Confessions d’un ex-libre-penseur/Avant-Propos

Letouzey et Ané (p. 5-6).

Faisons les fiers tant que nous voudrons, philosophes et raisonneurs que nous sommes aujourd’hui ; mais qui de nous, parmi les agitations du mouvement moderne, ou dans les captivités volontaires de l’étude, dans ses âpres et solitaires poursuites, qui de nous entend sans émotion le bruit de ces belles fêtes chrétiennes, la voix touchante des cloches, et comme leur maternel reproche ? Qui peut voir, sans leur porter envie, ces fidèles qui sortent à flots de l’église, qui reviennent de la table divine rajeunis et renouvelés ? L’esprit reste ferme, mais l’âme est bien triste. Le croyant de l’avenir, qui n’en tient pas moins au passé, pose alors la plume et ferme le livre. Il ne peut s’empêcher de dire : « Ah ! que ne suis-je avec eux, un des leurs, et le plus simple, le moindre de leurs enfants ? »

(Michelet, Histoire de France.)


Imaginez un homme qui ait monté tous les degrés du crime ; chargez-le, par la pensée, des plus affreuses actions qu’il vous sera permis de concevoir ; le voilà qui dort, cet homme ; il se croit à l’abri du bien pour jamais, il n’a plus de remords, plus de conscience, il le croit du moins !… Mais un jour, de même que dans le songe de Nabuchodonosor, une pierre détachée de la montagne vient briser le colosse aux pieds d’argile, de même, un jour, sans cause apparente, il se formera dans ce cœur désespéré une larme ; elle remontera le long du cœur, elle passera par des chemins que Dieu a faits pour aller jusqu’à ses yeux flétris ; elle coulera sur ses joues. Cette seule larme lui aura révélé la vérité et rendu l’honneur du bien.

(Lacordaire.)