de toutes sortes d’animaux sauvages. Morts, ils deviennent des esprits. Déjà, dans ma jeunesse, il arriva une fois quelque chose de pareil. » Le huyên dit : « Mais, à quel signe pouvons-nous reconnaître que c’est l’œuvre d’un mauvais esprit ? » — « Allez sur les lieux, dit le vieillard, et si c’est ce que j’ai dit, en fouillant la terre à quelque profondeur vous trouverez le pantalon de la femme et la tête de l’homme. » Le huyèn suivit son avis, et, comme l’avait annoncé le vieillard, on trouva enterrés le pantalon et la tête encore toute sanglante.




  1. Ici le conteur ne donne que le nom ou plutôt le prénom du mari.