Comptes rendus de l’Académie des sciences/Tome 1, 1835/12 octobre


SÉANCE DU LUNDI 12 OCTOBRE 1835.
PRÉSIDENCE DE M. LACROIX.



CORRESPONDANCE.

M. Bonnafous écrit d’Alger, pour réclamer un prompt rapport sur un mémoire qu’il a adressé à l’Académie, en février dernier, et intitulé : Nouvelle exposition du mouvement de la chaîne des osselets de l’ouïe et de la membrane du tympan, sous l’influence des muscles internes du marteau et de l’étrier.

M. Serre adresse, pour le concours Montyon, un supplément à son mémoire intitulé : Traitement abortif de l’inflammation chirurgicale.

M. Jacquemin transmet quelques pièces qui faciliteront l’examen du mémoire qu’il a adressé pour le concours de Physiologie.

M. Civiale adresse une nouvelle copie des tableaux qu’il avait lui-même déduits des documens relatifs aux opérations de la pierre, recueillis dans diverses contrées.

Géographie.Carte du Péloponnèse.

En présentant la 35e livraison du grand ouvrage de Morée, M. Bory de Saint-Vincent prie l’Académie de remarquer la carte physique du Péloponnèse et des Cyclades. Cette carte fait beaucoup d’honneur à M. Puillon-Boblaye qui l’a rédigée. La 35me livraison est la plus volumineuse de toutes celles qui ont paru. Il y en aura encore trois, quoique d’après le prospectus l’ouvrage dût n’en contenir que 35. M. Bory de Saint-Vincent serait au désespoir si quelqu’un supposait que des vues d’intérêt personnel ou de spéculation ont donné lieu à cette augmentation ; aussi s’empresse-t-il de déclarer à l’Académie qu’il ne reçoit absolument aucune rétribution ou indemnité pécuniaire pour un si grand travail. « Il y a apporté tous ses soins, dans l’unique vue d’élever un monument scientifique à la gloire de l’expédition libératrice de la Grèce et du ministère qui en eut la généreuse idée. » Ce sont les propres expressions de M. Bory de Saint-Vincent.

Géologie.Formation des Dolomies.

La plupart des géologues croient, avec M. de Buch, que les dolomies étaient jadis de simples carbonates calcaires ; que ces carbonates, pendant les soulèvemens de certaines roches plus anciennes, se sont imprégnés de magnésie à divers degrés. Reste toujours à rechercher d’où cette magnésie est venue, et par quelle voie elle a pu aller s’introduire dans toutes les fissures du calcaire supérieur. M. de Buch admet, dit-on, qu’elle s’est vaporisée. Une telle supposition, il faut l’avouer, a paru bien hardie ; des doutes se sont élevés de toutes parts ! Dans cet état de la question, M. Arago a pensé devoir communiquer à l’Académie le passage suivant, qu’il avait trouvé dans une analyse abrégée des dernières séances de l’Association britannique réunie à Dublin.

« M. Daubeny (professeur de Géologie à Oxford), dit que, suivant l’opinion de M. de Buch, le carbonate de magnésie a pu, dans beaucoup de cas, subir une sublimation par l’action volcanique. Cette opinion, ajoute M. Daubeny, ne s’accorde pas avec les résultats de la chimie. Un fait curieux qu’il a observé en Italie, est venu, cependant, fortifier l’opinion du géologue prussien. En parcourant certaines localités, M. le colonel Robinson a rencontré de grandes quantités de carbonate de magnésie, dans des cavités de la strate supérieure des laves. M. Daubeny en trouva aussi une couche sur toute la surface supérieure de ces mêmes laves. M. Dalton observe qu’il ne peut y avoir aucun doute sur la sublimation du carbonate de magnésie : le Dr Henry l’a informé qu’une certaine quantité de ce sel était emportée (a quantity of this salt was always driven off), quand on élevait la chaleur au-delà d’un certain degré. »

M. Arago regarde cette expérience comme très digne d’intérêt à cause de sa liaison avec un des plus importans problèmes de la géologie. Il émet le vœu qu’elle soit bientôt répétée.

M. Thénard fait remarquer que le carbonate de magnésie se décompose vers la chaleur rouge.

M. Arago dit que cette circonstance lui est bien connue ; mais il observe que M. Dalton n’a pas indiqué la chaleur à laquelle s’opère le driven-off, ou la sublimation (car il faut remarquer que le mot vaporisation ne se trouve pas dans le passage cité). M. Arago persiste à considérer comme très important le sujet de recherches que l’observation de M. Daubeny et l’assertion de M. Dalton viennent de faire surgir.

M. Cordier combat cette opinion. La crainte de ne pas reproduire les vues de notre confrère avec toute l’exactitude que je désirais y mettre, m’a déterminé à le prier de se charger lui-même de la rédaction. Voici la note qu’il a bien voulu m’adresser :

« M. Cordier élève des doutes sur la portée qu’il faut attribuer aux remarques de M. Daubeny. Il expose que, dans tous les cas, il y a loin de ces remarques à des preuves suffisantes pour commencer à justifier l’hypothèse qui a été imaginée relativement à l’origine des roches de Dolomie, qui sont plus ou moins voisines des roches pyrogènes d’épanchement. Il ajoute qu’une telle justification serait bien difficile ; car, suivant lui, l’hypothèse dont il s’agit est en opposition avec des principes de chimie et de physique parfaitement avérés, et surtout avec les lois de propagation de la chaleur. »

M. Arago remarque que la question vient d’être déplacée. Son but n’a pas été d’appeler actuellement la discussion sur les modifications générales que les roches pyrogènes ont fait subir aux couches géologiques supérieures en les traversant. Il désire même que ce débat soit renvoyé à l’époque très prochaine où il fera le rapport dont l’Académie l’a chargé, sur les cratères de soulèvement.

Géographie.Cartes du Japon.

M. Arago rend compte de quelques faits que le célèbre voyageur Siebold, présent à la séance, vient de lui communiquer sur les travaux qui s’exécutent au Japon.

Il y a, dans ce moment, à Jeddo un observatoire bien fourni d’instrumens construits en Europe. Un bureau de cadastre travaille à la carte de tout l’Archipel. Les ingénieurs se servent sur le terrain de sextans à réflexion ; ils mesurent les montagnes avec le baromètre. M. de Siebold s’est procuré la carte, entièrement rédigée par des ingénieurs japonais, du détroit qui sépare Niphon de l’île voisine. M. Krusenstern en a reconnu l’exactitude à l’aide de relèvemens obtenus jadis par des officiers russes et non publiés. Dans plusieurs points, on fait très régulièrement des observations météorologiques. Parmi les nombreuses cartes que M. de Siebold a rapportées, le public en remarquera une qui à la circonstance déjà assez curieuse de se fonder sur un canevas trigonométrique dû à des astronomes japonais, joint d’avoir été très bien gravée par un artiste chinois.

Physique.Solidification de l’Acide carbonique.

Nous devons laisser parler ici l’auteur de l’expérience. Voici la lettre que M. Thilorier a adressée à l’Académie :

« J’ai eu l’honneur, dans la dernière séance, d’entretenir l’Académie des phénomènes qui accompagnent la liquéfaction du gaz acide carbonique ; je lui annonce aujourd’hui le fait important pour la science, de la solidification de ce gaz. Ce premier exemple d’un gaz devenu solide et concret, est d’autant plus remarquable, qu’il s’agit d’un des gaz qui exigent l’action mécanique la plus puissante pour arriver à la liquéfaction, et qui reprennent avec le plus de promptitude leur première forme, lorsque la compression vient à cesser.

» Gazeux à la température et à la pression ordinaires, et liquide à 0°, sous la pression de 36 atmosphères, l’acide carbonique devient solide à une température voisine du centième degré au-dessous de la glace fondante, et se maintient, pendant quelques minutes, dans ce nouvel état, à l’air libre et sans qu’il soit besoin d’exercer sur lui aucune compression.

» Tandis qu’à l’état liquide, son ressort est tendu si énergiquement, qu’un gramme de cette substance produit une explosion aussi forte qu’un même poids de poudre, ce ressort, dans l’état solide, est entièrement brisé : et le nouveau corps disparaît insensiblement par une lente vaporisation.

» Un fait non moins curieux que la solidification de ce gaz, c’est qu’elle a lieu par l’effet même du passage subit de l’état liquide à l’état gazeux, et que le rapprochement moléculaire qui constitue l’état solide, a pour cause déterminante l’expansion d’un liquide qui occupe instantanément un espace 400 fois plus grand que le volume qu’il avait primitivement.

» Si l’on dirige un jet d’acide carbonique dans l’intérieur d’une petite fiole de verre, elle se remplit promptement, et presque en entier, d’une matière blanche, pulvérulente, floconneuse, qui adhère fortement aux parois, et qu’on ne peut retirer qu’en brisant la bouteille.

» Un fragment d’acide carbonique solide touché légèrement avec le doigt, glisse rapidement sur une surface polie, comme s’il était soulevé par l’atmosphère gazeuse dont il est sans cesse environné jusqu’à son entière disparition.

» Si l’on introduit quelques décigrammes de cette substance dans un petit flacon, en ayant soin de le boucher hermétiquement, l’intérieur se remplit d’une vapeur épaisse, et le bouchon ne tarde pas à être chassé avec violence.

» La vaporisation de l’acide carbonique solide est complète, et ne laisse que rarement une légère humidité, que l’on doit attribuer à l’action de l’air sur un corps très froid, et dont la température est de beaucoup inférieure à celle où s’opère la congélation du mercure.

» La promptitude et l’abondance avec lesquelles il se produit dans des cavités où l’air ni la vapeur d’eau qu’il tient en dissolution ne sauraient pénétrer, lui donnent un caractère qu’on ne peut méconnaître. Cependant, telle était l’étrangeté du fait de la solidification d’un gaz, que je ne m’étais pas fait moi-même une idée exacte de la nature de ce produit, avant l’expérience qui a eu lieu en présence de la commission.

» Au surplus, l’influence du refroidissement sur l’acide carbonique liquide, dont la force expansive se trouve ainsi annihilée vers le centième degré centigrade au-dessous de la glace fondante, commence à se manifester à une température beaucoup plus élevée : cette force expansive qui, à zéro, est égale à 36 atmosphères, n’est déjà plus que de 26 atmosphères, à vingt degrés au-dessous de zéro.

» Je crois devoir ajouter que le terme de cent degrés au-dessous de zéro, que j’assigne à la solidification de l’acide carbonique liquéfié, n’est point hypothétique. Dans l’expérience que j’ai faite en présence des membres de la commission, le thermomètre à alcool est descendu à −87°.

» En ajoutant à ces 87 degrés, 6 autres degrés dont la liqueur se serait contractée si la colonne thermométrique entière avait pu être soumise à l’action frigorifique, on aura pour la température réelle 93 degrés centigrades au-dessous de 0°, et ce nombre ne saurait être le maximum d’effet du chalumeau alimenté par l’acide carbonique liquide. »

Après la lecture de cette lettre, M. Arago annonce que les commissaires de l’Académie, MM. Thénard, Dulong et lui-même, ont été témoins de toutes les expériences rapportées par M. Thilorier. Il ajoute que l’acide carbonique solide peut être manié sans difficulté.

M. Thénard fait remarquer que M. Thilorier n’avait pas encore imaginé, au moment de la visite des commissaires de l’Académie, que la substance blanchâtre obtenue par lui fût de l’acide carbonique solide. Ce fait, dit-il, a été reconnu et constaté par la commission : c’est elle qui a soumis l’acide à la plupart des expériences citées par l’auteur.

Botanique.Plante peu connue de Madagascar.

En présentant cette plante, M. Benjamin Delessert a lu la note que nous allons transcrire.

« J’ai l’honneur de présenter à l’Académie des Sciences des échantillons d’une plante peu connue et remarquable, qui m’a été envoyée de Madagascar par M. Goudot. Ce jeune voyageur a déjà été deux fois dans ce pays dont le climat est si funeste aux Européens. Son ardeur pour l’histoire naturelle l’a engagé à y retourner, et il est probable qu’étant acclimaté, et avec les moyens qu’il a actuellement à sa disposition, il découvrira des objets nouveaux et dignes d’intérêt.

» La plante qui est sous les yeux de l’Académie a été découverte par M. Dupetit-Thouars, et décrite par lui sous le nom d’Ouvirandra. Depuis lors, M. Persoon l’a appelée Hydrogeton fenestralis, nom qui appartenait déjà à une autre plante décrite par Loureiro. Pour éviter toute confusion, il est convenable de lui rendre son nom primitif d’Ouvirandra. M. Dupetit-Thouars n’en avait rapporté que des fragmens ; elle n’est figurée nulle part : mais M. Mirbel, dans les planches de ses Élémens de Botanique, a donné le dessin d’une feuille.

» Cette plante est singulière par la configuration extraordinaire de ses feuilles, qui étant dénuées de parenchyme, laissent à découvert un réseau admirable par sa parfaite régularité, et qui imite à s’y méprendre les mailles d’une dentelle noire.

» Cette plante se trouve dans la baie de Diego Suarez, à Madagascar, que le capitaine Owen, dans son dernier voyage, regarde comme une des plus belles du monde. Elle croît dans l’eau, et ses feuilles à jour, portées par de longs pétioles, flottent à sa surface. Elle fait partie de la famille des nayades, et est voisine des Aponogetons et des Hydrostachys, dont M. Bernier, qui a aussi été à Madagascar, a rapporté plusieurs espèces.

» Il est à désirer que l’Ouvirandra fenestralis puisse être introduite dans nos serres, non-seulement à cause de la singularité de ses feuilles à jour, mais aussi parce que ses racines sont bonnes à manger. »

Entomologie.Nouvel exemple de l’existence, chez l’homme, de larves de diptères vivant parasitiquement dans de petites tumeurs cutanées.

Dans plusieurs cas, transmis à l’Académie en 1833 par MM. Roulin et Guérin, et qui ont fait le sujet d’un rapport de MM. Duméril et J. Geoffroy (depuis imprimé dans les Annales de la Société entomologique), les larves appartenaient, soit à des œstres, soit à la mouche à viande. Le cas présent communiqué par M. J. Geoffroy, a été recueilli cet été par M. Fourcault, médecin à Houdan. Il est très certainement, dit M. Geoffroy, relatif à une autre espèce de diptère, et paraît l’être à la mouche commune. Il a été offert par un enfant qui portait à la partie supérieure et antérieure de la poitrine deux petites tumeurs : M. Fourcault, ayant reconnu qu’elles étaient causées par la présence de larves parasites, chercha et réussit à extraire celles-ci encore vivantes ; et il les conserva assez long-temps pour que l’une d’elles pût achever presque entièrement ses métamorphoses.

M. Duméril croit important de déterminer si véritablement les mouches dont il est question, sont des mouches communes ; car ces insectes n’ont pas d’instrumens propres à entamer l’épiderme, encore moins la peau ; et par conséquent les larves n’ont pu former des tumeurs non ulcérées. Il en est autrement des œstres, des conops et de quelques autres diptères dont les larves sont parasites et se développent dans les animaux vivans. On a souvent vu des larves se développer dans de petites ulcérations purulentes, mais jamais sous la peau.

Physique terrestre.Puits artésien de Cangé.

Il s’était glissé des erreurs dans les premiers renseignemens communiqués à l’Académie sur le puits artésien de Cangé. La lettre suivante de M. E. Desbassayns de Richemont à M. Arago, rétablira les faits dans toute leur exactitude.

« Monsieur, dans l’avant-dernière séance de l’Académie, l’un de ses membres dont le patronage éclairé a contribué si puissamment à encourager le forage des puits artésiens en France, a donné quelques détails au sujet d’un puits qui a été foré dernièrement par M. Mulot, dans une propriété appartenant à mon père. Comme les résultats qui ont été obtenus, quelque remarquables qu’ils soient, sont encore loin de ceux qui ont été annoncés à M. Héricart de Thury, j’ai cru utile dans l’intérêt de la science de rectifier des faits dont j’ai été moi-même témoin.

» Le puits dont il s’agit a été percé à une lieue environ de Tours, à une très petite distance de la rive droite du Cher et au milieu de prés qui dépendent du château de Cangé et qui doivent être arrosés par les eaux de ce puits. Après avoir traversé les terrains de transport et un banc de craie de 62 mètres d’épaisseur, on a trouvé, à la profondeur de 67 à 74 mètres, plusieurs nappes d’eaux jaillissantes séparées par des plaquettes de grès dur et qui ont fourni, à un mètre environ au-dessus du sol naturel, 250 litres d’eau à la minute. Ayant continué à creuser, on a rencontré, de 74 à 95 mètres environ, de nombreuses couches de grès et de sables verts, et de 95 à 125 mètres, des couches d’argile brune très puissantes, alternant avec des calcaires siliceux et des grès verts en bancs plus ou moins épais. Parvenue à 125 mètres, la sonde a été enfoncée dans l’espace de quelques heures jusqu’à 130 mètres, en traversant successivement des plaquettes de grès et des couches de sables verts qui ont fourni une énorme masse d’eau. La quantité considérable de sable qui, pendant les premiers jours, a été vomie par ce puits est sans doute ce qui a contribué à induire en erreur la personne qui a fourni des renseignemens à M. Héricart de Thury ; mais ce qu’il y a de certain, c’est qu’ayant établi moi-même un déversoir avec le plus grand soin, j’ai reconnu, en employant la formule… V = 1,80 l’H  indiquée par M. Daubuisson de Voisins, que le volume total de l’eau fourni à deux pieds en contre-bas du sol, était primitivement de 2560 litres à la minute, le tube foré ayant alors dans sa partie la plus étroite, 12 centimètres de diamètre. Depuis lors, ce tube ayant été alésé à 16 centimètres, puis à 19 centimètres et demi, le volume d’eau s’est accru d’abord à 2675, puis à 2880 litres. C’est donc de 2500 à 2600 litres que doit donner notre seconde source isolée de la première.

» Lorsque l’on considère la différence qui existe entre le produit de ce puits et celui des puits les plus abondans de la ville de Tours, qui ne donnent, dans le même temps, que 1800 litres, et lorsque, d’un autre côté, on remarque le peu de rapport qui existe entre l’épaisseur des bancs de craie et d’argile qui ont été traversés par la sonde à Tours et à Cangé, on se demande si les nappes d’eau souterraines qui ont été rencontrées dans ces deux points, sont bien les mêmes. Cette question est d’autant plus importante, que, s’il en est ainsi, on a la presque certitude de trouver des sources abondantes dans tout le bassin que forment le Cher et la Loire à leur jonction. Mais toute incertitude à cet égard se dissipe, en observant que les caractères chimiques des eaux sont les mêmes, qu’elles ont été trouvées à des profondeurs presque identiques, et qu’enfin, à part toute autre considération, la différence de puissance de ces sources trouverait son explication dans ce seul fait, que le point où jaillissent les eaux du puits de Cangé, est de 8 ou 10 pieds plus bas que celui où elles percent le sol à Tours. Cette dernière circonstance, jointe à quelques présomptions tirées de la nature des terrains qui ont été rencontrés à Tours et à Cangé, à la profondeur à laquelle nous sommes parvenus, semblent même nous permettre d’espérer de trouver encore de nouvelles nappes d’eau jaillissante. C’est, du reste, ce que nous saurons bientôt, M. Mulot ayant voulu, dans l’intérêt de la science et du département d’Indre-et-Loire, continuer encore le forage.

» Aussitôt que notre puits aura été tubé, nous nous proposons de faire quelques expériences pour constater quelle est sa force ascensionnelle, et quelles pertes d’eau l’on éprouverait en diminuant successivement les dimensions de l’orifice de sortie au niveau du sol. La comparaison des résultats ainsi obtenus, nous mettra à même, je l’espère, de reconnaître si, pour tirer le meilleur parti possible de l’eau des puits artésiens de la Touraine comme force motrice, et l’employer en même temps pour l’irrigation, il convient mieux de la faire agir par son propre poids, en l’élevant à une certaine hauteur, ou par sa force d’impulsion, en la prenant au niveau du sol. La faible influence que paraît avoir sur les quantités d’eau fournies par les sources artésiennes, le diamètre des tubes forés, et la perte énorme que l’on éprouve, au contraire, en élevant le tube ascensionnel au-dessus du sol, nous ont fait penser que cette question était digne d’examen. Du reste, si comme quelques expériences que nous avons déjà faites autorisent à le croire, les résultats que nous obtenons présentent de l’intérêt, j’aurai l’honneur de vous les faire connaître.

» Permettez-moi de vous prier, Monsieur, de vouloir bien mettre sous les yeux de l’Académie, ceux des détails contenus dans cette lettre, que vous croirez de nature à l’intéresser. J’espère que cette communication ne blessera en rien M. Héricart de Thury, attendu qu’il n’est point responsable des erreurs de ses correspondans, et que son but, comme le mien, n’est que de faire connaître la vérité.

» Personne ne s’étant plus que vous occupé des questions relatives aux puits artésiens, s’il était quelque observation que vous jugeassiez utile de faire à Cangé, dans l’intérêt de la science et de l’industrie, mon père et moi, nous nous ferions un plaisir de la tenter ; nous le pourrons d’autant plus facilement, que mon père se propose de faire creuser incessamment un nouveau puits à 2 ou 300 toises du premier, sur la rive gauche du Cher. »

Physique terrestre.Anguilles venant d’un puits artésien.

M. Arago présente trois anguilles provenant d’un puits artésien, qui lui ont été remises par M. Girardin, très habile professeur de chimie industrielle, à Rouen ; il montre, par diverses considérations, combien ce fait mérite d’être approfondi. L’Académie autorise les secrétaires à prier en son nom M. Girardin de vouloir bien donner suite à sa curieuse observation.

Voici un extrait de la lettre de M. le professeur de Rouen à M. Arago.

« Vous savez que M. Mulot, sondeur-mécanicien, a foré avec un très grand soin deux puits, à Elbeuf, l’un chez M. J. Lambert, l’autre chez M. Prieur-Quesné, fabricant de drap. Ces puits, à peu de distance de la Seine, et assez rapprochés l’un de l’autre, sont remarquables par le volume et la pureté de l’eau qu’ils fournissent. Ils sont à la même profondeur de 149m,40. La nappe qui les alimente, et qui doit être la même, se trouve dans les sables verts et gris, inférieurs à la craie.

» Les couches traversées par la sonde sont absolument semblables dans les deux localités. La formation de craie a la même épaisseur, de 121m,95.

» Voici la quantité d’eau fournie par ces puits.

Puits de M. J. Lambert.
À fleur du sol
300000 litres en 24 heures.
À 8m,32 au-dessus du sol, hauteur à laquelle on le fait couler ordinairement
180000 id.
À 21m,76, plus de
50000 id.
L’eau peut être élevée de 26 à 32m,50 au-dessus du sol.
Puits de M. Prieur.
À 1m au-dessus du sol
500000 litres en 24 heures.
À 10m
350000 id.
À 20m
200000 id.
On l’a fait couler à 23m ; mais il a été impossible de mesurer la quantité d’eau qu’il fournissait à cette grande élévation.
L’eau peut être élevée à 32m,50 au-dessus du sol. La hauteur à laquelle on la fait couler ordinairement est de 5m.

» On a trouvé, en creusant ces deux puits, une nappe d’eau d’infiltration peu abondante, à 6m,49, et une seconde très abondante entre 11 et 12 mètres au-dessous du sol.

» L’eau de ces puits est très bonne, peu calcaire ; sa température est de 16° centigrades. Je vous ferai connaître plus tard sa composition chimique.

» Dans le puits de M. Prieur, les eaux ont charrié, pendant les premiers jours de la réussite du percement, au moins 25 mètres cubes de sable quarzeux et de sable gris verdâtre. Depuis une quinzaine de jours, elles amènent, au grand étonnement des habitans d’Elbeuf, de petites anguilles. (M. Duméril, à qui les poissons ont été montrés, les a reconnus pour de véritables anguilles.) Me trouvant, il y a 12 jours, à Elbeuf, Mme Prieur et beaucoup d’autres personnes me parlèrent de ce fait curieux, et m’assurèrent que ces anguilles sortaient bien du trou de sonde. Elles arrivent d’une manière très irrégulière et en petit nombre à la fois. Pendant le peu de temps que j’observai le puits, je n’en vis point paraître. On m’en a envoyé deux vivantes que j’ai conservées dans cet état pendant 5 à 6 jours ; mais elles sont mortes pendant mon voyage de Rouen à Paris. Je les ai mises aussitôt dans l’esprit-de-vin, afin qu’on puisse les examiner.

» Un autre fait que je dois encore signaler à votre attention, c’est que vingt-quatre heures après un orage ou une pluie violente, l’eau de ce puits arrive toute trouble et chargée d’une grande quantité d’argile ou de sable. Elle a le même aspect que l’eau de la Seine après de grandes pluies. Ce fait a été constaté déjà un grand nombre de fois.

» Je désire, Monsieur, que ces renseignemens puissent vous intéresser. Je vous tiendrai au courant de ce qui pourra se présenter ultérieurement. On creuse un troisième puits à Elbeuf chez M. Randoing ; il est déjà assez avancé. Un quatrième va bientôt être foré à un quart de lieue de la ville dans une propriété appartenant à l’un des messieurs Grandin. »

Astronomie.Troisième livraison de la Carte de la Lune, de MM. Guillaume Beer et J.-H. Maedler.

Cette carte de la Lune est dessinée d’après la projection orthographique. Elle a 1 mètre de diamètre. Les auteurs se sont engagés à n’y porter que ce qui aura été vu, observé, mesuré et calculé par eux-mêmes. Ils ont déjà déterminé les positions absolues de 106 points principaux. Les objets du second ordre sont rapportés aux précédens à l’aide de triangles, comme dans nos canevas géodésiques. En passant aux points de moindre importance, aux points du troisième ordre, les auteurs se contentent de simples alignemens.

La nomenclature est celle de Riccioli : tous les anciens noms d’hommes célèbres sont conservés. Au besoin, de nouveaux noms propres ont été introduits ; on en comptait déjà 29 de cette espèce dans la première livraison de la nouvelle carte. Quant à des centaines de petits objets qui peuvent cependant intéresser les astronomes, les auteurs les marquent par les lettres de l’alphabet latin, s’il s’agit de cratères, et par celles de l’alphabet grec, lorsqu’ils ont à désigner de petites montagnes.

Dans les livraisons déjà publiées de la belle carte de la Lune qu’il exécute à Dresde, M. Lohrmann a employé, pour la représentation des montagnes, la méthode assez généralement adoptée aujourd’hui par les topographes : la teinte plus ou moins noire du dessin donne la mesure de la rapidité des pentes. MM. Beer et Maedler se sont rigoureusement conformés aux mêmes principes dans toutes les parties de leur grand travail.

La Lune renferme des régions brillantes et d’autres régions très sombres : le jour de la pleine lune, chacun a pu le remarquer, même à l’œil nu, MM. Beer et Maedler sont parvenus avec des mélanges convenables de blanc et de noir, à donner aux diverses parties de leur carte les degrés comparatifs de clarté dont les objets naturels eux-mêmes sont doués.

Les auteurs ont poussé le scrupule jusqu’à désigner par un genre particulier de hachures les espaces où, dans des circonstances atmosphériques très favorables, ils assurent avoir aperçu des couleurs, le rougeâtre, le brun-jaune et surtout le verdâtre. Dans le nombre de ces espaces colorés, MM. Beer et Maedler placent au premier rang l’intérieur du mare serenitatis.

La nouvelle carte a été très habilement gravée sur pierre par M. Vogel sous la direction immédiate de M. Maedler. La 4me et dernière livraison paraîtra avant la fin de 1836. D’après les engagemens que les auteurs ont bien voulu contracter, les astronomes peuvent espérer de voir publier en même temps un ouvrage où seront consignés les nombreux résultats mathématiques et physiques qu’une si longue, qu’une si minutieuse contemplation de notre satellite a dû nécessairement révéler.

En présentant cette 3me livraison de la carte de la Lune à l’Académie, M. Arago a rappelé les curieux mémoires que MM. Beer et Maedler ont déjà publiés sur la constitution physique et le mouvement de rotation de Mars et de Jupiter. En très peu de temps, a-t-il ajouté, l’observatoire de Berlin que M. Guillaume Beer a fait construire à ses frais, aura ainsi pris rang parmi ceux de ces dispendieux établissemens auxquels la science est le plus redevable. Dès aujourd’hui, la famille Beer, qui déjà pouvait se glorifier d’avoir donné au monde le célèbre poète dont une mort prématurée a si malheureusement brisé la brillante carrière, et l’illustre musicien auteur de Robert le Diable, a le droit d’inscrire le nom du troisième frère parmi ceux des astronomes les plus zélés, les plus scrupuleux et les plus habiles de notre époque.

Physique.Sur la conductibilité électrique ; par M. Peltier.

Dans un Mémoire lu à la Société royale de Gottingue, le 14 février dernier, M. Gauss avance, avec M. Ohm, que les fils métalliques opposent au passage des courans électriques une résistance qui est toujours directement proportionnelle à leur longueur, et inversement proportionnelle à la surface de leur section transversale. Cette assertion et les diverses tables qui ont été données de la conductibilité électrique, font l’objet de la note de M. Peltier.

Après avoir rappelé la grande variété de résultats obtenus par les physiciens, M. Peltier avance qu’il faut chercher la cause de ces discordances dans l’espèce d’électro-moteur employé. Suivant l’auteur, c’est là le principal élément du phénomène, et si on l’a oublié, c’est qu’on était fasciné par les hypothèses reçues sur l’origine de l’électricité. « Dès l’instant, dit-il, que tous les effets électriques furent le produit de l’action d’un ou de deux fluides spéciaux, il fallut placer ces fluides dans les corps, les y enchaîner avec des puissances actives ou virtuelles, selon le besoin ; il fallut douer les corps eux-mêmes d’aptitudes différentes pour les contenir ou leur livrer passage. Ces hypothèses n’ayant pas suffi pour expliquer tous les faits dont la science s’est dernièrement enrichie, on a eu recours à des ondes électriques, imitation des ondes lumineuses ; mais tout cela n’a fait que déplacer la difficulté, puisqu’il faudrait loger et conserver les ondes comme il fallait loger et conserver les fluides. » Ainsi, d’après M. Peltier c’est de la création imaginaire des fluides électriques spéciaux et permanens, que sont venues de fausses idées sur des écoulemens plus ou moins faciles. Pour prouver que les faits ne se prêtent pas aux formules, M. Peltier joint à sa lettre les tableaux suivans. Ces tableaux démontrent, en effet, qu’il y a de très grandes différences entre les pertes éprouvées par un courant qui traverse diverses longueurs d’un même fil, selon l’espèce d’électro-moteur employé, et même selon la température du même électro-moteur.

Une des soudures ayant sa température élevée de En se servant d’un couple thermo-électrique bismuth et antimoine :

On obtient les déviations proportionnelles suivantes[1] avec un multiplicateur de 61 tours, après l’intercalation d’un fil de fer de 1 millimètre de section et d’une longueur de :
3 mèt. 6 mèt. 9 mèt. 12 mèt. 15 mèt. 18 mèt. 21 mèt. 24 mèt.
4° centig.
46° 35° 26° 20° 16° 14° 12° 10°,5
8 id.
64 47 39 31 26 22 19 17
Avec une pile de 34 couples :
Non notée
28° 23° 19°,5 16°,5 14°,5 12°,8 11°,5 10°,5
Avec un couple thermo-électrique fer et étain ;
multiplicateur de 126 tours :
24°
29° 23°,5 19° 16° 13°,8 12° 10°,5 9°,2
48°
44 31,5 23,5 19 16 13,6 11,5 10,2
Électricité d’induction ; multiplicateur de 21 tours :
Hélice de 200 tours. 19° 15° 12° 10° 8°,2 7°,5
Hélice de 1000 tours. 24 22,8 21,5 20,2 19 18 17,7 17
Couple thermo-électrique zinc et cuivre ; multiplicateur d’un tour d’une lame de cuivre. Le fil de fer étant trop résistant a été remplacé par un fil de cuivre de :
Température. 1 mètre. 2 mètres. 5 mètres. 7 mètres.
35°
14° 2°,5

Avec un couple hydro-électrique, les 24 mètres de fil de fer n’ont pas altéré la quantité d’électricité transmise.

M. Peltier se propose d’indiquer la cause de ces différences, dans une autre communication.

Astronomie.Comète de Halley.

M. Poisson présente une nouvelle note de M. de Pontécoulant que nous allons reproduire textuellement :

« Le retour de la comète de Halley ayant donné un nouveau degré d’intérêt à la théorie de cet astre, j’ai revu avec le plus grand soin toute la partie du calcul de ses perturbations qui se rapporte à la période de 1682 à 1759, et qui est la plus importante, parce qu’on en déduit la valeur du moyen mouvement diurne au périhélie de 1759, et que l’exactitude de cet élément a la plus grande influence sur la fixation de la durée de la période suivante. Cette révision a produit quelques légères corrections dans les résultats que j’avais donnés dans mes précédens mémoires. J’ai aussi corrigé les masses de Jupiter et de la Terre que j’avais adoptées dans mes premiers calculs, et je suis parvenu ainsi aux résultats suivans.

« En désignant respectivement par et les masses de Jupiter, Saturne, Uranus, la Terre et Vénus, et supposant

en conservant d’ailleurs les autres valeurs et désignations de mon mémoire inséré dans la Connaissance des Tems pour 1833, on trouve pour les altérations du moyen mouvement diurne, du périhélie, de l’époque et de l’anomalie moyenne pendant la période de 1682 à 1759 :

+0″33549500 +9372″726 −5507″274 −261″295 +1862,068 +17003″363
+0,02844755 +794,739 +740,537 −96,783 + 248,114 +399,099
+0,01396550 +390,154 +149,900 −11,030 +90,696 +341,980
+0,01787022
»
»
»
»
»
−0,00010494
»
»
»
»
»
+0,39567333 + 10557,619 −4616,837 −369,108 +2200,878 +17744,442

» Si l’on nomme le moyen mouvement diurne au périhélie de 1682, on aura

La durée de la période de 1682 à 1759 étant de 27937 jours, si l’on fait dans l’équation précédente et , on trouvera

» En désignant ensuite par le moyen mouvement diurne au périhélie de 1759, on aura , ou bien, en substituant pour et , leurs valeurs,

» Le calcul des perturbations de 1759 à 1835 a donné, pour les altérations du moyen mouvement et de l’anomalie moyenne résultant de l’action de Jupiter, Saturne et Uranus[2], et  ; en nommant d’ailleurs l’intervalle compris entre les deux passages au périhélie, on a

En substituant pour et leurs valeurs, on trouve
ce qui, à compter du 13,089 mars 1682, donne le 14,74 novembre 1835, pour l’époque du passage de la comète au périhélie, le jour commençant à minuit, selon l’usage ordinaire.

» Quant aux autres élémens de l’orbite de la comète à cette époque, en nommant le moyen mouvement diurne, on aura d’abord

d’où l’on conclura pour le grand axe de l’orbite
.

» On a trouvé pour l’altération de l’excentricité, pendant la même période, . En supposant donc, selon Burckhardt, l’excentricité de l’orbite en 1759 égale à 0,967557, on aura en 1835 :

» Si l’on nomme l’inclinaison de l’orbite mobile de la comète sur le plan de son orbite en 1759, et la longitude de son nœud ascendant comptée du périhélie et dans le sens du mouvement de la comète, et qu’on fasse



on trouvera



d’où, en prenant celle des deux valeurs de qui donne pour une valeur positive, on conclura



» Si l’on nomme ensuite l’inclinaison de l’orbite de la comète à l’écliptique et la longitude de son nœud ascendant en 1759, et que l’on considère le triangle sphérique compris entre l’écliptique, le plan de l’orbite vraie de la comète et le plan de son orbite fixe, triangle dans lequel on connaît le côté et les deux angles adjacens et , on trouvera

pour le mouvement direct du nœud ascendant sur l’écliptique
14′ 54″
pour l’inclinaison de l’orbite en 1835
17° 44′ 3″

» Enfin, le calcul des perturbations ayant donné pour la variation du périhélie

on en conclura, par la résolution du même triangle, pour la distance du périhélie au nœud en 1835
249° 22′ 28″.

» En supposant donc la précession des équinoxes dans l’intervalle de 1682 à 1759 de 1° 4′ 5″, on aura

Pour la longitude du nœud ascendant en 1835
54° 59′ 10″
Pour la longitude du périhélie sur l’orbite
304. 21. 38

» En rassemblant les résultats précédens, on aura pour les élémens de l’orbite de la comète au périhélie de 1835 :

Instant du passage au périhélie
14j,74 novembre
Demi-grand axe
17,99829
Excentricité
0,967513
Lieu du périhélie sur l’orbite
304° 21′ 38″
Longitude du nœud ascendant
54° 59′ 10″
Inclinaison de l’orbite à l’écliptique
17° 44′ 3″
Moyen mouvement diurne
46″,4687067
Sens du mouvement, rétrograde. »
Organogénie.Formation du placenta.

Sur la demande d’un membre, le secrétaire a donné lecture de la note suivante de M. Coste.

« Dans l’état actuel de la science, on peut établir d’une manière générale que le placenta, malgré la diversité de ses apparences, est constitué dans toutes les espèces par l’entrelacement plus ou moins intime d’une multitude de villosités, considérées à tort comme des dépendances émanant exclusivement du chorion. On peut aussi admettre, comme un fait incontestable, que les vaisseaux ombilicaux se prolongent jusqu’aux dernières extrémités de ces villosités pour s’y anastomoser ; et si l’on en doutait encore, je rappellerais ici les pièces présentées, il y a déjà bien long-temps, à la Société philomatique par M. de Blainville. Je signalerais aussi les belles injections qu’un anatomiste d’Édimbourg a bien voulu me montrer pendant mon voyage en Écosse. Mais quelle est la structure intime des villosités placentaires ? par quel mécanisme se développent-elles ? Voilà deux questions auxquelles il me semble qu’on n’a pas encore répondu, et c’est pour remplir cette lacune que j’ai l’honneur d’adresser à l’Académie le résultat de mes recherches.

» Je crois avoir démontré, par l’observation directe, comment, après avoir pris naissance à l’extrémité caudale de l’embryon, l’allantoïde des mammifères vient s’appliquer sur la face interne du chorion, pour se confondre avec lui par une adhérence intime. Or, si l’on ouvre l’allantoïde au moment où les villosités placentaires commencent à naître, il est facile de constater que chacune de ces villosités n’est autre chose qu’un appendice cœcal, subdivisé en d’autres appendices, et formé par l’allantoïde et le chorion confondus. Il suit de là que chaque villosité se trouve composée de deux gaînes, l’une extérieure non vasculaire provenant du chorion, l’autre intérieure vasculaire, appartenant à l’allantoïde. Cela étant, on comprend comment les vaisseaux ombilicaux peuvent arriver jusqu’aux extrémités des villosités, puisque ces mêmes vaisseaux étaient antérieurement ramifiés dans les parois de l’une des membranes qui se sont creusées en cœcums tout-à-fait semblables à ceux dont se composent les appareils glandulaires. »

MÉMOIRES PRÉSENTÉS.
Mécanique.Mémoire sur de nouvelles machines à vapeur ; par M. Delhomme.
(Commissaires, MM. Navier et Poncelet.)

Le but principal de l’auteur, autant du moins qu’on peut le comprendre d’après les descriptions très abrégées qui accompagnent les dessins, est de rendre les explosions impossibles.

Physique mathématique.Théorie des effets de la poudre ; par M. Piobert, capitaine d’artillerie.
(Commissaires, MM. Arago, Dulong, Poncelet.)

Nous avons quelques raisons d’espérer que le rapport sur le mémoire de M. Piobert sera fait très prochainement. Nous pouvons donc remettre à cette époque la publication de l’analyse, que sans cela nous nous serions empressé de donner aujourd’hui.

Géographie.Carte topographique du lac de Titicaca ou Chucuito et d’une partie du grand plateau des Andes ; par M. D’Orbigny.
(Commissaires, MM. Arago et Savary.)

Cette carte est déjà entièrement gravée ; mais, suivant les réglemens de l’Académie, elle pourra être l’objet d’un rapport écrit, parce que l’auteur ne l’a pas encore livrée au public.

RAPPORTS.
Rapport sur les expériences de MM. Piobert et Morin concernant la pénétration des projectiles durs.
(Commissaires, MM. Dupin, Navier et Poncelet rapporteur.)

Nous avons déjà fait connaître (voyez p. 13) les principaux résultats des expériences de MM. Piobert et Morin ; le rapport de M. Poncelet sera d’ailleurs imprimé dans le recueil des Mémoires de l’Académie ; nous pouvons donc nous borner à citer les conclusions.

« L’étendue que vos commissaires ont donnée au présent rapport, le soin qu’ils ont mis à analyser les différentes parties du mémoire de MM. Piobert et Morin, seront suffisamment justifiés, aux yeux de l’Académie par le haut but d’utilité des expériences entreprises sous leur direction, par la multiplicité, la diversité même des faits que ces expériences ont révélés, enfin par l’intérêt involontaire et très vif qui s’attache à des phénomènes de destruction si propres à démontrer la puissance de l’industrie humaine. On a vu que ces officiers ne se sont pas bornés, comme il n’arrive que trop souvent, à enregistrer avec scrupule une série de résultats commandés en quelque sorte à l’avance par la lettre d’un programme d’expériences ; qu’ils ont su tirer habilement parti de l’heureuse position où ils se trouvaient pour répandre du jour sur divers points encore obscurs de la théorie de la percussion et de la résistance des milieux à la pénétration ; qu’en un mot, le mémoire qu’ils présentent à l’Académie sur ces objets ne sera pas une œuvre stérile en conséquences théoriques ou pratiques. Mais tout en accordant aux auteurs le tribut d’éloges qu’ils méritent sous plus d’un rapport, vos commissaires croient devoir rappeler, derechef, que le succès des expériences qu’ils ont dirigées est principalement dû à la libéralité avec laquelle M. le ministre de la guerre a mis à leur disposition toutes les ressources nécessaires tant en personnel qu’en matériel. L’Académie n’a pas oublié, non plus, les généreux encouragemens accordés par le même ministre, à des expériences d’un autre genre, dont les résultats ont mérité son approbation, et elle fera des vœux pour qu’il continue à MM. Piobert et Morin, le bienveillant appui dont ils ont besoin pour la suite de leur importante et difficile entreprise.

» La publicité accordée à la partie scientifique de ces différens travaux, l’autorisation de les soumettre à votre tribunal impartial et éclairé, est aussi un fait qu’il faut signaler à la reconnaissance de tous les amis des lumières et du progrès. Ils seront, n’en doutons pas, un puissant motif d’émulation pour les officiers qui désormais se trouveront appelés à diriger des expériences relatives aux différentes branches des services militaires, et auxquels l’exemple de MM. Piobert et Morin servira à prouver que les théories de la science et l’esprit d’observation sont non-seulement utiles mais indispensables au perfectionnement des méthodes et de la pratique.

» Sous les divers points de vue qui viennent d’être indiqués, vos commissaires pensent que le travail qui fait l’objet du présent rapport mérite les encouragemens de l’Académie, et ils ont en conséquence l’honneur de vous soumettre la proposition d’en ordonner l’impression dans le Recueil des Savans étrangers. »

L’Académie adopte les conclusions de ses commissaires et décide que le rapport sera imprimé dans le recueil de ses mémoires.

NOMINATIONS.

MM. Dupin et Séguier sont priés de faire un rapport sur l’Art du Bottier que M. Francou a présenté dans la dernière séance.

M. Arago s’adjoindra à la commission chargée, sur la demande du ministre de l’intérieur, d’examiner les eaux envoyées par le maire de Bordeaux.


M. Arago annonce à l’Académie que M. Brinkley, l’un de ses correspondans, ancien directeur de l’observatoire de Dublin et évêque de Cloyne, est mort le 13 septembre. Si le temps le lui permet, il donnera samedi, dans le Compte rendu de la séance, une notice sur les nombreux travaux de cet astronome célèbre. (Voyez à la page suivante.)

La séance est levée à 5 heures.

A.

NOTICE
Sur la vie et les ouvrages de M. John Brinkley, correspondant de l’Académie des Sciences.

La vie scientifique de Brinkley s’étant passée presque tout entière à Dublin, on croit généralement que ce grand astronome était Irlandais ; mais c’est une erreur : Brinkley naquit en Angleterre, et de parens anglais. Il fit ses études au Caïus college de Cambridge, où d’éclatans succès le signalèrent de bonne heure à l’attention des amis des sciences. Dans un concours pour la plus haute dignité universitaire qui puisse être accordée aux élèves, celle de Senior Wrangler, il l’emporta sur tous ses concurrens au nombre desquels se trouvait Malthus, devenu depuis si célèbre par le grand ouvrage sur la population. Pourvu bientôt après d’un Fellowship, Brinkley se livra avec ardeur à l’enseignement, dans ce même Caïus college, dont il avait, comme élève, augmenté la renommée.

En quittant Cambridge, il alla occuper, à l’université de Dublin, la chaire d’astronomie devenue vacante par la mort de Uscher. Les archives de l’Observatoire, les mémoires de l’Académie d’Irlande, les transactions de la Société Royale de Londres ont recueilli les fruits précieux de son zèle infatigable. Dans chacun des écrits de Brinkley, on trouve l’historien fidèle, l’ami sincère de la vérité, l’observateur exact, le profond mathématicien. Également fiers du savoir et du caractère d’un tel collégue, les académiciens irlandais le placèrent à leur tête, avec le titre de président perpétuel. Dans l’année 1827, le gouvernement lui-même donna à Brinkley la plus haute marque de confiance : il le nomma évêque protestant de Cloyne. Ce siége épiscopal avait déjà été occupé par un homme célèbre, par le métaphysicien Berkeley. Ses revenus sont très considérables. On dut certainement regretter que Brinkley consentît à échanger contre des biens périssables attachés à la dignité ecclésiastique, les découvertes scientifiques qui l’attendaient dans sa première carrière ; en tout cas, aucun de ceux qui le connaissaient ne lui fit l’injure de voir dans son acceptation, autre chose qu’un acte de conscience. À partir du jour où il fut revêtu de l’épiscopat, l’homme dont toute la vie avait été consacrée, jusque là, à la contemplation du firmament et à la solution des questions sublimes que recèlent les mouvemens des astres, divorça complétement avec ces douces, avec ces entraînantes occupations, pour se livrer sans partage aux devoirs de sa charge nouvelle. Afin d’échapper, je suppose, à la tentation, l’ex-directeur de l’Observatoire royal d’Irlande, l’ex-andrew’s professeur d’astronomie de l’université n’avait pas même dans son palais la plus modeste lunette. On doit la révélation de ce fait presque incroyable, à l’indiscrétion d’une personne qui s’étant trouvée chez l’évêque de Cloyne un jour d’éclipse de lune, eut le déplaisir, faute d’instrumens, de ne pouvoir suivre la marche du phénomène qu’avec ses yeux.

Brinkley est mort à Dublin, le 13 septembre 1835. Ses restes inanimés ont été suivis avec le plus profond recueillement par toutes les personnes consacrées à l’étude que renferme la capitale de l’Irlande ; on les a déposés dans la chapelle de l’Université. Le catalogue bibliographique suivant fera, je l’espère, suffisamment apprécier l’astronome, le professeur, le géomètre. Quant à l’homme moral, pourrais-je rien dire de plus significatif que ces simples paroles d’une lettre qui m’arrive à l’instant :

« Je ne pense pas que jamais personne ait été plus universellement regretté. J’ose affirmer que Brinkley n’avait pas un seul ennemi ! » Brinkley habitait cependant cette malheureuse Irlande, foyer de tant de passions ardentes, de tant de haines implacables, de tant de cruelles misères !

Catalogue chronologique des mémoires publiés par John Brinkley.
Démonstration générale du théorème de Cotes, déduite des seules propriétés du cercle.
(Lu à l’Académie d’Irlande le 4 novembre 1797 ; imprimé dans le 7e volume des Transactions of the Royal Irish Academy.)

Les démonstrations du théorème de Cotes données par Moivre, par Maclaurin, etc., reposaient sur les propriétés de l’hyperbole et sur l’emploi de quantités imaginaires. Brinkley, comme le titre de son mémoire l’indique, a cru devoir essayer d’arriver au même théorème en ne faisant usage que des propriétés du cercle. Sa démonstration n’occupe que quatre pages.

Méthode qui conduit, quand cela est possible, à la valeur d’une variable en fonction de puissances entières d’une seconde variable et de quantités constantes, les deux variables étant liées entre elles par des équations données. Doctrine générale du retour des suites, de la détermination approchée des racines des équations ordinaires et de la résolution en séries des équations différentielles.
(Lu le 3 novembre 1798 à l’Académie de Dublin ; imprimé dans le 7e volume des Transactions of the Royal Irish Academy.)

Le but de l’auteur est précisément celui qu’Arbogast se proposa dans son Calcul des Dérivations. Les deux ouvrages ont été publiés à la même date, ainsi aucune discussion de priorité ne pourrait s’élever ; au surplus, si l’objet est le même, les procédés sont différens. Brinkley attache une importance toute particulière aux théorèmes qu’il a trouvés pour déterminer les différentielles des divers ordres per saltum, c’est-à-dire sans passer par la série des différentielles des ordres moins élevés. Pour rendre les avantages de sa méthode évidens, il l’applique à un grand nombre de problèmes déjà traités par d’autres géomètres.

Sur les orbites que les corps décrivent quand ils éprouvent l’action d’une force centripète dont l’intensité varie suivant une puissance quelconque de la distance.
(Lu à l’Académie royale d’Irlande le 9 mars 1801 ; imprimé dans le tome 8
de ses Transactions.)

Ce mémoire peut être considéré comme un très bon commentaire des 8me et 9me sections du premier livre des Principes. Brinkley y signale les erreurs que Frisi et Walmesley avaient commises en traitant la question si délicate du mouvement des apsides. Il ne fait pas encore usage de la notation leibnitienne des différentielles.

Sur la détermination d’un nombre indéfini de portions de sphère, dont les superficies
et les volumes sont en même temps assignables algébriquement.
(Lu le 2 novembre 1801 à l’Académie de Dublin ; imprimé dans le volume 8
des Irish Transactions.)

Le célèbre problème que Viviani proposa en 1692, avait pour objet la détermination d’une certaine portion de la surface de la sphère, ou si l’on veut, d’une certaine étendue de voûte à forme sphérique, dont la superficie devait être exactement assignable. Dans un mémoire qui fait partie de la collection de Pétersbourg pour l’année 1769, Euler traita une seconde question, celle de la voûte cubable. Bossut remarqua plus tard (voyez Mémoires de l’Institut tome 2) que la construction de Viviani pour la voûte hémisphérique quarrable, donne en même temps une solution du problème de la voûte hémisphérique cubable. Dans le mémoire dont on vient de lire le titre, Brinkley établit qu’on peut obtenir un nombre indéfini de portions de sphère qui soient à la fois quarrables et cubables. Le théorème de Bossut est un cas particulier de la solution générale donnée par le géomètre de Dublin.

Examen des différentes solutions qui ont été données du problème de Képler ; indication d’une très courte solution pratique du même problème.
(Lu à l’Académie d’Irlande le premier novembre 1802 ; imprimé dans le 9me volume
des Transactions of the Royal Irish Academy.)

Le problème de Képler a pour objet la détermination de la position elliptique d’une planète, d’après la connaissance de sa position moyenne et de l’excentricité de l’orbite. Ce problème n’est pas susceptible d’une solution rigoureuse. La solution approchée est contenue dans une série que les géomètres ont poussée assez loin et qui se déduit des équations fondamentales du mouvement elliptique. Avant que cette série n’eût été trouvée, on arrivait au but par des méthodes indirectes, fort ingénieuses et plus ou moins exactes. Parmi ces méthodes, il faut distinguer d’abord celle de Képler lui-même ; ensuite les méthodes si célèbres de Seth Ward, de Bouillaud, de Mercator, lesquelles, à proprement parler, n’étaient pas des déductions de la loi des aires, mais se fondaient sur des hypothèses dont la fausseté ne fut bien établie que par la découverte de la cause physique des mouvemens célestes, car elles représentaient les anciennes observations des planètes, avec une précision vraiment remarquable. En suivant l’ordre des dates, on passe de Mercator aux deux procédés donnés par Newton dans l’immortel traité de philosophie naturelle, et bientôt après à ceux de Jacques Cassini, de Lacaille, de Thomas Simpson, de Mathew Stewart. Brinkley étudie ces diverses méthodes, les approfondit, les compare entre elles, en apprécie l’exactitude. Un ouvrage d’astronomie, dans lequel l’auteur parcourrait toutes les questions importantes avec le même soin, avec la même clarté, serait véritablement sans prix.

Théorème servant à trouver la surface d’un cylindre oblique à base circulaire, suivi de sa démonstration géométrique.
(Lu à l’Académie de Dublin le 20 décembre 1802 ; imprimé dans le 9me volume
des Irish Transactions.)

Le théorème élégant donné et démontré par Brinkley dans ce mémoire, peut s’énoncer ainsi :

La surface d’un cylindre oblique à base circulaire, est égale à celle d’un rectangle dont un côté serait le diamètre de cette base et l’autre côté la circonférence d’une ellipse ayant pour axes la hauteur verticale du cylindre et la longueur de ses arètes.

Recherche du terme général d’une série qui est très importante dans la méthode inverse des différences finies.
(Lu à la Société Royale de Londres le 26 février 1807 et inséré dans le vol.
des Transactions philosophiques de la même année.)

L’auteur s’occupe des théorèmes sur les différences finies que Lagrange donna dans le volume de l’Académie de Berlin pour l’année 1772 et qui furent ensuite démontrés par Laplace. Ce beau mémoire n’est pas connu, ce me semble, des géomètres du continent autant qu’il le mérite. On en trouve, cependant, quelques extraits dans le 3me vol. du grand et excellent ouvrage de M. Lacroix.

Sur la solution que Newton a donnée du problème qui consiste à trouver quelle relation doit exister entre la résistance et la gravité pour qu’un corps décrive une courbe donnée.
(Lu le 25 mai 1807 à l’académie de Dublin ; imprimé dans le 11me vol.
des Irish Transactions.)

La solution de ce problème, publiée dans la première édition des Principes, était certainement inexacte ; mais les plus grands géomètres, les Nicolas Bernoulli, les Lagrange, etc., ne se sont pas accordés quand il a fallu dire en quoi consistait véritablement l’erreur de Newton. Indiquer nettement, sans ambiguïté, la source de cette erreur, tel est le principal objet que Brinkley s’est proposé dans le mémoire dont on vient de lire le titre.

Recherches relatives au problème dans lequel on se propose de corriger les distances apparentes de la Lune au Soleil ou aux étoiles, des effets de la parallaxe et de la réfraction. Solution facile et concise de cette question.
(Lu le 7 mars 1808 à l’Académie de Dublin ; imprimé dans le 11me vol.
des Irish Transactions.)

La recherche de la correction de la distance observée exige, suivant les cas, des attentions minutieuses dont les marins sont quelquefois embarrassés. Au contraire, le calcul direct de la distance réduite, s’effectue toujours de la même manière. Par ce motif, c’est le calcul direct que Brinkley se propose.

Sa méthode est simple et très expéditive.

Mémoire concernant la parallaxe annuelle de certaines étoiles.
(Lu le 6 mars 1813 à l’Académie de Dublin ; imprimé dans le 12me volume
des Irish Transactions.)

Douze mois d’observations conduisent Brinkley aux parallaxes suivantes :

de l’Aigle
3″,0
Arcturus
1″,1
de la Lyre
0″,7
du Cygne
0″,9

du Dragon passe au méridien une demi-heure seulement avant la Lyre. La différence de hauteur de ces deux étoiles n’est pas tout-à-fait de 13°. La cause, quelle qu’en fût la nature, qui rendrait les observations de la Lyre inexactes et donnerait à cette étoile une apparence de parallaxe, semblerait devoir produire le même effet sur du Dragon ; or, les observations que Brinkley a faites de du Dragon, ne conduisent à aucune parallaxe appréciable.

Recherches analytiques sur les réfractions astronomiques ; comparaison des tables qui en résultent avec les observations de quelques étoiles circumpolaires.
(Lu le 9 mai 1814 à l’Académie de Dublin ; imprimé dans le tome 12me
des Transactions of the Royal Irish Academy).

Brinkley obtient l’équation différentielle de la trajectoire du rayon lumineux, telle que Laplace l’a donnée dans la Mécanique céleste, mais en partant seulement de la loi du sinus, et sans recourir à la considération des attractions moléculaires à petites distances. Il trouve à cela, dit-il, l’avantage de ne rien supposer sur la nature de la lumière. Cet avantage, en le supposant réel, n’est pas, ce me semble, de longue durée, car bientôt l’auteur introduit dans ses formules, une expression à laquelle la force réfractive de l’air doit être proportionnelle : or cette expression n’a un sens que dans la théorie de l’émission !

L’intégrale de Brinkley a une forme commode. Des deux parties qui la composent, la première donnerait la valeur de la réfraction si la terre était plane ; la seconde fait connaître l’effet de la courbure des couches atmosphériques. On voit ainsi aisément, que jusqu’à 74° du zénith, cette dernière partie peut être négligée et que l’autre est indépendante de la loi de la densité de l’air.

Les erreurs des tables de réfraction du Bureau des Longitudes, d’après les observations de la Lyre faites par Brinkley à 87°42′ du zénith, varient entre +18″,2 et −17″,4.

Sur les observations faites au collége de la Trinité à Dublin, avec un cercle depieds de diamètre, et qui semblent indiquer une parallaxe annuelle dans certaines étoiles.
(Lu à l’Académie d’Irlande le 9 mai 1814 ; imprimé dans le 12me volume
des Transactions of the Royal Irish Academy.)

Brinkley trouve pour la parallaxe annuelle (en appelant ainsi l’angle soutendu à chaque étoile par le rayon de l’orbite terrestre) les résultats suivans :

de l’Aigle
2″,7
Arcturus
1″,1
de la Lyre
1″,0
du Cygne
1″,0

Ces résultats n’ont pas été généralement adoptés. On a supposé que les changemens de température pouvaient occasionner quelque déformation dans l’instrument de Dublin. À cela ou à toute autre cause semblable, Brinkley fait une réponse qui semble démonstrative ; il montre que les observations de la Chèvre, de du Taureau, de la Polaire, de du Dragon, de de la Grande-Ourse, faites avec le même cercle, ne donnent pas de parallaxe ; or pourquoi la déformation, par exemple, n’aurait-elle agi que sur les observations des quatre premières étoiles ?

Recherches d’astronomie physique principalement relatives à la détermination du moyen mouvement du périgée lunaire.
(Lu le 21 avril 1817 ; imprimé dans le volume 13me
des Transactions of the Irish Academy.)

En traitant séparément la question du déplacement des apsides de la Lune, l’auteur espère rendre ce phénomène plus facile à saisir qu’il ne l’est dans les théories générales qu’on a données du mouvement de notre satellite. Son but est aussi d’arriver au résultat, sans rien emprunter ni à la forme préconçue des intégrales, ni aux observations. Pour faire apprécier nettement sa pensée, Brinkley cite un passage du livre VII de la Mécanique céleste, dont il est bien loin de nier l’exactitude, mais où il croit voir dans la forme une sorte de cercle vicieux. À l’occasion de ce mémoire dans lequel, pour le dire en passant, la notation de Leibnitz a entièrement remplacé enfin celle des fluxions, Brinkley reçut de l’Académie Royale d’Irlande la médaille de Conyngham.

Observations relatives à la forme des quantités constantes arbitraires qu’on rencontre dans l’intégration de certaines équations différentielles, comme aussi dans l’intégration de certaines équations aux différences finies.
(Lu le 23 juin 1817 à l’Académie de Dublin ; imprimé dans le tome 13e
des Irish Transactions.)

Les cas exceptionnels qu’offrent diverses intégrales, quand on donne certaines valeurs particulières aux constantes qu’elles renferment, ont excité les méditations des géomètres. Brinkley traite à son tour ce sujet en s’appuyant sur des considérations qui lui semblent plus rigoureuses que celles dont Lagrange avait fait usage.

Sur la parallaxe de certaines étoiles.
(Lu à la Société royale de Londres, le 5 mars 1818 ; imprimé dans les Transactions philosophiques de la même année.)

Les observations faites à Greenwich, par M. Pond, avec le cercle mural de Troughton, n’ayant pas confirmé, quant à la parallaxe, les résultats déduits des observations du grand cercle mobile de Dublin, Brinkley se livre, dans ce mémoire, à un examen minutieux de toutes les erreurs auxquelles les muraux exposent les astronomes. C’est pour le fond et pour la forme, un modèle de discussion. Le mémoire renferme, en outre, de nouvelles déterminations de parallaxe basées sur l’ensemble des observations faites à Dublin, de 1808 à 1818. Brinkley trouve :

Pour la Lyre
0″,66
Pour du Cygne
0,78
Pour de l’Aigle
2,53
Pour du Dragon
0,00

(J’appelle toujours parallaxe, l’angle soutendu par le rayon de l’orbite terrestre.)

Résultats des observations faites à l’Observatoire du collége de la Trinité, à Dublin, pour déterminer l’obliquité de l’écliptique et le maximum de l’aberration de la lumière.
(Lu à la Société royale de Londres, le 1er avril 1819 ; imprimé dans les Transactions Philosophiques pour la même année.)

D’après 16 solstices d’été observés par MM. Oriani, Pond, Arago, Mathieu, et par lui-même, l’auteur trouve, pour l’obliquité moyenne de l’écliptique,

À la date du 1er janvier 1813
23° 27′ 50″,45.

Les observations de Bradley, recalculées par M. Bessel, et rapportées

Au 1er janvier 1755, donnent
23° 28′ 15″,49
Diminution en 58 ans
25,04
Diminution annuelle
0,43

Les observations de distances zénithales faites en 1818, ont conduit Brinkley, pour le maximum d’aberration, aux valeurs suivantes :

de Cassiopée
20″,72
Polaire
20,63
Grande-Ourse
20,04
id.
21,20
id.
21,36
id.
20,15
id.
21,12
Moyenne
20,80
Les observations de Bradley, faites à Wanstead avec un secteur zénithal, donnèrent
20,00
Les observations de Bradley, faites à Greenwich, recalculées nouvellement, ont donné à M. Bessel
20,70
D’après la vitesse de la lumière déduite des satellites de Jupiter, on adoptait généralement
20,25
Méthode servant à calculer les réfractions astronomiques pour des objets voisins de l’horizon.
(Lu à l’Académie de Dublin le 17 janvier 1820 ; imprimé dans le 13me vol.
des Irish Transactions.)

On admet généralement que la valeur de la réfraction astronomique qu’éprouve la lumière venant des objets voisins de l’horizon, est comprise entre la réfraction théorique calculée dans l’hypothèse d’une température constante des couches de l’atmosphère, et celle que l’on obtient en partant de la supposition d’un décroissement uniforme de densité. En rejetant la constance de la température, M. Bessel a cherché et trouvé la loi qu’il fallait lui substituer pour représenter les observations. Brinkley, à son tour, essaie d’arriver au même but par une modification de la loi des densités. Les différences entre le calcul et les observations journalières sont trop grandes, trop irrégulières, pour qu’il puisse être question ici d’autre chose que de résultats moyens.

Méthode servant à corriger les premiers élémens approchés de l’orbite d’une comète. Application de cette méthode à la comète du mois de juillet 1819.
(Lu à l’Académie d’Irlande, le 17 avril 1820 ; imprimé dans le volume 13me
des Irish Transactions.)

La méthode de correction de Brinkley, est une modification, ou, si on l’aime mieux, un perfectionnement de celle que Laplace a donnée dans la Mécanique céleste.

Discussion des observations faites à Dublin, depuis le commencement de 1818, dans la vue de déterminer la parallaxe de certaines étoiles et la constante de l’aberration.
(Lu à la Société royale de Londres, le 21 juin 1821 ; imprimé dans les Philosophical Transactions de la même année.)

L’auteur se montre si vivement contrarié du désaccord, d’ailleurs si petit, de ses observations avec celles de Greenwich, qu’il les multiplie, les groupe, et les discute de toutes les manières possibles, avec l’espérance d’y trouver quelque erreur ; mais ses efforts ne font jamais disparaître les petites parallaxes. Voici les résultats numériques de ce nouveau travail :

Constante
de l’aberration.
Parallaxe.
Polaire
20″,18
−0″,03
de la Grande-Ourse
20,16
+0,02
20,48
+0,39
20,29
+0,33
20,23
+0,28
20,76
+0,13
Arcturus
20,04
+0,60
de la Petite-Ourse
20,49
−0,13
d’Ophiuchus
20,39
+1,57
du Dragon
19,86
−0,08
de la Lyre
20,36
+1,21
de l’Aigle
21,32
+1,57
du Cygne
20,52
+0,33

N’est-il pas curieux, dit l’auteur, si mes parallaxes sont une illusion, qu’il ne s’en soit présenté aucune d’un peu grande avec le signe négatif ; que les distances zénithales, s’il y a erreur, aient toujours varié, comme l’exige le mouvement de translation de la Terre autour du Soleil.

Élémens de la comète du capitaine Hall.
(Lu à la Société Royale de Londres, le 10 janvier 1822 ; imprimé dans les Transactions philosophiques de la même année.)

On trouve dans ce mémoire les élémens d’une comète observée à Valparaiso, par le capitaine Basil Hall. Cet astre, avant son passage au périhélie, avait déjà été aperçu en Europe.

De la nutation solaire, déduite des observations des distances polaires des étoiles. De cette détermination considérée comme une confirmation des valeurs assignées aux parallaxes de certaines étoiles fixes.
(Lu à l’Académie de Dublin, le 1er avril 1822 ; imprimé dans le 14e volume
des Irish Transactions.)

L’objet de ce mémoire est clairement indiqué dans ces quelques lignes, que je me contente de traduire :

« La nutation solaire, déduite de la théorie, est depuis long-temps appliquée par les astronomes à la correction des observations des distances polaires. Sa valeur est connue dans d’étroites limites, et son maximum, pour les distances polaires de toutes les étoiles, est d’environ 0″,5. C’est moins, comme on voit, que les quantités auxquelles je suis arrivé pour les parallaxes de certaines étoiles. Si donc je parviens à déterminer la nutation solaire, il en résultera que mes observations sont assez exactes pour être employées à la détermination des plus petites quantités.

» La nutation solaire passe, par toutes ses valeurs, deux fois dans l’intervalle d’une année. Il semble donc impossible d’admettre qu’une cause d’erreur qui altérerait mon instrument de manière à donner des apparences de parallaxe à des astres qui en seraient dépourvus, puisse conduire à une détermination exacte de la nutation solaire. »

Voici quelques-uns des résultats obtenus par Brinkley :

Par les observations de la Lyre :
Nutation solaire
0″,51
Constante de l’aberration
20,35
Parallaxe
0,57
Par les observations de du Dragon :
Nutation solaire
0″,42
Constante de l’aberration
19,74
Parallaxe
−0,03
Par les observations de de la Grande-Ourse :
Nutation solaire
0″,58
Constante de l’aberration
20,68
Parallaxe
0,10
Par les observations de du Cygne :
Nutation solaire
0″,56
Constante de l’aberration
20,31
Parallaxe
0,50
Par les observations d’Arcturus :
Nutation solaire
0″,44
Constante de l’aberration
19,81
Parallaxe
0,44
Par les observations de de l’Aigle :
Nutation solaire
0″,96
Constante de l’aberration
21,19
Parallaxe
1,73

Les valeurs inexactes de la nutation solaire et de la constante de l’aberration données par les observations de de l’Aigle, déterminent Brinkley à ajourner toute conclusion sur la parallaxe de cette étoile.

Sur les distances polaires des principales étoiles fixes.
(Lu à la Société royale de Londres le 18 décembre 1823 ; imprimé dans les Transactions philosophiques de 1824.)

M. Pond avait tiré de la comparaison de ses deux catalogues de 1813 et de 1823, la conséquence que toutes les étoiles ont, plus ou moins, un mouvement dirigé vers le sud. Brinkley ne croyait pas à ce mouvement ; dans le mémoire dont je viens de transcrire le titre, il combat les idées de M. Pond, soit d’après ses propres observations, soit en employant celles des secteurs zénithaux de Wanstead (Bradley), de Schehallien (Maskelyne), de Dunnose (Mudge), du Mysore (Lambton).

Remarques sur la parallaxe de de la Lyre.
(Lu à la Société Royale de Londres le 11 mars 1824 ; imprimé dans les Transactions philosophiques de la même année.)

M. Pond avait déduit de la comparaison des observations de Greenwich avec celles de Dublin, la conséquence que les cercles mobiles sont des instrumens moins exacts que les cercles muraux. Brinkley soutient l’opinion contraire.

Résultats de l’application qui a été faite du collimateur flottant du capitaine Kater, au cercle astronomique de l’Observatoire de Dublin.
(Lu à la Société Royale de Londres le 27 avril 1826 ; imprimé dans les Transactions philosophiques de la même année.)

Dans ce mémoire, Brinkley se propose de prouver que l’instrument du capitaine Kater est susceptible d’une beaucoup plus grande exactitude que les astronomes et les artistes n’ont semblé disposés à le croire.


Élémens d’Astronomie, 1 vol. in-8o de 328 pages.
La première édition est de 1813 ; la seconde de 1819.

Ces élémens sont le résumé des leçons d’astronomie professées à l’Université de Dublin, où Brinkley occupa pendant de longues années la chaire fondée par Andrew. On comprendra aisément que l’auteur n’a pas pu avoir la prétention de donner un traité complet en 328 pages in-8o ; qu’il a dû se borner à faire connaître l’esprit des méthodes ; que beaucoup de questions ont été nécessairement négligées ; mais tout ce que l’ouvrage renferme est remarquable par l’élégance et la clarté. À chaque ligne, on retrouve l’astronome également au fait des calculs et des observations.


Après avoir mentionné tant de travaux d’astronomie et de mathématiques pures, il eût été piquant d’ajouter à cette longue liste les titres de quelques mémoires de botanique et de législation. J’ai appris que Brinkley s’était livré à l’étude de ces deux sciences avec une prédilection toute particulière et de grands succès ; mais le temps ne m’a pas permis de rechercher s’il existe dans les collections académiques, quelque description de plante ou quelque discussion de loi, sorties de la plume du célèbre astronome de Dublin.


Bulletin bibliographique.

L’Académie a reçu dans cette séance les ouvrages dont voici les titres :

Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des Sciences, année 1835, no 10, in-4o.

Expédition scientifique de Morée, publiée sous la direction de M. Bory de Saint-Vincent ; 35e livraison, in-folio.

Conspectus regni vegetabilis secundum caracteres morphologicos præsertim carpicos in classes ordines et familias digesti, etc. ; par M. le docteur Martius ; Nuremberg, 1835, in-8o.

Mémoire sur le mouvement du pendule, dans un milieu résistant ; par M. J. Plana ; Turin, 1835, in-4o.

Notes bibliographiques sur l’ouvrage d’Hortensio Lando, intitulé : Sermoni funebri de vari authori nella morte de diversi animali ; par M. Huzard ; Paris, 1835, in-8o.

Histoire complète des ruptures et déchiremens de l’utérus, du vagin et du périnée ; par M. Duparcque ; Paris, in-8o.

Carte topographique du lac Titicaca ou Chucuito et d’une partie du grand plateau des Andes (Bolivia et Pérou) ; par M. D’Orbigny ; Paris, 1835.

Carte de la Lune ; par MM. G. Beer et J. Madler ; 2e partie.

Histoire naturelle des Insectes coléoptères ; par MM. De Castelnau et Gory ; 3e livraison, in-8o.

De la perrotine ; par M. Gors, une demi-feuille, in-8o.

Mémorial encyclopédique et progressif des Connaissances humaines ; 5e année, no 57, in-8o.

Actes de la Société linnéenne de Bordeaux ; tome 7, 4e livraison, in-8o.

Quelques conseils aux cultivateurs à propos de la sécheresse qui règne depuis deux ans ; par M. Girardin. Brochure in-8o. Rouen, 1835.

Archives générales de Médecine, 2e série, tome 9, in-8o.

Société centrale d’Agriculture du département de la Seine-Inférieure ; par M. J. Girardin ; Rouen, 1835, in-8o.

Gazette médicale de Paris, no 41.

Gazette des hôpitaux, nos 119–121.

Journal de santé, no 111.


  1. M. Peltier a construit, depuis deux ans, des multiplicateurs dont la déviation est, suivant lui, exactement proportionnelle aux forces. Ainsi une déviation de 48° est le résultat d’une action double de celle qui engendrerait une déviation de 24° ; quadruple de celle qui donnerait une déviation de 12° ; etc. On sait que rien de semblable n’a lieu avec les multiplicateurs ordinaires. Les nombres de la table sont donc proportionnels aux forces du courant.
  2. Ces résultats sont rapportés dans la Connaissance des Tems pour 1833 ; on y a seulement introduit les corrections résultantes de la fixation nouvelle de la masse de Jupiter.