Contes et légendes annamites/Légendes/020 Dinh changé en rocher

Contes et légendes annamitesImprimerie coloniale (p. 47-48).


XX

DINH CHANGÉ EN ROCHER.



Dans la province de Nghê an, au village de Hoa duc se trouve une montagne nommée Dâu tuong (tête d’éléphant) qui confine à la mer. Sur cette montagne l’on voit un rocher qui a la forme d’une cloche et un autre qui a la forme d’une cymbale. Un certain Dinh, homme d’un esprit irrespectueux, vint en ce lieu et se mit, pour s’amuser, à frapper la cloche et la cymbale qui résonnèrent hautement. Au bout d’un instant il sortit de l’eau un homme au visage terrible, vêtu d’un habit rouge et tenant un sabre au poing. Il prit Dinh par la main et lui demanda : « Qui t’a ordonné de frapper cette cloche et cette cymbale ? » Dinh répondit : « Je les ai frappés pour m’amuser, personne ne me l’a commandé. » L’homme alors dit : « Tu es un drôle ; tu as frappé pour t’amuser, moi je te planterai là. » Il rentra dans l’eau et Dinh resta pétrifié sur place, ne pouvant ni bouger ni parler. Le lendemain des bûcherons qui passaient par là le virent pétrifié, incapable de répondre à leurs questions. Ils allèrent bien vite avertir ses parents qui se rendirent sur les lieux et firent pendant trois jours des prières ; mais Dinh restait toujours pétrifié. Au milieu de la troisième nuit, l’homme vêtu de rouge sortit des eaux et dit aux parents de Dinh : « Cette cloche et cette cymbale sont puissantes ; votre fils les a frappées sans raison et le son en est venu jusque dans les royaumes des eaux ; en punition de sa faute il se tiendra là pour servir d’exemple. Vous, retournez-vous-en. Si vous ne m’obéissez pas vous mourrez. » Il disparut. Le père et la mère effrayés abandonnèrent leur fils et s’en retournèrent. Depuis on va visiter cet endroit, mais nul n’a plus l’audace de frapper sur la cloche ou sur la cymbale[1].



  1. Un certain Ngû eut le même sort pour avoir irrévérencieusement parlé de deux autres rochers, dont l’un de forme phallique, qui se trouvent dans la même montagne.
    Pétrifié ne rend peut-être pas très exactement Chét cuong (littéralement : mort dur). Il semble que dans cet état l’on conserve non seulement les apparences de la vie (puisque les bûcherons s’adressèrent à Dinh et lui posèrent des questions), mais même une certaine sensibilité. Il y a quelques mois on contait le fait suivant qui se serait passé dans les environs de Cân gioc. Un mauvais sujet du pays avait un coq de combat auquel il tenait beaucoup. Pendant qu’il était absent, ce coq cassa quelque chose dans la maison, et la femme du propriétaire lui jeta une bûche si malheureusement qu’elle l’assomma. Craignant d’être maltraitée par son mari, elle pria sa belle-mère de prendre la faute sur elle. Quand le maître du coq rentra, sa mère lui raconta ce qui était convenu, l’autre se mit en fureur et la menaça de la tuer. La vieille se sauva, et le fils voyant qu’il ne pouvait l’atteindre lui lança sa hachette. À ce moment il devint immobile, le bras étendu, et resta ainsi plusieurs jours sans pouvoir faire un mouvement, mais conservant l’usage de la parole et se plaignant de vives douleurs aussitôt que quelqu’un voulait approcher. (Troi trông ! (Que) le ciel te plante ! (comme un arbre) ; te pétrifie ! est une formule de malédiction).