Comptes rendus de l’Académie des sciences/Tome 1, 1835/26 octobre


SÉANCE DU LUNDI 26 OCTOBRE 1835.
PRÉSIDENCE DE M. Ch. DUPIN.



CORRESPONDANCE.

M. Pauly écrit que l’emploi du seigle ergoté lui a donné de très bons résultats dans le traitement des affections utérines, et que les succès ont été surtout frappans dans les cas d’engorgement avec semi-prolapsus de l’utérus.

M. Ratier, fondateur d’une École préparatoire de médecine, demande à l’Académie de nommer un de ses membres, qui ferait partie de la commission supérieure chargée de la surveillance de cet établissement. Cette demande, contraire aux réglemens de l’Académie, n’a pu être accueillie.

Médecine.Extrait d’une lettre de M. Ch. Baudin, commandant le vaisseau le Triton, à M. Dupin, sur la manière dont le choléra a sévi à bord de l’escadre française de la Méditerranée.
Mahon, le 29 septembre 1835.

« Avant que cette lettre vous parvienne, vous aurez sans doute su que l’épidémie qui s’était déclarée à mon bord avec une violence extrême, a cessé tout-à-coup, après une semaine d’invasion. Il n’y a eu aucun nouveau cas depuis le 7, ni aucun décès depuis le 12. Mon second et trois officiers ont succombé. Aujourd’hui je considère le fléau comme entièrement éteint dans le vaisseau ; il a enlevé tout ce qu’il pouvait enlever ; il a fait tout son effet. Maintenant c’est le tour des autres navires. Le vaisseau le Nestor et la frégate la Victoire sont aussi frappés, mais pas à beaucoup près dans une aussi forte proportion que le Triton, bien qu’aucun vaisseau au monde ne soit plus aéré, plus sec, plus sain, que celui-ci.

» Ce fléau du choléra, si peu connu, si capricieux, a quelquefois une marche et des effets qui contredisent toutes les théories et même les observations les plus habituelles. Ainsi, on avait remarqué qu’en général il épargne les enfans et les très jeunes gens ; qu’il attaque peu les classes aisées et régulières dans leurs habitudes, réservant toutes ses sévérités pour les populations pauvres, pour celles qui habitent des lieux bas et humides, où l’air circule difficilement ; au contraire, à bord du Triton, le fléau a frappé dans une très forte proportion les officiers , les seconds-maîtres et quartiers-maîtres , les gabiers et les mousses . Il a par conséquent sévi sur les classes aisées et régulières, sur celles qui vivent le plus en plein air, et sur les très jeunes gens ; tandis qu’il a complétement respecté les caliers, qui habitent jour et nuit la fosse aux câbles, les cambusiers, magasiniers et autres habitans des parties du vaisseau les plus basses, de celles par conséquent qui sont le moins aérées et réputées les moins salubres. C’est un fait si bien établi que cette parfaite salubrité de la cale, que lorsque j’ai fait évacuer le vaisseau et caserné l’équipage sur l’île des Rois, où l’escadre américaine a aussi passé l’année dernière son temps de choléra, les caliers m’ont fait demander de rester à bord et de continuer d’habiter la fosse aux câbles. Tout le reste de l’équipage était enchanté d’aller à terre : eux seuls, non.

» Aux deux extrémités du faux-pont opposées, habitent les élèves et les premiers-maîtres. Les postes dans lesquels ils mangent et couchent sont peu aérés, surtout lorsque le vaisseau est à la voile et qu’on ne peut ouvrir les hublots. On n’y voit clair alors qu’en y tenant des lampes allumées nuit et jour. Cependant pas un élève ni un premier-maître n’a été indisposé. Vous avez vu au contraire que les seconds-maîtres, qui logent dans la batterie de 36, parfaitement aérée, ont été frappés dans une forte proportion.

» Autre bizarrerie du choléra ! J’embarque, sur la rade d’Alger, le 30 juillet, 550 soldats de la légion étrangère ; je les garde à bord, fort pressés dans ma batterie basse, pendant vingt jours de chaleurs caniculaires. Au moment de leur embarquement, beaucoup d’entre eux étaient malades des fièvres de Bougie et de Bône ; tous guérissent à bord ; tous sont débarqués bien portans à Tarragone, le 18 août. Je pars le lendemain 19. À peine étais-je sous voiles, que le choléra éclatait parmi ces soldats débarqués en bonne santé la veille ! et pourtant, à cette époque, l’état sanitaire de mon équipage était le meilleur possible ! C’est seulement douze jours plus tard que le choléra s’est tout-à-coup manifesté à bord. Et, la veille même de l’invasion, mon chirurgien-major me félicitait et se félicitait lui-même de la bonne santé de l’équipage et de la parfaite salubrité du vaisseau. »

Astronomie.Sur la nature de la lumière des Comètes.

M. Arago continue à rendre compte des changemens physiques survenus dans la comète de Halley.

Le temps n’a pas été favorable ; un ciel couvert a, pendant plusieurs jours consécutifs, totalement dérobé la vue de l’astre aux astronomes. La question de savoir par quelle transformation la matière nébuleuse est passée d’un certain mode d’agglomération à un mode différent, ne pourra donc pas être résolue à l’aide des seules observations de Paris. Il faudra, inévitablement, recourir aussi à celles qui, on doit l’espérer, auront été faites dans d’autres lieux.

On a vu, dans le numéro précédent, page 335, qu’il existait le jeudi 15 octobre, un secteur lumineux dans une certaine partie de la tête de la comète de Halley ; que le lendemain 16, ce secteur avait disparu et qu’un autre plus brillant, plus ouvert et plus étendu longitudinalement, s’était formé ailleurs ; que ce second secteur fut observé le 17 et semblait déjà moins vif ; que le 18 l’affaiblissement était extrêmement prononcé. Depuis, la comète resta cachée jusqu’au 21. Ce jour là, à 6h , on apercevait dans la nébulosité, trois secteurs distincts. Le plus faible et le plus délié des trois était situé sur le prolongement de la queue. Le 23 octobre, il n’existait plus aucune trace de secteurs. La comète avait tellement changé d’aspect ; le noyau, jusqu’à cette époque si brillant, si net, si bien défini, était devenu tellement large, tellement diffus, qu’on ne croyait à la réalité d’une variation aussi grande, aussi subite, qu’après s’être assuré qu’aucune humidité ne recouvrait ni l’oculaire ni l’objectif. Le noyau occupait, peut-être, comme les jours précédens, le centre de la chevelure, mais la région orientale de cette nébulosité était certainement beaucoup plus vive que la partie opposée.

Dès les premiers momens de l’apparition de la comète, M. Arago avait indiqué une méthode photométrique qui, bien appliquée, semblait devoir conduire à décider si ces astres empruntent leur lumière au soleil ou s’ils sont lumineux par eux-mêmes. Cette méthode avait cela de particulier, qu’elle n’exigeait pas que le volume de la comète restât constant : il suffisait que les changemens s’opérassent avec une certaine régularité. Or, sous ce rapport, la comète de Halley se trouve dans un cas tellement exceptionnel ; ses variations d’intensité sont si brusques, si imprévues, si bizarres, qu’il y aurait une grande témérité à essayer de déduire quelque conséquence exacte, d’observations qui, dans les circonstances ordinaires, conduiraient certainement au but. M. Arago y a donc renoncé pour cette fois ; mais, en même temps, il a essayé de résoudre le problème à l’aide des propriétés de la lumière polarisée. Quelques explications très courtes, feront comprendre ce dernier moyen d’investigation.

Toute lumière directe se partage constamment en deux faisceaux de même intensité, quand elle traverse un cristal doué de la double réfraction ; toute lumière réfléchie spéculairement, donne, au contraire, dans certaines positions du cristal à travers lequel on l’a fait passer, deux images d’intensités dissemblables, pourvu, cependant, que l’angle de réflexion n’ait pas été de 90°. Théoriquement parlant, rien ne semble donc plus facile que de distinguer la lumière directe de la lumière réfléchie ; mais dans l’application il n’en est pas ainsi : sous certains angles de réflexion pour divers corps, et sous tous les angles pour d’autres natures de corps, la différence d’intensité des deux images est inappréciable à nos organes. Il faut ajouter que les seuls rayons régulièrement réfléchis, changent ainsi de nature (se polarisent) dans l’acte de la réflexion ; que ceux, au contraire, qui, après s’être pour ainsi dire identifiés avec la substance des corps, font voir cette substance de tous les côtés, conservent avec la lumière directe, la propriété de donner toujours deux images à très peu près égales ; enfin, que dans le plus grand nombre de cas et surtout quand il s’agit des corps célestes, la lumière régulièrement réfléchie, la lumière spéculaire qui arrive à notre œil, est une si petite partie de la lumière totale, qu’on ne doit guère espérer d’apercevoir quelque dissemblance entre les deux parties du faisceau bifurqué. Toutefois, en s’aidant de diverses précautions dont le détail serait ici sans intérêt, M. Arago parvint à discerner une très légère différence d’intensité entre les deux images de la brillante comète de 1819.

Nous venons de dire que la différence des deux images de la comète de 1819 était très légère ; or, quoiqu’en se servant de l’appareil de M. Arago, MM. de Humboldt, Bouvard et Mathieu, fussent arrivés au même résultat, il était désirable que l’importante conséquence astronomique qui s’en déduisait, ne fût pas uniquement fondée sur une fugitive inégalité d’éclat : les erreurs, qu’en ce genre, on trouve dans les travaux des plus célèbres physiciens, sont connues de tout le monde.

M. Arago modifia donc son premier appareil, de manière que l’inégalité primordiale des images, dût se transformer en une dissemblance de couleur. Ainsi, au lieu d’une image forte et d’une image faible, on devait avoir, pour certaines positions, une image rouge et une image verte ; pour d’autres, une image jaune et une image violette, et ainsi de suite, en parcourant, d’un côté, toutes les couleurs prismatiques et de l’autre, les nuances complémentaires. Nous ne parlerons pas ici des expériences à l’aide desquelles on a reconnu qu’une très légère différence d’intensité se distingue moins aisément que la différence correspondante de coloration ; mais nous insisterons sur cette réflexion dont chacun sentira la justesse, qu’une différence de couleur est un phénomène non équivoque, qui ne laisse, qui ne peut laisser aucun doute dans l’esprit, tandis qu’il s’en faut de beaucoup qu’on doive dire la même chose d’une très légère inégalité d’éclat.

Le 23 de ce mois, M. Arago ayant appliqué son nouvel appareil à l’observation de la comète de Halley, vit, sur le champ, deux images qui offraient des teintes complémentaires, l’une rouge, la seconde verte. En faisant faire un demi-tour à la lunette sur elle-même, l’image rouge devenait verte, et réciproquement. Ainsi la lumière de l’astre n’était pas, en totalité du moins, composée de rayons doués des propriétés de la lumière directe, propre ou assimilée : il s’y trouvait de la lumière réfléchie spéculairement ou polarisée, c’est-à-dire, définitivement, de la lumière venant du soleil.

MM. Bouvard, Mathieu, et Eugène Bouvard, élève astronome à l’Observatoire, voulurent bien répéter l’expérience que nous venons de faire connaître ; le résultat fut exactement le même. « Je me serais bien gardé, ajoute M. Arago en terminant sa communication verbale, de ne pas me prévaloir des témoignages que je viens de citer et qui, je l’espère, contribueront à faire adopter cette conséquence de mon observation : les comètes, ainsi que les planètes, empruntent leur lumière au soleil. »

Géologie.Note de M. Link, sur les traces de pattes d’animaux inconnus trouvées près de Hildburghausen en Saxe.

« Le plateau de Hildburghausen, situé au pied des montagnes de Thuringe, (Thuringerwald) est formé par le grès bigarré, qui s’élève quelquefois en petites collines. On se sert de ce grès pour construire des bâtimens, et c’est dans une carrière exploitée à cet effet, qu’un maître maçon, nommé Winzer, a remarqué le premier il y a un an, ces traces qui lui paraissaient extraordinaires. Il en donna notice à M. Sickler qui en publia une description avec figures dans une lettre à M. Blumenbach. Cette lettre parut au mois de janvier de cette année, par conséquent peu de temps après la découverte. Depuis lors, on a trouvé ces traces dans quatre carrières éloignées l’une de l’autre d’à peu près une lieue, la dernière près de la ville de Hildburghausen. Nous avons visité, M. Weiss de Berlin et moi, trois de ces carrières, dans le mois d’août de cette année, et nous avons vu toutes les pierres à traces de pattes qu’on en avait tirées, chez M. Winzer et à Hildburghausen. Voici la manière dont ces traces se trouvent.

» Immédiatement sous la surface du sol on voit des couches alternantes de grès et d’argile, ayant ensemble environ 10 pieds d’épaisseur. Après avoir enlevé ces couches, qui ne fournissent point de grès bon pour la bâtisse, on parvient à une couche d’un grès, plus dur, dont la puissance ne surpasse pas un pied (18 centimètres) et qui repose sur une couche d’argile d’une épaisseur très variable. D’abord on ne voit rien d’extraordinaire sur cette couche, sinon qu’elle a très peu de crevasses et qu’elle paraît être d’une seule pièce. Il faut en faire arracher des morceaux, et les renverser pour découvrir les traces. Elles sont toujours du côté inférieur de la couche, mais dans une grande abondance. Nous en avons fait arracher deux morceaux pris au hasard, et nous avons trouvé sous tous les deux des traces bien distinctes. Ce ne sont pas des empreintes, ce sont plutôt des noyaux (nucleus), car elles sont saillantes sur la surface de la pierre d’une quantité qui va d’un pouce à 3 pouces (de 2 à 9 centimètres).

» Il faut quelquefois nettoyer la pierre de l’argile molle adhérente, pour voir bien les traces. C’est toujours le dessous de la patte, la face inférieure, qu’on voit. L’animal a donc fait l’empreinte dans l’argile (c’était probablement un marais) ; il est venu après un torrent de sable délayé dans l’eau ; ce torrent a couvert toute la contrée, et s’est insinué dans les empreintes : c’est pourquoi, après l’endurcissement du sable, le grès formé dans ces empreintes a dû adhérer à la couche supérieure, et y produire les traces saillantes. Ce n’est que dans cette seule couche qu’on a trouvé des traces ; jamais on ne les a vues, ni dans le grès supérieur, ni dans le grès inférieur qu’on a exploité.

» Il est facile de distinguer les pattes de quatre espèces d’animaux différens ; mais je ne parlerai que de celles qui sont les plus communes. J’en ai vu presque une centaine.

» On trouve toujours deux pattes ensemble ; une de derrière, la plus grande, d’environ 18 centimètres (6 pouces) de longueur, et une de devant, presque de moitié plus petite. Elles ont cinq doigts. Le pouce est éloigné des autres quatre doigts, sous un angle presque droit. Les deux pouces d’une paire de pattes sont dirigés toujours du même côté ; mais les pouces de la paire suivante sont dirigés du côté opposé : l’animal a donc marché l’amble. Un fait extraordinaire, c’est que les paires de pattes se suivent dans une ligne droite ; il faut donc dire que les animaux aient marché en fauchant.

» M. Wiegmann, qui a vu la pierre couverte de traces que M. Weiss avait fait apporter à Berlin au mois de mai, et qui en a donné une notice dans son Journal d’Histoire Naturelle, range les animaux auxquels ont appartenu ces pattes, dans la classe des mammifères ; M. le comte de Munster, au contraire, dans la classe des amphibies. La dernière opinion me semble préférable à l’autre. Tous les mammifères à pouce éloigné des autres doigts, sont plantigrades ; et ici, l’on ne voit pas le moindre vestige du tarse, même dans les endroits où l’animal paraît avoir glissé. Les batraciens ont très souvent le pouce éloigné des autres doigts, sans tarse proéminent ; les pattes de devant sont quelquefois plus petites que les pattes de derrière ; les salamandres marchent l’amble, et s’il n’y a pas de batraciens qui marchent en fauchant, les caméléons ont cette marche, non-seulement sur les arbres, mais aussi sur la terre. Voici les raisons qui me font croire que les animaux dont il est question, ont été des batraciens ou des sauriens gigantesques.

» Ceux qui ont vu ces traces, surtout dans leur gîte, ne penseront plus à des concrétions, à des lusus naturœ, etc., qui pourraient en avoir imposé aux naturalistes. Des doigts souvent très bien caractérisés par les phalanges ; la patte de devant toujours plus petite que la patte de derrière ; les pouces éloignés des autres doigts, tantôt dirigés d’un côté, tantôt de l’autre, d’après une règle constante ; et tout cela de la même manière dans quatre carrières assez distantes l’une de l’autre ; comment serait-il possible que ces empreintes fussent produites par le hasard ?

» Mais il y a d’autres empreintes dans la même pierre, qui sont plus douteuses. On y voit souvent un réseau à larges mailles quadrangulaires, à filets arrondis dont la saillie au-dessus de la surface de la pierre est d’environ de 1 à 2 centimètres ( pouce). Les naturalistes les ont regardés comme des crevasses qui ont été remplies de sable, de la même manière que les traces de pattes. Cependant, la régularité des mailles, les filets du réseau presque droits, l’épaisseur à peu près constante de ces filets, ne conviennent pas à l’idée de fentes ou de crevasses. On peut les comparer aux racines, ou plutôt aux rhizomes, telles que les rhizomes d’Acorus Calamus, qui rampent à la surface des marais, et qui, pourries et détruites, laisseraient des empreintes ensuite remplies de grès. On m’a fait l’objection que ces rhizomes ne présentent pas de véritables anastomoses, comme le fait ce réseau. Cela est bien vrai ; mais j’ai vu l’autre jour, dans le Musée d’Histoire naturelle, galerie de Botanique, ici à Paris, la racine d’un if (Taxus), dont les branches sont greffées naturellement l’une dans l’autre, de manière qu’elles forment les mailles d’un réseau. Ce qui est arrivé ici par hasard, ne pourrait-il pas avoir existé en règle générale pour quelques végétaux du monde primitif ? »

Histoire naturelle.Lettre de M. Paul Gervais sur les éponges d’eau douce.

« J’ai l’honneur de soumettre à l’Académie le résumé sommaire de quelques observations que je viens de faire sur les spongilles ou éponges d’eau douce. Plusieurs d’entre elles n’étant que de simples confirmations de faits déjà énoncés, j’ai eu soin d’indiquer les auteurs auxquels on en doit la première connaissance ; les autres m’ont paru inédites ; de même que les premières, celles-ci font partie d’un travail plus étendu, que je soumettrai au jugement de l’Académie, dès que de nouvelles recherches l’auront rendu moins incomplet.

» La nature des spongilles ou éponges d’eau douce, est encore aujourd’hui un problème pour quelques naturalistes ; plusieurs, parmi lesquels se placent MM. Grant et Raspail, veulent que ces productions appartiennent au règne animal ; d’autres, à la tête desquels se rangent MM. Gray, Dutrochet et Link, en font des végétaux : mes observations semblent apporter de nouveaux faits à l’appui de leur opinion.

» Examinés à la loupe, les corps organisés qui nous occupent paraissent formés uniquement de globules et de spicules. Les spicules, qui sont des cristaux de silice, ont été bien étudiés par MM. Grant et Raspail ; ils sont les seules parties dures que présentent les spongilles. Ce caractère différencie ces dernières de la plupart des éponges marines, qui offrent de plus des filamens mucoso-cornés, enlacés et à contours arrondis. Les globules forment la partie vivante des spongilles, et ces spongilles ne manifestent aucun signe de sensibilité. De plus, elles varient pour la couleur du blanc jaunâtre au vert, suivant qu’elles sont exposées à l’obscurité ou à la lumière. Leur forme est aussi très diverse : souvent disposées en larges plaques, les spongilles sont d’autres fois rameuses à la manière des madrépores ou allongées en filamens grêles, qui rappellent plus ou moins ceux des polypiers flexibles ; mais ainsi qu’on l’a dit, ces différences ne paraissent pas devoir servir à caractériser des espèces, puisqu’une même masse de spongille peut les offrir toutes dans les différens points de son étendue ou dans les diverses phases de son existence.

» On trouve à la surface des spongilles, outre les pores qui y sont percés, d’autres trous plus grands et qui sont des orifices de canaux se ramifiant dans la masse totale : ces orifices sont comparables aux oscules des éponges marines, que tous les auteurs s’accordent à refuser aux éponges d’eau douce. Je les ai trouvés bien développés sur les spongilles en plaques ; ils y représentent autant de petites cheminées ou cratères en miniature, dont l’orifice est un peu élevé au-dessus de la surface générale et possède une ligne ou une ligne et demie de diamètre.

» Les corps arrondis qui se développent au milieu de la matière des spongilles, n’ont rien de comparable aux œufs des alcyonelles, il ne s’y fait aucun travail embryonnaire : ce sont, ainsi que l’admet M. Link, de véritables graines comparables à celles des végétaux inférieurs, et que l’on doit de même appeler des sporanges.

» Ces sporanges sont ainsi composés :

1ode globules contenus ;

2od’une enveloppe, résultant elle-même de deux couches : l’une interne, résistante et roussâtre ; l’autre externe, tomenteuse et teinte d’un jaune doré.

» On voit ordinairement sur les sporanges une tache indiquée par MM. Link et Raspail, et que l’on pourrait prendre pour l’impression du hile. Je ne pense pas cependant qu’elle puisse être regardée comme telle : 1o parce que le sporange n’a jamais de pédicule ou funiculum, et qu’il est libre au milieu des globules ; 2o parce que le prétendu hile est quelquefois multiple, double par exemple, ce qui est assez fréquent, ou même triple et quadruple.

» La tache dont il s’agit a généralement la couleur rousse de l’enveloppe interne ; elle est en effet formée par cette dernière, rendue visible par suite de l’absence dans un point variable, mais toujours fort restreint, de l’enveloppe externe.

» Lors de la germination, c’est-à-dire lorsque les globules contenus dans le sporange passent à l’extérieur, c’est à l’endroit même de cette tache que se fait le trou qui doit leur livrer passage : la tache est donc alors remplacée par un trou. Ces globules viennent à l’extérieur contribuer à l’accroissement de la spongille à laquelle ils appartiennent, ou bien, si leur sporange a depuis quelque temps abandonné la plante mère, ils déterminent la formation d’un autre végétal.

» Les spongilles, desséchées pendant quelque temps, peuvent reprendre toute leur vitalité si on les replace dans des conditions favorables : c’est alors que le rôle des sporanges est très facile à étudier.

» Les globules encore renfermés dans la graine, sont tantôt confusément répandus dans son intérieur, tantôt au contraire réunis en de petites masses arrondies de globules, masses auxquelles je n’ai point reconnu d’enveloppe particulière. Dans quelques cas, il peut arriver que les globules déterminent, même dans l’intérieur du sporange, la formation d’autres graines ou sporanges, comme ils l’auraient pu opérer à l’extérieur. Ainsi j’ai trouvé à la couche inférieure de certaines plaques de spongilles, un grand nombre de ces sporanges mères, qui en contenaient eux-mêmes deux, trois et jusqu’à quatre autres, ayant la même structure, la même composition et la même couleur jaune. »

Botanique.De la formation et du développement des organes floraux, par MM. Guillard frères, chefs d’institution à Lyon.

En présentant un ouvrage de MM. Guillard, sur la formation et le développement des organes floraux, M. Mirbel en a donné l’analyse qu’on va lire.

« MM. Guillard ont remonté jusqu’à l’origine de tous les organes floraux. Ce qui concerne la formation des pistils est la partie la plus intéressante de leur travail. J’ai revu les faits dans plusieurs espèces ; j’ai trouvé les descriptions d’une exactitude parfaite.

» Les pistils simples, tels que ceux des légumineuses, qui n’ont qu’un ovaire à une seule loge dans chaque fleur, sont représentés, dans les premiers temps de leur apparition, par une petite feuille oblongue dont les deux bords sont rapprochés, mais pourtant ne se joignent pas. Plus tard, ils se toucheront et se souderont ensemble. Des dentelures le long des bords de la petite feuille sont les ovules naissans.

» Les pistils composés, tels que ceux de l’ellébore, de l’ancholie, de l’aconit, etc., qui offrent dans la même fleur la réunion de plusieurs ovaires distincts, ressemblent à un groupe de pistils de légumineuses empruntés à plusieurs fleurs, et chaque ovaire naissant se comporte exactement comme l’ovaire unique de la fleur des légumineuses. J’ai vérifié ce fait sur l’ellébore.

» Les pistils composés, tels que ceux des euphorbiacées, des crucifères, des liliacées, etc., qui offrent aussi une réunion de plusieurs ovaires dans la même fleur, mais qui diffèrent des précédens, parce que les ovaires au lieu d’être distincts, sont étroitement soudés ensemble, se montrent originairement sous la forme d’un vase dont le bord un peu resserré serait festonné. Le nombre des festons répond à celui des ovaires, ou, si l’on veut, des petites feuilles qui en sont les premiers rudimens. Plus tard, quand il y a lieu, les bords de chaque petite feuille rentrent dans la cavité commune et la divisent en plusieurs loges, tandis que l’orifice se ferme. Le ricin et la giroflée justifient cette description.

» Dans ces trois divisions, le point culminant de la petite feuille qui commence chaque ovaire s’allonge et devient le style. »


Observations horaires de la température de l’air, faites à Salzufeln, en Westphalie, dans



l’année 1828, par MM. Rodolphe et Guillaume Brandes. (Thermomètre de Réaumur.)


Nous ne ferons, en ce moment, qu’une remarque au sujet des importantes observations thermométriques de M. Brandes. Ces observations, comme celles de Leith, si habilement discutées par M. Brewster, montrent que les demi-sommes des températures observées à des heures du matin et du soir de même dénomination, à des heures homonymes, peuvent servir à caractériser les climats avec une grande précision. En effet, la moyenne mathématique, la véritable température moyenne de Salzufeln, déduite des 8784 observations annuelles, est de

+7°,56 Réaumur ;
eh bien !
La moyenne annuelle de
1h du matin, 2h M. 3h M. 4h M. 5h M. 6h M.
combinée avec celle de
1h du soir, et 2h S. et 3h S. et 4h S. et 5h S. et 6h S.
donne 7°,78 7,70 7,56 7,40 7,36 7,32
7 M. 8 M. 9 M. 10 M. 11 M. 12 M.
et 7 S. et 8 S. et 9 S. et 10 S. et 11 S. et 12 S.
7,34 7,42 7,56 7,66 7,70 7,80

Les heures homonymes conduisent donc à la température moyenne annuelle, avec une précision vraiment remarquable. La plus grande discordance est fournie par la combinaison des observations de 6 heures ; et cependant, alors même, l’erreur n’est que de 0°,24 Réaumur = 0°,30 centigrades en moins. Si l’on se rappelle que Leith est sur la côte orientale d’une île, que Salzufeln doit être considéré comme une station continentale, on ne doutera guère qu’une loi météorologique qui se vérifie dans des lieux placés si diversement, ne puisse être légitimement généralisée. L’article suivant montrera toute l’utilité de ces remarques.

Météorologie.Sur le climat de la côte orientale de l’Amérique du nord.

M. Arago présente, de la part de M. le docteur Mac Loughlin, des observations faites par M. John Mac Loughlin, pendant une année entière (de mai 1832 jusqu’en avril 1833) au fort Vancouver (rivière Columbia, côte occidentale de l’Amérique du nord, 46° de latitude). Ces observations n’étaient pas discutées. Toutes les températures s’y trouvaient exprimées en degrés de Fahrenheit. M. Arago les a d’abord fait transformer en degrés du thermomètre centigrade, par l’un des élèves de l’Observatoire de Paris, M. Laugier. Les heures dont M. Mac Loughlin fit choix, sont 6h du matin, 2h après midi et 6h du soir. 2h après midi est à peu près, en tout lieu et en toute saison, l’époque du maximum de la température diurne ; mais 6h du matin n’est l’heure du minimum qu’aux deux équinoxes. Ainsi la combinaison des observations de 6h du matin et de 2h après midi, aurait donné un résultat trop fort. Ici se présentait, dans toute son évidence, l’utilité de la remarque consignée dans l’article précédent, sur la propriété des heures homonymes. 6h du matin et 6h du soir figurent en effet, l’une et l’autre, dans les tableaux de M. Mac Loughlin ; on avait donc, à défaut des températures extrêmes, deux autres élémens équivalens de la température moyenne ou d’une température de 2 à 3 dixièmes plus petite que la moyenne réelle. C’est ainsi qu’on a trouvé, pour le fort Vancouver, la température moyenne

+12°,8 centigrades.

Voici maintenant les extrêmes et moyennes températures de chaque mois : on se rappellera que les minima peuvent être un peu trop forts, attendu qu’on ne consultait le thermomètre, dans la matinée, qu’à 6h :

Maxima. Minima. Moyennes.
Mai 1832
+37°,8 +5,5 +14,1
Juin
+37,2 +10,5 +15,1
Juillet
+35,0 +11,7 +16,9
Août
+33,3 +15,5 +21,5
Septembre
+28,3 +13,3 +18,4
Octobre
+20,0 +10,0 +12,8
Novembre
+18,9 +5,0 +10,4
Décembre
+18,3 +7,8 +11,4
Janvier 1833
+16,1 −11,1 +1,0
Février
+15,0 −0,6 +9,3
Mars
+17,8 +3,3 +9,5
Avril
+21,7 +2,8 +12,7

On savait depuis long-temps que la côte orientale des États-Unis de l’Amérique, est notablement plus froide que la côte occidentale de l’Europe. Des phénomènes de végétation, cités par M. de Humboldt dans son beau mémoire sur les lignes isothermes, ont aussi prouvé que la côte occidentale du nouveau continent est plus tempérée que la côte orientale ; mais en l’absence d’observations météorologiques exactes et continuées un temps suffisamment long, il ne serait pas possible de dire à combien de degrés se monte la différence. On pourra d’ailleurs être curieux de rechercher si, sur les deux continens, les côtes occidentales se trouvent dans des conditions de température exactement pareilles, et jusqu’à quelles latitudes la ressemblance s’étend ; eh bien ! les observations de M. Mac Loughlin, dont nous venons de donner les principaux résultats, seront un jour mises à profit par les météorologistes qui tenteront de résoudre définitivement ces curieuses questions de physique terrestre. Dès ce moment, il nous suffira de transcrire ici quelques nombres, pour que chacun aperçoive d’un coup d’œil combien, par 46° de latitude, les côtes orientales et occidentales d’Amérique diffèrent entre elles sous le rapport thermométrique ; et combien, au contraire, il y a de ressemblance entre les températures des côtes homonymes de l’ancien et du nouveau continent.

Latitude. Temp. moyenne.
Cambridge. Côte orientale d’Amérique
42°1/3 +10°,2
New-Yorck
id.
40.2/3 +12,1
Fort Vancouver. Côte occidentale d’Amérique
46° +12°,8
Milan
45°1/2 +13°,2
Nantes
47.1/5 +12°,6
Bordeaux
44.5/6 +13°,6
Géologie.Lettre de M. Théodore Virlet à M. Arago sur le phénomène de la dolomisation et la transformation des roches en général.

« Je viens de lire dans un journal le résumé de la discussion qui s’est élevée au sein de l’Académie des Sciences, dans sa séance du 12 octobre, au sujet de la théorie de la dolomisation de M. Buch, théorie ingénieuse et hardie, si l’on se reporte à l’époque où elle a été donnée. On sait que je suis loin de partager toutes les opinions de ce célèbre géologue ; mais, par cela même que je n’ai pas hésité, à une époque où j’étais pour ainsi dire encore ignoré dans la science, à combattre celles de ces opinions que je ne partageais pas, je crois devoir, aujourd’hui, d’après l’indépendance bien connue de mon caractère, venir appuyer le fait qui lui est contesté, lequel touche d’ailleurs directement à une question dont je me suis beaucoup occupé, celle de la transmutation des roches en général, l’une des plus neuves et des plus importantes questions de la géologie positive, et qui doit nous faire faire les plus grands pas dans l’étude de la composition des roches et amener la solution d’une foule de faits jusqu’ici regardés comme inexplicables.

» En traitant, il y a déjà quelque temps, à la Société géologique de France, des modifications survenues dans une couche de fer hématite, que j’ai eu occasion d’observer près de Sargans, canton de Saint-Gall (Suisse), j’ai été amené, en rappelant un grand nombre de faits analogues que j’ai eu occasion d’observer et que j’ai signalés dans la géologie de la Grèce, à considérer le phénomène de la transmutation des roches sous deux points de vue différens, et à diviser les roches modifiées en deux classes bien distinctes.

» 1o. Celles qui ont été modifiées, soit par l’action prolongée de la chaleur, soit par des actions électro-chimiques, soit enfin par l’action de ces deux causes réunies, lesquelles ont changé les combinaisons ou l’arrangement primitif des molécules entre elles.

» 2o. Les roches qui ont été modifiées par des actions et réactions chimiques, à l’aide d’agens étrangers (tels que des gaz), qui sont venus agir directement sur elles et en changer la nature primitive. C’est dans cette classe de roches modifiées, que la dolomie vient naturellement se ranger.

» La première manière d’envisager la modification des roches, à laquelle le premier j’ai songé, m’a permis d’expliquer comment certaines couches placées au milieu d’autres couches, ont pu se modifier plus que celles-ci, ou même ont pu se modifier complétement, sans que les autres, soit qu’elles fussent en contact, soit qu’elles fussent même à la partie inférieure du terrain, aient quelquefois éprouvé de changement sensible dans leur état primitif et cela sans qu’aucune des couches se soient confondues les unes avec les autres. J’ai émis à ce sujet une opinion qui résulte autant de mes propres observations, que de la manière dont j’envisage les premiers dépôts arénacés qui ont dû se former, à l’époque où les eaux commençaient à se condenser à la surface de la terre, et que bien des personnes pourront peut-être regarder comme une hérésie, mais qui, je n’en doute pas, sera bientôt partagée par tous les bons esprits, savoir, que toutes les roches stratifiées, sans en excepter ni les gneiss, ni les micaschistes, ni les schistes argileux, etc., ont été primitivement des roches de sédiment, formées par voie d’agrégation mécanique, lesquelles n’ont acquis les caractères de cristallinité qui les distinguent aujourd’hui, que par suite des modifications qu’elles ont subies, postérieurement à leur dépôt.

» On conçoit, au contraire, d’après le second mode de modification des roches, que dans le plus grand nombre de cas, toutes les couches se soient confondues de manière à ne plus présenter qu’une seule et même masse sans stratification distincte, comme par exemple la dolomie, certains terrains de grès et d’argiles transformés en jaspes et en porphyres trachytiques, et d’autres roches, telles que j’ai eu plus d’une fois occasion d’en observer ; car les agens chimiques, en pénétrant à travers un certain nombre de couches, ou en les traversant en totalité, ont pu enlever une partie des élémens de la roche primitive et en substituer d’autres, ou bien servir à former de nouvelles combinaisons et réunir enfin toute la masse du terrain. C’est à ces considérations que je voulais principalement en venir, puisqu’elles concernent le phénomène de la dolomisation.

» Je ne conteste pas et j’admets même qu’il y a des dolomies que j’appellerai primitives, quel que soit leur âge géologique, c’est-à-dire qui se sont formées par suite du dépôt simultané des carbonates de chaux et de magnésie, car la magnésie était au moins aussi abondante dans la nature que la chaux, surtout à l’époque où les terrains anciens se déposaient ; mais ces dolomies primitives ont pour caractères distinctifs, d’être toujours en couches régulièrement stratifiées, comme les autres roches auxquelles elles peuvent se trouver subordonnées ; tandis que les dolomies dont il est question et que j’appellerai par opposition dolomies de transmutation, celles enfin signalées par M. de Buch dans les Alpes et bien d’autres que je pourrais citer, sont sans stratification et se présentent en masses irrégulières, avec des caractères auxquels les personnes habituées à observer les roches modifiées se trompent rarement. Il n’est pas permis à ceux qui ont visité les dolomies des Alpes, de douter de la réalité du phénomène de la dolomisation, quelque difficile qu’il paraisse à expliquer tout d’abord, attendu que la chimie nous enseigne que le carbonate de magnésie n’est pas volatil, ou qu’il se décompose à la chaleur rouge, ainsi que l’a objecté M. Thénard ; c’est en effet d’après ces considérations que, l’un des premiers, j’ai publié mes doutes à ce sujet, à une époque où l’on ne paraissait pas encore s’être occupé de s’assurer par l’analyse chimique que les parties du terrain qui n’avaient pas été modifiées, n’étaient pas également magnésiennes, c’est-à-dire ne formaient pas des couches de dolomie primitive, circonstance qui aurait ramené alors le phénomène de la transmutation des calcaires en dolomies, à un simple phénomène de modification et de cristallisation, analogue à celui qui a déterminé, par exemple, le changement des calcaires compactes jurassiques de Carrare et celui des calcaires compactes crayeux de quelques points des Pyrénées, en calcaires grenus ou marbres statuaires. L’un de mes amis, M. Des-Génevez, qui possédait des connaissances fort étendues en chimie et dont les premiers travaux scientifiques font si vivement regretter la perte prématurée, a malheureusement été enlevé aux sciences avant d’avoir publié les résultats de ses recherches chimiques sur la dolomisation, qu’il m’a dit, plusieurs fois, lui avoir démontré qu’il existait un passage insensible et horizontal des couches de carbonate de chaux non altéré, à la dolomie ou double carbonate de chaux et de magnésie. Ainsi la transmutation de certains calcaires en dolomie, postérieurement à leur formation, est pour moi un phénomène bien démontré, et qui n’exige, selon moi, qu’une explication convenable pour pouvoir être admis par tout le monde.

» Qui ne sait combien de faits, peut-être plus difficiles à concevoir jusqu’ici, ont déjà été résolus par suite des belles recherches de M. Becquerel en électro-chimie, et les importans travaux de M. Fournet sur la formation des filons. Bien d’autres faits qu’on n’a pas encore pu bien expliquer, ont été aussi signalés et même admis sans contestation. Par exemple, j’ai constaté que l’émeri de Naxos provenait de filons et par conséquent avait été formé, comme la plupart des fers oligistes, par voie de volatilisation et de sublimation ; cependant le corindon et l’oxide de fer, dont le mélange constitue l’émeri, ne sont pas plus volatils que le carbonate de magnésie, qui fait le sujet de la contestation.

» De ce que nos connaissances chimiques ne nous permettent pas toujours d’expliquer les phénomènes que nous pouvons constater, s’ensuit-il que nous devions les révoquer tous en doute ? La nature n’a-t-elle donc pas eu des moyens d’agir que nous ne connaissons pas encore ? et n’aurait-elle pas pu procéder par exemple, par voie de double décomposition chimique ? Alors le phénomène pourrait s’expliquer facilement. On sait que tous les muriates sont volatils, ou du moins susceptibles de sublimation. La magnésie aurait donc très bien pu arriver à l’état de muriate, donner lieu à la formation d’un hydrochlorate de chaux soluble, qui aurait été enlevé par l’infiltration des eaux ; tandis que la magnésie se serait, au contraire, combinée avec la partie de l’acide carbonique mise en liberté et aurait servi à former ainsi le double carbonate de magnésie et de chaux, qui constitue la dolomie proprement dite. Il n’y a certainement rien là de contraire à la raison et qui ne puisse être admis, d’autant plus que le gaz acide hydrochlorique est l’un des gaz qui se dégagent le plus fréquemment des volcans et que les muriates ont dû se dégager beaucoup plus abondamment encore autrefois, si l’on admet avec les géologues de l’école moderne, que les immenses dépôts de sel gemme qui existent dans les terrains salifères, se sont déposés par voie de volatilisation, au milieu des terrains qu’ils pénètrent.

» Je pense, d’après cela, que les modifications des roches de la seconde classe pourront désormais s’expliquer toutes par voie de double décomposition, procédé qui vient de permettre à un de mes amis, M. Aimé, de produire, dans le laboratoire, du fer oligiste cristallisé analogue à celui de l’île d’Elbe, et du fer pur également cristallisé, substance jusque alors inconnue aux minéralogistes ; d’où je conclus que le temps n’est peut-être pas éloigné où nous pourrons facilement reproduire toutes les espèces de pierres gemmes, sans en excepter même le diamant. »

Astronomie.Lettre de MM. Guillaume Beer et Maedler à M. Arago sur les satellites de Saturne.

« Les deux satellites les plus rapprochés de Saturne découverts par Herschel, en 1789, lorsque la terre traversa le plan de l’anneau (lequel, par son télescope de 20 pieds, resta visible comme une ligne très fine) n’ont jamais été revus depuis ce temps-là, malgré les efforts de nos premiers astronomes. En conséquence, tout ce que nous savons de leurs orbites est uniquement fondé sur les observations de Herschel. Dans ce temps-là les élémens de réduction n’étaient pas déterminés avec une précision suffisante ; car les longitudes calculées de Saturne s’écartaient quelquefois d’un demi-degré des longitudes réelles ; en outre, Herschel n’avait pas assujetti ses observations à un calcul précis, et s’était contenté des premières approximations.

» Une discussion approfondie de ces observations nous a paru digne de quelque intérêt, d’autant plus que plusieurs personnes avaient conçu des doutes sur l’existence de ces satellites, depuis qu’on n’avait pas réussi à les voir à l’aide du grand réfracteur de Dorpat, pendant la dernière disparition de l’anneau.

» Cette discussion, nous l’avons entreprise ; en voici les résultats :

» En ce qui touche l’existence des satellites, on ne peut en douter par la seule comparaison des données d’Herschel. Il vit, par exemple, le 28 août 1789, les cinq anciens satellites à la fois, et avec certitude un sixième[1] ; le 17 septembre il les vit tous les sept. Il observa plusieurs fois des conjonctions entre les nouveaux satellites et les anciens, etc. Il y a, dans son Mémoire, 200 positions de satellites qui, soigneusement comparées, ne peuvent répondre à aucun des anciens satellites, et qui, pour la plupart, ne se trouvent pas sur la ligne de l’anneau, et ne sauraient être, par cette raison, des proéminences de ce dernier.

» Cependant toutes ces observations ne sont que des estimations de la distance, dans la direction de la ligne annulaire prolongée ; quelques notions vagues, comme a little north, et d’autres semblables, ne sont pas propres à former la base d’un calcul. En outre, les estimations ne sont pas exprimées par la même unité. C’est quelquefois la projection de la partie visible de la ligne annulaire, d’autres fois le diamètre apparent de Saturne. Dans le premier cas la distance est exprimée from the preceeding or following arm ; dans le second, from the body.

» Il n’est guère possible de déterminer d’avance sous quel angle Herschel a vu le diamètre de la planète ou la projection de l’anneau. On sait que ses mesures de ces deux objets, diffèrent essentiellement de celles de nos jours, et l’on ne saurait décider si ces erreurs relèvent de la vue ou de ses instrumens. Il est vrai que l’on pourrait se contenter d’introduire dans le calcul, seulement comme relations, les estimations des distances, en déduisant la vraie distance moyenne en secondes, du temps de la révolution et de la masse de Saturne calculée par Bessel ; mais la relation entre les termes projection et diamètre devrait être connue, si toutes les observations doivent être liées entre elles, circonstance qui nous a forcés de répéter presque tout le calcul.

» Voici maintenant les observations de Herschel, tirées des Philosophical Transactions et abrégées de manière à faire voir tout ce qui peut être essentiel. Une digression ouest (preceeding) aura le signe −, une à l’est (following) le signe +.

La projection of the arm sera exprimée par p,
Le diamètre de Saturne par
d ;

1 p a été ajouté à toutes les distances from the edge ; ainsi tous les nombres sont comptés from the body. Nous avons mis N ou S partout où il y avait l’expression a little north or south. Enfin nous nous sommes permis de mettre une petite fraction au lieu des expressions not full, a little more, perhaps more, a little less, etc., car Herschel ne donne ordinairement que des quarts, bien rarement des huitièmes de ses projections ou diamètres. Le temps, est le temps sidéral de Slough que nous avons changé pour le calcul en temps moyen en ajoutant les corrections de la pendule.







» Plusieurs observations, exprimées en termes très vagues, ont été omises, et parmi celles que nous venons de rapporter, il y en a qui, au moins pour le moment, ne pourraient servir pour le calcul. Les conjonctions avec les anciens satellites pourront, les travaux de Bessel sur le système de Saturne une fois terminés, servir pour la détermination ultérieure des orbites de ces deux satellites.

» On s’aperçoit facilement que la précision de ces observations ne suffit pas pour en déduire l’inclinaison et le nœud, et que l’on doit en conséquence supposer la coïncidence des plans des orbites de ces satellites avec celui de l’anneau. Nous avons commencé le calcul en supposant ces orbites circulaires. Nous jugerons après, par la comparaison des erreurs, si l’on pourra les diminuer par une ellipse. Mais, avant tout, on doit chercher la relation entre p et d.

» Herschel a exprimé plusieurs fois la même observation par les deux mesures ; il donne des distances qui semblent être des plus grandes élongations, quelquefois en d et d’autres fois en p. En comparant ces quantités nous-mêmes, nous fîmes hypothétiquement

p = 0,58 d ;

adoptant cette valeur et employant la méthode des moindres carrés, nous calculâmes la distance, l’époque et le temps de la révolution. Ces nombres nous fournirent le moyen de corriger p et d ; après avoir fixé de nouveau leur rapport ; après avoir trouvé que

p = 0,510 d,

nous recommençâmes le calcul avec cette nouvelle valeur.

» La distance apparente d’un satellite du centre de Saturne, vu de la terre, est égale au sinus de sa longitude saturnicentrique, moins la longitude géocentrique de Saturne, en mettant le rayon = 1. Après avoir transformé le temps sidéral de l’observation en temps moyen, et corrigé de l’aberration, on calcule, pour ces vrais momens, la longitude de Saturne d’après les tables de Bouvard, les longitudes de 1789 calculées d’après les tables anciennes, étant fausses.

» En mettant

La distance apparente
La longitude saturnicentrique du satellite pour le temps T.
La longitude géocentrique de Saturne
La longitude du satellite pour l’époque
Le demi-grand axe de l’orbite
Le mouvement moyen

» On aura pour une orbite circulaire

,
 ;
en conséquence,

» Eu égard à la nature des données, il nous a paru tout-à-fait suffisant d’exécuter le calcul en minutes entières d’arc, et en millièmes du diamètre de Saturne.

» Les observations marquées d’une étoile n’ont pu être calculées par les raisons déjà mentionnées. Dans les observations du 16 octobre, jour où Herschel vit disparaître les satellites derrière le globe de Saturne, les momens : not quite vanished yet et still perceived, ont été pris pour ceux où le bord apparent de Saturne coïncidait avec le centre du satellite. Les observations du 17 septembre, 1h 46′, et du 21 novembre, 0h 57′ ne sont pas conformes aux autres, et celle du 25 novembre, 1h 21′ ne peut être valable qu’en lisant −d au lieu de +d.

» Les équations de condition ainsi formées, et résolues d’après la méthode des moindres carrés, donnent pour le sixième satellite

Distance
1,60396 d.
Révolution
32h 53′ 2″,728
Époque, 1789 sept. 14. 11h 53′ temps moyen de Slough… Longitude saturnicentrique du satellite = 67° 56′ 25″,5.

» Cette révolution répond, en employant la masse de Saturne déterminée par Bessel, à une distance saturnicentrique du satellite de 34″,38 pour la distance moyenne de la terre, et l’on peut en tirer la conclusion que Herschel, pendant ses observations, a vu le rayon de la planète sous un angle de 10″,72. Ses mesures lui attribuent 10″,30.

» Les équations de condition donnent pour le sixième satellite les erreurs suivantes, exprimées en millièmes du diamètre de Saturne :

+69 −2 +236 −6 −33 +81 −102 −3 −152
+62 −72 +40 −4 −55 −242 −58 +59 −81
+46 −134 +23 −160 −44 −10 −161 +22 +73
−55 −398 :: +58 −9 +65 +35 −2 +68 +133
+175 −70 +18 +80 −42 −82 +175 +63 −139
−145 +36 +17 +64 −97 −96 −211 −31 −122
−86 −36 +153 +65 −103 −295 :: −71 −87 +66
−74 −25 +112 −12 −35 +127 +177 −13 −107
+175 −106 −71 −22 −162 −65 −139 −37
+33 −31 +82 +31 +124 −46 −116 −29
» En supprimant deux observations, dont les erreurs surpassent un quart du diamètre de Saturne, les quatre-vingt-six restantes donnent l’erreur moyenne d’une estimation de Herschel = 0,0983 d ou d’après la valeur de d ci-dessus exprimée = 2″,107. Un essai graphique où ces erreurs figuraient d’après leur ordre de longitude saturnicentrique et destiné à découvrir si quelque ellipticité correspondrait mieux aux observations, nous fit apercevoir qu’en tout cas cette excentricité serait très petite, et ne pourrait diminuer sensiblement les discordances. En conséquence, nous abandonnâmes la recherche.

» Les observations du septième satellite, traitées de la même manière que celles du sixième donnent, en supposant une orbite circulaire,

Distance
1,26845 d.
Révolution
22h 36′ 17″,705
Époque, 1789, sept. 14. 13h 26′ = 268° 34′ 36″.

Les équations de condition donnent les erreurs suivantes :

−72 −46 −237 −60 −9 −17 −138
+19 −71 −11 −47 −53 −52 +214
+23 −15 +1 −125 −97 −94 −100
−9 −170 +13 +40 +23 −93 −221
+89 −249 −65 +125 −131 +100 −160
+11

L’erreur moyenne d’une observation = 0,110 d. Elle est donc plus considérable que celle du sixième ; mais il était facile de s’apercevoir qu’elle diminuerait par l’introduction d’une ellipticité.

» En faisant une esquisse graphique, il parut probable que le perisaturnium se trouverait entre 90° et 100° de longitude saturnicentrique, et en basant là-dessus quelques essais, nous avons trouvé les élémens elliptiques suivans :

Demi-grand axe
= 1,23410 d.
Excentricité
= 0,06889 a
Perisaturnium
= 104° 42′
Révolution
= 22h 36′ 17″,705
Époque, 1789, sept. 14. 13h 26′ = 264° 16′ 36″.

» Le calcul, renouvelé avec ces élémens, donne les erreurs

+58 −7 +41 +78 −98 −93
−14 +71 +38 +138 +36 +274 ::
+43 −36 −26 +8 +6 −28
+ 5 −131 −24 −35 +1 −57
+137 −163 −7 −76 −59 +3
+2 +41 −53 +46 −59 +36 .
En excluant une seule observation dont l’erreur excéderait le quart du diamètre de Saturne, l’erreur moyenne est de
0,0731 d = 1″,56.
Cette erreur moyenne est à celle du sixième (2″), presque comme la racine carrée des distances estimées, ce qui était présumable.

» Suivant cette révolution du septième satellite, le demi-grand axe est de 26″,778, et le rayon de Saturne, comme Herschel l’a vu, de 10″,849. Ce résultat ne diffère que de 0″,13 de celui obtenu par le sixième.

» Les résultats de notre calcul n’offrent pas toute la précision nécessaire pour former des tables du mouvement moyen de ces satellites. Il faudrait être sûr de 1″ pour la durée de la révolution du sixième, et de 0″,5 pour le septième, si l’on voulait calculer les lieux, seulement à peu près, pour le temps actuel. Mais le calcul des poids démontre que cette incertitude s’élève à 8″,57 pour le sixième, et à 14″,86 pour le septième.

» Nous espérons que notre discussion ne laissera aucun doute sur l’existence de ces satellites. Au reste, après la conclusion de ce travail, nous eûmes la satisfaction d’apprendre que M. Herschel annonçait, dans une lettre à M. Bessel, avoir vu les deux satellites avant son départ pour le cap de Bonne-Espérance. »

Médecine.Statistique appliquée à la médecine.

Après la lecture de la correspondance, M. Double réclame la parole et s’exprime en ces termes :

« Je demanderai d’abord la permission d’adresser de sincères remercîmens à l’honorable collègue (M. Navier) qui a bien voulu entrer dans la discussion que j’ai eu l’honneur de soulever au sein de l’Académie, touchant les applications du calcul des probabilités à la thérapeutique (voyez le numéro précédent, p. 247). J’éprouve surtout le besoin de le remercier des formes courtoises, et beaucoup trop flatteuses même, dont il a bien voulu se servir. Personne n’ignore, du reste, que chez lui c’est nature et caractère tout-à-la-fois.

» La question dont il s’agit est nouvelle ; elle est belle ; elle est d’une haute portée philosophique. Plusieurs hommes de science ne manqueront pas de venir s’y mêler. Que si la discussion ultérieure venait à modifier dans mon esprit des idées qui sont le résultat de vieilles et de vives méditations ; je m’empresserais de le reconnaître et de le proclamer ; jusque là, qu’il me soit permis de déclarer que les lumineuses considérations de notre collègue, que je regrette fort de n’avoir pu entendre, mais que j’ai lues avec toute l’attention dont je suis capable, n’ont rien changé à mes profondes convictions. Encore une fois, dans mon opinion, il ne s’agit pas, en thérapeutique appliquée, de symétriser, de nombrer, de sommer des observations, mais bien de réunir, de comparer, d’analyser les faits. En un mot, la méthode éminemment propre aux progrès de cette science, c’est l’analyse logique et non point l’analyse numérique.

» Les nombres, en effet, n’ont de valeur ou de signification qu’autant qu’ils sont l’assemblage, la représentation d’unités de même espèce, de même nature. En médecine, l’absolu, de quelque genre qu’il soit, n’est ni du ressort de la nature, ni du ressort de l’esprit humain.

» Au surplus, comme les idées que j’ai trop sommairement, sans doute, exposées, et seulement par occasion, ne paraissent pas avoir entraîné de suffisantes convictions, je me propose d’en faire la matière d’un mémoire particulier, que j’aurai l’honneur de soumettre au jugement de l’Académie. »

MÉMOIRES PRÉSENTÉS.
Astronomie.Mémoire de M. Demonville sur les comètes.
(Commissaires, MM. Bouvard, Arago, Damoiseau.)
Mécanique.Mémoire de M. Fusz, sur une nouvelle forme de ressorts pour les voitures.
(Commissaires, MM. Navier et Poncelet.)
Physique.Mémoire sur un nouveau mode de production du son ; par M. Aug. Pinaud.
(Commissaires, MM. Dulong, Savart, Becquerel.)

« Le 26 mai dernier, je travaillais, dit M. Pinaud, à la lampe d’émailleur pour construire un thermomètre différentiel. Je soufflai une petite boule à l’extrémité d’un tube de verre d’environ trois millimètres de diamètre. La boule était encore très chaude quand j’abandonnai le tube à lui-même. Aussitôt j’entendis un son d’une faible intensité, mais très pur, qui s’affaiblit graduellement et s’éteignit avec la chaleur de la boule. »

Ce peu de lignes indique suffisamment la nature de sons que M. Pinaud étudie dans son mémoire. Suivant lui, la vapeur d’eau serait la cause essentielle du phénomène. Nous entrerons dans de plus grands détails à ce sujet quand les commissaires auront fait leur rapport.

Mécanique.Recherches sur ce qu’il y a d’analogue au centre des forces parallèles, dans un système à forces non parallèles ; par M. Minding, professeur à Berlin.
(Commissaires, MM. Poisson, Libri et Poncelet.)

Personne n’ignore que le point de l’espace désigné sous le nom de centre des forces parallèles, a seul la propriété de se trouver constamment sur la résultante de ces forces, de quelque manière qu’on les fasse tourner autour de leurs points d’application, pourvu cependant que le parallélisme primitif ne soit pas altéré. Le but de M. Minding a été de rechercher s’il n’y aurait pas quelque propriété analogue et plus générale, dans un système de forces non parallèles. Voici l’énoncé du théorème auquel il est arrivé :

« Les forces d’un système étant supposées telles qu’elles ne se fassent pas équilibre, si on les fait tourner autour de leurs points respectifs d’application, sans déranger leurs inclinaisons mutuelles, il y a une infinité de positions du système dans lesquelles toutes les forces peuvent être remplacées par une résultante unique. La direction de cette résultante, coupe toujours les contours d’une ellipse et d’une hyperbole situées dans deux plans perpendiculaires entre eux ; ces deux courbes sont d’ailleurs dans de telles relations, que les foyers de l’une coïncident avec les sommets de l’autre.

» Réciproquement, chaque droite qui joint un point de l’ellipse à un point de l’hyperbole, peut être considérée comme la direction de la résultante unique, pour une certaine position du système. »

Météorologie.Mémoire sur le climat de la ville de Buenos-Ayres, par M. Mossotti.
(Commissaires, MM. de Humboldt, Arago et Mathieu.)

Dans ce mémoire, dont il sera rendu ultérieurement un compte plus détaillé, M. Mossotti établit,

Que la hauteur moyenne du baromètre au niveau de la mer, est la même à Buenos-Ayres et sous le parallèle de Paris ;

Que la marche diurne barométrique, à Buenos-Ayres, est ascendante et de 1mill,7 entre 9h du matin et 3h  du soir, et de 0mill,8, en sens contraire, entre 3h et 10h du soir ;

Que la température moyenne de la même ville, par sept années d’observations, est de +17°,0 centigrades ;

Enfin, que la quantité de pluie qui tombe annuellement à l’embouchure du Rio de la Plata, est de 89centim,25.

En ne considérant, pour le moment, qu’un seul de ces résultats : la température moyenne de Buenos-Ayres trouvée par M. Mossotti, tout le monde en tirera cette importante conséquence, que la différence de température des deux hémisphères, si évidente, si incontestable, quand on prend pour termes de comparaison les Malouines et Londres, le cap Horn et Copenhague, est déjà très sensible sous le parallèle de la Plata.

Buenos-Ayres, en effet, par 34° de latitude sud, n’a que 17°,0 de température moyenne, tandis que, dans notre hémisphère, Alger, plus éloigné de l’équateur, Alger situé à 36° , jouit d’une température moyenne de +21°,0 !

Aujourd’hui, au surplus, nous n’avons voulu qu’effleurer le sujet ; nous le reprendrons plus en détail lorsque les commissaires chargés par l’Académie de lui faire un rapport sur le mémoire de M. Mossotti, auront terminé leur travail.

Minéralogie.Cire fossile.
(Commissaires, MM. Cordier, Beudant, Berthier.)

M. le docteur Meyer, premier médecin du prince de Valachie, transmet quelques échantillons de la substance qui a été appelée cire fossile. Ces échantillons étaient accompagnés d’une lettre dont nous allons reproduire les principaux passages :

« Il y a deux ans, je présentai pour la première fois cette substance à l’assemblée des naturalistes et médecins allemands, lors de leur réunion à Breslau. M. Alexandre de Humboldt, qui l’avait alors soumise à un examen particulier, proposa de lui donner le nom de cire fossile (erdwachs) ; ce nom fut adopté. Des masses considérables d’erdwachs, couvertes d’une couche d’argile ardoisée mêlée de bitume et appartenant à la formation secondaire, avaient été trouvées en Moldavie, au pied des monts Carpathes (près du village Ilanick, au district de Pakai). Un Allemand, M. Udritzky, y avait pratiqué une mine oblique, profonde d’à peu près 9 toises. On en tirait des morceaux dont plusieurs pesaient 80 à 100 livres et contenaient des quantités notables d’argent natif. Comme ces travaux avaient été conduits d’une manière tout-à-fait irrégulière, et que l’on y avait employé des ouvriers entièrement étrangers à l’art des mineurs, on fut bientôt obligé de fermer la mine, craignant son écroulement prochain. On se propose cependant, en ce moment, de reprendre les travaux et l’on est à la recherche de mineurs intelligens.

» La texture de ce fossile est très variable. Quelquefois il présente une cassure fibreuse ; d’autres fois, elle est feuilletée ; d’autres fois enfin elle est mamelonnée, et alors le minéral est très pur et transparent sur les bords. Il se fond à la température de 40° et répand une odeur bitumineuse qui n’est cependant pas désagréable.

» J’ai déjà eu l’honneur de faire remettre à l’Académie l’analyse chimique de ce minéral, qui a été faite par M. le professeur Fischer à Breslau. Une autre analyse de M. le professeur Magnus à Berlin, est insérée dans un des derniers numéros du Journal des Mines.

» On n’a point encore réussi à purifier ce fossile. Lavé à plusieurs reprises avec de l’eau, il acquiert une couleur jaune foncée, et dans cet état, on l’emploie à en faire des cierges. On a aussi essayé dans les derniers temps, d’en fabriquer de la toile, vu sa légèreté et son impénétrabilité à l’eau.

» Non loin de l’endroit d’où on le retire, on a trouvé des couches considérables de succin brun, ce qui m’avait fait croire que ce fossile serait peut-être de l’ambre jaune qui aurait été troublé dans sa formation. Sans attacher un grand prix à cette hypothèse, je suis bien aise d’abandonner la solution de la question aux membres de l’Académie des Sciences. Voici, au surplus, les caractères chimiques de la cire fossile.

» 1o. À la température ordinaire, l’alcool n’a aucune action sur ce minéral, mais à la température de l’ébullition, il en dissout une petite quantité qui se précipite pendant le refroidissement sous forme de flocons blancs. En continuant un certain temps l’action de l’alcool bouillant, la couleur brune se fonce encore davantage, et il reste, enfin, un résidu qui est brun et tenace.

» 2o. L’éther, à la température ordinaire, ne le dissout que faiblement, mais la partie dissoute par ce liquide est d’une autre nature que celle qui l’a été par l’alcool, et communique à l’éther une couleur jaune. Après avoir long-temps digéré, la partie non dissoute devient presque incolore et feuilletée. En ajoutant de l’alcool à la dissolution opérée par l’éther, ce que ce dernier avait dissous se précipite presque complétement. Soumis à l’action du feu, ce précipité entre en fusion à une température assez basse et fait sur le papier des taches semblables à celles qui ont été produites par les huiles grasses.

» 3o. Parfaitement soluble dans l’huile de thérébentine ; formée dans des proportions déterminées, cette solution se coagule par refroidissement.

» 4o. Point de saponification avec les alcalis.

» 5o. L’acide sulfurique charbonise ce fossile, mais incomplétement déjà, à la température où ce dernier entre en fusion.

» 6o. Ce corps ne s’enflamme point à l’approche d’une bougie.

» Il faut donc le ranger parmi les corps gras solides. Il ne se distingue de la cire que par quelques caractères de peu d’importance. »

RAPPORTS.
Chirurgie.Rapport de M. Larrey sur une jambe artificielle présentée par M. Mille, orthopédiste d’Aix.

Il résulte du rapport de M. Larrey, que la jambe artificielle de M. Mille ressemble de tout point à celles dont M. White de Manchester a publié la description ; qu’elle ne peut d’ailleurs être utile qu’à ceux qui ont subi l’amputation du membre au-dessus des malléoles, opération accompagnée de beaucoup d’inconvéniens et d’insuccès. Cependant, comme M. Mille paraît doué d’un esprit d’invention remarquable, il sera invité à continuer ses recherches.

Hygiène.Rapport de M. Darcet, sur l’assainissement des cellules de la Maison centrale de détention de Limoges.

Ce rapport avait été demandé par M. le Ministre de l’intérieur. Tous les moyens de ventilation des divers étages de la prison, et surtout des cellules de nuit, y sont examinés, discutés, appréciés. La commission développe enfin les bases du système de construction qu’il lui semble convenable d’adopter, en se renfermant dans la condition prescrite impérieusement par l’autorité, celle de ne proposer que des appareils peu coûteux.

LECTURES.
Histoire naturelle.Oscillariées dans les eaux thermales. Note de M. Dutrochet, sur la barégine.

« On a annoncé qu’il existait dans les eaux thermales une substance particulière à laquelle M. Longchamps a donné le nom de barégine, parce qu’il l’a observée, pour la première fois, dans l’eau sulfureuse de Barèges. M. Robiquet a eu la complaisance de me remettre des échantillons desséchés de cette substance, qu’il a recueillie dans les eaux thermales de Néris, substance à laquelle les médecins ont attribué une partie des vertus médicinales des eaux minérales. J’ai mis tremper cette substance dans l’eau froide et ayant soumis les fragmens au microscope, j’ai reconnu que c’était une oscillariée. Ses filamens desséchés avaient repris la vie dans l’eau et ils oscillaient. M. Bory de Saint-Vincent, à la vue de ces oscillariées, y a reconnu deux espèces qui abondent dans toutes les eaux chaudes et qu’il a décrites dans le Dictionnaire classique d’Histoire naturelle, sous les noms d’anabaina monticulosa et d’anabaina thermalis. Ainsi, le nom de barégine doit être oublié et surtout on doit renoncer à considérer cette substance ou plutôt cette production végétale, comme une partie composante de certaines eaux thermales. ».

Botanique.Sur une nouvelle classification des plantes, et principalement des plantes à fleurs ; par M. Lefébure.
(Commissaires, MM. Adrien de Jussieu, Turpin et Richard.)

M. Lefébure annonce que le Système floral qu’il présente est emprunté presque en entier à Tournefort et à Linné. « Si j’ai contribué, dit-il, en terminant sa lecture, à rendre plus facile une science qui place l’homme en présence des plus gracieuses et des plus éloquentes créations de la nature, du moins en terminant ma 82e année, j’oserai m’applaudir, comme d’une bonne action, d’avoir, moi aussi, apporté mon tribut de découvertes aux lois imposantes et immuables de cet ordre, sorti vainqueur du chaos, et par qui tout s’enchaîne, s’entretient, se reproduit dans l’univers. »

NOMINATIONS.

MM. Double et Breschet sont adjoints à la commission chargée de faire un rapport sur un mémoire de M. Leymerie, relatif aux circonstances atmosphériques qui, suivant ce médecin, accompagnent constamment le développement du choléra.

La séance est levée à 5 heures.

A.

Bulletin bibliographique.

L’Académie a reçu dans cette séance les ouvrages dont voici les titres :

Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des Sciences, no 12, in-4o.

Séance publique de l’Académie royale des Beaux-Arts, du samedi 10 octobre 1835 ; in-4o.

Leçons d’Anatomie comparée de Georges Cuvier ; 2e édition, tome 1er, publié par M. Duméril ; tome 4, 1re  et deuxième partie, publiées par M. Duvernoy ; Paris ; 1835.

Recueil des Actes de la séance publique de l’Académie impériale des Sciences de Saint-Pétersbourg, tenue le 29 décembre 1834 ; in-4o.

The application of Christianity to the commercial and ordinary affairs of Life, in a series of discourses ; par M. le docteur Th. Chalmers ; Glasgow, 1820, un vol. in-8o.

The christian and civic economy of large towns ; par le même ; un vol. in-8o, 1823.

Sermons preached in St Jons Church ; par le même ; un vol. in-8o, Glasgow, 1823.

Speeches and tracts ; par le même ; un vol. in-8o, 1824.

On the abuses of litterary and ecclesiastical endowments ; par le même ; un vol. in-8o, 1827.

On political economy in connection with the moral state and moral prospects of society ; par le même ; un vol. in-8o, 1832.

The Bridgewater treatise on the power, wisdom and goodnes of god as manifested in the creation ; par le même ; un vol. in-8o, 1833.

Sermons preached in the tron Church ; par le même ; un vol. in-8o, Glasgow, 1834.

A series of discourses on the christian revelation viewed in connection with the modern astronomy ; par le même ; un vol. in-8o, 1834.

The evidence and authority of the christian revelation ; par le même, un vol. in-8o, 1834.

Symbolœ physicœ seu icones et descriptiones insectorum, etc. ; par MM. F.-G. Hemprich et C.-G. Ehrenberg ; in-folio.

Nouvelles astronomiques de M. Schumacher ; no 89 et table du 12me volume in-4o, en allemand.

Sur la Probabilité de la vie de l’homme ; par M. Casper ; un vol. in-8o, Berlin 1835. (Réservé pour le concours Montyon de 1836, d’après le désir de l’auteur.)

Des travaux du fleuve du Rhin ; par M. Defontaine ; Paris, in-folio. (M. de Prony est prié d’en rendre un compte verbal.)

Species général et iconographie des coquilles vivantes ; par M. Kiener ; 12e livraison in-4o.

Recherches sur les Arts et Métiers de l’Égypte, de la Nubie et de l’Éthiopie ; par M. Caillaud ; 13e livraison, in-4o.

Académie de Médecine. Rapport sur les vaccinations pratiquées en France pendant l’année 1835 ; brochure in-8o.

Notice sur deux planisphères célestes de grandes dimensions, construits sur un plan nouveau ; par M. Wartman ; Genève, in-8o.

Mémoire pour servir d’explication à la Carte céleste représentant les diverses positions et la marche des comètes périodiques de Halley et d’Encke ; par le même ; in-8o, avec trois cartes planétaires grand aigle.

Essai de formules botaniques, etc. ; par MM. Seringe et Guillard ; Paris, in-4o.

Études entomologiques, ou description d’insectes nouveaux, et observation sur leur synonymie ; par M. Delaporte ; 2e livraison, in-8o. (M. Duméril est prié d’en rendre un compte verbal.)

Recherches microscopiques sur l’organisation des ailes des Lépidoptères ; par M. Bernard Deschamps ; brochure in-8o. (M. Duméril est prié d’en rendre un compte verbal.)

Uber den Cynocephalus und den Sphinx der Agyptier und über das Wechselverhaltniss des affen und Menschen ; par M. C.-G. Ehrenberg ; brochure in-4o, Berlin, 1834.

Sur la formation et le développement des organes floraux ; par MM. Guillard frères ; Paris, 1835, in-4o.

Flore de Paris. Genera et Species, ou première Application faite du nouveau système floral aux plantes vivantes ; par M. Lefébure, in-8o.

Des causes de l’Affaiblissement du commerce de Bordeaux, et des moyens d’y remédier ; par M. É. Bères, du Gers ; Paris, 1835, in-8o.

Notice sur les Concrétions des grottes de Baune et de Loisia ; par M. Bourg ; Lons-le-Saunier, 1835, in-8o.

Nossiropheline, ou Appareil Filiol ; Paris, in-8o.

Copie de la Lettre adressée à l’Académie des Sciences dans sa séance du 19 octobre 1835 ; par M. Souberbielle ; in-8o.

Journal de la Société des Sciences physiques, chimiques et Arts agricoles et industriels ; 3e année, septembre 1835.

Bulletin de la Société industrielle de Mulhausen ; no 40, in-8o.

Gazette médicale de Paris ; no 43.

Gazette des hôpitaux ; no 127.

Journal de Santé ; no 113.


  1. Herschel a compté pour sixième celui qui serait le second par ordre des distances, et pour septième le plus rapproché ; les anciens, chez lui, ont conservé les dénominations de Cassini.