Contes des landes et des grèves/Le filleul de la fée

Contes des landes et des grèvesHyacinthe Caillière Editeur (p. 192-195).

XIX

LE FILLEUL DE LA FÉE


Il était une fois un homme pauvre qui avait une nombreuse famille, et il ne trouvait ni parrain ni marraine pour nommer un enfant qui allait venir.

Sa femme lui dit de se mettre en route pour chercher un parrain et une marraine ; sur son chemin il rencontra Margot La Fée :

— Où allez-vous, mon bonhomme ? lui demanda-t-elle.

— Chercher un parrain et une marraine pour mon enfant qui va naître bientôt ; mais je ne puis en trouver, car j’ai eu tant de garçailles que personne ne veut nommer celui-ci.

— Eh bien ! si vous voulez que je sois la marraine de votre enfant, venez dans ce chemin quand il sera né, et je vous amènerai un parrain.

Le bonhomme alla conter à sa femme la rencontre qu’il avait faite, et elle fut bien contente. À la naissance de l’enfant il ne manqua pas de se trouver au rendez-vous ; Margot La Fée était à l’attendre, et elle lui dit :

— Tu as eu un petit garçon ; je vais aller chercher un compère, et je serai bientôt chez toi.

Elle y arriva, portant toutes sortes de bonnes choses pour son filleul et pour les gens de la maison. Pendant le repas, Margot La Fée dit à son compère :

— Je désire que cet enfant ne change pas de taille jusqu’au moment où il nous aura fait nous tenir le ventre à brassée, à force de rire.

Le petit garçon venait comme la pâte dans le met, et il était bien portant, mais il ne grandissait point, et il resta, jusqu’à l’âge de sept ans, aussi petit qu’au moment de sa naissance.

Un jour qu’il était à la maison, il vit un gros rat qui se promenait dans la place :

— Ah ! la jolie petite bête ! c’est moi qui voudrais bien l’attraper !

Il s’y prit si bien qu’il finit par s’emparer du rat, et, quand il l’eut, il dit :

— Je vais lui faire une selle et une bride, et je monterai dessus pour le mener boire à la rivière.

Lorsque le rat fut harnaché, il monta dessus et sur son passage, tout le monde riait de voir ce petit bout d’homme à cheval sur un rat. Quand il approcha de la rivière, le rat reculait, de peur de l’eau, et l’enfant faisait de grands efforts pour le faire avancer ; le rat jeta bas son cavalier qui remonta en selle, et finit par contraindre sa monture à entrer dans l’eau. C’était un spectacle si drôle, de voir leur mine à tous deux, que Margot La Fée et son compère, qui étaient dans un chêne à regarder, se tenaient le ventre à brassée à force de rire.

Et aussitôt l’enfant, qui jusque-là était resté petit comme le jour où il était né, devint grand comme un fort garçon de sept ans.


(Conté en 1876 par Pierre Derou, de Collinée.)